COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
3e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 20 SEPTEMBRE 2018
N° 2018/252
Rôle N° 15/16989
N° Portalis DBVB-V-B67-5NKF
Compagnie d'assurances MACIF PROVENCE MEDITERRANEE
C/
Serge X...
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me P. Y...
Me L. Z...
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE-LES-BAINS en date du 20 Mai 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/01478.
APPELANTE
Compagnie d'assurances MACIF PROVENCE MEDITERRANEE,
prise en la personne de son représentant légal en exercice
siège social Centre de Gestion [...] /FRANCE
représentée et assistée par Me Patrice Y..., avocat au barreau des ALPES DE HAUTE-PROVENCE, substitué par Me Aubéri A..., avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIME
Monsieur Serge X...
demeurant [...]
représenté par Me Layla Z..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assisté de Me Olivier F... du cabinet Ludovic TOMASI -Jérôme GARCIA - Olivier F... , avocats au barreau des ALPES DE HAUTE PROVENCE et des HAUTES ALPES
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 20 Juin 2018 en audience publique devant la Cour composée de:
M. Jean-François B..., Président (rédacteur)
Mme Patricia TOURNIER, Conseillère
Mme Sophie LEYDIER, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2018.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2018,
Signé par M. Jean-François B..., Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé du litige :
Serge X..., assuré auprès de la MACIF à compter du 10 mars 2004 par une police multirisques habitation, a, le 11 septembre 2004, établi une déclaration de sinistre pour des fissures affectant son habitation située à Manosque, suite à un arrêté de catastrophe naturelle en date du 15 juin 2004 publié le 7 juillet 2004, visant la période du 1er janvier 2002 au 30 juin 2002.
La MACIF a opposé un refus de garantie au motif que les désordres étaient apparus antérieurement au 10 mars 2004.
Le 24 octobre 2004, Serge X... a adressé une déclaration de sinistre auprès de la société C..., son assureur antérieur, qui lui a également opposé un refus de garantie.
Suite à la reconnaissance d'un second état de catastrophe naturelle par arrêté du 15 mai 2008 publié le 22 mai 2008, concernant la période du 1er janvier 2005 au 31 mars 2005, Serge X... arguant de la survenance de fissurations nouvelles, a, le 29 mai 2008, adressé une nouvelle déclaration de sinistre auprès de la MACIF.
Celle-ci a refusé sa garantie au motif que la sécheresse de 2005 n'était pas la cause déterminante des désordres, les dommages remontant aux années 2002/2003.
Par ordonnance de référé du 27 octobre 2011, le président du tribunal de grande instance de Digne les Bains a ordonné une expertise.
L'expert a clôturé son rapport le 3 juin 2013.
Par actes d'huissier des 15 et 21 novembre 2013, Serge X... a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Digne les Bains la MACIF et la société ALLIANZ venant aux droits de la société C..., à l'effet de les voir condamnées à prendre en charge les travaux de reprise et à l'indemniser des préjudices annexes.
Par jugement du 20 mai 2015, le tribunal de grande instance de Digne les Bains a essentiellement :
- mis hors de cause la société ALLIANZ et rejeté toutes les demandes formées à son encontre,
- dit que la MACIF doit sa garantie pour les désordres consécutifs à la sécheresse du 1er janvier au 31 mars 2005,
- condamné la MACIF au paiement de :
** la somme de 145 300 € TTC au titre des travaux de reprise, avec indexation sur l'indice BT01 à compter du 31 mai 2013,
** la somme de 10 000 € au titre du déménagement et du relogement pendant la durée des travaux,
- rejeté les autres demandes de dommages intérêts,
- condamné la MACIF à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
* 5500€ à Serge X...,
* 1500€ à la SA ALLIANZ,
- condamné la MACIF aux dépens comprenant les frais d'expertise,
- ordonné l'exécution provisoire.
Le 25 septembre 2015, la MACIF a interjeté appel en intimant Serge X... et la SA ALLIANZ.
Par ordonnance du 3.3.2016, le conseiller de la mise en état de la présente cour a:
- Déclaré irrecevable à l'égard de la société ALLIANZ IARD, l'appel du jugement du tribunal de grande instance de Digne les Bains en date du 20 mai 2015, interjeté par la MACIF le 25 septembre 2015,
- Débouté Monsieur X... de sa demande tendant à voir déclarer le dit appel irrecevable à son égard,
- Dit que l'instance se poursuit entre la MACIF et Monsieur X...,
- Condamné la MACIF aux dépens de l'incident, avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour leur recouvrement au profit de l'avocat en ayant fait la demande, ainsi qu'aux dépens exposés en cause d'appel par la société ALLIANZ iard,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit d'aucune des parties.
