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13/09/2018 | FRANCE | N°17/07787

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 13 septembre 2018, 17/07787


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 13 SEPTEMBRE 2018



N° 2018/335













Rôle N° 17/07787







X... Y...





C/



CPAM DES BOUCHES DU RHÔNE

SA GENERALI IARD





















Grosse délivrée

le :

à :



SCP TERTIAN / Z...



Me Gilles A...



SCP AZE B...







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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 09 Mars 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 14/09369.





APPELANTE



Madame X... Y... assurée sociale n° [...]

née le [...] à MARSEILLE - de nationalité Française,

demeurant [...]

représentée par Me Eric Z... d...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 13 SEPTEMBRE 2018

N° 2018/335

Rôle N° 17/07787

X... Y...

C/

CPAM DES BOUCHES DU RHÔNE

SA GENERALI IARD

Grosse délivrée

le :

à :

SCP TERTIAN / Z...

Me Gilles A...

SCP AZE B...

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 09 Mars 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 14/09369.

APPELANTE

Madame X... Y... assurée sociale n° [...]

née le [...] à MARSEILLE - de nationalité Française,

demeurant [...]

représentée par Me Eric Z... de la SCP TERTIAN / Z..., avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Anne-Sophie C..., avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

CPAM DES BOUCHES DU RHONE,

dont le siège social est [...]

représentée par Me Gilles A... de la SCP BBLM, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Raphaelle D..., avocat au barreau de MARSEILLE

SA GENERALI IARD,

dont le siège social est [...]

représentée par Me Laurence B... de la SCP AZE B... & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Alexandra E..., avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Juin 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de:

Monsieur Olivier GOURSAUD, Président

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

Madame Anne VELLA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvaine MENGUY.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Septembre 2018.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Septembre 2018,

Signé par Monsieur Olivier GOURSAUD, Président et Madame Sylvaine MENGUY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 9 décembre 1998 Mme X... Y... alors âgée de 3 ans et demi a eu la jambe gauche happée par la chaîne d'une station de lavage située sur le parking du centre commercial Carrefour Le Merlan, exploitée par M. José F..., utilisé par sa mère pour procéder au nettoyage de son véhicule.

Ses parents ont saisi le juge des référés qui a prescrit un mesure d'expertise confiée au docteur G....

Par jugement du 28 février 2003, confirmé par la cour d'appel d'Aix en Provence par arrêt du 14 septembre 2004, le tribunal correctionnel de Marseille a condamné pénalement M. F... pour blessures involontaires avec incapacité totale de travail supérieure à trois mois et sur l'action civile a chiffré le préjudice de Mme X... Y... à 171 100 € et a condamné M. F... à l'en indemniser à hauteur de moitié en raison de sa faute pour avoir échappé à la surveillance de sa mère.

Par arrêt du 14 juin 2005 la cour de cassation a cassé cet arrêt en toutes ses dispositions pour n'avoir pas suffisamment caractérisé le lien de causalité entre le comportement de la victime et la réalisation du dommage en s'abstenant de répondre au moyen avancé par la partie civile selon lequel la station de lavage n'était pas conforme aux normes de sécurité en vigueur pour ne pas comporter un système d'interruption automatique qui aurait permis d'éviter l'accident.

Par un arrêt du 9 février 2006 la cour d'appel de Lyon a infirmé le jugement du tribunal correctionnel de Marseille et a déclaré M. F... et la société F... entièrement responsables du dommage subi par Mme X... Y... dont le préjudice a été évalué à 417 742,84 € déduction faites des prestations sociales et des provisions perçues.

Cet arrêt a été déclaré opposable à la SA Generali IARD qui s'est acquittée du montant des condamnations prononcées au profit de Mme X... Y....

Par actes d'huissier de justice en date du 22 juillet 2014 et du 23 juillet 2014 Mme X... Y..., Mme Marion Y..., sa soeur et M. Julien Y... son frère ont assigné la SA Generali IARD et la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône (CPAM) devant le tribunal de grande instance de Marseille pour obtenir sa condamnation à verser à Mme X... Y... la somme de 282.147,50 € correspondant aux frais des prothèses nécessaires en raison de son handicap et à Mme Marion Y... et à M. Julien Y... la somme de 10 000 € à chacun en réparation de leur préjudice moral.

