COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
18e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 21 SEPTEMBRE 2018
N°2018/929
Rôle N° RG 17/18549 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBKIK
SA ELIOR SERVICE PROPRETE ET SANTE
C/
Ali X...
intervenant volontaire
Syndicat CGT DES ENTREPRISES DE PROPRETE DES BOUCHES DU RHONE
Copie exécutoire délivrée
le : 21 septembre 2018
à :Me Etienne R...
Me Roger Y...
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section C - en date du 28 Septembre 2017, enregistré au répertoire général sous le n° F 14/00762.
APPELANTE
SA ELIOR SERVICE PROPRETE ET SANTE, demeurant [...] LA DEFENSE
représentée par Me Etienne R..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
Monsieur Ali X..., demeurant [...]
représenté par Me Roger Y..., avocat au barreau de MARSEILLE
Syndicat CGT DES ENTREPRISES DE PROPRETE DES BOUCHES DU RHONE demeurant [...]
représenté par Me Roger Y..., avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 15 Juin 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe Z..., Président et Monsieur Yann CATTIN, Conseiller, chargés d'instruire l'affaire.
Monsieur Yann CATTIN a fait un rapport oral avant les plaidoiries en application de l'article 785 du Code de procédure civile
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Christophe Z..., Président
Mme Marina ALBERTI, Conseiller
Monsieur Yann CATTIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Septembre 2018.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Septembre 2018
Signé par Madame Marina ALBERTI, Conseiller, pour le Président empêché et Mme Agnès BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure
La société Elior services propreté et santé a pour spécialité le nettoyage dans les établissements de santé et relève de la convention collective nationale des entreprises de propreté du 1er juillet 1994 (entrée en vigueur le 1er janvier 1995, étendue par arrêté du 31 octobre 1994, remplacée depuis par la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011 qui a été étendue par arrêté du 23 juillet 2012, sous réserve de l'application des dispositions de l'article L. 2241-9 du code du travail qui prévoient que la négociation annuelle sur les salaires vise également à définir et à programmer les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes).
M. X... a été embauché le 23 avril 1993 par la société SFGH (Société Française de Gestion Hospitalière) Hôpital Service qui a été absorbée par la société Elior Services propreté et santé (ci-après dénommée ESPS) à compter du 1er avril 2012, au dernier état de la relation contractuelle de travail, il occupait les fonctions de chef d'équipe sur le site de l'établissement de Provence à Meyreuil, avec un salaire mensuel brut de 1 779,09 euros, selon ses écritures.
Saisi le 14 mars 2014, par le salarié, en demande de paiement d'une prime de 13ème mois, d'une prime d'insalubrité, d'une majoration des dimanches travaillés, d'heures de récupération, de paiement de jours payés pour enfant malade et d'une prime de transport, le conseil de prud'hommes de Marseille, par jugement de départage du 28 septembre 2017, a:
- dit que les demandes formulées pour la période antérieure au 14 mars 2009 sont prescrites,
- condamné la société Elior Services propreté et santé à payer, avec intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2014 (date de la conciliation), à M. X... les sommes de:
5 701,40 euros à titre de rappel de prime de 13ème mois, jusqu'au 31 décembre 2015, outre celle de 570,14 euros correspondant aux congés payés afférents,
2 180,79 euros à titre de rappel de prime d'insalubrité ou de salissure, jusqu'au 31 décembre 2013, outre celle 218,07 euros d'incidence sur congés payés afférents,
1 322,35 euros au titre de rappel de la prime de transport jusqu'au 31 décembre 2013, outre celle de 132,23 euros d'incidence de congés payés,
- condamné la société Elior Services propreté et santé à mettre en place et payer à M. X... les primes à compter du 1er janvier 2016,
- ordonné la capitalisation des intérêts,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné la société Elior Services propreté et santé à payer à M. X... la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire,
- condamné la société Elior Services propreté et santé aux dépens.
La société Elior Services propreté et santé a interjeté appel de ce jugement le 13 octobre 2017.
Prétentions des parties
Dans ses dernières écritures, la société Elior Services propreté et santé concluant à la réformation du jugement et demande à la courde débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes et subsidiairement de :
- dire l'action de l'intimé prescrite au regard de la nature contractuelle des avantages qu'il sollicite,
- dire et juger l'action de l'intimé irrecevable et infondée en raison du principe que nul ne plaide par procureur,
- ordonner la répétition des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire,
- condamner conjointement et solidairement les intimés à payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures, M. X... conclut à la confirmation du jugement sur les sommes allouées à l'exception des rappels de primes au titre de l'insalubrité et transport et de l'incidence des congés payés sur le 13ème mois, l'assiduité, l'insalubrité et le transport, demande à la cour de rejeter le moyen tiré de la prescription soulevée par la société appelante, et de condamner la société Elior Services propreté et santé à lui payer la somme de 736,36 euros au titre de la prime d'assiduité pour la période jusqu'au 31 mai 2014, et celle de 2 616,54 euros au même titre pour la période à compter du 1er juin 2014, et une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le syndicat CGT des Bouches-du-Rhône demande à la cour de recevoir son intervention volontaire et de condamner la société Elior Services propreté et santé à lui payer la somme de 200 euros en réparation du préjudice causé par l'atteinte à l'inégalité de traitement des salariés et celle de 50 euros au titre des frais irrépétibles.
Vu les conclusions notifiées le 26 mai 2018 par M. X... et par le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône ;
Vu les conclusions notifiées le 30 mai 2018 par la société Elior Services propreté et santé;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 31 mai 2018.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux conclusions déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la prescription
La société Elior Services propreté et santé relève que, vu la prescription biennale de l'article L. 1471-1 du code du travail, applicable en ce que les demandes de M. X... relèvent de l'exécution du contrat de travail, celui-ci se trouve prescrit compte-tenu d'une saisine du conseil de prud'hommes le 15 février 2016.
