COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
11e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 27 SEPTEMBRE 2018
N° 2018/ 293
Rôle N° RG 16/18958 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7NQV
SA CLUB MEDITERRANEE
C/
Monique X... épouse Y...
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Romain Z...
Me Delphine A...
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d'Instance de CANNES en date du 05 Septembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 11-15-0157.
APPELANTE
SA CLUB MEDITERRANEE prise en la personne de son représentant légal en exercice
demeurant [...]
représentée par Me Romain Z... de la SELARL SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Lucien B..., avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
Madame Monique X... épouse Y...
née le [...] à COMBOURG, demeurant [...]
représentée par Me Delphine A..., avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785,786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Juillet 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:
Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente
Mme Brigitte PELTIER, Conseiller
Mme Françoise FILLIOUX, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Agnès SOULIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Septembre 2018.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Septembre 2018
Signé par Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente et Mme Agnès SOULIER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
Par contrat de vente en date du 4 mars 2014, Mme Monique X... née C... alors âgée de 81 ans faisait l'acquisition d'un forfait touristique en vue d'effectuer une croisière sur le navire Club Med 2 dans les Fjords à compter du 14 juillet 2014.
Ayant refusé de participer à l'exercice de sécurité stipulé obligatoire au contrat, elle était débarquée avant le départ de la croisière.
Par acte du 20 janvier elle assignait la SA Club Méditerranée devant le premier juge suite au refus d'indemnisation qui lui avait été opposé.
Par jugement en date du 5 septembre 2009 le Tribunal d'instance de Cannes
ordonnait la résiliation du contrat de vente du 4 mars 2014
condamnait le Club Méditerranée à payer à Mme Monique X... née C... la somme
de 4.468,78€ de dommages et intérêts au titre de son préjudice matériel
de 1.500€ au titre de son préjudice moral
déboutait la SA Club Méditerranée de l'ensemble de ses demandes
rejetait la demande l'exécution provisoire
condamnait la SA Club Méditerranée à payer 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l'instance
Pour le premier juge, au visa des articles 1134 et 1184 du code civil, faute de sanctionner le refus de participer aux exercices de sécurité, le contrat n'a pas permis à Mme C... de mesurer l'étendue de ses obligations, en conséquence de quoi le contrat doit être annulé et le préjudice matériel comprenant les frais de rapatriement et préjudice moral tenant l'âge de Mme C... indemnisé.
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Mme Monique C... a relevé appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 19 octobre 2016.
Les dernières écritures de l'appelante ont été déposées le 21 février 2017 et celles de la SA Club Méditerranée le 15 juin 2018.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 juin 2018.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme C..., dans le dispositif de ses dernières écritures auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande à la cour, au visa des articles 42, 46, 202, 515, 696 et 700 du Code de Procédure civile, des articles 1147, 1184, 1134 du Code civil,
de constater la résolution du contrat et les condamnations prononcées par le jugement déféré, que le 14 juillet 2014, jour de son arrivée, elle a été débarquée du navire de croisière, que le contrat de vente ne prévoit nullement la possibilité de débarquer un passager en cas d'absence de ce dernier aux opérations de sécurité, que la SA Club Méditerranée ne lui a pas fourni ,en dépit de ses demandes, aucune pièce médicale attestant de son auscultation préalable à son débarquement, qu'elle a dû regagner son domicile à ses frais, qu'elle reste particulièrement choquée des événements du 14 juillet 2014, que l'ensemble des arguments de la SA Club Méditerranée sont inopérants, que les attestations fournies ne respectent pas les formes requises.
En conséquence, dire et juger
que les attestations fournies par la SA Club Méditerranée sont sujettes à caution, qu'elle ne pouvait valablement la débarquer, qu'elle n'a point satisfait à son engagement résultant du contrat de vente signé le 4 mars 2014, que la résolution du contrat est assortie de l'allocation de dommages et intérêts
débouter la SA Club Méditerranée de l'ensemble de ses demandes
confirmer le jugement de première instance déféré, en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de vente, sur le montant de l'article 700 alloué et la charge des dépens, condamné la SA Club Méditerranée à lui verser la somme de 4.468,78 € au titre de son préjudice matériel
reformer le jugement dont appel sur le montant des dommages et intérêts sur le fondement de son préjudice moral et condamner la SA Club Méditerranée à lui verser la somme
de 3.000€ au titre de son préjudice moral
de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, outre la mise à sa charge des dépens d°appel, ces derniers distraits au profit de Me Delphine A... D... sur son affirmation de droit.
