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14/09/2018 | FRANCE | N°16/12372

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 14 septembre 2018, 16/12372


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 14 SEPTEMBRE 2018



N°2018/ 413



RG 16/12372

N° Portalis DBVB-V-B7A-64H3





X... Y...





C/



SARL AMBULANCES X..., représentée par Me Z..., Liquidateur judiciaire

AGS - CGEA DE MARSEILLE - UNEDIC AGS - DELEGATION REGIONALE SUD-EST







Copie exécutoire et copie délivrées le :



à :



- Me Philippe A..., avocat au barreau d'AIX-EN-

PROV

ENCE



- Me Christine B...

I..., avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Michel C..., avocat au barreau de MARSEILLE



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILL...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 14 SEPTEMBRE 2018

N°2018/ 413

RG 16/12372

N° Portalis DBVB-V-B7A-64H3

X... Y...

C/

SARL AMBULANCES X..., représentée par Me Z..., Liquidateur judiciaire

AGS - CGEA DE MARSEILLE - UNEDIC AGS - DELEGATION REGIONALE SUD-EST

Copie exécutoire et copie délivrées le :

à :

- Me Philippe A..., avocat au barreau d'AIX-EN-

PROVENCE

- Me Christine B...

I..., avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Michel C..., avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section AD - en date du 20 Juin 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 14/2093.

APPELANT

Monsieur X... Y..., demeurant [...]

représenté par Me Philippe A..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Marie H..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

SARL AMBULANCES X..., représentée par Me Z..., Liquidateur judiciaire, demeurant [...]

représentée par Me Christine B... I..., avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Alexia D..., avocat au barreau de MARSEILLE

AGS - CGEA DE MARSEILLE - UNEDIC AGS - DELEGATION REGIONALE SUD-EST, demeurant [...]

représenté par Me Michel C..., avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Colette J..., avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 19 Juin 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre

Madame Hélène FILLIOL, Conseiller

Madame Virginie PARENT, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Septembre 2018.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Septembre 2018

Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS ET PROCÉDURE

X... Y... indique qu'il aurait été engagé par la SARL AMBULANCES X... le 1er décembre 1980 en qualité d'ambulancier et promu directeur technique, statut cadre en 1998;

Il a été en arrêt de maladie à compter du 3 mars 2008, et placé en invalidité catégorie 2 le 1er juin 2009 ;

Il précise avoir appris début 2014 le redressement judiciaire de la société intervenu le 23 janvier 2013 et sa liquidation prononcée le 22 janvier 2014, la société ayant fait l'objet d'une cession le 14 janvier 2014 à un repreneur ; par courrier du 10 avril 2014, il se faisait connaître en tant que salarié ;

Il saisissait le conseil de prud'hommes de Marseille le 15 juillet 2014 d'une demande de fixation au passif de la société de diverses demandes liées à des rappels de salaires puis en cours d'instance sollicitait la résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

Par jugement en date du 20 juin 2016, le conseil de prud'hommes déboutait X... Y... de l'ensemble de ses demandes et le condamnait aux dépens ;

X... Y... a relevé appel de la décision le 4 juillet 2016 ;

Aux termes de ses conclusions, soutenues oralement, X... Y... demande à la cour de :

- réformer le jugement

- juger qu'il rapporte la preuve de l'existence d'un contrat de travail qui était suspendu en l'état de la maladie

Sur la rupture du contrat de travail

A titre principal,

* juger que l'employeur a procédé à son licenciement verbal dès le mois de janvier 2013 sans mettre en place une procédure ni adresser un courrier de licenciement

* juger que cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

A titre subsidiaire,

* prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur avec effet à la date du jugement de liquidation soit au 22 janvier 2014

* juger que cette résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Sur les conséquences de la rupture

- fixer la créance au passif comme suit :

* indemnité de préavis : 7815,15 €

* incidence congés payés : 781,50 €

* indemnité légale de licenciement : 26.049,99 €

* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 31.260 €

* indemnité pour rupture irrégulière : 2605 €

* rappel de congés payés non pris : 4221,16 €

- enjoindre au liquidateur de régulariser la situation du salarié jusqu'au jour de la rupture du contrat de travail

- ordonner la remise des documents de fin de contrat

- condamner l'AGS-CGEA à garantir les condamnations dans les limites légales et réglementaires

- condamner tout succombant à lui verser la somme de 2500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la partie adverse aux dépens.