Par jugement du 9 mars 2017 le tribunal de grande instance de Marseille a :

- déclaré irrecevables les demandes formées par Mme X... Y... à l'encontre de la SA Generali IARD,

- débouté la CPAM de toutes ses demandes principales et accessoires,

- condamné la SA Generali IARD à verser à Mme Marion Y... et à M. Julien Y... la somme de 7 000 € chacun en réparation de leur préjudice moral,

- rejeté toutes les demandes formées au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme X... Y... et la CPAM à supporter la charge de leurs propres dépens,

- condamné la SA Generali IARD à supporter la charge de ses propres dépens et ceux de Mme Marion Y... et de M. Julien Y...,

- ordonné l'exécution provisoire.

Pour statuer ainsi le tribunal a considéré que la prétention nouvelle de Mme X... Y... quant à la prise en charge des dépenses de santé futures constituées par le coût d'achat et du renouvellement de ses prothèses n'avait pas été présentée à la cour d'appel de Lyon, que Mme X... Y... n'avait pas fait réserver ses droits relatifs à ce poste de préjudice précis et ne justifiait pas d'une aggravation de son état de santé, de sorte que cette demande se heurtait au principe de la concentration des moyens et à l'autorité de la chose jugée par la cour d'appel de Lyon le 9 février 2006.

Par déclaration du 20 avril 2017 Mme X... culot a interjeté appel général de cette décision.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Mme X... Y... demande à la cour dans ses conclusions du 18 juillet 2017, en application des articles 1382, 1383 et 1384 anciens du code civil, de :

' réformer en toutes ses dispositions le jugement en ce qu'il a

- déclaré irrecevables ses demandes formées à l'encontre de la SA Generali IARD,

- rejeté sa demande au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

' déclarer recevables ses demandes au titre des frais d'appareillages futurs,

' condamner la SA Generali IARD à lui payer la somme de 37.842,13 € correspondant au coût d'achat des différentes prothèses

' condamner la SA Generali IARD à lui à payer

- à titre principal, la somme de 244 505,37 € correspondant au coût futur de leur renouvellement,

- à titre subsidiaire, la somme de 236 989,93 € correspondant au coût futur de leur renouvellement,

- dire que ne peuvent être déduites de ces indemnisations la somme de 8 065,50 € correspondant au coût des prothèses provisoires, objet de la créance de la CPAM du 17/11/2005,

' condamner la SA Generali IARD au paiement de la somme de 3 000 € au titre des frais irrpétibles de l'article 700 du code de procédure civile,

' subsidiairement et si par extraordinaire, la cour s'avérait insuffisamment informée de la nécessité de ces appareillages et du coût induit il conviendra de désigner de nouveau le docteur G... aux fins de l'examiner avec pour mission :

- de déterminer les appareillages nécessaires du fait de l'accident dont elle a été victime le 9/12/1998

- de les décrire,

- d'en chiffrer le coût,

' condamner la SA Generali IARD aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle fait valoir que :

- lorsque le docteur G... a procédé à son examen le 25/06/2002 elle était âgée de 7 ans ; elle n'a plus jamais été examinée par la suite ; lors de l'examen effectué par le docteur G..., elle disposait d'une prothèse provisoire qui devait bien évidemment être changée en fonction de sa croissance ;

- il était impossible lors des audiences devant les juridictions qui se sont succédées de fixer son préjudice au titre des dépenses de santé futures en raison de son jeune âge et car de telles dépenses ne pouvaient être évaluées qu'à la date où elle aurait terminé sa croissance ce qu'avait d'ailleurs prévu le docteur G... dans son rapport du 25/06/2002 ; le docteur G... dans ce même rapport n'avait pas précisé le détail des appareillages nécessaires car elle n'avait pas alors terminé sa croissance et la mission qui lui avait été confiée par le tribunal, reprise dans son rapport, ne portait pas sur les appareillages,