Sur déféré de Serge X..., la cour de ce siège, par arrêt du 15.12.2016, a confirmé l'ordonnance entreprise et condamné Serge X... à payer à la MACIF 1000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens du déféré.
Vu les dernières conclusions de la MACIF PROVENCE MEDITERRANEE avec bordereau de pièces communiquées notifiées par le RPVA le 23.11.2015,
Vu les dernières conclusions de Serge X... avec bordereau de pièces communiquées notifiées par le RPVA le 15.3.2018,
Vu l'ordonnance de clôture du 5.6.2018,
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la garantie des risques de catastrophes naturelles :
En application de l'article 9 du Code de procédure civile : ' Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.'
Et l'article 1315 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10.2.2016 applicable au litige, énonce que :
' Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation',
Il appartient donc à l'assuré de rapporter d'une part, la preuve du sinistre qu'il invoque, d'autre part, d'établir que les garanties du contrat souscrit par lui doivent être mobilisées, alors que c'est à l'assureur qui dénie sa garantie de prouver que le contrat ne peut recevoir application faute pour l'assuré de remplir les conditions contractuelles et les prescriptions du code des assurances.
Ainsi, en vertu des alinéas 3 et 4 de l'article L. 125 ' 1 du code des assurances :
« Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises.
L'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où se situe la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa du présent article..».
En l'espèce, pour son immeuble de Manosque situé lotissement les Romarins Serge X... n'est assuré auprès de la société d'assurance mutuelle MACIF PROVENCE MEDITERRANEE qu'à compter du 10.3.2004, en vertu d'une police 'Multigarantie vie privée' couvrant notamment le risque catastrophes naturelles.
Il ne peut donc mobiliser la garantie de son assureur multirisques habitation au titre du risque catastrophes naturelles pour des faits survenus antérieurement à la prise d'effet de ce contrat.
Le 11.9.2004, Serge X... adressait à la société d'assurance mutuelle MACIF PROVENCE MEDITERRANEE une première déclaration de sinistre concernant 'des problèmes de fissures apparaissant sur certains murs extérieurs et intérieurs de (la ) maison et de déformations des terrasses dus à la sécheresse de ces derniers mois ', visant l'arrêté du 15.6.2004, publié au JO du 7.7.2004, portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, survenus entre le 1.1.2002 et le 30.6.2002 sur la commune de Manosque (page 21 du rapport d'expertise de Régis D...).
Alors que cet arrêté concernait une période où la société d'assurance mutuelle MACIF PROVENCE MEDITERRANEE n'était pas l'assureur de Serge X..., c'est donc avec raison que par lettre du 16.11.2004, elle lui indiquait qu'elle ne pouvait garantir le sinistre déclaré et l'invitait à saisir son précédent assureur.
Par courrier du 3.11.2004, ce dernier, en la personne de Henri E... agent général C..., indiquait cependant à Serge X... qu'il ne pouvait donner suite à sa déclaration de sinistre du 24.10.2004.
Le 29 mai 2008, Serge X... adressait une nouvelle déclaration de sinistre à la MACIF en faisant état de ' fissures extérieures et intérieures' affectant sa maison et en visant l'arrêté du 15 mai 2008 publié le 22 mai 2008, portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols survenus entre le 1er janvier 2005 et le 31 mars 2005 (page 21 du rapport d'expertise de Régis D... ).
Selon rapport du 19.10.2009 du Cabinet GAB ROBINS, missionné par l'assureur, qui constatait la présence de plusieurs fissures extérieures et intérieures traduisant un mouvement différentiel des fondations semblant avoir la sécheresse comme facteur déterminant, ' la sécheresse de 2005 n'est pas le facteur déterminant des désordres car les dommages remontent aux années 2002/2003", selon les propos de l'assuré recueillis sur place et les termes de son courrier du 25.10.2008, alors au surplus qu'il avait obtenu pour la période de 2003, une aide de l'Etat de 7334,79€. ( Pièce 7 de Serge X...).
Dans ce courrier du 25.10.2008, Serge X... reconnaissait lui-même que 'la situation présente est le résultat d'une évolution depuis plusieurs années' et faisait état de ' fines fissures extérieures, portant sur le corps du bâtiment (qui) sont apparues au courant de l'année 2002" ajoutant qu' 'au premier semestre 2004 la situation avait peu évolué, (et qu') au cours du second semestre et des mois suivants la situation s'est aggravée et a laissé apparaître des fissures importantes et extérieures (l') obligeant, pour assurer la sécurité physique de (sa) famille, à entreprendre des travaux de confortement des murs intérieurs notamment ' (pièce 18 de la société d'assurance mutuelle MACIF PROVENCE MEDITERRANEE ).