Selon ses conclusions, déposées et plaidées, la SARL AMBULANCES X... représentée par son liquidateur judiciaire Me Z..., sollicite de la cour qu'elle :

- constate que le nom de Monsieur X... Y... ne figurait pas sur la liste du personnel remise par la société AMBULANCES X... à Maître Z... ès qualité suite au jugement de liquidation judiciaire du 22.01.2014,

- constate que Monsieur X... Y... ne justifie nullement que la relation de travail était en cours à la date de la liquidation judiciaire,

- constate que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail n'a été introduite que postérieurement à la liquidation judiciaire de la société AMBULANCES X... en date du 22.01.2014 et postérieurement à la saisine du Conseil de Prud'hommes de Marseille du 18.07.2014,

- constate que Monsieur Y... fait état de prétendus manquements datant de 2008 et 2009 alors qu'il a introduit pour la première fois sa demande de résiliation judiciaire en février 2016,

- constate que Monsieur Y... ne justifie aucunement avoir informé ni la société AMBULANCES X... ni Maître Z... ès qualités, d'un éventuel placement en invalidité,

- constate que la demande au titre d'un licenciement verbal n'a été introduite par Monsieur Y... qu'en cause d'appel, et qu'en vertu du principe d'estoppel, nul ne peut se contredire au détriment d'autrui,

En conséquence,

- confirme le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Marseille le 20.06.2016 en ce qu'il a débouté Monsieur X... Y... de l'intégralité de ses demandes.

- déboute Monsieur X... Y... de sa demande de fixation au passif de la société AMBULANCES X... des créances suivantes:

Indemnité compensatrice de préavis: 7815 € bruts

Indemnité de congés payés sur préavis: 781.50€ bruts

Indemnité légale de licenciement: 26049.99€

Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 31260€

Indemnité pour procédure irrégulière: 2605€

Rappel de congés payés non pris: 4221.16€

Article 700 du CPC: 2500€

- condamne Monsieur X... Y... à verser à Maître Z... ès qualités la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE.

Aux termes de ses conclusions, dont il a sollicité le bénéfice, le CGEA-AGS de Marseille demande à la cour de :

Vu la mise en cause du CGEA en application de l'article L.625-1 du Code de Commerce,

Vu l'article L 625-4 du code de commerce,

- confirmer le jugement en ce que les demandes de Monsieur Y... ont été rejetées.

- débouter Monsieur Y... de l'ensemble de ses demandes.

- dire et juger nulle et non avenue la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail sollicitée par Monsieur Y... postérieurement à la liquidation judiciaire de la société.

- dire et juger qu'en application de l'article L 3253-8 du code du travail la garantie de l'AGS ne peut jouer que si la rupture du contrat de travail intervient dans un des délais prévus à l'article L 3253-8 du code du travail soit dans les 15 jours de la liquidation judiciaire ou dans le mois suivant l'adoption d'un plan de redressement ou de cession.

- En conséquence, s'il était fait droit à Monsieur Y... au titre de sa demande de résiliation judiciaire, les sommes susceptibles de lui être allouées au titre de la rupture du contrat de travail devront être déclarées inopposables à la procédure collective de la société AMBULANCES X... et le CGEA sera donc mis purement et simplement hors de cause.

- en tout état, réduire dans de larges proportions la demande au titre des dommages et intérêts.

- déclarer inopposable à l'AGS ' CGEA la demande formulée au titre de l'article 700 du CPC.

- dire et juger que le jugement d'ouverture de la procédure collective a entraîné l'arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l'article L.622-28 du Code de Commerce.

- en tout état constater et fixer en deniers ou quittances les créances de Monsieur Y... X... selon les dispositions de articles L 3253 -6 à L 3253-21 et D 3253 -1 à D 3253-6 du Code du Travail.

- dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées à l'article L 3253-8 et suivants du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du Code du Travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code du Travail, et payable sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L 3253-20 du Code du Travail.

