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14/09/2018 | FRANCE | N°16/15239

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 14 septembre 2018, 16/15239


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 14 SEPTEMBRE 2018



N°2018/386



N° RG 16/15239 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7D4F







Jean-Pierre X...





C/



Association KEDGE BUSINESS SCHOOL

























Copie exécutoire délivrée le :



14 SEPTEMBRE 2018





à :



Me Philippe Y..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Pierre-andré C... ERNST & YOUNG SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 13 Juillet 2016, enregistré au répertoire général.





A...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 14 SEPTEMBRE 2018

N°2018/386

N° RG 16/15239 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7D4F

Jean-Pierre X...

C/

Association KEDGE BUSINESS SCHOOL

Copie exécutoire délivrée le :

14 SEPTEMBRE 2018

à :

Me Philippe Y..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Pierre-andré C... ERNST & YOUNG SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 13 Juillet 2016, enregistré au répertoire général.

APPELANT

Monsieur Jean-Pierre X..., demeurant [...]

comparant en personne, assisté de Me Philippe Y..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Association KEDGE BUSINESS SCHOOL, demeurant [...]

représentée par Me Pierre-andré C... ERNST & YOUNG SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Sandrine D..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 28 Juin 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur David MACOUIN, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Nathalie FRENOY, Conseiller

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Septembre 2018.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Septembre 2018

Signé par Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller pour le Président empêché et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur Jean-Pierre X... a été engagé par l'Association GROUPE EUROMED MANAGEMENT suivant contrat de travail à durée indéterminée du 14 janvier 2010 en qualité de Chef Comptable, catégorie 'Cadre CA- échelon B' de la convention collective nationale de l'enseignement privé hors contrat moyennant une rémunération mensuelle brute de 3 461,54 €.

En juillet 2013, les écoles GROUPE EUROMED MANAGEMENT et BEM ont fusionné pour créer l'Association Groupe KEDGE BUSINESS SCHOOL.

Par lettre du 30 janvier 2014, Monsieur X... a été convoqué à un entretien préalable et a été mis à pied à titre conservatoire. Par lettre du 17 février 2014, il a été licencié pour faute grave.

Contestant le bien-fondé de son licenciement et sollicitant le paiement de rappels de salaire et d'une prime de départ à la retraite, Monsieur X... a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille qui, par jugement du 13 juillet 2016, a :

- dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

- requalifié le licenciement en faute simple,

- condamné l'Association Groupe KEDGE BUSINESS SCHOOL à lui payer les sommes de

* 2 716,79 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied,

* 271,67 € au titre des congés payés afférents,

* 11 868 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 186,80 € au titre des congés payés afférents,

* 3 230,73 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 1 861 € à titre de rappel de prime d'objectifs,

- dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire,

- débouté l'Association Groupe KEDGE BUSINESS SCHOOL de ses demandes,

- condamné l'Association Groupe KEDGE BUSINESS SCHOOL à payer à Monsieur X... la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'Association Groupe KEDGE BUSINESS SCHOOL aux entiers dépens.

Monsieur X..., qui a reçu notification du jugement le 21 juillet 2016, en a régulièrement interjeté appel le 17 août 2016.

Le 22 mars 2018, l'ordonnance de clôture a été révoquée et une nouvelle ordonnance de clôture a été rendue le 27 juin 2018.

Monsieur X... demande à la cour d'infirmer le jugement et de :

- dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner l'Association Groupe KEDGE BUSINESS SCHOOL à lui payer les sommes de

* 2 716,79 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied,

* 271,67 € au titre des congés payés afférents,

* 11 868 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 186,80 € au titre des congés payés afférents,

* 3 230,73 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 1 861 € à titre de rappel de prime d'objectifs,

* 5 461 € au titre du capital-prime départ à la retraite,

* 60 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 40 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de préjudices distincts,

* 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées et en cas d'exécution par voie extra-judiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire au titre de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par l'Association Groupe KEDGE BUSINESS SCHOOL.