- elle ne saurait dès lors se voir déclarer irrecevable à saisir de nouveau le tribunal en cas d'aggravation de son état ou pour l'indemnisation des préjudices n'ayant pas encore donné lieu à réparation ; l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon le 9/02/2006 ne peut dès lors lui être opposée,

- son handicap nécessite selon les devis établis par la société Houradou orthopédie les prothèses suivantes sachant qu'elle poursuit ses activités de loisirs tels la course à pied et le ski et qu'elle fréquente des établissements balnéaires et a toute légitimité pour porter des jupes ou des shorts et bénéficier d'une prothèse adaptée au port de tels vêtements qui permettent de masquer son handicap à la vue des autres jeunes gens :

- prothèse de vie courante (devis 4402) pour un montant de 10 563,66 €,

- prothèse de loisirs (devis 4408) pour un montant de 7 530,04 €,

- prothèse de bain (devis 4403) pour un montant de 9 015,41 €,

- prothèse esthétique (devis 4016) pour un montant de 10 733,12 €,

- la SA Generali IARD avait indiqué dans ses écritures de première instance que le montant des sommes réclamées n'appelait pas d'observation particulière de sa part et admettait le principe du renouvellement quinquennal desdites prothèses à compter de l'année 2020,

- la capitalisation des frais doit être effectuée par application de la table de capitalisation 'femme' 2001 issue de la Gazette du palais des 4 et 5/05/2011 prévoyant à 25 ans un coefficient de rente viagère de 32,306 ; à titre subsidiaire, il conviendra de faire application de la table de capitalisation issue de la Gazette du Palais de 2013, sollicitée par la SA Generali IARD,

- s'il est légitime de déduire de son indemnisation les frais futurs relevant du titre des créances émis par la CPAM le 1/04/2015 (105 494,40 €), il est en revanche illégitime que soient déduits les frais d'acquisition des prothèses provisoires utilisées durant sa minorité et qui ont fait l'objet d'un titre de créance émis par la CPAM le 17/11/2005 pour 8 065,50 €.

La SA Generali IARD demande à la cour dans ses conclusions du 25 mai 2018, en application des dispositions des articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil, de:

' à titre principal

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- constater l'absence d'aggravation de l'état, allégué et en toute hypothèse non démontré par Mme X... Y...,

- constater que Mme X... Y... bénéficiait déjà d'un appareillage depuis l'année 1999, soit environ 7 ans avant la date d'intervention de ladite décision et avait connaissance, de même que la CPAM qui formait une réclamation d'un montant de 8 065,50 € en capital au titre de frais prothétiques futurs, de la nécessité d'être dotée d'une prothèse définitive après achèvement de sa croissance,

- en déduire que le préjudice lié à la nécessité de se pourvoir d'appareillages spécifiques était avéré et connu dès l'examen pratiqué par le docteur G... dont le rapport a été déposé le 25 juin 2002, de même que lors de la procédure ayant donné lieu à l'arrêt en date du 9 février 2006 précité,

- juger qu'en l'absence de réserve des droits relatifs à l'indemnisation des dépenses de santé futures une fois sa croissance achevée, émises par les appelantes lors de l'instance ayant donné lieu à l'arrêt du 9 février 2006 quant au montant de sa créance relative aux frais prothétiques évalués sur la base viagère, fondement de sa demande, l'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon le 9 février 2006, a évalué de manière définitive le préjudice soumis à recours de l'organisme social à la somme de 422.249,41 €, dont 31.149,41 € pour les frais médicaux passés et futurs et la somme de 8.065,50 € correspondant aux frais futurs d'appareillage en fonction de l'évaluation viagère du coût d'un tel équipement,