La prescription trentenaire était la prescription extinctive de droit commun avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 (publiée au JORF du 18 juin 2008), soit le 19 juin 2008, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La prescription quinquennale était déjà applicable auparavant aux actions en paiement des salaires et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts (ancien article 2277 du code civil). Les dispositions de cette loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de cette loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
La loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 (publiée au JORF du 16 juin 2013), applicable à compter du 17 juin 2013 (date d'entrée en vigueur), a réduit le délai de prescription à trois ans pour le paiement du salaire et de ses accessoires et à deux ans l'action portant sur l'exécution du contrat de travail.
Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail issu de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 (applicable à compter du 17 juin 2013) : 'L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.', et aux termes de l'article L. 1471-1 dudit code issu de la loi susvisée : 'Toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit', l'alinéa 2 de cet article précisant que ce délai de deux ans n'est pas applicable notamment aux actions en paiement ou en répétition du salaire.
L'article 21 V de la loi 2013-504 du 14 juin 2013 précise que les dispositions du code du travail prévues aux III et IV du présent article s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Si l'article L. 3245-1 fait une distinction entre deux types de demandes : celles concernant un contrat de travail en cours et celles concernant un contrat rompu, les dispositions transitoires applicables jusqu'au 17 juin 2016 ne distinguent pas pour autant les situations.
En l'espèce, M. X... a saisi le 14 mars 2014, et non pas le 15 février 2016 comme allégué par la société appelante, le conseil de prud'hommes en paiement de rappels de primes de nature salariale, sur le principe de l'égalité de traitement, laquelle action ne porte pas sur l'exécution du contrat de travail au sens de l'article L. 1471-1 du code du travail.
Le délai de prescription court à compter de la date d'exigibilité de chacune des créances salariales revendiquées.
Si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail.
En l'espèce, s'agissant d'une demande de rappel de diverses primes, la saisine du conseil de prud'hommes en date du 14 mars 2014 a interrompu la prescription pour toutes les primes sollicitées au cours de la même instance, et à cette date, la prescription quinquennale était applicable pour les actions en paiement de créances de nature salariale nées antérieurement au [...]. Le jugement ayant dit que les demandes présentées pour une période antérieure au 14 mars 2009 sont prescrites, et, par voie de conséquence, ayant reçu les demandes postérieures à cette date, sera confirmé.
Sur l'égalité de traitement
Le principe 'à travail égal, salaire égal', dégagé par la jurisprudence, oblige l'employeur à assurer une égalité de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale ou, du moins, à devoir justifier toute disparité de salaire. Cette règle est une application particulière du principe d'égalité de traitement entre les salariés. Elle s'oppose à ce que des salariés, placés dans une situation identique, soient traités différemment au regard de l'octroi d'une augmentation de salaire, d'une prime ou d'un avantage.
Ce principe implique donc une comparaison de situations entre salariés, de sorte que l'employeur n'est pas fondé à invoquer, dans le cadre d'un litige relatif à la relation individuelle de travail qui le lie à son salarié, les répercussions éventuelles que pourraient avoir la solution de ce litige sur la situation professionnelle d'autres salariés de l'entreprise. En conséquence, le moyen de la société ESPS tiré de la règle selon laquelle 'nul ne plaide par procureur'sera rejeté.
Le principe 'à travail égal, salaire égal' ne s'applique pas lorsque des salariés travaillent pour des entreprises différentes, peu important qu'elles appartiennent au même groupe ou que ces salariés soient soumis à la même convention collective.
Le principe d'égalité de rémunération ne se limite pas aux situations dans lesquelles les salariés effectuent simultanément un travail égal pour un même employeur. Un salarié peut en conséquence réclamer une rémunération identique à celle perçue par un salarié effectuant le même travail, que ce dernier ait été embauché antérieurement à son entrée en fonction ou postérieurement.
Les salariés exercent un même travail ou un travail de valeur égale lorsqu'ils sont dans une situation comparable au regard de la nature de leur travail et de leurs conditions de formation et de travail. Sont considérés comme tels les travaux qui, sans être strictement identiques, exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse (article L. 3221-4 du code du travail).
En cas de litige, les juges doivent se livrer à une analyse comparée des missions, des tâches et des responsabilités des salariés, le fait qu'ils appartiennent à la même catégorie professionnelle ne suffisant pas.
Les différences de rémunération entre des salariés exerçant un travail égal ou de valeur égale sont licites dès lors qu'elles sont justifiées par des critères objectifs et pertinents, étrangers à toute discrimination. Dans ce cadre, des raisons conjoncturelles ou liées aux contraintes imposées à certains salariés d'une entreprise ou aux salariés de l'un de ses établissements permettent de déroger à l'égalité de rémunération ou de traitement entre les salariés.
L'employeur peut donc accorder ou réserver certains avantages (augmentation de salaire, prime etc.) à certains salariés si tous ceux placés dans une situation identique, au regard de chaque avantage considéré, en bénéficient, à moins que la différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes et que les règles déterminant les conditions d'éligibilité à la mesure soient préalablement définies ou en tout cas contrôlables.
Il appartient au salarié qui s'estime victime d'une inégalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait, loyalement obtenus, laissant supposer son existence. Le juge doit prendre en compte les éléments présentés par le salarié dans leur globalité et non les analyser séparément, mais c'est à celui qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de démontrer qu'il se trouve dans une situation identique ou similaire, au regard de l'avantage considéré, à celui auquel il se compare de façon déterminée. Il incombe ensuite à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs et pertinents, donc de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant de façon pertinente la différence de traitement.
En cas de litige, les juges doivent se livrer à une analyse comparée des éléments de rémunération des salariés, avantage par avantage ayant la même cause ou le même objet et non au regard d'une rémunération globale (mensuelle ou annuelle) qui n'aurait pas de sens compte tenu des spécificités propres à la situation de chaque salarié (ancienneté, durée du travail etc.), ainsi que des missions, des tâches et des responsabilités des salariés.
