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27/09/2018 | FRANCE | N°17/07275

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre b, 27 septembre 2018, 17/07275


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE


8e Chambre B





ARRÊT AU FOND


DU 27 SEPTEMBRE 2018





N° 2018/ 501




















N° RG 17/07275





N° Portalis DBVB-V-B7B-BAMB2











E... X...








C/





Société JYSKE BANK A/S


































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Grosse délivrée


le :


à :





- Me Myriam Y... de la Z... , avocat au barreau de GRASSE





- Me Isabelle A... de la SELARL LIBERAS A... & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE























Décision déférée à la Cour :





Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 08 Novembre 2016 enregistré(e) au répertoire géné...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 27 SEPTEMBRE 2018

N° 2018/ 501

N° RG 17/07275

N° Portalis DBVB-V-B7B-BAMB2

E... X...

C/

Société JYSKE BANK A/S

Grosse délivrée

le :

à :

- Me Myriam Y... de la Z... , avocat au barreau de GRASSE

- Me Isabelle A... de la SELARL LIBERAS A... & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 08 Novembre 2016 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 12/05287.

APPELANTE

Madame E... X...

demeurant [...]

représentée par Me Myriam Y... de la Z... , avocat au barreau de GRASSE

INTIMÉE

Société JYSKE BANK A/S

société de droit danois, prise en son [...] , immatriculée au RCS de NICE sous le n° [...] sis [...]

Représentée en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités au siège social sis

dont le siège social est VESTERGADE 8-16 - DK 8600 - 06000 SILKEBORG DANEMARK

représentée par Me Isabelle A... de la SELARL LIBERAS A... & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Romain B..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

et assistée de Me Aurélie C..., avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785,786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Juin 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise PETEL, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Madame Valérie GERARD, Président de chambre

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Anne DUBOIS, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Lydie BERENGUIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Septembre 2018.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Septembre 2018

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Lydie BERENGUIER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

LA COUR

Selon une offre du 4 septembre 2007 acceptée le 25 septembre suivant, mentionnant qu'elle est établie conformément aux dispositions des articles L 312-1 et suivants du code de la consommation relatives au crédit immobilier, la Jyske Bank A/S, établissement de crédit danois disposant à l'époque d'une agence à Cannes, a consenti à Mme E... X..., de nationalité anglaise, domiciliée à [...] (06), un prêt in fine multi-devises de 250000€ ou 'l'équivalent, à la date de tirage du prêt, dans l'une des principales devises européennes, Dollars américains ou Yens japonais'.

L'offre a été réitérée par acte notarié du 10 décembre 2007.

Garanti par une hypothèque conventionnelle de premier rang sur la maison d'habitation dont Mme X... est propriétaire à [...], le prêt est consenti sur 10 ans à un taux variable indexé sur le 'Jyske Bank Funding Rate' majoré de 1,5 point. Il est remboursable en 40 échéances trimestrielles, 39 échéances d'intérêts et une échéance finale constituée d'un trimestre d'intérêts et du capital prêté.

Au jour de l'offre, le taux conventionnel était de 6,32 %.

L'offre mentionne que le prêt est destiné à 'dégager des liquidités en fonction' de l'immeuble appartenant à Mme X.... Selon un montage usuel, il a été consenti pour un montant excédant les besoins de Mme X..., limités à la somme de 70 000 € qu'elle destinait à des travaux de rénovation, le solde étant affecté, à concurrence de 10 000 € au paiement de frais et de 170 000€ à des investissements financiers dont la rentabilité devait assurer le paiement des intérêts et la valorisation le remboursement du capital à l'échéance du terme de dix ans.

Libellé en euros dans la convention, le prêt a été inscrit en compte en francs suisses, conformément à la demande de Mme X..., laquelle disposait de la faculté, rappelée sur les arrêtés de compte trimestriels, d'opter à chaque échéance d'intérêts pour une autre devise. L'économie du prêt repose sur la distinction entre la monnaie de paiement, l'euro, et la monnaie de compte choisie par l'emprunteur dont la contrevaleur en euros fluctue en fonction du taux de change.