- juger que le paiement de cette somme de 8 065,50 € effectué en exécution de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon le 9 février 2006, des frais d'appareillage futurs réclamés sans réserve par la CPAM et Mme X... Y..., a éteint toute dette de la concluante à l'égard de ces deux dernières,

en conséquence

- juger que la cour d'appel de Lyon a statué de manière définitive, par un arrêt passé en force de chose jugée sur l'indemnisation du poste « frais futurs », en allouant à ce titre la somme de 8.065,50 € correspondant aux frais futurs d'appareillage, calculée après application du barème de capitalisation invoqué par l'organisme social à titre viager, sans aucune réserve, malgré l'existence de frais futurs connus en leur principe,

- constater que les demandes formées par Mme X... Y... et la CPAM au titre de frais d'appareillages futurs comportent le même objet et la même cause que celle formée devant la cour d'appel de Lyon ayant donné lieu à l'arrêt du 9 février 2006 et qu'elles concernent les mêmes parties,

- juger en conséquence que les demandes formées par Mme X... Y... et la CPAM se heurtent à l'autorité de la chose jugée par l'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon le 9 février 2006.

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables les prétentions émises par Mme X... Y... et la CPAM au titre des frais d'appareillage futurs, postérieurs à la date du prononcé de cette décision,

' à titre subsidiaire et quand bien même la cour considèrerait par impossible que le préjudice subi par Mme X... Y... au titre des frais prothétiques futurs n'a pas encore donné lieu à réparation,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré lesdites demandes irrecevables par application du principe prétorien de concentration des moyens,

- condamner tout succombant à lui payer la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles, de même qu'aux entiers dépens de l'article 699 du code de procédure civile avec distraction,

' à titre infiniment subsidiaire et en tout état de cause,

- débouter Mme X... Y... de sa demande de désignation d'expert formée à titre subsidiaire comme inutile en l'espèce, où les parties ne s'opposent pas sur le coût des prothèses et de leur renouvellement, même dans l'hypothèse du rejet du recours subrogatoire formé par l'organisme social dont l'action serait déclarée irrecevable,

- déduire de la somme totale de 282 347,48 € sollicitée par Mme X... Y... au titre des frais prothétiques futurs :

- la somme de 8 065,50 € correspondant au titre de créance émis par la CPAM le 17 novembre 2005, relatif au «capital appareillage» évalué de manière viagère, d'ores et déjà réglé à Mme Y...,

- la somme de 201 982,22 € correspondant au titre de créance émis par la CPAM le 22 mai 2017 au titre des frais futurs d'appareillage,

En conséquence

- limiter l'indemnité allouée à Mme X... Y... au titre des frais d'appareillage futurs à la somme totale de 72 299,76 € (37 842,13 € + 244 505,35 €) ' (8 065,50 € + 201 982,22 €),

- réduire à de plus justes proportions l'indemnité sollicitée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile par Mme X... Y...,

- débouter la CPAM de l'intégralité de ses prétentions,

- statuer ce que de droit sur les dépens de l'article 699 du code de procédure civile, avec distraction.

Elle soutient que :

- Mme X... Y... ne se prévaut pas d'une aggravation de son état de santé,

- la cour d'appel de Lyon a statué de manière définitive sur l'indemnisation du poste « frais futurs»,

- l'amputation qui rend indispensable l'équipement prothétique dont Mme X... Y... sollicite aujourd'hui la prise en charge a été réalisée le 12 décembre 1998, soit 4 ans avant l'examen pratiqué par le docteur G... dont le rapport a été déposé le 25 juin 2002 et 8 ans avant le prononcé de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon le 9 février 2006,

- cet arrêt a évalué le préjudice soumis au recours de l'organisme social à la somme de 422 249,41 € qui comprend des frais médicaux passés et futurs d'un montant de 31 149,41 €, dont la somme de 8 065,50 € réclamée par la CPAM, au titre des frais futurs d'appareillage calculés de manière viagère,

- ainsi dans le cadre de l'instance liquidative du préjudice invoqué par Mme X... Y... des frais futurs d'appareillage ont été réclamés et chiffrés sans réserve, une indemnité a été accordée à ce titre,

- l'organisme social qui a sollicité et obtenu le remboursement des frais d'appareillage futurs, qu'il a lui-même calculés de manière viagère, sans réserves, soit en prenant en compte la croissance de l'enfant, est particulièrement mal fondé à soutenir que la CPAM ne pouvait réclamer l'indemnisation de ce préjudice lors de la procédure ayant donné lieu à l'arrêt de la cour d'appel de Lyon,