La SA Club Méditerranée dans le dispositif de ses dernières écritures auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande à la cour, vu les dispositions du Code du Tourisme de réformer le jugement entrepris en son entier dispositif
* à titre principal : de déclarer irrecevable et en tout état de cause infondé l'appel incident et la débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
* à titre reconventionnel :
condamner Mme X... au paiement d'une indemnité de 1.000 € pour procédure abusive et vexatoire
la condamner au paiement d'une indemnité de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Aix en Provence représentée par Maître Romain Z...
Elle fait valoir qu'elle est tenue à une obligation de résultant en matière de sécurité des passagers lesquels doivent être informés des mesures à prendre en cas de situation critique, par applicable de l'article L 5531-1 du code des transports le commandant de bord est dépositaire de l'autorité publique et peut employer des moyens de coercition nécessaires et proportionnés.
Le contrat stipulait l'obligation de participer aux exercices, elle n'a commis aucune faute contractuelle, Mme C... a préalablement aux exercices refusé de remettre les papiers d'embarquement au retour d'une excursion, un médecin a pu constater que son état n'était pas incompatible avec le dit exercice lequel ne requiert aucun effort physique, les croisiériste souvent âgés y participent, seul le comportement gravement fautif de Mme C... est à l'origine de son débarquement.
SUR QUOI LA COUR
Sur l'objet du litige
L'article 4 al 1 du code de procédure civile dispose que ' l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties' il s'en évince que l'opinion formulée par les parties sur un point de pur droit ne constitue pas un terme du litige.
En conséquence de quoi il n'y a lieu à statuer sur les demandes visant à voir dire, juger ou constater l'opinion des parties sur la qualification juridique de faits ou d'actes de nature à nourrir les moyens et arguments en débat.
Les juges du fond ne sont tenus de répondre qu'aux moyens qui articulent un fait précis, dont la preuve est offerte et dont une déduction juridique utile à la solution du litige est tirée, ils ne sont pas tenus de répondre à des conclusions dénuées de pertinence.
Sur la recevabilité de l'appel
Le premier juge n'ayant pas fait droit en totalité à la demande d'indemnisation du préjudice moral , l'appel est recevable.
Sur la résolution du contrat
Les parties se prévalent des dispositions du code civil et du code des transports.
En application de l'article 1134 ancien du code civil applicable à l'espèce le contrat doit être exécuté de bonne foi.
L'article 1184 ancien du même code dispose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
En l'espèce le contrat stipulait l'obligation de participer aux exercices de sécurité sans toutefois préciser la sanction en cas de non respect de cette obligation. Il est constant et non contesté que les dits exercices informatifs ne requièrent aucune compétence physique particulière.
Mme C... ne conteste avoir refusé d'y participer, ni avoir pris part à l'excursion qui les précédait, ce qui témoigne que son état de santé physique était satisfaisant, elle n'argue d'aucune difficulté médicale, elle ne s'explique pas sur le motif de son refus.
Elle ne conteste pas le fond des attestations versées par la SA Club Méditerranée mais seulement leur forme non conforme à l'article 202 du code de procédure civile outre qu'elles émanent de subordonnés du voyagiste, lequel soutient que l'incident a été relaté par le capitaine sur le livre de bord du navire lequel fait foi jusqu'à preuve contraire par application de l'article L 5412-7 du code des Transports
Néanmoins outre que les disposition de l'article 2002 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité, il appartient au juge d'apprécier souverainement si elle présente des garanties suffisantes pour emporter sa conviction.