En cas de violation de l'égalité de rémunération, la rémunération la plus élevée dont bénéficie l'un des salariés placés dans une situation identique se substitue automatiquement. Le constat d'une différence de salaire injustifiée doit se solder par l'alignement de la rémunération du salarié lésé sur celle du ou des salariés qui se trouvent dans la même situation. Cet alignement sera généralement assorti d'un rappel de salaire et cette régularisation est alors limitée à la période non prescrite.
Une différence de traitement peut se justifier par l'application d'une disposition légale ou d'une décision de justice, voire d'une disposition conventionnelle. Dans certains cas, l'inégalité de traitement est présumée justifiée lorsqu'elle résulte d'un accord collectif ou d'un protocole de fin de conflit ayant valeur d'accord collectif. En revanche, si la différence de traitement découle d'une décision unilatérale de l'employeur, celui-ci doit nécessairement la justifier. En effet, l'employeur ne peut pas opposer son pouvoir discrétionnaire pour se soustraire à son obligation de justifier une égalité de rémunération ou de traitement.
Aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail : 'Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise
en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.'.
En application des dispositions susvisées, le contrat de travail se poursuit chez le nouvel employeur dans les conditions en vigueur chez le cédant au moment du transfert. Le salarié conserve sa qualification, sa rémunération contractuelle et l'ancienneté acquise auprès du précédent employeur. Tous les droits qui sont fonction de la présence ou de l'ancienneté dans l'entreprise sont calculés d'après la totalité des services accomplis depuis l'embauche par le premier employeur.
En cas de transfert d'une entité économique, l'obligation à laquelle est légalement tenu le nouvel employeur, en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, de maintenir au bénéfice des salariés qui y sont rattachés les droits qu'ils tiennent au jour du transfert, justifie la différence de traitement qui en résulte par rapport aux autres salariés. Dans ce cadre, l'origine de l'avantage importe peu ; il peut résulter d'un acte unilatéral de l'employeur et non d'une négociation collective.
La différence de traitement entre, d'une part, les salariés dont le contrat de travail a été transféré en application d'une garantie d'emploi instituée par voie conventionnelle par les organisations syndicales représentatives investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote et, d'autre part, les salariés de l'employeur entrant, qui résulte de l'obligation à laquelle est tenu ce dernier de maintenir au bénéfice des salariés transférés les droits qui leur étaient reconnus chez leur ancien employeur au jour du transfert, n'est pas étrangère à toute considération de nature professionnelle et se trouve dès lors justifiée au regard du principe d'égalité de traitement.
La justification de l'inégalité de traitement (entre les salariés dont le contrat de travail a été transféré et les salariés de l'employeur entrant) résultant d'une garantie d'emploi instituée par voie conventionnelle, qui concerne tous les avantages maintenus au salarié dont le contrat de travail a été transféré non par application de l'article L. 1224-1 du code du travail mais du fait de l'obligation dont l'employeur est conventionnellement tenu, a été reconnue tant par la loi que par la jurisprudence, ce qu'elle que soit l'origine de chaque avantage considéré car, dans ce cadre également, l'origine de l'avantage importe peu ; il peut résulter d'un acte unilatéral de l'employeur et non d'une négociation.
Aux termes de l'article L. 1224-3-2 du code du travail (ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017) : 'Lorsqu'un accord de branche étendu prévoit et organise la poursuite des contrats de travail en cas de succession d'entreprises dans l'exécution d'un marché, les salariés du nouveau prestataire ne peuvent invoquer utilement les différences de rémunération résultant d'avantages obtenus, avant le changement de prestataire, par les salariés dont les contrats de travail ont été poursuivis. Conformément à l'article 40-IX de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions sont applicables aux contrats de travail à compter de la publication de ladite ordonnance, quelle que soit la date à laquelle ces contrats ont été poursuivis entre les entreprises concernées.'.
La loi 2016-1088 du 8 août 2016 avait déjà posé, de façon plus limitée, un tel principe en son article 95 ('Lorsque les contrats de travail sont, en application d'un accord de branche étendu, poursuivis entre deux entreprises prestataires se succédant sur un même site, les salariés employés sur d'autres sites de l'entreprise nouvellement prestataire et auprès de laquelle les contrats de travail sont poursuivis ne peuvent invoquer utilement les différences de rémunération résultant d'avantages obtenus avant cette poursuite avec les salariés dont les contrats de travail ont été poursuivis' / article L. 1224-3-2 du code du travail) mais la Cour de cassation avait alors jugé que ces dispositions législatives n'étaient pas applicables au litige concernant une demande en paiement de primes ou avantages particuliers accordés
par l'employeur à des salariés affectés sur d'autres sites à une date antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.
Depuis, le principe d'une justification de l'inégalité de traitement résultant d'une garantie d'emploi instituée par voie conventionnelle a été reconnu par la Cour de cassation (arrêt du 30 novembre 2017 qui bénéficie de la plus large diffusion - PBRI - numéro de pourvoi 16-20532), y compris pour les situations antérieures à l'entrée en vigueur de l'article 34 de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, ce vu le principe d'égalité de traitement et l'évolution générale de la législation du travail en matière de négociation collective et de la jurisprudence en ce qui concerne le principe d'égalité de traitement à l'égard des accords collectifs.
La Cour de cassation a donc clairement mis fin à sa jurisprudence antérieure selon laquelle, en matière de transfert conventionnel pour cause de perte de marché, le transfert emporte à la fois maintien des droits acquis des salariés repris de l'entreprise sortante et, en vertu du principe d'égalité de traitement, extension de ces avantages aux salariés de l'entreprise entrante dès lors qu'ils sont affectés aux mêmes sites et chantiers ou se trouvent dans une situation comparable au regard de l'avantage considéré.