- Mme X... Y..., dotée d'une prothèse depuis l'année 1999, n'a élevé aucune réserve de ses droits sur l'indemnisation des dépenses de santé futures, une fois sa croissance achevée, ce qu'elle ne conteste plus en cause d'appel, comme elle l'a fait pour d'autres postes de préjudices, tels que la tierce personne et l'aménagement du logement ainsi qu'il résulte de l'arrêt précité, à ce jour définitif, lequel a donné acte à Monsieur H... Y..., en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure X..., de « ses réserves relatives à la nécessité d'une tierce personne et à l'aménagement du logement »,

- la situation de Mme X... Y... est donc radicalement différente de celle qui a donné lieu à l'arrêt dont elle se prévaut rendu le 16 février 2012, lequel a indemnisé le préjudice « personnel » subi par un mineur à compter de l'âge de 13 ans, après que la décision qui a statué sur les préjudices subis jusqu'à cet âge, ait invité les représentant légaux à former une telle réclamation après nouvelle expertise ; il en est de même de l'arrêt rendu par la cour administrative de Marseille le 13 juillet 2016, au titre d'un préjudice considéré comme éventuel, ce qui n'est pas le cas en l'espèce,

- la demande de désignation d'expert formée à titre subsidiaire par Mme X... Y... apparaît inutile en l'espèce où les parties ne s'opposent pas sur le coût des prothèses et de leur renouvellement,

- en cas de demande déclarée recevable, il y aurait lieu d'une première part, de déduire des indemnités allouées au titre de l'acquisition et du renouvellement des prothèses, la somme de 8.065,50€ correspondant au titre de créance émis par la CPAM le 17 novembre 2004, relatif au « capital appareillage » évalué de manière viagère, d'ores et déjà réglé à Mme X... Y..., une telle créance ne portant pas sur les frais d'acquisition des prothèses provisoires utilisées durant la minorité de l'appelante, mais sur l'appareillage définitif et son renouvellement, ce dont témoigne la capitalisation d'un tel préjudice sur la base d'un euro de rente viager,

- même en cas de rejet du recours subrogatoire formé par ce dernier, il y aurait lieu de tenir compte de la prise en charge par cet organisme des dépenses invoquées par Mme X... Y... en limitant la réparation du préjudice invoqué par cette dernière à la seule part de dépenses demeurées à sa charge, soit en l'espèce la somme de 72.299,76 € ci-après détaillée : (coût initial : 37.842,13 € + coût renouvellement 244.505,35 €) - (8 065,50 € + 201.982,22 €) = 72.299,76 €.

La CPAM demande à la cour dans ses conclusions du 15 décembre 2017 en application de l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale, de :

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau,

- fixer sa créance définitive à la somme de 201.982,22 €,

- condamner la SA Generali IARD à lui verser la somme totale de 201.982,22 € avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

- condamner la SA Generali IARD à lui verser la somme de 1.066 € au titre de l'indemnité forfaitaire de l'article L. 376-1 alinéa 9 du code de la sécurité sociale,

- condamner la SA Generali IARD à lui verser la somme de 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

- il ne saurait lui être opposé, tout comme à Mme X... Y..., l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon le 9 février 2006, alors même qu'il était impossible à cette date de statuer sur les demandes indemnitaires liées aux frais d'appareillage définitifs qui n'étaient susceptibles d'être déterminés qu'à la fin de la croissance de la jeune victime ; la nécessité de pourvoir à des appareillages spécifiques n'était pas avérée au jour où le docteur G... a examiné la victime ni au jour où la cour d'appel de Lyon a statué,