L'Association Groupe KEDGE BUSINESS SCHOOL demande à la cour de :

- in limine litis, prononcer le sursis à statuer de la présente instance dans l'attente de la décision définitive prononcée par le juge pénal saisi par le dépôt de plainte de Monsieur X... du 8 janvier 2017,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a requalifié le licenciement en faute simple et a alloué au salarié une somme au titre de la prime d'objectifs,

- dire que le licenciement de Monsieur X... est régulier, repose sur une faute grave et ne présente aucun caractère vexatoire ou brutal,

- débouter Monsieur X... de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Monsieur X... à payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de sursis à statuer

L'Association Groupe KEDGE BUSINESS SCHOOL, qui fait valoir que Monsieur X... a déposé plainte contre son employeur dans un premier temps pour des faits de harcèlement moral et de faux en attestation puis, auprès de Monsieur le Procureur de la République, pour des faits de falsification de documents comptables, demande à la cour d'ordonner le sursis à statuer dès lors que les faits relatés par Monsieur X... à l'appui de ses plaintes, sont intrinsèquement liés aux demandes indemnitaires qu'il formule devant la cour et pourraient les impacter de manière effective.

Monsieur X... ne conclut pas sur ce point.

Il résulte de l'article 4 du code de procédure pénale que, « L'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction prévue par l'article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l'action publique.

Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.

La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil ».

Ainsi, il n'est invoqué que des dépôts de plainte qui ne mettent pas en mouvement l'action publique; que même si l'action publique avait été mise en mouvement le prononcé d'un sursis à statuer n'est qu'une faculté laissée à l'appréciation du juge; qu'en l'espèce, les éléments produits permettent à la cour de statuer. Il est donc d'une bonne justice de poursuivre l' instance prud'homale qui a été introduite en septembre 2015. La demande de sursis à statuer sera donc rejetée.

Sur le licenciement

Il ressort de la lettre du 17 février 2014 que Monsieur X... a été licencié pour les motifs suivants qualifiés de faute grave :

(Sic) 'Nous faisons suite à notre entretien préalable en date du 7 février 2014 au cours duquel vous étiez assisté de Monsieur Brice E....

Lors de l'entretien préalable, vous n'avez pas cru devoir apporter d'explications sur les griefs qui vous sont reprochés. Dans ce contexte, nous vous informons que nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour faute grave.

Notre décision est motivée par les agissements totalement inacceptables que vous avez commis.

En effet, le 13 décembre 2013, vous nous avez adressé un courrier, dont vous avez fait parvenir une copie à Monsieur Marchand, Commissaire aux Comptes de notre Association, et dans lequel vous émettez publiquement des doutes quant à la qualité et l'intégrité d'éléments comptables majeurs, à savoir l'arrêté des comptes du 30 juin 2013 ainsi que la consolidation du 31 décembre 2013. Vous indiquez notamment dans ledit courrier :

* - Ne pas être en mesure d'engager ma responsabilité sur l'arrêté du 30/06/2013 et la consolidation du 31/12/2013 au regard des documents en ma possession sur le retraitement du résultat 2012/2013 et des anomalies constatées.

- Ne pas être en mesure de garantir la qualité des arrêtés 2013/2014 en l'absence de toute maîtrise sur le dossier et impossibilité de vérification des informations transmises'

Par ailleurs, vous réitérez vos doutes dans différents courriels en date du 16 décembre 2013 et dans lequel vous écrivez :

' -Dois-je en conclure que le niveau de charge a été artificiellement majoré ''

' - Le rapport me semble tronqué des résolutions portées au vote... et adoptées'

' - C'est ce qui s'appelle un budget équilibré. Je suis surpris de ne pas avoir de capacité d'autofinancement susceptible d'être dégagée...par la nouvelle structure. Résultat =0"

Et enfin dans un courriel du 9 janvier 2014 :

'...compte-tenu des réserves que j'émets sur les comptes présentés'

En votre qualité de Chef comptable et dans le cadre de vos prérogatives, vous avez toujours eu accès à l'intégralité de l'information notamment par le biais de vos relations directes avec nos Commissaires aux Comptes.

Dès le mois d'octobre 2013, vous avez été informé des options financières et comptables retenues par l'Association pour l'exercice arrêté au 30 juin 2013. Vous avez été en contact direct et en copie des échanges avec les représentants de nos Commissaires aux Comptes, relatifs notamment au traitement en charge à payer de l'excédent de subventions versées par la CCIMP (courriels des 4 et 15 octobre 2013 et courriels du 18 octobre 2013).