Et, dans le questionnaire sécheresse du 3.2.2009, signé par lui, Serge X... mentionnait face à la rubrique ' date de survenance des désordres': ' 2002 à ce jour'.
Enfin, dans son rapport du 31.5.2013, l'expert judiciaire Régis D..., tout en décrivant avec précision les fissures constatées et les travaux de reprise nécessaires, ajoutait qu' 'aucun élément technique ne permet de déterminer avec précision la date d'apparition des fissures' (page 21 du rapport).
Alors qu'il appartient à l'assuré de rapporter d'une part, la preuve du sinistre qu'il invoque, d'autre part, d'établir que les garanties du contrat souscrit par lui doivent être mobilisées, que Serge X... n'a fait établir aucun procès-verbal de constat des désordres invoqués, qu'il ne verse aucun document technique émanant d'un professionnel de la construction qui permettrait d'établir l'état des fissurations extérieures et intérieures survenues en 2002, qu'il ne démontre pas que celles constatées par l'expert missionné par l'assureur et par l'expert judiciaire ont eu,
conformément aux dispositions de l'article L. 125 ' 1 du code des assurances, 'pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel', à savoir les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols survenus entre le 1er janvier 2005 et le 31 mars 2005, c'est avec raison que la société d'assurance mutuelle MACIF PROVENCE MEDITERRANEE a refusé sa garantie au motif que la sécheresse de 2005 n'était pas la cause déterminante des désordres, les dommages remontant aux années 2002/2003.
Le jugement déféré doit donc ici être réformé.
Sur la demande d'indemnisation formée contre l'assureur pour faute :
Contrairement à ce qui est prétendu, il n'est pas démontré par l'intimé, que dans la gestion de cette affaire, suite aux différentes déclarations de sinistre, l'assureur aurait été fautif et que cette faute aurait été directement à l'origine d'un dommage à savoir le défaut d'indemnisation, ce qui justifierait de le condamner au paiement de dommages et intérêts.
En effet, comme indiqué précédemment, alors qu'il appartient à l'assuré de rapporter d'une part, la preuve du sinistre qu'il invoque, d'autre part, d'établir que les garanties du contrat souscrit par lui doivent être mobilisées, Serge X... n'a fait établir aucun procès-verbal de constat des désordres invoqués et ne verse aucun document technique émanant d'un professionnel de la construction qui permettrait d'établir l'état des fissurations extérieures et intérieures survenues en 2002.
Il ne peut être imputé à faute à la société d'assurance mutuelle MACIF PROVENCE MEDITERRANEE de ne pas avoir missionné un expert suite à la première déclaration de sinistre, puisque celle-ci visait une période où elle n'était pas l'assureur catastrophes naturelles.
Ainsi, contrairement à ce qu'allègue Serge X... dans ses écritures, la Macif n'a pas commis de 'faute contractuelle en refusant sa garantie à Monsieur X... le 16 novembre 2004".
A la suite de la seconde déclaration de sinistre de 2008, la MACIF a missionné un expert qui a procédé contradictoirement.
Alors que l'assuré lui-même a reconnu que le phénomène de fissuration avait débuté en 2002, qu'il lui appartenait de faire toutes diligences auprès de son précédent assureur, il n'établit pas que la société d'assurance mutuelle MACIF PROVENCE MEDITERRANEE ait commis une faute en refusant à nouveau sa garantie.
Il doit donc être débouté de sa demande de dommages et intérêts formée contre cet assureur pour 'faute contractuelle'.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :
Succombant, Serge X... supportera les dépens de première instance et d'appel qui comprendront le coût de l'expertise judiciaire.
L'équité ne commande nullement d'allouer à la société d'assurance mutuelle MACIF PROVENCE MEDITERRANEE la moindre somme au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR :
Statuant publiquement,
Contradictoirement,
Dans les limites de l'appel, suite à décision de caducité partielle de l'appel principal à l'encontre de la S.A. ALLIANZ,
CONFIRME partiellement le jugement déféré en ce que le premier juge a :
- débouté Serge X... de ses demandes de dommages et intérêts pour perte de jouissance et préjudice moral et de procédure,
- débouté la société d'assurance mutuelle MACIF PROVENCE MEDITERRANEE de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
LE REFORME pour le surplus,
STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,
DÉBOUTE Serge X... de ses demandes d'indemnisation et d'allocation d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile formées contre la société d'assurance mutuelle MACIF PROVENCE MEDITERRANEE,
DIT que le greffe communiquera à l'expert une copie du présent arrêt,
CONDAMNE Serge X... aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront notamment le coût de l'expertise judiciaire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT