La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/09/2018 | FRANCE | N°17/03281

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 14 septembre 2018, 17/03281


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 14 SEPTEMBRE 2018



N°2018/ 437



RG 17/03281

N° Portalis DBVB-V-B7B-BABXY







Y... G...





C/



SARL MARMEDSA





















Copie exécutoire et copie délivrées le :



à :



- Me Nathalie X..., avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Véronique H..., avocat au barreau de MARSEILLE

<

br>


Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 05 Septembre 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/1860.





APPELANTE



Madame Y... G..., demeurant [...]



représentée par Me N...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 14 SEPTEMBRE 2018

N°2018/ 437

RG 17/03281

N° Portalis DBVB-V-B7B-BABXY

Y... G...

C/

SARL MARMEDSA

Copie exécutoire et copie délivrées le :

à :

- Me Nathalie X..., avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Véronique H..., avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 05 Septembre 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/1860.

APPELANTE

Madame Y... G..., demeurant [...]

représentée par Me Nathalie X..., avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SARL MARMEDSA, demeurant [...]

représentée par Me Véronique H..., avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 14 Juin 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Virginie PARENT, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre

Madame Hélène FILLIOL, Conseiller

Madame Virginie PARENT, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Septembre 2018.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Septembre 2018

Signé par Madame Hélène FILLIOL, Conseiller et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Après un contrat à durée déterminée du 1er octobre 2007 puis un contrat à durée indéterminée à compter du 19 janvier 2008, Y... G... a été engagée par la société MARMEDSA, par contrat à durée indéterminée du 1er septembre 2011, en qualité de chef de service comptabilité, 1er degré, catégorie cadre.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la Convention Collective Nationale des transports routiers et activités auxiliaires de transport.

Le 28 février 2012, l'employeur notifiait à la salariée un avertissement.

Mme G... faisait l'objet de deux visites médicales de reprise par le médecin du travail ; le 19 mars 2012, le médecin concluait : inaptitude à tous postes de l'entreprise, serait apte à un poste de travail (à définir) dans un autre contexte organisationnel ; le 5 avril 2012, le médecin du travail rendait un avis d'inaptitude définitif dans les mêmes termes.

Après entretien préalable fixé le 18 mai 2012, Y... G... a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par la société MARMEDSA par lettre recommandée avec accusé réception en date du 5 juin 2012.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, Y... G... a saisi le 15 mai 2013 le conseil de prud'homme de Marseille qui par jugement du 5 septembre 2014 a :

- dit le licenciement intervenu régulier et valable

- débouté Mme G... Y... de l'intégralité de ses demandes

- débouté la SARL MARMEDSA de sa demande reconventionnelle.

Le 24 septembre 2014 Y... G... a régulièrement interjeté appel de cette décision.

L'affaire a fait l'objet d'une radiation le 1er juillet 2016 puis a été réenrôlée le 14 février 2017 à la demande de Mme G....

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, Y... G... demande de :

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Ce faisant, statuant à nouveau,

- dire l'instance non soumise à péremption

- écarter des débats sur le fondement des articles 15 et 16 du code de procédure civile les attestations de Mesdames Z... et A... non régulièrement communiquées

A titre principal,

- dire que Madame G... a été victime de harcèlement moral

- condamner la société MARMEDSA à lui verser les sommes de :

' 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral

' 10 500 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

' 1 050 euros au titre des congés payés afférents

' 43680 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul

A titre subsidiaire,

- dire que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité

- condamner la société MARMEDSA à lui verser les sommes de :

' 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

' 10 500 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

' 1 050 euros au titre des congés payés afférents

' 43680 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

A titre infiniment subsidiaire,

- dire que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement

- condamner la société MARMEDSA à lui verser les sommes de :

' 10 500 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

' 1 050 euros au titre des congés payés afférents

' 43680 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

- ordonner en application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail le remboursement à POLE EMPLOI des allocations servies au salarié dans la limite de 6 mois

- condamner la société à verser à Madame G... la somme de 1 600 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens de l'instance.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, la SARL MARMEDSA demande de :

Vu les articles 386 et 393 du code de procédure civile,

Vu les articles du L1226-10, Ll226-4, Ll226-10, R 4624-25 du code du travail,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

A TITRE LIMINAIRE :

Vu l'article 386 du code de procédure civile

Vu l'avis de déclaration d'appel

Vu la décision du 01/07/2016 de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence

- dire et juger périmée l'instance initiée par Madame Y... G... à l'encontre de la société MARMEDSA.