Vous avez été destinataire du rapport des Commissaires aux Comptes dans lequel apparaissait clairement la validation du traitement comptable relatif à l'excédent de subventions susmentionné et avez pu constater qu'ils n'avaient, à ce titre, formulé aucune observation, et qu'ils avaient certifiés les comptes arrêtés sans réserve.

Nous vous rappelons, à toutes fins utiles, que cette certification engage la responsabilité des Commissaires aux Comptes et vous permet d'effectuer votre mission en toute sérénité, ce que vous ne pouvez ignorer, compte tenu de votre expérience significative dans le fonction de chef comptable.

Votre persistance à dénoncer publiquement une prétendue fraude dans les activités financières de notre Association caractérise une totale mauvaise foi de votre part. En effet, compte tenu de la transparence dans laquelle a été faite cette clôture de comptes, vous aviez, pour y avoir activement participé, une parfaite connaissance de la validation par les Commissaires aux Comptes, du traitement comptable et financier visant l'excédent de subventions.

Par ailleurs, vous avez refusé de déposer les comptes 2012/2013 sur le site du Bulletin Officiel alors même que cette obligation légale fait partie intégrante des attributions de votre mission. Votre responsable hiérarchique, Valérie Z... Gonder, a été contrainte de vous rappeler à plusieurs reprises d'effectuer le dépôt (courriels des 20 décembre 2013 et 8 janvier 2014 et entretien du 7 janvier 2014).

Par courriel du 9 janvier 2014, vous avez expressément refusé d'exécuter votre mission ainsi qu'une instruction de votre supérieure hiérarchique. Or, vous étiez le seul à pouvoir effectuer cette formalité car vous seul aviez les code d'accès pour la télé déclaration.

Vous avez, de par votre refus persistant constitutif d'une insubordination manifeste, fait prendre un risque juridique important à l'Association en ne lui permettant pas de respecter son obligation légale dans les temps impartis.

Enfin, vous avez refusé d'effectuer les entretiens d'évaluation 2012/2013 de vos six collaborateurs au prétexte que vous n'auriez pas toute la visibilité sur l'organisation et aucune fiche de poste.

Les entretiens individuels font partie de la mission d'encadrement inhérente à votre poste de chef comptable. De surcroît, vous avez bénéficié d'un entretien individuel avec votre manager, Valérie Z... Gonder, dans lequel vous avez été totalement associé à la réflexion sur la nouvelle organisation du service comptable (le 17 septembre 2013) et avez été invité à toutes les réunions de service, notamment celles au cours desquelles la nouvelle organisation a été évoquée (12 juillet 2013, 26 septembre 2013,...).

De plus, les organigrammes publiés auprès de vos collaborateurs dès le 23 mai 2013 font apparaître que votre positionnement ainsi que votre périmètre managérial sont restés inchangés.

Enfin, vous savez pertinemment qu'une mission d'élaboration des nouvelles définitions de fonction est en cours depuis le mois d'octobre (note du 12 octobre 2013 de la Direction des Ressources Humaines à l'ensemble des collaborateurs) et qu'elle permettra ainsi à chaque collaborateur de bénéficier d'une définition de fonction à jour.

En conséquence et au regard de l'ensemble des éléments cités ci-dessus, votre refus d'effectuer les entretiens d'évaluation de vos collaborateurs s'analyse en un acte d'insubordination.

Vos agissements sont totalement inacceptables de la part d'un cadre de votre niveau, admis à une rémunération telle que la vôtre et en qui nous avions placé toute notre confiance.

Par conséquent, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave à effet immédiat, sans indemnité de préavis, ni de licenciement, dès la première présentation de cette lettre à votre domicile par les services de la Poste.'....

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis. Elle doit être prouvée par l'employeur.

- sur le grief lié à une dénonciation de fraude dans les activités financières et comptables de l'association

Monsieur X... ne conteste pas être l'auteur de la lettre du 13 décembre 2013 adressée à son employeur et en copie à Monsieur MARCHAND commissaire aux comptes ainsi que des mails envoyés les 16 décembre 2013 et 9 janvier 2014, dont la teneur est rapportée dans la lettre de licenciement et dans lesquels il évoque des anomalies et émet des réserves sur le bilan du 30 juin 2013 et la consolidation du 31 décembre 2013.