Par arrêt avant-dire-droit en date du 16 février 2018, auquel elle se réfère, la cour a ordonné la réouverture des débats aux fins que les parties la renseignent sur un certain nombre d'éléments et lui communiquent des pièces permettant de compléter son information ;

Les parties ont déposé à l'audience du 19 juin 2018 de nouvelles conclusions, leurs dispositifs respectifs étant identiques à ceux rappelés plus haut ;

MOTIFS

Attendu que X... Y... verse au débat :

- un bulletin de salaire pour les mois de septembre et octobre 2005 délivré par la SARL AMBULANCES X... faisant apparaître un emploi de directeur technique et une ancienneté de 24 ans et 10 mois pour 76 h de travail

- un bulletin de salaire pour le mois de mai et juin 2006 sans mention d'emploi ou d'ancienneté mais faisant ressortir le versement d'une prime d'ancienneté et 76 h de travail

- un bulletin de salaire pour le mois de février, mars et septembre 2007 sans mention d'emploi ou d'ancienneté faisant apparaître 152 h de travail

- un bulletin de salaire pour les mois de juin et juillet 2009 faisant apparaître 152 h de travail, les fonctions de directeur technique, une ancienneté au 1er décembre 1980 et la précision que X... Y... a été absent tout le mois pour maladie, celle-ci ayant commencé le 3 mars 2008

- une attestation de salaire en date du 8 mars 2008 signée de la gérante Renée K... F... faisant état d'un dernier jour travaillé au 2 mars 2008

- une attestation de salaire établie par la société pour la sécurité sociale en date du 30 mars 2009 faisant ressortir les montants des salaires pour les 3 derniers mois travaillés en décembre 2007, janvier et février 2008

- l'attribution d'une pension d'invalidité à compter de juin 2009 en raison de la reconnaissance d'une invalidité de catégorie 2

- un relevé de points ARRCO faisant état de nombre de points de retraite acquis au titre de l'année 2007

- la déclaration de la liste des salariés de la SARL AMBULANCES X... établie par la gérante le 11 janvier 2013 à l'occasion de la procédure collective, faisant apparaître l'existence de 14 salariés, parmi lesquels ne figure pas X... Y...

Attendu que les intimés communiquent pour leur part :

- la réponse du repreneur de la société en date du 24 février 2014 à X... Y... faisant suite à un courrier du 11 février 2014 lui précisant qu'il ne relevait pas de la liste des salariés telle qu'établie par l'administrateur judiciaire

- un courrier de X... Y... adressé le 10 avril 2014 à l'ancien administrateur judiciaire lui indiquant qu'il était salarié de la société depuis le 16 octobre 1995 et précisant que ses arrêts de travail ayant pris fin le 31 mai 2009, il aurait du être convoqué pour une visite de reprise devant le médecin du travail et être soit réintégré dans ses fonctions, soit reclassé, soit licencié ;

- un courrier du 24 avril 2014 du liquidateur indiquant que X... Y... faisait l'objet d'une procédure collective suite à l'extension de la procédure de redressement judiciaire de la SARL AMBULANCES X... à son encontre ;

- un courrier du 28 avril 2014 de l'administrateur judiciaire à X... Y... lui indiquant que ses 'nouvelles revendications ne manquent pas de me surprendre, considérant que vous ne m'en avez jamais fait état tout au long de la procédure collective, alors même que nous nous sommes rencontrés dans le courant du mois de novembre 2013 et qu'avant cela, mon Conseil, Me E... a échangé à de multiples reprises avec le vôtre, qui me lit en copie ; d'ailleurs, la gérante, Melle F... ne m'a pas davantage informé de votre prétendue situation de 'salarié' et ne vous a pas déclaré comme tel auprès de mon étude ; quoi qu'il en soit, le jugement de liquidation judiciaire a mis fin à ma mission, le dossier étant dorénavant suivi uniquement par Me Z... '

- un courrier du liquidateur en date du 30 avril 2014 comportant les mêmes remarques et notamment ' nous trouvons fort étonnant que vous ne déclariez votre qualité de salarié qu'en date du 10 avril 2014 alors que l'ouverture de la procédure collective a été prononcée le 23 janvier 2013, ce dont vous aviez parfaitement connaissance';

- un extrait du site dirigeant.com faisant apparaître que X... Y... était gérant de la société ambulancière et de transports individuels (SARL SATI) créée en février 1981, la société ayant fait l'objet d'un redressement judiciaire le 24 mai 1994, d'une liquidation le 3 juillet 1995 et d'une clôture pour insuffisance d'actif le 22 novembre 2006 ;

- des notes de service établies le 8 novembre 2005, le 18 novembre 2005 au nom de la SARL AMBULANCES X... et de la SARL CENTRE CIOTADEN AMBULANCIER situées à la même adresse, signées de X... Y..., directeur technique, relatives aux gardes de nuit et aux heures supplémentaires