Or en l'espèce les témoignages sont concordants sur l'agressivité de Mme C..., son comportement vindicatif et son refus de se soumettre aux règles dont il doit être relevé qu'elle avait accepté en souscrivant le contrat. En effet dès avant l'exercice de sécurité elle a refusé de remettre sa carte d'embarquement après l'excursion au motif que cette demande s'apparentait à du flicage, elle s'est enfermée dans sa cabine alors que les passagers étaient invités à se présenter sur les ponts pour l'exercice, ce sans se signaler et n'a argué de problèmes médicaux qu'après l'intervention du personnel de bord, ce alors que le médecin de bord atteste que ' son état de santé ne présentait pas de contre indication médicale immédiate à la réalisation de cet exercice de sécurité obligatoire avant l'appareillage du navire '
De quoi il résulte que Mme C..., qui n'ignorait pas avant de monter à bord l'obligation de participer aux exercices de sécurité, s'y est volontairement soustraite de mauvaise foi, ce malgré l'intervention du commandant de bord, du responsable de la sécurité et du ' chef de village ' et du médecin qui ont tenté de la ramener à la raison, ce qui suffit à caractériser l'exécution fautive du contrat de son fait.
En conséquence de quoi le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a ordonné la résolution du contrat à défaut pour la SA Club Méditerranée d'avoir satisfait à l'obligation d'informer Mme C... des conséquence du refus de participer aux exercices de sécurité, mais il y sera ajouté que cette dernière a également commis une faute en refusant sans motif d'y participer.
En conséquence de quoi le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat et infirmé pour le surplus ; les parties seront remises en l'état antérieur à la conclusion du contrat, la SA Club Méditerranée sera condamnée à restituer la somme 4.056 € et Mme C... sera débouté de ses demandes au titre des frais de réacheminement et du préjudice moral.
Sur la procédure abusive et vexatoire
La SA Club Méditerranée demande la condamnation de Mme X... née C... à lui payer 1.000€ pour procédure abusive et vexatoire.
En application de l'article 32-1 du code de procédure civile celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
Le droit d'agir ou de résister en justice est ouvert à tout plaideur qui s'estime léser dans ses droits, son exercice ne dégénérant en abus qu'autant que les moyens qui ont été invoqués à l'appui de la demande sont d'une évidence telle qu'un plaideur, même profane, ne pourra pas ignorer le caractère abusif de sa démarche ou qu'il n'a exercé son action qu'à dessein de nuire en faisant un usage préjudiciable à autrui.
L'appel principal a été interjeté par la SA Club Méditerranée , Mme C... a formé appel incident et réitéré sa demande initiale de dommages-intérêts à hauteur de 3.000€, faisant valoir son âge au moment des faits et la difficulté de regagner inopinément son domicile déjà exposés au premier juge, y ajoutant qu'elle s'est retrouvée dans un pays étranger dont elle ne parle pas la langue.
Le premier juge avait fait droit à l'intégralité du préjudice matériel et indemnisé tous les frais de réacheminement exposés par Mme C..., il avait souverainement apprécié le préjudice moral en l'absence de tout justificatif, en retenant seulement l'âge.
Mme Monique X... née C... ne verse aucune pièce pour justifier de l'extranéité dont elle se prévaut devant la cour qui relève qu'elle est née à Combourg en Ille-et-Vilaine, qu'elle se domicilie dans ses écritures chez des amis à Le Teich (33470) et n'a pas demande de traduction des actes de procédure.
En en invoquant au soutien de sa demande de réformation du préjudice moral et pour la première fois une extranéité et une absence de maîtrise de la langue française non démontrées Mme C... a fait un usage dilatoire de ses droits, en conséquence de quoi il y a lieu à indemnisation de la SA Club Méditerranée à hauteur de 500 €
Sur les frais et dépens
Mme C... appelante qui succombe sera condamnée à payer à la SA Club Méditerranée la somme de 3.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile , outre les entiers dépens d 'appel dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Aix en Provence représentée par Maître Romain Z...
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à la dispositions des parties conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a ordonné le résolution du contrat
L'INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau
condamne la SA Club Méditerranée à payer à Mme Monique X... née C... la somme de 4.056 €
déboute Mme Monique X... née C... de ses demandes au titre des frais de réacheminement et du préjudice moral
condamne Mme Monique X... née C... à payer à la SA Club Méditerranée la somme
de 500€ pour procédure vexatoire
de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile
les entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Aix en Provence représentée par Maître Romain Z...
LE GREFFIER LE PRESIDENT