D'un montant de 412 650 CHF, le prêt a été versé le 6 décembre 2007 à concurrence de 402 993,99 CHF sur le compte ouvert au nom de Mme X... dans les livres de la Jyske Bank, le solde étant affectés au paiement de frais de notaire et de frais bancaires. Le taux d'intérêt était alors de 4,4375 % ; il en résultait une échéance trimestrielle d'intérêts de 4 832,16 CHF.

La convention de prêt stipule à l'article 11 que dans le cas où, par l'effet de la variation des taux de change, l'endettement en cours viendrait à dépasser le montant de 167 000 livres sterling, seuil intitulé 'Limite de facilité Sterling', la banque dispose de la faculté discrétionnaire de convertir l'encours de prêt en livres sterling, au taux de change dont elle fait application au jour de la conversion, ou de réaliser les sûretés, ou de les appeler.

Le 20 septembre 2007, cinq jours avant l'acceptation de l'offre, Mme X... avait signé une 'Déclaration de compréhension' par laquelle elle reconnaît avoir pris connaissance des modalités du prêt, des risques découlant de l'évolution du taux de change et de la variation du taux d'intérêt et du 'danger' encouru par le bien immobilier en cas de défaillance dans l'obligation de remboursement.

Par lettre du 13 janvier 2011, la Jyske Bank a fait connaître à Mme X... qu'en raison du renforcement du franc suisse, elle avait l'intention, en cas de poursuite de cette évolution défavorable, de convertir le montant du prêt en euros, 'conformément à l'article 11", sauf remboursement anticipé ou constitution d'une garantie supplémentaire.

La conversion en euros est intervenue le 9 août 2011.

Le 19 septembre 2012, Mme X... a fait assigner la Jyske Bank, à titre principal, en résolution de la convention de prêt et en paiement de dommages-intérêts à raison de manquements à des obligations contractuelles, subsidiairement, en indemnisation du préjudice découlant de manquements à des obligations de conseil, d'information précontractuelle et de mise en garde et en nullité ou inopposabilité des clauses stipulant un taux variable et une faculté de conversion.

Par jugement contradictoire du 8 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Grasse a:

- déclaré irrecevables comme prescrites la demande en nullité de l'article 4 de la convention de prêt et la demande en déchéance du droit aux intérêts pour violation du délai de réflexion ;

- dit que les dispositions des articles L 312-8, L 312-9, L 313-1 du code de la consommation, 1907 du code civil et L 533-13 du code monétaire et financier en vigueur lors de la formation du contrat ont été respectées ;

- dit que les dispositions de l'article L 311-8 du code de la consommation, relatives aux crédits à la consommation, n'ont pas vocation à s'appliquer ;

- dit que les articles 4 et 11 du contrat de prêt ne constituent pas des clauses abusives ;

- dit que la Jyske Bank n'a pas respecté son obligation d'information et son devoir de mise en garde à l'égard de Mme X... ;

- condamné la Jyske Bank à payer à Mme X... la somme de 125 000 € en réparation de la perte de chance découlant de ce manquement ;

- dit que la Jyske Bank a manqué à ses engagements contractuels par la conversion opérée le 9 août 2011 en une monnaie autre que celle prévue à l'article 11 de la convention de prêt ;

- dit que la gravité du manquement exigée pour justifier la résolution du contrat n'est pas caractérisée ;

- dit que le solde du prêt est constitué de la somme, en francs suisses, due avant la conversion du 9 août 2011, assortie du taux d'intérêt variable applicable depuis lors, déduction faite des paiements réalisés par Mme X... à compter du 9 août 2011 ;

- ordonné la compensation des créances réciproques ;

- rejeté toute autre demande ;

- condamné la Jyske Bank à payer à Mme X... la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- laissé les dépens à la charge de la Jyske Bank.

La Jyske Bank et Mme X... ont relevé appel de ce jugement, respectivement les 3 et 12 avril 2017, sans limiter leurs recours.