- une note de service établie le 2 décembre 2005 au nom de la SARL AMBULANCES X... et de la SARL CENTRE CIOTADEN AMBULANCIER situées à la même adresse, signée par 4 personnes dont X... Y... ;

- un bulletin de salaire en date de mai 2006 établi par le CENTRE CIOTADEN AMBULANCIER à raison de 76 h mensuelles rémunérant X... Y... en qualité de directeur technique sans mention d'ancienneté

- un courrier de X... Y... en date du 24 octobre 2014 adressé au CGEA en vue de l'audience de conciliation devant le conseil de prud'hommes, précisant qu'il ne détient pas ses contrats de travail lesquels doivent se trouver au siège de l'entreprise et qu'il travaillait pour le compte des deux [...] ;

- la décision du tribunal de commerce prononcée le 22 janvier 2014 aboutissant à la liquidation judiciaire de la SARL AMBULANCES X..., et énonçant que par jugement du 3 octobre 2013, la même juridiction avait prononcé l'extension de la procédure de redressement judiciaire ouverte initialement au profit de la SARL AMBULANCES X..., à M. X... Y..., Mme L... F... et à la SARL CENTRE CIOTADEN AMBULANCIER ;

- l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 15 mai 2014 rendu sur appel de X... Y..., confirmant la décision du 3 octobre 2013 en ce qu'il avait ordonné l'extension de la procédure de redressement judiciaire de la SARL AMBULANCES X... avec confusion des masses actives et passives à la société CENTRE CIOTADEN AMBULANCIER prise en la personne de sa gérante Renée F... mais l'infirmant en ce que la procédure collective avait été étendue à X... Y... et L... F...

- l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 24 janvier 2018 confirmant la décision du tribunal de grande instance de Marseille ayant condamné X... Y... à payer à la G..., es qualités de mandataire liquidateur de la SARL AMBULANCES X... la somme de 109.844,58 € avec intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2014

Attendu que X... Y... demande à la cour de reconnaître à titre principal et pour la première fois qu'il a fait l'objet d'un licenciement verbal en janvier 2013 et subsidiairement qu'elle prononce la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur avec effet à la date du jugement de liquidation soit le 22 janvier 2014 ;

Attendu que les intimés font valoir en substance que X... Y... ne justifie nullement de sa qualité de salarié au moment de la liquidation judiciaire, pas plus que d'un licenciement verbal et que la demande de résiliation judiciaire formulée en cours de procédure prud'homale, 2 ans après la saisine est inopérante dès lors qu'elle est postérieure à la liquidation judiciaire et non fondée au regard de prétendus manquements datant de 2008 et 2009 ;

Attendu que les intimés ne contestent pas l'existence d'une relation salariale mais font valoir qu'à la date de la liquidation judiciaire ni l'administrateur judiciaire ni la gérante de la société L... F... n'ont déclaré l'existence de X... Y... en qualité de salarié au moment du redressement judiciaire de la société prononcé en janvier 2013 ;

Attendu qu'il ressort des décisions de justice produites au débat :

- que la SARL AMBULANCES X... a été créée en juillet 1995 par Renée F... et Jacqueline Y..., mère de X... Y..., lequel a été désigné gérant

- que X... Y... a vécu en concubinage avec Renée F... de 1994 à 2011

- que par la suite la répartition du capital social a été la suivante : X... Y... 1795 parts sur 2500 et Renée F... 705 parts sur 2500

- que Renée F... a été gérante de la société du 19 janvier 2005 au 17 mars 2008, puis à nouveau X... Y... du 18 mars 2008 au 15 septembre ou 18 novembre 2008 (date variant selon les documents consultés), puis à partir de cette date, L... F..., fille de Renée F...