Il ressort des écritures des parties que Monsieur X... viserait plus particulièrement le traitement de l'excédant de subventions par l'association qui serait, selon le salarié, frauduleux et l'arrêté des comptes qui aurait été artificiellement positionné en équilibre.

Or, l'Association Groupe KEDGE BUSINESS SCHOOL établit que l'écriture comptable relative au traitement de l'excédent de subventions a été validée par le commissaire aux comptes de l'association (pièce 17) qui par ailleurs a fait état du schéma des reversions dans son rapport sur les comptes annuels. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que l'option juridique choisie par l'employeur pour le remploi de cet excédent, et rappelée dans le mail de Madame A... du 17 octobre 2013, serait illégal.

Concernant l'arrêté des comptes, l'Association Groupe KEDGE BUSINESS SCHOOL produit les échanges de mails entre Monsieur X..., Madame F... et Monsieur B... qui démontrent que des réponses ont été données en son temps aux interrogations de l'appelant.

Les pièces versées au débat par Monsieur X..., à savoir une série de mails, comportant des messages succincts entre les différents intervenants à l'élaboration des comptes, ne permettent pas de caractériser l'existence de manipulations voire de dissimulations d'informations de la part de l'Association Groupe KEDGE BUSINESS SCHOOL comme l'affirme Monsieur X... dans ses écritures.

De même, Monsieur X... prétend ne pas avoir disposé de toutes les informations requises et avoir été 'mis en quarantaine' (courrier du 13 décembre 2013) alors que les mails produits au débat tant par lui-même que par l'employeur, démontrent que ceux-ci soit lui ont été directement adressés, soit lui ont été envoyés en copie.

Ainsi, l'Association Groupe KEDGE BUSINESS SCHOOL établit que Monsieur X... a bien adressé un courrier à son employeur, avec copie au commissaire aux comptes, ainsi que des mails à d'autres salariés de l'association dans lesquels il porte des accusations de violations délibérées de la loi comptable, sans toutefois être en capacité de les justifier.

Dans ces circonstances, le grief est établi par l'employeur et l'invocation par Monsieur X... d'un 'droit de réserve' ou d'un 'droit de d'alerte', notions évoquées cumulativement par le salarié sans toutefois les étayer ou en justifier du bien-fondé juridique, ne serait être utilement revendiqué pour expliquer son comportement.

- sur le grief lié au refus de déposer les comptes annuels de l'association

La matérialité de ce grief n'est pas contestée par Monsieur X.... Il relie son refus d'accomplir cette tâche qui entre dans ses attributions aux accusations d'irrégularités et de fraude invoquées ci-dessus mais dont le bien-fondé n'est pas établi.

Le dépôt annuel des comptes est une obligation légale et en l'espèce, le refus ne peut être justifié par l'exercice d'un 'droit de réserve' ou d'un 'droit de d'alerte non explicité juridiquement par le salarié'.

Il ressort également des éléments du dossier que Monsieur X... a persisté dans son attitude malgré les demandes réitérées de son employeur et a renvoyé à celui-ci le soin d'effectuer le dépôt des comptes alors qu'il savait pertinemment qu'il risquait de le mettre dans situation illégalité.

Le grief est donc également établi.

- sur le grief lié au refus d'effectuer les entretiens d'évaluation 2012/2013

La matérialité de ce grief n'est pas contestée par Monsieur X... ni le fait que cette tâche relevait bien de ses attributions. Il explique son refus par la fusion des établissements qui aurait provoquée une absence de visibilité et qui aurait rendu nécessaire selon lui une clarification de l'organigramme du service et du contenu de postes par l'élaboration de fiches de poste.

Or, l'employeur établit, par la production de l'organigramme, que la fusion n'a pas entraîné de modification du positionnement de l'équipe comptable et de Monsieur X... et que même si une procédure était en cours au sein de l'association pour procéder à une mise à jour des définitions des fonctions des salariés, cette circonstance ne peut justifier le refus réitéré de Monsieur X... d'accomplir les entretiens d'évaluation dans le cadre existant à l'époque et défini par l'employeur.

Le grief est établi.

L'ensemble de ces faits imputables au salarié qui constitue assurément une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle

- s'agissant d'accusations non justifiées et d'insubordinations réitérées - qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

Dans ces conditions, le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a accordé à Monsieur X... un rappel de salaire au titre de la mise à pied, une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et une indemnité conventionnelle de licenciement.