****

Vu les conclusions remises le 9 mai 2018, auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile, et aux termes desquelles Mme X... demande à la cour de :

Vu les articles 1104 et 1244-1 du code civil, L 132-1, L 313-2, L 311-8, L 312-8, L 312-10 du code de la consommation, L 513-11 du code monétaire et financier,

- confirmer le jugement sur :

- les manquements à l'obligation d'information et le devoir de mise en garde ;

- la condamnation à payer '180 000 € à titre de dommages-intérêts' ;

- le manquement aux obligations contractuelles en matière de conversion de la devise;

- l'infirmer en ce qu'il a :

- déclaré irrecevable la demande en nullité ;

- dit que les articles L 312-8, L 312-9, L 313-1 du code de la consommation, 1907 du code civil, L 533-13 du code monétaire et financier ont été respectés ;

- dit que les dispositions de l'article L 311-8 du code de la consommation ne sont pas applicables ;

- considéré que les conditions d'une résolution judiciaire ne sont pas réunies ;

- refusé de déclarer abusives les clauses stipulées aux articles 4 et 11 de la convention;

- fixé le solde du prêt à la somme due avant la conversion assortie du taux variable applicable depuis, sous déduction des paiements intervenus ;

- prononcer la résolution du contrat de crédit ;

- déclarer abusives les clauses stipulées aux articles 4 et 11 de la convention ;

- les réputer non écrites, sur le fondement de l'article L 241-1 du code de la consommation ;

- prononcer l'annulation du contrat, dès lors qu'il ne peut subsister en l'absence de la clause stipulée à l'article 4 ;

- remettre les parties dans l'état antérieur à la conclusion du contrat ;

- dire et juger qu'un compte entre les parties devra s'effectuer avec compensation tenant compte des intérêts versés, de l'application du taux légal, des dommages - intérêts octroyés du fait du préjudice subi ;

- condamner la Jyske Bank à payer la somme de 347 667,39 € au titre du préjudice subi ;

- juger que Mme X... pourra s'acquitter du solde éventuel en 24 mois ;

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse d'un rejet de la demande en résolution,

- voir la responsabilité contractuelle de la Jyske Bank engagée pour manquement à des obligations précontractuelles d'information, de mise en garde et de conseil sur le fondement des articles L 311-8, L 312-8 du code de la consommation et L 533-1 du code monétaire et financier;

- dire que la conversion en euros et non en livres sterling constitue une défaillance contractuelle;

- juger par conséquent que Mme X... n'est plus redevable que du principal, déduction faite des intérêts déjà réglés qui s'imputent sur le capital ;

- constater que du fait des manquements de la Jyske Bank, Mme X... a subi un préjudice financier et moral incontestable en lien de causalité ;

- condamner la Jyske Bank à payer la somme de 492 132,55 € ;

- ordonner la compensation avec le capital dû ;

- débouter la Jyske Bank de ses demandes ;

- la condamner aux dépens et au paiement de la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

****

Vu les conclusions remises le 4 juin 2018, auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile, et aux termes desquelles la Jyske Bank demande à la cour de:

Vu les articles 1134 et 1147 du code civil, L 312-8, L 312-9, L 312-10, L 313-1 et L 313-2 du code de la consommation, L 533-13 du code monétaire et financier,

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a :

- déclaré irrecevables la demande en nullité et la demande en déchéance du droit aux intérêts ;

- dit que les dispositions des articles L 312-8, L 312-9, L 313-1 du code de la consommation, 1907 du code civil, L 533-13 du code monétaire et financier ont été respectées;

- dit que les dispositions de l'article L 311-8 du code de la consommation ne sont pas applicables ;

- considéré que les conditions d'une résolution judiciaire ne sont pas réunies ;

- refusé de déclarer abusives les clauses stipulées aux articles 4 et 11 de la convention;

- le réformer en ce qu'il a :

- dit que la Jyske Bank n'a pas respecté son devoir d'information et de conseil à l'égard de Mme X... ;

- condamné la Jyske Bank à payer la somme de 125 000 € à titre de dommages-intérêts, la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

- dit que la Jyske bank n'a pas respecté les termes du contrat lors de la conversion en une autre devise ;