- que compte-tenu de ses ennuis de santé, ayant été en arrêt de maladie continue à partir du 1er mars 2008, X... Y... souhaitant se retirer du capital social de la société, mais ne parvenant pas à vendre ses parts sociales, les a louées à compter du 1er mai 2010 à L... F..., celle-ci s'acquittant de la location, non pas avec ses propres deniers mais avec ceux de la SARL AMBULANCES X... à raison de 20.930 € en 2010, 34.460 € en 2011 et 54.454,58 € en 2012 ;

- que le 18 janvier 2013, la gérante de la société, L... F... a déclaré la cessation de paiement de la société, le redressement judiciaire de la société ayant été prononcé par jugement du tribunal de commerce en date du 23 janvier 2013 ;

Attendu qu'il résulte également des pièces et notamment des quelques bulletins de salaire, le premier versé étant relatif à la période septembre 2005, qu'à cette date X... Y... travaillait à raison de 76 h pour le compte de la SARL AMBULANCES X... ; qu'un bulletin de salaire en date de février 2007 fait état de 152 h pour un salaire brut de 2605,05 € ; que le dernier document versé concerne le mois de juillet 2009 avec mention de 152 h d'absence dues à l'arrêt de maladie ;

A/ sur le licenciement verbal

Attendu qu'il doit être constaté que les intimés ne contestent pas l'existence d'une relation contractuelle fondée sur un contrat de travail à durée indéterminée et sont en désaccord seulement sur sa date de cessation ; que X... Y... soutient avoir fait l'objet d'un licenciement verbal;

Attendu que la charge de la preuve d'un licenciement verbal repose sur celui qui s'en prévaut ; que X... Y... ne justifie d'aucun élément démontrant qu'il aurait comme il l'écrit 'régulièrement interrogé' son employeur sur son sort ; que pas davantage, il n'établit 'qu'il lui a été indiqué qu'il ne faisait plus partie des effectifs' et qu'il doit être déduit de l'absence de son nom dans la liste des salariés remise à l'occasion de l'ouverture de la procédure collective qu'elle consacre la preuve de son licenciement verbal; qu'il doit en être conclu que X... Y... n'apporte pas la preuve du licenciement verbal dont il aurait fait l'objet ;

B/ sur la résiliation judiciaire

Attendu qu'il résulte des articles 1184 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, et L 1231-1 du code du travail qu'un salarié peut demander aux juridictions prud'homales la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas de manquement de l'employeur à ses obligations ; qu'il appartient au salarié qui invoque la résiliation judiciaire de justifier des faits ou des manquements invoqués à l'encontre de l'employeur et de ce qu'ils sont d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail;

Attendu qu'à titre subsidiaire, X... Y... sollicite que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur au jour de la liquidation judiciaire soit le 22 janvier 2014 et sur la base des griefs suivants :

- l'employeur ne lui a pas versé l'intégralité des sommes auxquelles il avait droit pendant son arrêt maladie

- l'employeur ne lui a pas délivré régulièrement des bulletins de salaire

- l'employeur n'a pas provoqué une visite médicale, entrepris des démarches de reclassement ou une procédure en licenciement pour inaptitude

- l'employeur en omettant de le déclarer comme salarié a commis un manquement en ce qu'il n'a pu être transféré auprès de repreneur de l'activité, la SAS MIMETAINE dans le cadre de la décision du tribunal de commerce du 23 octobre 2013 ayant ordonné la cession;

Attendu qu'il y a lieu de constater que s'agissant du reproche lié à l'absence de l'intégralité des sommes auxquelles il aurait pu prétendre au titre de la demande du maintien du salaire pour la période du 3 mars 2008 au 31 mai 2009 que X... Y... n'explicite en rien ses affirmations et ne forme d'ailleurs aucune demande à ce titre de sorte que ce manquement allégué au soutien de la demande de résiliation judiciaire ne peut être retenu ;

Attendu que s'agissant de l'absence de délivrance de bulletins de salaire pendant l'année 2008 présentée sous forme de postulat, il y a lieu de rappeler qu'à compter du 17 mars 2008, X... Y... est redevenu le gérant de la société et ce jusqu'à septembre ou novembre 2008 ; qu'en toute hypothèse, le manquement est trop ancien pour constituer un motif utile de résiliation judiciaire;

Attendu s'agissant du défaut d'organisation de visite médicale de reprise, qu'il y a lieu de constater avec les intimés, que X... Y... ne justifie aucunement avoir avisé son employeur de sa reconnaissance d'invalidité catégorie 2 à compter du 1er juin 2009 et ce d'autant qu'il produit deux bulletins de salaire établis en juin et juillet 2009 faisant apparaître une absence au titre de la maladie ce qui prouve l'ignorance de l'employeur ; que les documents qu'il produit aux fins de demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle dont la société a eu connaissance fin 2008 sont sans rapport ; qu'il ressort également d'un courrier du médecin conseil de la CPAM en date du 16 mars 2009 au médecin traitant de X... Y... que le premier proposait une invalidité au 1er juin 2009 et invitait le médecin de 'prolonger les arrêts de travail jusqu'à cette date, au delà la pension prendra le relais' ; que faute de pièces en ce sens, il en résulte qu'à partir du 1er juin 2009, X... Y... n'a pas informé la SARL AMBULANCES X... de sa mise en invalidité pas plus qu'il n'a adressé par la suite d'arrêts de travail ;