L'article L. 1224-3-2 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui ne prévoit plus que la succession des entreprises prestataires doit se faire sur un même site ni qu'il faut comparer la situation des salariés de ce site avec les salariés du nouveau prestataire employés sur d'autres sites (suppression d'une précision susceptible d'être invoquée par un salarié du nouveau prestataire, affecté au site repris et réclamant une mise à niveau de sa rémunération) comme le faisait le même article dans sa rédaction issue de la loi 2016-1088 du 8 août 2016, prévoit expressément que ce texte s'applique au titre de l'exécution des contrats de travail à compter de sa publication, quelle que soit la date à laquelle les contrats de travail ont été poursuivis entre les entreprises concernées. L'arrêt de la Cour de cassation en date du 30 novembre 2017 retient la même solution pour des faits antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016 comme de l'ordonnance du 22 septembre 2017. La jurisprudence et les textes sont donc désormais en concordance : même s'agissant de salariés dont le contrat de travail a été transféré avant l'entrée en vigueur des textes susvisés, il n'y a plus de possibilité d'action sur le terrain de l'égalité de traitement au titre des avantages maintenus par voie conventionnelle aux salariés transférés.
Les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie d'accords d'établissement négociés et signés par les organisations syndicales représentatives au sein de ces établissements, investies de la défense des droits et intérêts des salariés de l'établissement et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, ainsi que celles opérées par voie d'un protocole de fin de conflit ayant valeur d'accord collectif, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.
Ces présomptions de justification accordées aux différences de traitement opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs ne sont pas applicables aux inégalités salariales issues d'autres sources comme une décision unilatérale de l'employeur ou un contrat de travail. En conséquence, une différence de catégories professionnelles, de fonctions ou d'établissements entre des salariés placés dans une situation comparable au regard d'un avantage ne suffit pas, à elle seule, à exclure l'application du principe d'égalité dès lors que cet avantage résulte d'une décision unilatérale de l'employeur. Dans ce cas, l'employeur doit démontrer que la différence de traitement repose sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence.
Selon les dispositions de l'article L. 2261-13 du code du travail (conformément à l'article 17 IV de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, ces dispositions s'appliquent à compter de la date où les accords ou conventions dénoncés ou mis en cause cessent de produire leurs effets, y compris si la date de leur dénonciation ou de leur mise en cause est antérieure à la publication de la présente loi) : 'Lorsque la convention ou l'accord qui a été dénoncé n'a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans un délai d'un an à compter de l'expiration du préavis, les salariés des entreprises concernées conservent, en application de la convention ou de l'accord dénoncé, une rémunération dont le montant annuel, pour une durée de travail équivalente à celle prévue par leur contrat de travail, ne peut être inférieur à la rémunération versée lors des douze derniers mois.'.
Dans ses dispositions antérieures à l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'article L. 2261-13 du code du travail disposait : 'Lorsque la convention ou l'accord qui a été dénoncé n'a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans un délai d'un an à compter de l'expiration du préavis, les salariés des entreprises concernées conservent les avantages individuels qu'ils ont acquis, en application de la convention ou de l'accord, à l'expiration de ce délai.'.
Le maintien d'un avantage individuel acquis (ou du montant annuel de la rémunération) en cas de mise en cause de l'application d'un accord collectif, dans les conditions prévues à l'article L. 2261-13 du code du travail, ne méconnaît pas le principe 'à travail égal, salaire égal', que ce maintien résulte d'une absence d'accord de substitution ou d'un tel accord.
De même, dans le cas des transferts d'entreprise avec mise en cause de l'application de la convention collective, le maintien des avantages individuels acquis au profit du personnel transféré à une nouvelle entreprise, bien que ces avantages n'aient pas à cette occasion été appliqués aux autres salariés, ne déroge pas au principe de l'égalité de rémunération ou de traitement car ce maintien a pour objet de compenser le préjudice résultant de la dénonciation de l'accord collectif instituant ces avantages.
La seule circonstance que les salariés aient été engagés avant ou après l'entrée en vigueur d'un accord collectif ou d'un engagement unilatéral de l'employeur ne saurait suffire à justifier des différences de traitement entre eux pour autant que cet accord collectif ou cet engagement unilatéral n'a pas pour objet de compenser un préjudice subi par les salariés présents dans l'entreprise lors de leur entrée en vigueur ou mise en place.
Il en est de même en cas d'embauche avant ou après la dénonciation d'un accord ou d'un engagement unilatéral de l'employeur ou avant ou après la modification des conditions d'attribution d'un avantage résultant d'un usage.
Toutefois, sauf disposition légale contraire, un accord collectif ne peut modifier le contrat de travail d'un salarié, seules les dispositions plus favorables de cet accord pouvant se substituer aux clauses du contrat. Il en résulte que cette règle constitue un élément objectif pertinent propre à justifier la différence de traitement entre les salariés engagés antérieurement à l'entrée en vigueur d'un accord collectif et ceux engagés postérieurement, et découlant du maintien, pour les premiers, des mentions de leur contrat de travail.
Ainsi, il n'y a pas violation de l'égalité de traitement lorsque des salariés présents lors de la dénonciation d'un accord collectif bénéficient d'un maintien de tout ou partie de leurs avantages individuels acquis destiné à compenser la perte de rémunération subie à l'occasion du passage d'une rémunération en pourcentage à une rémunération fixe.
De même, ne déroge pas au principe de l'égalité de rémunération ou de traitement un avantage accordé à certains salariés de l'entreprise visant à compenser un préjudice spécifique à ces travailleurs et ayant ainsi pour objet de ramener ces salariés à la hauteur de la rémunération des autres salariés de l'entreprise effectuant un travail égal ou de valeur égale dans d'autres établissements ou sur d'autres sites ou chantiers.
Les sociétés Hôpital Service et Elior services propreté santé relèvent de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011 se substituant à celle du 1er juillet 1994 et son avenant n°1 du 22 juillet 2009.
Dans le cadre de cette convention collective nationale, les partenaires sociaux ont signé un accord en vue d'améliorer et de renforcer la garantie offerte aux salariés affectés à un marché faisant l'objet d'un changement de prestataire.