Statuant à nouveau,

- juger que les articles 4 et 11 ne sont pas des clauses abusives ;

- juger qu'elle a exécuté les obligations d'information et de mise en garde ;

- juger que la conversion est valable ;

- débouter Mme X... de ses demandes ;

A titre reconventionnel,

- condamner Mme X... à payer la somme de 395 965,52 €, avant compensation avec les investissements, avec intérêts de retard au taux contractuel à compter de la date d'échéance du prêt ;

A titre subsidiaire en cas d'annulation de la conversion,

- condamner Mme X... à payer la contrevaleur en euros de la somme de 413 644,88 CHF au jour du jugement, avec intérêts de retard au taux contractuel à compter de la date d'échéance du prêt ;

En tout état de cause,

- condamner Mme X... aux dépens, distraits au profit de Maître Philippe D..., et au paiement de la somme de 30 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

****

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 5 juin 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Mme X... agit, à titre principal, aux fins de résolution de la convention de crédit, de constatation du caractère abusif des clauses stipulées aux articles 4 et 11 et, en conséquence de la disparition de la clause d'intérêt, de prononcé de la nullité de la convention; elle sollicite, en outre, le paiement de dommages-intérêts à raison de fautes dans l'exécution de la convention. Subsidiairement, elle forme une demande distincte en paiement de dommages-intérêts à raison de manquements à des obligations d'information, de mise en garde et de conseil.

La Jyske Bank forme appel sur l'anéantissement de la conversion en euros.

Sur la validité des clauses stipulées aux articles 4 et 11 de la convention de prêt

En vertu du premier alinéa de l'article L 132-1 du code de la consommation, applicable dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi N° 2008-776 du 4 août 2008, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre entre les droits et obligations des parties au contrat. Lorsqu'elle est rédigée de façon claire et compréhensible, une clause portant sur la rémunération d'un service ne peut être jugée abusive.

Mme X... soutient, en premier lieu qu'est abusive la clause qui fixe à l'article 4 de la convention les conditions de variation du taux d'intérêt. Elle prétend que la clause n'est ni claire, ni compréhensible et que le taux variable de référence, intitulé Jyske Bank Funding Rate, ne peut être qualifié de taux de base bancaire, faute pour la Jyske Bank de faire partie des banques associées à la formation de l'indice Libor. Elle soutient que la clause instaure un déséquilibre flagrant au détriment de l'emprunteur en lui faisant supporter, par une élévation du taux de référence, les difficultés de refinancement auxquelles la banque peut se trouver confrontée en raison d'erreurs dans l'exercice de son activité.

La clause de variation du taux d'intérêt stipulée à l'article 4 de la convention de prêt est rédigée en ces termes :

'Taux variable : égal au Jyske Bank Funding Rate* + 1,5 % points (soit pour indication, à la date de la présente offre, un total de 6,32 %)

* le taux Jyske Bank Funding Rate est le taux de financement permettant à la Banque d'obtenir un montant identique au prêt, dans la monnaie du prêt, pour la durée du prêt, sur les marchés interbancaires deux jours ouvrables avant le premier jour de la période au cours de laquelle courront les intérêts.'

Le taux de base bancaire, qui ne se confond pas avec le Libor, n'est régi par aucune disposition législative ou réglementaire. Fixé librement par chaque banque, il sert de référence lors de l'octroi de certains crédits.

Ainsi que la Jyske Bank le fait valoir, les risques et avantages liés au caractère variable d'un taux d'intérêt sont toujours corrélés aux conditions de refinancement sur le marché interbancaire dont l'établissement de crédit n'a pas la maîtrise. Les avantages qui en découlent ne sont pas au profit exclusif du prêteur, en cas de hausse des taux de refinancement, puisque la baisse de ces taux bénéficie à l'emprunteur. Il n'en résulte aucun déséquilibre entre les droits et obligations des parties.

En second lieu, Mme X... soutient que la clause de conversion de la monnaie de compte à l'initiative de la banque, stipulée à l'article 11 de la convention, est abusive pour créer un déséquilibre significatif.