Attendu qu'il en ressort que faute pour l'employeur d'avoir pris une initiative quelconque, le contrat de travail était toujours suspendu de sorte que la gérante de la société aurait dû le déclarer au titre des salariés faisant partie des effectifs de l'entreprise ;

Attendu qu'ainsi le 4ème grief lié à l'absence de sa déclaration en qualité de salarié par la gérante de la société, L... F..., le 11 janvier 2013 aux organes de la procédure collective est avéré ; que ce manquement justifie la demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur avec les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu qu'en effet, la liquidation judiciaire n'entraîne pas à elle seule la rupture du contrat de travail de sorte que le grief fait au salarié d'avoir sollicité la demande de résiliation judiciaire après le prononcé de la liquidation et alors qu'il n'a jamais été licencié est inopérant ;

Attendu que la date de prise d'effet de la résiliation du contrat de travail ne peut être que celle de son prononcé par le juge dès lors qu'à ce jour, le salarié est toujours au service de l'employeur ou que le contrat n'a pas été rompu ;

Attendu que le salarié ne prétend pas être passé au service du repreneur de la société puisqu'il demande lui-même la fixation de la date de la résiliation judiciaire à la date de la liquidation de la société; que l'article 4 du code de procédure civile s'oppose à ce que la cour fixe la résiliation judiciaire à la date de son arrêt ; que la cour en conclut qu'à tout le moins à cette date, X... Y... a estimé ne plus être à la disposition de la société de sorte que la résiliation judiciaire est fixée au jour de la liquidation judiciaire de la société soit le 22 janvier 2014 ; que le jugement de première instance est infirmé ;

Attendu que la résiliation judiciaire a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Attendu que X... Y... se prétend salarié de la SARL AMBULANCES X... depuis le 1er décembre 1980 et se réfère pour cela à un bulletin de salaire de juillet 2009 faisant état d'une ancienneté au 1er décembre 1980 ; que dans son courrier du 10 avril 2014 à l'administrateur judiciaire, il indiquait être salarié de la SARL AMBULANCES X... depuis le 16 octobre 1995 ;

Attendu qu'il y a lieu de constater que sur ce point précis, les intimés ne discutent pas la date du 1er décembre 1980 retenue par X... Y... dans ses conclusions laquelle est explicitée par le fait qu'il était à partir du 1er décembre 1980 gérant salarié de la SARL AMBULANCIERE ET DE TRANSPORTS INDIVIDUELS, société d'ambulances qui a été liquidée en juillet 1995, le fonds de commerce ayant fait l'objet d'une cession au profit de Renée K... F..., celle-ci s'engageant à reprendre tous les contrats de travail ;

Attendu que c'est vainement que le CGEA soutient que X... Y... ne pourrait prétendre à une indemnité de préavis dans la mesure où il était incapable de l'exécuter, dès lors qu'en matière de résiliation judiciaire, l'indemnité de préavis est toujours due ; que la somme réclamée n'est pas discutée en son montant de sorte qu'il convient de fixer au passif de la liquidation judiciaire la somme de 7815,15 € outre la somme de 781,51 € correspondant aux congés payés afférents ;

Attendu qu'en revanche, c'est à juste titre que le CGEA relève que les calculs du salarié relatifs au montant de l'indemnité légale de licenciement qu'il réclame, sont erronés en ce qu'il n'a pas déduit les périodes de suspension de son contrat de travail à raison des arrêts de maladie qui ont égrené son emploi et ce conformément aux dispositions des articles L 1234-8 et 1234-11 du code du travail ;