Ainsi, les articles 7 et suivants de la convention collective nationale des entreprises de propreté mentionnent que :
- Le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi de 100 % du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise sous conditions ;
- Le transfert des contrats de travail s'effectue de plein droit et s'impose donc au salarié. Le but de celui-ci est de protéger le salarié, son emploi et sa rémunération. Le transfert conventionnel est l'un des vecteurs stabilisateurs du marché de la propreté. Le maintien de l'emploi entraînera la poursuite du contrat de travail au sein de l'entreprise entrante (le contrat à durée indéterminée se poursuivant sans limitation de durée ; le contrat à durée déterminée se poursuivant jusqu'au terme prévu par celui-ci.). L'entreprise entrante établit un avenant au contrat de travail, pour mentionner le changement d'employeur, dans lequel elle reprend l'ensemble des clauses attachées à celui-ci ;
- Le salarié bénéficie du maintien de sa rémunération mensuelle brute correspondant au nombre d'heures habituellement effectuées sur le marché repris. À cette rémunération s'ajouteront les éléments de salaire à périodicité fixe de manière à garantir le montant global annuel du salaire antérieurement perçu correspondant au temps passé sur le marché repris. Le nouvel employeur ne sera pas tenu de maintenir les différents libellés et composantes de la rémunération, ni d'en conserver les mêmes modalités de versement, compte tenu de la variété des situations rencontrées dans les entreprises ;
- L'entreprise sortante réglera au personnel repris par le nouvel employeur les salaires dont elle est redevable, ainsi que les sommes à périodicité autre que mensuelle, au prorata du temps passé par celui-ci dans l'entreprise, y compris le prorata de l'indemnité de fin de contrat à durée déterminée et des indemnités de congés payés qu'il a acquis à la date du transfert...
En matière de classifications, la convention collective nationale des entreprises de propreté mentionne les grilles suivantes :
- Filière exploitation :
Agents de service et chefs d'équipe : cette filière comporte 4 niveaux (AS, AQS, ATQS et CE), eux-mêmes détaillés en 3 échelons. Les emplois du 1er niveau sont intitulés 'Agents de service', du 2ème niveau 'Agents qualifiés de service' et ceux du 3ème niveau 'Agents très qualifiés de service'. Le 4ème niveau, d'encadrement intermédiaire, distingue, quant à lui, les chefs d'équipe,
Agents de maîtrise (MP1 à MP5) : cette filière comporte 5 niveaux, eux-mêmes détaillés en 1 ou 2 échelons. Les échelons MP 1 et MP 2 correspondent à la classe IV des agents de maîtrise et techniciens ;
Filière administrative : elle comporte 4 échelons employés (EA1 à EA4) et 3 échelons maîtrise (MA1 à MA3) ;
Filière cadre : elle comporte 6 échelons (CA1 à CA6).
Sur le treizième mois
À la lecture des bulletins de paie de l'intimé, il apparaît que celui-ci a perçu une gratification de fin d'année (GFA) lors de son emploi au sein d'Hôpital Service, puis une prime de fin d'année ou 13ème mois sur la période revendiquée entre 2009 et 2013.
Le salarié sollicite un rappel au titre d'un 13ème mois, égale à 100 % du salaire mensuel brut, en se fondant notamment sur le fait qu'une telle prime bénéficie aux salariés effectuant un même travail, ou un travail de valeur égale, sur d'autres sites exploités par l'employeur ou qui étaient exploités par la société ESPS. Sont cités notamment les salariés de l'entreprise appartenant à la même catégorie professionnelle qui travaillent ou ont travaillé sur les sites de la polyclinique de Narbonne et de la clinique Les Cèdres à Echirolles (38).
M. X... sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a fait droit à sa demande de 13ème mois, pour le montant de 5 701,40 euros.
Au soutien de cette demande, le salarié fondant celle-ci sur le principe de l'égalité de traitement, fait valoir que l'employeur doit lui verser ce supplément de salaire, dans la mesure où ce versement a fait l'objet :
- d'une attribution contractuelle aux agents de service de la clinique d'Echirolles (38),
- d'une attribution unilatérale depuis 2012 aux agents du site de la clinique de Narbonne.
S'agissant des salariés de la clinique les Cèdres à Echirolles, il rappelle que :
- le 1er juillet 2010, la société Hôpital Service reprenant le service de nettoyage de la clinique
les Cèdres à Echirolles (Isère) a accordé aux salariés recrutés dans le cadre de l'externalisation de ses services un 13ème mois,
- que le transfert du contrat de travail des salariés résulte de la seule volonté de l'employeur qui a choisi volontairement d'engager les salariés précédemment affectés au service ayant fait l'objet d'une externalisation, si bien que le consentement de chaque salarié a été requis ;
- que dans une telle hypothèse, la différence de traitement entre les salariés transférés dans le cadre d'une externalisation ne remplissant pas les conditions de plein droit de l'article L. 1224-1 du code du travail et les autres salariés de l'entreprise n'est pas justifiée, puisque c'est l'employeur lui-même qui est à l'origine de l'inégalité de traitement ;
- que l'attribution d'une prime de 13ème mois aux agents d'exploitation anciennement salariés de la clinique d'Echirolles est donc un engagement contractuel de l'employeur ;
- que ce dernier qui refuse d'étendre cette prime au requérant appartenant à la même catégorie
professionnelle, placé dans la même situation juridique, travaillant dans un établissement de santé et exerçant un travail égal ou de valeur égale, n'apporte pas ici la preuve matériellement vérifiable des raisons objectives et pertinentes justifiant que ce 13ème mois soit réservé aux seuls salariés de la clinique Echirolles dans l'Isère ;
- que la clause prévoyant l'attribution de ce supplément salarial ne relate pas les critères et conditions de son attribution, il n'est pas mentionné qu'il est versé pour compenser une sujétion particulière ou pour exercer des fonctions ou des tâches spécifiques non comprises dans le salaire mensuel.