L'article 11 stipule que dans le cas où, en fonction de la variation des taux de change, l'endettement en cours viendrait à dépasser le montant de 167 000 livres sterling, seuil intitulé 'Limite de facilité Sterling', la banque dispose de la faculté discrétionnaire de convertir l'encours de prêt en livres sterling, au taux de change dont elle fait application au jour de la conversion, ou de réaliser ou d'appeler les sûretés, ou de demander le remboursement immédiat d'une partie de l'endettement.

Mme X... prétend que la clause crée un déséquilibre contractuel en permettant à la banque de se protéger contre des risques hypothétiques par des pertes irréversibles imposées à ses clients. En outre, elle souligne que la limite de facilité Sterling est fixe alors que les autres facteurs sont variables, le montant du prêt, le taux de l'intérêt, la cotation en bourse du prêteur et la valeur de l'immeuble donné en garantie.

Mais la faculté de conversion reconnue à la banque en cas de dépassement de la limite convenue n'est que le corollaire de la même faculté ouverte à tout moment à l'emprunteur, de façon discrétionnaire, sans qu'aucune condition de seuil ne soit exigée. Elle répond au souhait légitime du prêteur de maintenir une cohérence entre l'encours de prêt et la valeur de la garantie immobilière, exprimée dans une monnaie différente.

Contrairement à ce que soutient Mme X..., la clause de conversion de la monnaie de compte à l'initiative du prêteur ne se cumule pas avec la faculté de réaliser les placements associés au prêt in fine puisque ces placements n'ont pas été nantis au profit de la banque.

Enfin, Mme X... ne peut invoquer utilement un déséquilibre créé par le caractère fixe du seuil de déclenchement, dès lors que la faculté de conversion reconnue à l'emprunteur n'est soumise à aucun seuil.

La clause stipulée à l'article 11 ne crée pas un déséquilibre entre les droits et obligations des parties.

Le jugement attaqué est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande tendant à réputer non écrites les clauses stipulées aux articles 4 et 11.

La demande tendant à l'annulation du contrat de prêt, en conséquence du caractère abusif de la clause de l'article 4, ne peut qu'être rejetée.

Sur le grief de manquement à des obligations d'information précontractuelles

Mme X... reproche à la Jyske Bank, d'une part, l'abstention de tout conseil sur l'intérêt attaché à la souscription d'une assurance et le défaut de remise de la notice énumérant les risques garantis ou non garantis, d'autre part, un défaut de remise de la notice d'information sur les conditions et les modalités de variation du taux d'intérêt prévue à l'article L 312-8 du code de la consommation, enfin un manquement aux obligations d'explication prévues à l'article L 311-8 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi du 1er juillet 2010 et antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 14 mars 2016.

Mais l'établissement de crédit qui consent un prêt n'est pas tenu envers l'emprunteur d'une obligation de conseil sur l'opportunité de souscrire une assurance personnelle. La Jyske Bank n'ayant ni offert, ni exigé l'adhésion de Mme X... à un contrat d'assurance de groupe, il est vain de lui faire grief d'un défaut de remise de la notice prévue à l'article L 312-9 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au jour de l'offre.

En outre, les dispositions du code de la consommation relatives à la remise d'une notice sur les conditions et les modalités de la variation du taux de l'intérêt et aux explications que doit fournir l'établissement de crédit pour permettre à l'emprunteur d'apprécier l'adéquation du crédit à ses besoins et à sa situation n'étaient pas applicables lors de la souscription du prêt, les premières pour être issues de la loi N° 2008-3 du 3 janvier 2008, les secondes de la loi du 1er juillet 2010. Au surplus, les dispositions de l'article L 311-8 du code de la consommation dont se prévaut Mme X..., édictées en matière de crédit à la consommation, ne sont pas applicables au prêt souscrit puisqu'il est soumis par une disposition expresse aux règles régissant les crédits immobiliers.