Attendu qu'il ressort en effet du relevé de carrière de X... Y... produit par le CGEA qu'en 1995, 1997, 1998, 2000, 2001, 2002, 2003, 2004, 2005, 2006, 2008 et 2009 jusqu'au 31 mai, X... Y... a été indemnisé partiellement au titre de périodes de maladie ; que dans ces conditions, il ne peut retenir pour le calcul de l'indemnité de licenciement une période d'activité pleine de 34 ans et un mois ; que faute par X... Y... de produire les éléments permettant de reconstituer exactement les périodes d'activité et de suspension de son contrat de travail pourtant sollicités par la cour dans son arrêt avant-dire droit, celle-ci n'est pas en mesure de déterminer l'indemnité de licenciement pour les années énoncées ; qu'elle retient en conséquence le principe de 15 années pleines de sorte que l'indemnité légale, réclamée par X... Y..., calculée sur la base des articles R 1234-2 et R 1234-4 du code du travail s'élève à : (2605,05 x1/5) x 15 = 7815,15€ + (2605,05 x 2/15) x 5 = 1736,70€ soit au total la somme de 9551,85€;

Attendu que c'est également à juste titre que le CGEA fait valoir que l'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement n'est pas due en matière de résiliation judiciaire ;

Attendu que s'agissant de l'indemnité de congés payés dont X... Y... sollicite le paiement sur la base du bulletin de salaire de juillet 2009, faisant état de 35 jours de congés non pris, et pour laquelle le CGEA conclut au débouté, il y a lieu de rappeler qu'un salarié ne peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés au titre d'une période de suspension de son contrat de travail pour maladie non professionnelle laquelle ne relève pas de l'article L 3141-5 du code du travail ;

Attendu que ne peuvent donner lieu à report que les congés payés acquis au moment de la suspension du contrat de travail et qui n'ont pu être pris ; qu'en l'espèce, il n'est pas discuté que X... Y... a été en arrêt de maladie continue à compter de mars 2008 ; que par conséquent seule peut être retenue la mention sur le bulletin de salaire de juillet 2009 qu'au titre de l'année N-1, seuls 5 jours restaient à reporter: que dans ces conditions, et sur la base présentée par le salarié, non contestée, celui-ci ne peut prétendre qu'à la somme de 4221,16 : 35 x 5 soit 603,02 € fixée au passif de la procédure collective ;

Attendu que X... Y... est en droit de prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L 1235-3 du code du travail ; qu'au vu des éléments du dossier, la cour fixe au passif de la procédure collective une somme de 16.000 € ;

Attendu s'agissant de la garantie du CGEA, que compte-tenu de la date de la résiliation judiciaire retenue par la cour, celui-ci doit sa garantie dans les limites des articles 3253-6 à 3253-21 et D 3253-1 à D 3253-6 du code du travail et sur justification du mandataire judiciaire de l'absence de fonds entre ses mains pour procéder au paiement des sommes fixées ;

Attendu que l'ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts légaux ;

Attendu que la SARL AMBULANCES X... représentée par son liquidateur devra délivrer à X... Y... les documents sociaux et un bulletin de salaire rectificatif ;

Attendu qu'il n'existe pas de circonstance d'équité justifiant qu'il soit fait droit aux demandes des parties sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que les dépens de première instance et d'appel sont mis à la charge de la procédure collective ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme dans son intégralité le jugement de première instance ;

Statuant à nouveau par ajout et substitution,

Déboute X... Y... de sa demande de licenciement verbal,

Prononce la résiliation judiciaire aux torts de la SARL AMBULANCES X... à la date du 22 janvier 2014 ;

Fixe au passif de la procédure collective :

* la somme de 7815,15 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et celle de 781,51 € au titre des congés payés afférents

* la somme de 9551,85 € au titre de l'indemnité légale de licenciement

* la somme de 603,02 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés

* la somme de 16.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Rappelle que le cours des intérêts au taux légal a été interrompu par la procédure collective,

Ordonne la délivrance par la SARL AMBULANCES X... représentée par son liquidateur d'un bulletin de salaire rectificatif et des documents sociaux de fin de contrat,

Juge que le CGEA/AGS doit sa garantie dans les limites des articles 3253-6 à 3253-21 et D 3253-1 à D 3253-6 du code du travail et sur justification du mandataire judiciaire de l'absence de fonds entre ses mains pour procéder au paiement des sommes fixées ;

Déboute X... Y... du surplus de ses demandes,

Déboute la SARL AMBULANCES X... représentée par son liquidateur de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Met les dépens de première instance et d'appel à la charge de la procédure collective.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 16/12372
Date de la décision : 14/09/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°16/12372 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-14;16.12372 ?
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