S'agissant de l'attribution par l'employeur d'une prime 13ème mois aux agents de service de Narbonne, elle rappelle :
- qu'en 2011, un groupe de 35 salariés a engagé une procédure contre la société Hôpital Service absorbée par la société ESPS pour obtenir le versement d'un 13ème mois, en vertu de l'inégalité de traitement par rapport à ceux de l'agence de Montpellier qui avaient obtenu un 13ème mois à la suite d'une grève ;
- que la cour d'appel de Montpellier par arrêt du 26 mars 2014 a confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Narbonne faisant droit aux demandes des salariés ;
- que la société ESPS a spontanément et unilatéralement mis en place pour un autre groupe de 10 salariés affectés à la clinique de Narbonne, la prime de 13ème mois, en dehors de toute décision de justice rendue en ce sens,
- que la société ESPS ne peut expliquer valablement au vu des pièces qu'elle produit, cette décision par une erreur ;
- qu'ainsi, selon elle, cette décision prise spontanément et sans contrainte par la direction de la
société ESPS justifie de plus fort l'inégalité de traitement.
La société Elior Services propreté et santé s'oppose à cette demande et expose que :
- nul ne plaide par procureur,
- le salarié ne peut se prévaloir d'un 13ème mois octroyé aux salariés du site de la clinique d'Echirolles, car elle résulte du seul maintien des conditions de travail des salariés transférés de plein droit en application de l'article L. 1224-1 du code du travail et ne peut donc bénéficier aux salariés dont le contrat de travail n'a pas été transféré,
- la société ESPS a repris le marché de nettoyage sur la clinique d'Echirolles et les salariés qui y étaient affectés,
- s'agissant des salariés du site de Narbonne, M. X... ne peut se prévaloir du versement d'un 13ème mois accordé par erreur à ceux-ci, le service paye de la société ESPS ayant commis une erreur informatique ou opéré une confusion entre les salariés ayant saisi le conseil de prud'hommes de Narbonne et ceux ayant bénéficié de l'arrêt du 26 mars 2014 de la cour d'appel de Montpellier faisant droit à leurs demandes.
Il n'est pas discuté que la société Hôpital Service a fait l'objet d'une fusion par absorption par la société ESPS avec effet au 1er avril 2012 et que M. X... a été embauché le 23 avril 1993 par la société SFGH (Société Française de Gestion Hospitalière) Hôpital Service, de sorte qu'il peut se comparer, s'agissant des primes acquises et suppléments salariaux aux salariés recrutés du temps de cette société Hôpital Service, dont les trois salariées de la clinique d'Echirolles (Mmes A..., B... et C...) embauchées respectivement les 1er juillet 2010, 28 juin 2010 et 2 juillet 2010. Ces trois salariées bénéficiaient d'un 13ème mois équivalent à 100 % du salaire mensuel brut, ce qui n'est pas son cas.
Il n'est pas discuté que Mmes A..., B... et C... exercent des fonctions identiques aux siennes, un travail identique ou à tout le moins de valeur égale et appartiennent à la même catégorie agents de service et chefs d'équipe de la filière exploitation. M. X... se trouve dans une situation similaire à celle de ces dernières.
La société ESPS soutient à tort que Mmes A..., B... et C... ont fait l'objet d'un transfert de leurs contrats de travail en application de l'article L. 1224-1 du code du travail.
En effet, il convient de rappeler que L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001 est applicable en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels qui poursuit un objectif économique propre ; la perte d'un marché ne peut suffire, en l'absence de transfert d'éléments d'exploitation corporels ou incorporels significatifs, à entraîner un changement d'employeur relevant de ce texte ;
En l'espèce, s'agissant de la reprise des salariés anciennement embauchés par la société Sodexo sur le site de la clinique d'Echirolles, la société ESPS ne rapporte pas la preuve d'une reprise d'une entité économique dans le cadre d'une perte de marché en application de l'annexe 7 de la convention collective de propreté.
Bien plus, il est à juste titre relevé par M. X... que les contrats de travail de Mmes A..., B... et C... portent la mention suivante :
'suite à la reprise de la prestation de bio-nettoyage et des services hôteliers par la société Hôpital Service, les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ne pouvant recevoir application
de droit en l'espèce, il a été proposé à Mme... de bénéficier d'un transfert de son contrat de travail au sein de la société Hôpital Service à compter du 1er juillet 2010, ce transfert vaut rupture
d'un commun accord du contrat de travail d'origine de Mme... avec Sodexo et conclusion d'un
nouveau contrat de travail à durée indéterminée sans période d'essai avec la société Hôpital Service'.
C'est donc vainement que la société ESPS affirme que ce transfert a été effectué de droit. Ce moyen doit donc être écarté.
Il s'ensuit que l'employeur a volontairement attribué un 13ème mois aux salariées, Mmes A..., B... et C....
Il est exactement relevé par M. X... que la clause d'attribution de la prime de 13ème mois ne mentionne ni les critères ni les conditions d'attribution, et ne précise nullement qu'elle est versée pour compenser une sujétion particulière ou pour exercer des tâches spécifiques non comprises dans le salaire mensuel.
Par ailleurs, s'agissant des salariés affectés sur le site de la polyclinique de Narbonne, laquelle dépend de la même direction régionale Sud-Est à Meyreuil que celui de l'établissement de Provence, l'intimé expose que certains d'entre eux, notamment en l'espèce, Mmes D..., F..., H..., G... et M. E... ont perçu un 13ème mois, attribué spontanément et unilatéralement par l'employeur.
Sur cette attribution aux salariés du site de Narbonne, la société ESPS expose qu'elle résulte d'une erreur, laquelle ne peut être considérée comme constitutive d'un droit acquis ou d'un usage.
L'examen des bulletins de paie des salariés de l'entreprise ayant travaillé sur ce site, tant en qualité de gouvernante (Mme E...) ou chef d'équipe (Mme F...) qu'en qualité d'agent de service (Mmes G..., H... et M. E...) permettent de constater le versement annuel d'un 13ème mois sur la base de 100 % du salaire mensuel (brut) de base (au prorata du temps de présence dans l'entreprise au cours de l'année.