- condamner Mme G... à payer à la société MARMEDSA la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

SUBSIDIAIREMENT, si par extraordinaire la Cour ne retenait pas la péremption d'instance,

' Sur les prétendus agissements de harcèlement moral

- constater que la matérialité des faits invoqués par la salariée n'est pas établie,

- relever la mauvaise foi de la salariée,

- constater l'absence d'agissement de harcèlement moral à l'égard de Mme G...,

- dire et juger que le licenciement intervenu est régulier et valable,

En conséquence,

- débouter Madame G... de toutes ses demandes, fins et conclusions,

' Sur le reclassement

- constater que la société MARMEDSA a respecté l'obligation de reclassement,

- dire et juger que le licenciement intervenu est régulier et valable

' Sur l'obligation légale de sécurité

-constater que la société MARMEDSA a respecté l'obligation de sécurité

En conséquence,

- débouter Madame G... de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Madame G... à payer à la SARL MARMEDSA la somme de 3.000 €, sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamner Madame G... aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la péremption

L'article 386 du code de procédure civile dispose :

L'instance est périmée lorsqu' aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

L'article R1452-8 du code du travail applicable au litige dispose :

En matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans, mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.

Par arrêt du 1er juillet 2016, la cour d'appel d'Aix en Provence, 9ème chambre C a:

-ordonné la radiation de l'instance

- dit que la procédure pourra être rétablie au rôle qu'après accomplissement par l'appelante ou à défaut par l'intimée, des diligences suivantes :

Dépôt de conclusions écrites au greffe avec bordereau de communication de pièces

Justification de la communication à la partie adverse de ses conclusions et pièces

Copie du présent arrêt

-Dit que ces diligences devront être accomplies au plus tard dans les deux mois de la notification du présent arrêt et qu'à l'expiration d'un délai de deux ans suivant ce délai de deux mois, la péremption de l'instance pourra être encourue si les diligences n'ont pas été effectuées dans ce délai.

Mme G... soutient à raison que la société MARMEDSA procède à une lecture erronée de cet arrêt de radiation pour prétendre à la péremption de l'instance au motif qu'aucune des parties n'a déposé régulièrement au greffe des conclusions dans les deux mois de la notification dudit arrêt.

Lorsque la juridiction fixe la date d'exécution des diligences expressément mises à la charge d'une partie, le délai de péremption ne commence à courir qu'à compter de la date impartie pour la réalisation de ces diligences, soit en l'espèce au terme du délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt du 1er juillet 2016.

En l'espèce, l'arrêt du 1er juillet 2016 a été notifié à cette date, de sorte que le délai de péremption, qui est de deux ans, n'a commencé à courir qu'à compter du 1er septembre 2016.

Il est constant qu'à la date du 14 juin 2018, date des plaidoiries, les conclusions et pièces avaient été communiquées et déposées au greffe, de sorte que les diligences mises à la charge des parties dans l'arrêt du 1er juillet 2016 ont été régulièrement accomplies avant le 1er septembre 2018.

Le moyen, soulevé par la société MARMEDSA, tiré de la péremption de l'instance, doit donc être écarté.

Sur la demande tendant à voir écartées des débats deux attestations

Mme G... demande d'écarter des débats les attestations évoquées par la partie intimée dans ses conclusions de mesdames Z... et A..., dites pièces 21 et 22, alors que le bordereau de communication de pièces ne fait pas état de ces documents, qui n'ont jamais été communiqués, les pièces transmises numéro 21 correspondant à la déclaration d'appel et numéro 22 à la décision de la cour du 1er juillet 2016.

La société MARMEDSA ne formule aucune observation quant à cette demande. La cour note qu'à tort toutefois elle mentionne dans le bordereau de communication des pièces qu'elle soumet à la cour, que ces attestations ont été communiquées en première instance, alors que tel n'apparaît pas être le cas, et ce, au vu du bordereau de communication de pièces annexé à ses conclusions déposées devant le conseil de prud'hommes le 20 juin 2014. De même il est relevé que comportent le tampon du cabinet du conseil de l'intimé les pièces n° 1 à 20, communiquées en première instance, qu'effectivement, l'avis de déclaration d'appel sans tampon du conseil porte un numéro 21 qui a été rectifié à la main en 23 et que l'arrêt du 1er juillet 2016 sans tampon du conseil porte le numéro 22 rectifié manuscritement en 24.