De même, Monsieur X... n'explicite ni en fait ni en droit ses demandes au titre d'un rappel de prime objectif 2012/2013 et d'un 'capital prime départ retraite'. Ses demandes seront donc rejetées et le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour préjudice distinct

Monsieur X..., qui sollicite à ce titre la somme de 40 000 €, invoque le caractère infondé et particulièrement vexatoire de son licenciement intervenu malgré son ancienneté et ses qualités professionnelles. Il fait valoir qu'il a été mis à pied le 30 janvier 2014; que dès le 4 février 2014 l'employeur lui demandait - avec menace de dépôt de plainte ce qui atteste que la décision non équivoque et irrévocable de le licencier avait déjà été prise - de restituer le matériel propre à l'exercice de ses fonctions de Chef Comptable (ordinateur portable) au motif que ce dernier contenait les éléments nécessaires au dépôt des comptes, motif qu'il conteste; qu'il a eu à subir des réflexions désobligeantes et irrespectueuses du Directeur Général pendant l'entretien préalable; qu'il a évolué dans un contexte de 'placardisation'.

Celui qui réclame l'indemnisation d'un manquement doit prouver cumulativement l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

La mise à pied à titre conservatoire suspend l'exécution du contrat de travail et ainsi l'employeur peut réclamer au salarié la restitution de matériel nécessaire au bon fonctionnement de l'entreprise. Tel était le cas en l'espèce puisqu'il ressort de la lettre du 30 janvier 2014 que l'Association Groupe KEDGE BUSINESS SCHOOL demandait à Monsieur X... de lui restituer l'ordinateur qui 'contient des informations confidentielles ainsi qu'un logiciel et des fichiers dont l'absence est fortement préjudiciable à l'activité du service comptabilité'. L'employeur se voyait contraint de réitérer sa demande par courrier du 4 février 2014 indiquant que 'l'absence de ce micro-ordinateur nous est fortement préjudiciable car, indépendamment du fait que vous avez emporté un bien appartenant à l'Association, il contient le dossier consolidation des comptes au 31/12/2013 en cours de préparation ainsi que la seule licence du logiciel CEGID Etaffi permettant l'édition des liasses fiscales'.

La justification présentée par Monsieur X... selon laquelle la non-restitution de l'ordinateur n'entravait pas les travaux de consolidation des comptes, est sans pertinence et dénote plutôt son comportement déloyal envers son employeur qui, déjà confronté au refus du salarié de déposer les comptes, a été contraint de déposer plainte pour ces faits de non-restitution de matériel.

De même, il ne peut se déduire de la demande justifiée de l'employeur en restitution du matériel pour les nécessités du service que la décision de procéder au licenciement de Monsieur X... était déjà prise.

Par ailleurs, nul ne peut se constituer de preuve à soi-même. Dans ces conditions, le document intitulé 'retranscription de l'entretien préalable' rédigé par Monsieur X... lui-même et dont le contenu est contesté par l'Association Groupe KEDGE BUSINESS SCHOOL, n'a aucune valeur probante.

Enfin, le fait d'une 'placardisation' de Monsieur X... ne ressort d'aucune des pièces produites au débat.

Dans ces conditions la demande sera rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront infirmées. Il est équitable de condamner Monsieur X... à payer à l'Association Groupe KEDGE BUSINESS SCHOOL la somme de 600 € au titre des frais qu'elle a engagés que ce soit en première instance qu'en cours d'appel.

Les dépens de première instance et d'appel seront à la charge de Monsieur X..., partie succombante par application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Rejette la demande de sursis à statuer,

Infirme le jugement déféré sauf en sa disposition ayant rejeté la demande de dommages-intérêts au titre du préjudice distinct,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Monsieur Jean-Pierre X... pour faute grave est justifié,

Déboute Monsieur Jean-Pierre X... de l'ensemble de ses demandes,

Condamne Monsieur Jean-Pierre X... à payer à l'Association Groupe KEDGE BUSINESS SCHOOL la somme de 600 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en cause d'appel.

Condamne Monsieur Jean-Pierre X... aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERMadame Stéphanie BOUZIGE

Pour le Président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 16/15239
Date de la décision : 14/09/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°16/15239 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-14;16.15239 ?
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