L'appelante qui soutient que l'attribution de ce 13ème mois aux salariés de la polyclinique de Narbonne résulte d'une erreur, produit, en ce sens, l'attestation du responsable du centre de services partagés aux termes de laquelle ladite erreur résulte d'un changement de programme informatique et une attestation d'une responsable de site selon laquelle ce versement du 13ème mois a été effectué par erreur à des salariés ayant également engagé une procédure prud'homale avant même tout jugement les concernant.
En l'espèce, l'attribution de la prime de 13ème mois aux salariés du site de la polyclinique de Narbonne ne résulte ni d'un transfert du contrat de travail en application d'une garantie d'emploi, en application de l'article 7 de la convention collective nationale des entreprises de propreté, ni d'un accord collectif négocié et signé par les organisations syndicales représentatives ou d'un protocole de fin de conflit ayant même valeur, ni du maintien d'une majoration de traitement consentie à certains salariés par un ancien employeur en application de l'article L. 1224-1 du code du travail.
La société appelante ne peut valablement soutenir qu'il s'agit d'une erreur, dont l'explication de l'origine varie selon les deux attestations produites, et alors que le 13ème mois a été attribué de façon pérenne à compter du mois de novembre 2012 à plusieurs salariés (au nombre de dix selon les écritures
de la société ESPS) du site de la polyclinique de Narbonne, lequel supplément de salaire représente 100 % du salaire mensuel (brut) de base.
Il résulte de ces éléments que le 13ème mois alloué aux salariés du site de la polyclinique de Narbonne constitue un avantage alloué unilatéralement par l'employeur.
En conséquence, à défaut pour l'employeur de justifier par des éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence de traitement, M. X... est fondé à réclamer l'allocation d'un 13ème mois pour la période de juillet 2010 (mois à partir duquel il est justifié que les salariées de la clinique d'Echirolles ont bénéficié de ce supplément salarial) à 2013. Le montant dû à ce titre s'établit à la somme de 3 133,52 euros, compte tenu de la période retenue et selon les chiffres produits par le salarié [(1 322,48 :2) + 807,39 + 824,51 + 840,38].
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a reconnu l'inégalité de traitement résultant de l'attribution d'un 13ème mois, et infirmé sur le montant et en ce qu'il a condamné la société ESPS à payer une somme à titre de congés payés afférents.
Sur la prime assiduité
Il s'agit d'une demande nouvelle dont la recevabilité par la cour ne fait l'objet d'aucune discussion.
M. X... formule deux demandes de rappel de prime d'assiduité pour deux périodes distinctes :
- jusqu'au 31 mai 2014, à raison de 200 euros par an
- de juin 2014 à décembre 2013 (lire 2014), à raison de 144,54 euros par mois
Fondant ces demandes sur l'inégalité de traitement, il se prévaut pour sa première demande de l'engagement unilatéral et contractuel de l'employeur de versement d'une prime d'assiduité à hauteur de 200 euros par an pour d'autres salariés travaillant sur La Casamance à Aubagne et, pour sa deuxième demande, sur l'engagement unilatéral de l'employeur de versement à partir de juin 2014 d'une prime de 144,54 euros par mois pour les salariés travaillant sur la clinique l'Axium d'Aix-en-Provence.
- Sur la demande antérieure au 31 mai 2014 :
M. X... relève que le site de la Casamance à Aubagne est un établissement hospitalier et qu'à la lecture de nombreuses fiches de paie de salariés y exerçant, ces derniers perçoivent de l'employeur la société ESPS une prime d'assiduité de 200 euros par an, octroyée lors de leurs embauches directes : ainsi Mmes I... et K..., épouse J....
Mme I... a été embauchée, par la société Hôpital Service, selon contrat de travail en date du 2 janvier 2012 avec reprise d'ancienneté au 8 août 2008 et Mme K..., épouse J..., a été embauchée le 1er mars 2007 avec reprise d'ancienneté au 1er avril 2006 ; elles exercent les fonctions d'agent de service, de la même catégorie, agents de service et chefs d'équipe de la filière exploitation, que celle de M. X..., chef d'équipe, pour un travail égal ou de valeur égale, et, à tout le moins sans aucune suggestion différente ou supérieure pour Mmes I... et Mme K....
Il est donc démontré que M. X... se trouve dans une situation au moins similaire à celle de ces dernières.
La société ESPS oppose à M. X... qu'il ne peut se comparer avec des salariés transférés en application de l'article 7 de la Convention collective nationale des entreprises de propreté, les avenants aux contrats de travail de Mmes L..., M... et N... mentionnant le transfert de leurs contrats en application de ces dispositions, ni avec des salariés dont le contrat de travail a été transféré de la société Hopital Service à ESPS dans le cadre de l'article L. 1224-1 du code du travail comme c'était le cas pour Mmes I... et K....
Les contrats de travail de Mmes I... et K... souscrits avec la société Hopital Service, produits par M. X..., ne mentionnent aucunement une reprise en application de l'annexe 7 de ladite Convention collective. Dès lors, M. X... relève, à juste titre, qu'il n'est pas établi que l'embauche de Mmes I... et K... résultent d'une reprise au sens de l'article 7 de la Convention collective nationale des entreprises de propreté et la société ESPS n'établit aucunement que les contrats de travail de Mmes I... et K... ont été consentis dans un tel cadre. La société ESPS est venue aux droits de la société Hôpital Service, après absorption le 1er avril 2012.
Au contraire de M. X..., les bulletins de salaire de ces deux dernières font ressortir qu'elles ont perçu une prime d'assiduité, comme suit :
- Mme I... a perçu une prime de 200 euros (en deux versements) en 2014,
- Mme K... a perçu une prime de 172,78 euros en 2012 (en deux versements), de 190 euros en 2013 (en deux versements), de 200 euros en 2014.
L'employeur ne justifie donc par aucun élément objectif, pertinent et matériellement vérifiable cette différence de traitement, et M. X... est fondé à réclamer l'allocation d'une prime d'assiduité pour les années 2012 (année à partir de laquelle est justifié le paiement de cette prime à Mme K...) à 2014. Au regard du tableau (intitulé 'tableau primes salaires Elior'), faisant état des modalités de calcul de M. X..., des bulletins de salaires produits jusqu'au mois de janvier 2014 et de ses écritures aux termes desquels l'indemnité pour cette période s'établit à la somme de 200 euros par an, la cour alloue à M. X... une somme de 400 euros à ce titre. Il sera ajouté au jugement en ce sens.
- Sur la demande portant sur la période de juin 2014 à juin 2017 :
Au soutien de cette demande, M. X... entend se comparer à des salariés exerçant au sein de la clinique Axium, repris par la société ESPS à compter du 1er juin 2014, pour lesquels l'employeur a accordé une prime d'assiduité de 144,54 euros par mois. Il produit les contrats de travail de six salariés : Mmes O..., P..., Q..., Girardi-d'Alba, Keinou et Pelissier.
Ces salariées ont été embauchées par contrat à durée indéterminée du 31 mai 2014 avec reprise d'ancienneté en qualité d'agent de service niveau AS3. Il n'est pas contesté qu'elles effectuent un travail égal ou de valeur égale ou similaire à celui de M. X..., chef d'équipe appartenant à la même catégorie de la filière exploitation.
L'employeur objecte au salarié que la prime d'assiduité versée aux salariés de la clinique l'Axium a pour origine la convention collective applicable au personnel de la clinique Axium avant d'être transférés vers la société ESPS (convention collective nationale de l'hospitalisation privée en date du 18 avril 2002), que lors du transfert des contrats de travail de ces salariés en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, la prime a été maintenue aux salariés transférés, sans violation du principe 'à travail égal, salaire égal' à l'égard des autres salariés de la société ESPS.
Les contrats de travail de Mmes O..., P..., Q..., Girardi-d'Alba, Keinou et Pelissier portent tous la mention suivante :
'suite à la reprise des prestations de bionettoyage et services hôteliers par la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE, dans le cadre de l'article L. 1224-1 du code du travail, il a été proposé à Mme ... de bénéficier d'un transfert de son contrat de travail au sein de la société ESPS à compter du ...'
La différence de traitement entre les salariés dont le contrat de travail a été transféré en application d'une garantie d'emploi instituée par voie conventionnelle par les organisations syndicales représentatives investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote et les salariés de l'employeur entrant, qui résulte de l'obligation à laquelle est tenu ce dernier de maintenir au bénéfice des salariés transférés les droits qui leur étaient reconnus chez leur ancien employeur au jour du transfert, n'est pas étrangère à toute considération de nature professionnelle et se trouve dès lors justifiée au regard du principe d'égalité de traitement.
A bon droit en l'espèce, la société ESPS justifie que la prime d'assiduité accordée aux salariés exerçant à la clinique Axium qu'elle a repris à compter de juin 2014, conformément aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, peu important la convention collective applicable à la société Axium, ne constitue pas une inégalité de traitement.
En conséquence, M. X... sera débouté de cette demande au titre de cette période et alors, qu'au surplus, la pièce produite aux débats au soutien de sa demande (intitulée 'tableau primes salaires Elior') ne comporte aucun élément chiffré pour les années 2014 et suivantes et qu'aucun bulletin de salaire postérieur au 31 janvier 2014 n'est versé aux débats, de sorte que cette demande à ce titre est dépourvue de tout élément probant.
Sur l'intervention du syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône
Les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts (article L. 2131-1 du code du travail). Les statuts du syndicat sont déposés à la mairie de la localité où le syndicat est établi et le maire communique ces statuts au procureur de la République (article R. 2131-1).
En l'espèce, force est de constater que le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône ne justifie aucunement du dépôt de ses statuts en mairie. L'intervention du syndicat sera rejetée.
Sur les autres demandes
Les sommes allouées, de nature salariale emportent intérêts au taux légal avec capitalisation légaux à compter de la demande en justice, soit à la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances salariales ayant fait l'objet de la saisine initiale du conseil de prud'hommes, et, pour le surplus et les autres créances salariales, à compter de la date de la première audience à laquelle elles ont été réclamées ou de la notification de conclusions en ce sens à la société ESPS.
Il est inéquitable de laisser à la charge de M. X... la totalité des frais irrépétibles qu'il a exposés à l'occasion de cette instance ; la cour confirme la condamnation prononcée à ce titre en première instance et lui alloue en cause d'appel une somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société ESPS qui succombe supportera les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi, en matière prud'homale et par arrêt contradictoire,
Déclare irrecevable l'action du syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône,
Confirme le jugement en ce qu'il dit que les demandes formées pour la période antérieure au 14 mars 2009 sont prescrites, qu'il a reconnu l'inégalité de traitement au titre du 13ème mois, qu'il débouté M. X... de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et en ce qu'il a condamné la société Elior services propreté et santé à payer la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles,
Infirme le jugement sauf sur la prescription des demandes présentées pour la période antérieure au 14 mars 2009, sur la reconnaissance de l'inégalité de traitement au titre du 13ème mois, sur le débouté de la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et sauf sur les frais irrépétibles,
Le réformant pour le surplus, statuant de nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Elior services propreté et santé à payer à M. X... la somme de 3 133,52 euros à titre de 13ème mois et celle de 400 euros à titre de prime d'assiduité,
Dit que les intérêts au taux légal avec capitalisation sont dus à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances salariales ayant fait l'objet de la saisine initiale du conseil de prud'hommes et, pour le surplus et les autres créances salariales, à compter de la date de la première audience à laquelle elles ont été réclamées ou de la notification de conclusions en ce sens à la société Elior services propreté et santé,
Condamne la société Elior services propreté et santé à payer à M. X... la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel, outre les entiers dépens,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
LE GREFFIERLE CONSEILLER
Pour le Président empêché