La société MARMEDSA ne justifiant pas la communication à la partie appelante des deux attestations litigieuses, la cour en application de l'article 16 du code de procédure civile, écartera des débats ces documents.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

En application de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque le salarié présente des faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Mme G... soutient avoir été victime de harcèlement moral à compter de l'année 2010, date correspondant à l'arrivée de M. B..., nouveau directeur; elle invoque les faits suivants :

-elle a subi de nombreuses pressions, a été humiliée, malmenée, a dû travailler dans une ambiance insupportable, son supérieur M. B... n'hésitant pas à l'invectiver et lui faire subir des pressions excessives

-elle a été privée de ses revenus complémentaires durant ses arrêts de travail et congé maternité

-elle a été reléguée dans un open space en retour de maternité en septembre 2011

-elle a vu son poste vidé de toute substance et responsabilités, ne s'est plus vue confier de travail ou de dossier

-M. B... a poursuivi ses tentatives de déstabilisation par oral et par mails comminatoires

-elle a sollicité en vain un entretien auprès de ses supérieurs hiérarchiques

-elle a été de nouveau placée en arrêt de travail à compter d'octobre 2011 et a dénoncé son comportement par courriel du 22 novembre 2011 les pressions et le harcèlement qu'elle subissait

-loin de prendre en compte son état de souffrance M. B... a poursuivi envers elle sur un terrain accusatoire et elle a été sanctionnée pour avoir dénoncé les faits qu'elle subissait.

Elle formule une demande indemnitaire à ce titre et conclut à la nullité du licenciement pour inaptitude.

Mme G... produit:

- deux attestations de Mme C... et de Mme D..., salariées de la société MARMEDSA

-un courrier de M. E... du 28 novembre 2011 répondant à un mail de Mme G... et à une lettre de cette dernière du 22 novembre, l'avisant que ses agissements et propos envers le directeur général de MARMEDSA MARSEILLE ne peuvent être tolérés et sont de nature à affecter et porter atteinte au bon fonctionnement de l'entreprise

-un courrier de M. B... du 5 décembre 2011 au terme duquel en sa qualité de directeur général, il lui fait part de ce que les termes employés par elle dans un mail dont il a eu connaissance par l'intermédiaire du gérant, ont porté atteinte à sa réputation, son honneur et à sa carrière professionnelle, et prie la salariée de cesser ses agissements.

-les courriers en réponse de la salariée

-la convocation de la salariée à un entretien préalable en vue d'une sanction

-la notification d'un avertissement en date du 28 février 2012

-un mail de la salariée du 14 octobre 2011 sollicitant un entretien avec le gérant de l'entreprise

-un mail de la salariée du 14 décembre 2010 évoquant un mail ironique et scandaleux de Mr B..., ajoutant s'être arrêtée en maladie à cause de l'agressivité de Mr. B... et de toutes les injures de zub,

-des échanges de mails entre Mme G... et M. B... dans lesquels la salariée déplore le ton employé par son directeur à son endroit

-des courriels de la salariée de février et mars 2011 indiquant n'avoir toujours pas perçu ses indemnités de congé maternité

-un arrêt de travail du 20 octobre 2010

- un certificat du Dr F... du 10 novembre 2011 notant que Mme G... souffre d'un état anxio dépressif

- le dossier médical de la salariée de la médecine du travail, mentionnant : 17 décembre 2008 : contraintes ++ du chef de service, 11 décembre 2009 : état dépressif non pris en charge, 4 novembre 2011: en arrêt depuis le 18 octobre 2011' trop de pression, le 19 mars 2012 : état dépressif persistant en lien avec le travail

Les pièces produites établissent que Mme G... a été en arrêt de travail à compter du 20 octobre 2010, qu'elle a repris le travail en septembre 2011 après un congé maternité, puis a été de nouveau en arrêt à compter du 18 octobre 2011.

Elle évoque un harcèlement moral à compter de 2010, après l'arrivée d'un nouveau directeur M. B... et à son retour de congé maternité. Il ressort des déclarations des parties que M. B... a été nommé directeur le 1er janvier 2010. Les faits de harcèlement moral qu'elle évoque s'emplacent donc entre le 1er janvier 2010 et le 18 octobre 2011, étant observé qu'elle était absente du 20 octobre 2010 au mois de septembre 2011.