Mme X... a été informée, par l'offre de prêt et par la déclaration de compréhension, de façon claire, précise et compréhensible, sur les conditions et les modalités du prêt et sur les risques attachés à la variation du taux d'intérêt et au choix d'une monnaie de compte. La déclaration souligne, notamment, 'qu'emprunter dans une devise étrangère peut être considéré comme un risque élevé', que le placement effectué ne 'garantira aucun rendement' et peut donner lieu à une perte en capital , et que le bien immobilier constitué en garantie 'peut être en danger'. La circonstance que les informations sont préimprimées ne les prive pas d'effectivité.

Les griefs ne sont pas fondés.

Le jugement attaqué est infirmé en ce qu'il a considéré que la Jyske Bank n'a pas satisfait à une obligation d'information.

Sur le grief de manquement à la bonne foi contractuelle, la demande en résolution du contrat et la demande en paiement de dommages-intérêts accessoire à la résolution

Se prévalant des dispositions de l'article 1104 du code civil, Mme X... soutient que la Jyske Bank n'a pas exécuté la convention de bonne foi en lui communiquant volontairement des informations inexactes sur la variation du taux de change et sur la nature du taux variable, en ne l'informant pas sur la spéculation dont faisait l'objet le franc suisse, en opérant la conversion au moment le plus défavorable pour ses clients, à seule fin de préserver le cours de son action, en lui promettant une rentabilité mensongère de la fraction investie et en procédant à la conversion de la monnaie de compte en euros, alors qu'elle ne pouvait le faire qu'en livres sterling.

A l'exception du grief de conversion en euros, les allégations de Mme X... ne sont que des affirmations non assorties d'éléments de preuve. C'est ainsi qu'elle ne précise pas en quoi des informations données étaient fausses, qu'elle ne démontre pas que des risques spéculatifs affectaient le franc suisse en 2007 et qu'elle ne justifie pas d'une conversion au moment le plus défavorable, alors que la conversion est intervenue dans une période de grande incertitude sur l'évolution future du taux de conversion EURO / CHF et qu'en 2015 ce taux s'est révélé plus défavorable qu'au jour de la conversion. Enfin, le grief de promesse inconsidérée de rentabilité n'est fondé que sur la remise d'une estimation financière dont le caractère aléatoire avait été porté à la connaissance de Mme X... par la déclaration de compréhension.

En revanche, alors que la convention ne prévoyait que la possibilité d'une conversion en livres sterling, la banque a procédé unilatéralement à une conversion en euros, sans que Mme X... y consente.

Cette exécution défectueuse de la convention doit s'apprécier dans le contexte de grande incertitude sur l'évolution des taux de change et en tenant compte de l'absence de démonstration d'un préjudice qui aurait découlé pour l'emprunteur du choix de l'euro au lieu de la livre sterling stipulée à la conversion.

Qu'il s'ensuit que la conséquence de l'exécution défectueuse de la faculté de conversion ne peut être la résolution de la convention, mesure que sollicite Mme X..., mais seulement l'anéantissement de la conversion et le retour à la situation antérieure.

Le jugement attaqué est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en résolution. Le solde du prêt est ainsi fixé avec application, depuis l'origine, du franc suisse comme monnaie de compte et fixation des intérêts selon le taux conventionnel variable.

La demande en paiement de dommages-intérêts formée accessoirement, en réparation de manquements à des obligations d'information précontractuelles et à la bonne foi contractuelle ne peut qu'être rejetée, dès lors qu'aucun préjudice spécifique ayant un lien de causalité avec la conversion fautive n'est invoqué et que les autres griefs ne sont pas fondés.

Sur le grief de manquement à des obligations de conseil et de mise en garde

Mme X... fait valoir que lorsqu'elle s'est engagée, elle était divorcée, n'avait pour revenus qu'une pension alimentaire de 1 500 € par mois, avait précédemment exercé le métier d'hôtesse de l'air dont elle avait abandonné l'exercice pour élever ses enfants et était propriétaire d'une maison d'habitation acquise un an plus tôt au prix de 480 000 €.

Elle se prévaut de la qualité d'emprunteur non averti pour soutenir que la banque a manqué à une obligation de conseil sur l'adéquation entre ses ressources et les charges du prêt et à une obligation de mise en garde au regard de ses capacités financières et des risques prévisibles, notamment du risque de change.