La société MARMEDSA ne conteste pas le retard invoqué dans le paiement de prestations dues à la salariée pendant son arrêt de travail ni l'installation de la salariée dans un open space à son retour de congé maternité en septembre 2011. Il ressort des pièces produites que Mme G... a écrit plusieurs courriers fin 2011, lesquels ont suscité critique de son employeur, puis sanction disciplinaire.

Mme G... justifie s'être plainte auprès de son directeur M. B..., et ce à plusieurs reprises et par mails du ton employé par ce dernier à son égard. Mme C...atteste d'une ambiance déplorable pendant la période où elle a travaillé au sein de MARMEDSA Marseille de 2008 à 2010.

Enfin Mme G... justifie avoir souffert d'un état dépressif.

Il convient dès lors de constater que l'appelante présente ainsi des faits précis et concordants, qui, pris dans leur ensemble, pourraient permettre de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

L'employeur observe justement que si Mme G... fait état d'un harcèlement moral à compter de 2010, les pièces médicales qu'elles soumet à la cour témoigne de l'existence d'un état dépressif antérieur à cette date et de difficultés dès 2008, 2009 avec son équipe. De telles difficultés ressortent également d'un courrier de la déléguée du personnel, déléguée syndicale à l'employeur du 3 septembre 2011, en ces termes:

Dans le cadre de mon mandat syndical et celui du dialogue social, je vous fais part des inquiétudes grandissantes de certains membres du personnel à l'approche du retour de congé maternité de Mme Y... G... prévu le 8 septembre 2011. Je vous saurai gré de veiller à ce que son attitude envers ses collègues se fasse dans un état d'esprit différent de celui qui était le sien avant son départ en congés afin de préserver la bonne marche du service'

La société MARMEDSA note également à juste titre que si Mme C..., salariée évoque une ambiance déplorable au sein de l'entreprise, ce témoin ne témoigne d'aucun fait précis dont Mme G... aurait été victime de la part de son employeur. Il en est de même du témoignage de Mme D... qui décrit une ambiance générale et ne témoigne d'aucun fait subi par l'appelante. Il convient de noter en particulier que si ce dernier témoin critique l'attitude de M. B... en ces termes « se foutait de nos doléances' pression et emprise qu'il a sur les employés», Mme D... expose avoir travaillé au sein de la SARL ARMEDSA entre novembre 2010 et jusqu'au 23 juillet 2011, période pendant laquelle Mme G... était en congés.

La société MARMEDSA produit le courrier du 22 novembre 2011 que la salariée lui a adressé renformant moultes critiques à l'égard de M. B..., écrivant par exemple «comment travailler sereinement et être responsable financière dans cette société avec M. B... en directeur. Cela est rien d'autre que suicidaire» ou «nous recevons des appels d'huissier car il ne paye pas ses contraventions personnelles sur une voiture de fonction société. M. B... donne le numéro de carte bleue de la société à des employés, carte bleue dont nous n'avons aucun justificatif pour l'année 2011»

Au vu de ces graves accusations portées à l'encontre de son directeur, dont l'intégrité et l'honnêteté apparaissent ainsi mises en cause par Mme G..., il ne saurait être fait grief à l'employeur, à défaut pour la salariée, d'étayer ses dires, de faire rappel à cette dernière de ses obligations et d'avoir sanctionné une attitude dénigrante de la salariée envers son supérieur, l'avertissement délivré retenant un manquement à la discipline, de sorte que la société MARMESDA ne peut se voir reprocher un quelconque comportement fautif dans la mise en 'uvre de son pouvoir disciplinaire; la cour note de surcroît que Mme G... n'entend pas solliciter l'annulation de cette sanction.

Mme G... ne conteste pas les affirmations de l'employeur selon lesquelles l'ensemble du personnel a fait l'objet comme elle d'une installation en open space, dans le cadre d'une réorganisation, si bien que cette mesure non individuelle est à tort invoquée au soutien d'une attitude harcelante envers la salariée.

Si Mme G... apparaît s'être plainte dans plusieurs mails du ton employé par M. B... dans ses écrits à son égard, la cour constate néanmoins, que les échanges de mails qu'elle produit ne contiennent aucun propos humiliant ou insultant du directeur à son endroit. La cour relève également que les allégations de l'appelante sur une absence de travail donné à compter de son retour de congé maternité ne reposent sur aucun élément probant.

S'agissant du retard dans le versement des prestations journalières dues à la salariée pendant son arrêt de travail; il est produit par la société MARMEDSA des échanges de mails entre l'employeur et la salariée pour lui réclamer ses arrêts de travail, de sorte qu'il n'est pas démontré l'existence d'un comportement fautif de l'employeur à l'origine de ses retards de paiements.

En considération de ce qui précède l'employeur démontre que les faits matériellement établis par Y... G... sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. La cour confirme en conséquence le rejet de la demande de nullité du licenciement au motif que l'inaptitude de la salariée a pour origine un harcèlement moral non démontré en l'espèce, ainsi que le rejet de sa demande indemnitaire du chef d'un harcèlement moral.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité

Mme Y... G... soutient qu'entre 2008 et 2010, son employeur a manqué à son obligation de sécurité, et a été à l'origine de la dégradation de la relation de travail et des conditions de travail de sa salariée, seules à l'origine de la suspension de son contrat de travail et de l'inaptitude prononcée. A titre subsidiaire, et pour la première fois en cause d'appel, elle entend formuler une demande indemnitaire à ce titre et demande d'en déduire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Il résulte des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que les actions que l'employeur doit mettre en oeuvre pour protéger la santé physique et mentale des salariés concernent la prévention des risques professionnels et l'évaluation de ceux qui ne peuvent être évités ;

Si l'existence d'une ambiance déplorable est invoquée par le témoin Mme C... entre 2008 et 2010, il est justement relevé par l'employeur que le personnel de l'entreprise , par l'intermédiaire de la déléguée syndicale, s'est inquiété de la reprise de travail de Mme G... en septembre 2011, souhaitant un état d'esprit différent de la salariée du sien avant son départ ( soit avant octobre 2010) afin de préserver la bonne marche du service et ceci pour le bénéfice de l'entreprise et le bien être de toutes et tous.. Dans de telles circonstances, Mme G... ne caractérise pas que la dégradation des relations de travail au sein de la société MARMEDSA dont elle dit avoir souffert, trouve son origine dans un comportement fautif de l'employeur, alors même que sa propre attitude est critiquée par ses collègues. A défaut de démontrer un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, Mme G... doit être déboutée de ces demandes subsidiaires.

Sur le reclassement

Aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou à un accident non professionnels, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ;

Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. Il appartient à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens, et de rapporter la preuve de l'impossibilité de reclassement qu'il allègue ; les recherches de reclassement doivent être loyales et sérieuses;

Mme G... conclut à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, au motif que la société MARMEDSA a manqué à son obligation de reclassement en ce que :

-l'employeur ne pouvait proposer une offre de reclassement qui la maintenait sous la subordination de M. B...

-l'offre en Espagne n'a rien de précis, et un délai trop court d'une semaine a été donné à la salariée pour se prononcer sur celle-ci,

-la société MARMEDSA appartient à un groupe d'envergure implanté dans 8 pays, 59 ports et de nombreuses villes et l'employeur n'a effectué aucune recherche au sein de ce périmètre,

-l'employeur ne justifie pas de l'impossibilité de reclassement, ne produisant aucun registre du personnel, et ce malgré une sommation de communiquer.

Le médecin du travail a conclu : : inapte à tous postes de l'entreprise, serait apte à un poste de travail à définir dans un autre contexte organisationnel.

Il a, par mail du 26 mars 2012, précisé que la salariée serait apte à un poste de travail à définir dans un autre contexte organisationnel et relationnel. Il n'est médicalement pas envisageable que cette salariée reprenne son activité dans cette entreprise.

La société MARMEDSA a effectué une première offre de reclassement le 16 avril 2012, proposant à Mme G... de lui mettre à disposition un bureau fermé. L'appelante soutient à raison que cette offre n'est pas conforme aux préconisations du médecin du travail qui précise qu'elle ne peut reprendre son activité au sein de cette entreprise, de sorte que l'intimée ne peut se prévaloir de cette offre.

La société MARMEDSA a ensuite proposé par un courrier du 27 avril 2012 à Mme G... un second reclassement au même poste a sein du siège Marmedsa Lisbonne à compter du 7 mai 2012. S'agissant du même poste, Mme G... n'est pas fondée à objecter que cette proposition n'était pas précise en termes de classification et rémunération.

Lorsque la proposition de reclassement par l'employeur en application de l'article L. 1226-2 du code du travail emporte modification du contrat de travail ou des conditions de travail, le salarié peut la refuser et son refus n'est pas une cause réelle et sérieuse de licenciement ; dans un tel cas, il appartient à l'employeur de tirer les conséquences du refus du salarié soit en formulant de nouvelles propositions de reclassement, soit en procédant au licenciement de l'intéressé aux motifs de l'inaptitude et de l'impossibilité du reclassement;

La société MARMEDSA a licencié Mme G... en ces termes:

' nous avons comme indiqué dans son avis d'inaptitude recherché les postes de travail susceptibles de convenir à vos nouvelles capacités. Nous vous avons proposé dans un premier temps un reclassement consistant en l'aménagement de votre poste en mettant à votre disposition un bureau fermé proche des employés du service comptabilité. Vous n'avez pas donné suite à cette proposition. Nous vous avons alors proposé un poste identique à celui occupé à ce jour au sein d'une autre agence du groupe, proposition à laquelle vous n'avez pas donné suite. Nous ne sommes donc malheureusement pas parvenus à trouver un emploi disponible qui corresponde à votre qualification et respecte les prescriptions du médecin du travail. Nous constatons ainsi que votre reclassement est impossible'

En l'espèce, la seconde proposition de reclassement impliquant une mutation à l'étranger emportait modification des conditions de travail.

Mme G... n'a pas répondu à cette offre de sorte qu'implicitement elle l'a refusée.

L'employeur ne conteste pas son appartenance à un groupe, dont la salariée justifie effectivement qu'il s'agit du groupe MARMEDSA NOATUM MARITIME, composé de bureaux dans de nombreuses villes portuaires en France et à l'étranger. L'employeur qui ne justifie par aucune pièce de quelconques recherches de reclassement au sein du groupe dont s'agit n'est donc pas en mesure de démontrer l'impossibilité de la reclasser au sein de ce dernier.

En conséquence la cour constate que la société MARMEDSA a manqué à son obligation de reclassement et, par voie d'infirmation du jugement, dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Y... G... est donc fondée à prétendre aux indemnités de rupture et à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La salariée licenciée le 5 juin 2012 est entrée dans l'entreprise le 1er octobre 2007, elle justifie donc d'une ancienneté de plus de 4 ans. La société MARMEDSA ne discute pas l'application en l'espèce des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail, ne justifiant pas en tout état de cause avoir eu un effectif de moins de onze salariés au moment du licenciement. Mme G... disposant du statut de cadre, l'employeur ne discute pas le fait qu'elle pouvait prétendre à un préavis de 3 mois. Son contrat de travail mentionne un salaire de 3500 €. La cour condamne en conséquence la société MARMEDSA à lui payer une somme de 10 500 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et celle de 1 050 € au titre des congés payés afférents.

Mme G... justifie être restée au chômage jusqu'en mai 2014 date à laquelle elle a trouvé un emploi. Compte tenu de son ancienneté et de ces éléments, il convient de condamner l'employeur à lui payer une somme de 24 500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en application de l'article L 1235-4 du code du travail de condamner la société MARMEDSA à rembourser à POLE EMPLOI les indemnités de chômage qui lui ont été servies dans la limite de 6 mois.

Sur les autres demandes

Il est inéquitable de laisser à la charge de l'appelante la totalité des frais irrépétibles qu'elle a exposés, la cour fera droit à sa demande de ce chef et condamnera la société MARMEDSA aux entiers dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Ecarte les attestations de Mesdames Z... et A...,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Y... G... de ses demandes fondées sur l'existence d'un harcèlement moral,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Y... G... de ses demandes fondées sur un non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité,

Dit le licenciement de Y... G... sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société MARMEDSA à payer à Y... G... les sommes de :

*10 500 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

*10 50€ au titre des congés payés afférents,

* 24 500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 1 600 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société MARMEDSA à rembourser à POLE EMPLOI les indemnités de chômage versées à Y... G..., du jour de son licenciement à ce jour , dans la limite de 6 mois,

Condamne la société MARMEDSA aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERPour Mme LE LAY, empéchée,

Mme H. FILLIOL en ayant délibéré


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 17/03281
Date de la décision : 14/09/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°17/03281 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-14;17.03281 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award