En vertu du principe de non-immixtion dans les affaires de son client, une banque qui agit en qualité de dispensateur de crédit n'est pas tenue d'un devoir de conseil envers l'emprunteur. Elle n'est tenue que d'une obligation d'information sur les conditions et modalités du prêt et, à l'égard d'un emprunteur non averti, ce qui est le cas de Mme X..., d'une obligation de mise en garde sur le risque d'endettement au regard de ses capacités financières.

Ainsi qu'il a été relevé, la banque a satisfait à l'obligation d'information.

Quant à l'obligation de mise en garde, elle est subordonnée à l'existence d'un risque d'endettement, ce qui n'est pas le cas puisque la valeur de l'immeuble affecté en garantie par Mme X... représentait quasiment le double du montant du prêt.

Enfin, contrairement à ce que soutient Mme X..., le montage consistant dans la souscription d'un prêt in fine comportant une partie investie dans un placement financier, non spéculatif, dont la valorisation escomptée est destinée à assurer le remboursement du capital, ne constitue pas, en lui-même, une opération spéculative de nature à justifier une mise en garde particulière, même dans le cas où le prêt est soumis aux fluctuations d'un taux de change et d'un taux de base bancaire.

Le jugement attaqué est infirmé en ce qu'il a retenu un manquement à l'obligation de mise en garde et a alloué en réparation des dommages-intérêts à Mme X....

Sur la demande reconventionnelle en paiement formée par la Jyske Bank

La cour n'étant pas en mesure de vérifier le montant de la créance invoquée par la Jyske Bank dans ses dernières conclusions du 4 juin 2018, il convient d'en fixer les modalités de calcul et de condamner Mme X... à la payer.

La créance est fixée à la contrevaleur en euros de la somme de 412 650 CHF, au taux applicable au jour du présent arrêt. Elle doit être diminuée du différentiel entre les intérêts payés à compter de la conversion en euros et ceux qui auraient dû être payés en l'absence de conversion, dans le seul cas où le différentiel est favorable à Mme X..., la cour étant tenue dans le cas contraire de rester dans les limites des prétentions de la banque.

En l'absence d'une stipulation fixant le taux des intérêts moratoires, la créance produit intérêts au taux légal à compter de la demande reconventionnelle en paiement formée par conclusions du 4 juin 2018.

Sur la demande en octroi d'un délai de paiement

Mme X... qui n'explique pas de quelle façon elle serait en mesure de s'acquitter de la créance sur un délai de 24 mois, ne peut qu'être déboutée de sa demande en échelonnement ou en report de paiement.

****

Le jugement attaqué est confirmé, sauf en ce qu'il a retenu des manquements aux obligations d'information et de mise en garde, a alloué des dommages-intérêts à Mme X..., a fixé le montant de la créance et a ordonné une compensation de créances.

Mme X..., qui succombe sur l'essentiel, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel. La distraction des dépens d'appel demandée au profit de M. Philippe D..., avocat qui n'est pas intervenu, ne peut être accueillie.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il a retenu des manquements aux obligations d'information et de mise en garde, a alloué des dommages-intérêts à Mme E... X..., a fixé le montant de la créance, a ordonné une compensation de créances, a condamné la Jyske Bans A/S aux dépens et au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées,

Rejette le grief de manquements à des obligations d'information, de conseil et de mise en garde,

Rejette la demande en paiement de dommages-intérêts formée par Mme E... X...,

Y ajoutant,

Dit que la créance de la Jyske Bank A/S sur Mme E... X... est fixée à la contrevaleur en euros de la somme de 412 650 CHF, au taux applicable au jour du présent arrêt, diminuée du différentiel, s'il est favorable à Mme E... X..., entre les intérêts payés à compter de la conversion en euros et ceux qui auraient dû être payés en l'absence de conversion,

Condamne Mme E... X... à payer cette créance avec intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2018,

Rejette la demande en octroi d'un délai de paiement formée par Mme E... X...,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme E... X... aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre b
Numéro d'arrêt : 17/07275
Date de la décision : 27/09/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8B, arrêt n°17/07275 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-27;17.07275 ?
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