- la SA Generali IARD produit une pièce composée d'une part d'une notification des débours en date du 17/12/2004 et d'autre part d'une note intitulée « capital appareillage » en date du 17/11/2005, or il ne ressort pas des termes de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon que cette pièce ait été versée aux débats à l'époque ni qu'il s'agisse des documents sur lesquels elle a fondé ses demandes ; au demeurant, à supposer que le document intitulé « capital appareillage » ait été versé aux débats, il n'est nullement précisé qu'il a porté sur la question de la prothèse de jambe pour la victime une fois qu'elle aurait atteint l'âge adulte ; au regard du faible montant indiqué (à comparer avec le montant réclamé aujourd'hui pour le remplacement de la prothèse à l'âge adulte ' pièce n° 2), il semble au contraire qu'il s'agisse d'une évaluation limitée aux remplacements de la prothèse pendant la croissance de l'enfant,

- par ailleurs elle a sollicité la réserve de ses droits pour les frais futurs dans chacune des instances ayant conduit à la présente procédure, ce que révèle la lecture des décisions ; la cour d'appel de Lyon, statuant sur renvoi après cassation, a omis dans son arrêt du 9 février 2006 de réserver ses droits au titre de ses frais futurs comme l'avaient fait les deux autres juridictions précédemment saisies du litige ; étant donné que l'arrêt du 9 février 2006 n'a pas statué sur les frais futurs, il est impossible de soutenir que cette décision aurait autorité de la chose jugée concernant ce poste.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes

Il ressort de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon en date du 9 février 2006 que M. H... Y... agissant en qualité de représentant légal de sa fille mineure X... Y... n'a pas formulé devant cette cour de demande d'indemnisation des frais de prothèses de l'enfant, que ce soit avant ou après consolidation.

M. H... Y... agissant ès-qualités n'était pas tenu de présenter lors de cette instance toutes les demandes tendant à l'indemnisation des divers postes de son préjudice corporel et la circonstance qu'il n'ait pas sollicité que le poste des frais de prothèses soit réservé ou que Mme X... Y... ne justifie pas d'une aggravation de son état sont sans incidence.

Si la cour d'appel de Lyon a alloué à la CPAM la somme de 31 149,41 €, ce qui en toute hypothèse ne pourrait priver Mme X... Y... du droit de demander la réparation des frais futurs de prothèse demeurant à sa charge, elle n'a pas détaillé cette créance et aucun élément ne permet d'affirmer qu'elle correspondait aux frais de prothèses futurs étant précisé que la'notification des débours' en date du 17 décembre 2004 et le'calcul du capital appareillage' en date du 17 novembre 2005 émanant de la CPAM ne permettent pas d'aboutir à ce montant; en outre la cour d'appel de Lyon a chiffré les dommages de X... Y... en se fondant sur le rapport d'expertise du docteur G... en date du 25 juin 2002 et celui-ci a précisé qu'au jour de son examen l'état de l'enfant était stabilisé sur le plan de son appareillage mais qu'il serait nécessaire de la réexaminer une fois au début de sa puberté et une fois après sa puberté, ce qui induit que les frais futurs de prothèses pour la période postérieure à la fin de la puberté dont il est demandé réparation dans le cadre de la présente instance, qui ne pouvaient pas être déterminés au jour du rapport d'expertise et de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, n'ont donc pas pu être indemnisés par cette décision.

L'autorité de la chose jugée le 9 février 2006 par la cour d'appel de Lyon ne fait donc pas obstacle à la recevabilité des demandes de Mme X... Y... et de la CPAM.

Sur l'évaluation des frais futurs de prothèse

La SA Gnerali IARD ne conteste pas le détail ni le montant des sommes demandées tant par Mme X... Y... que par la CPAM.

La somme de 8 065,50 € et sa capitalisation viagère qui ne correspondent pas aux frais futurs de prothèse objets des demandes dont est saisie la présente cour n'ont pas à être déduites.

Il y a lieu pour les motifs qui précèdent de condamner la SA Generali IARD à verser à Mme X... Y... les sommes de 37 842,13 € au titre du coût d'achat des prothèses et de 244.505 € correspondant au coût de leur renouvellement et à la CPAM la somme de 201 982,22€.

Sur la demande formée au titre de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale

En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement des prestations mises à sa charge, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affiliée la victime recouvre une indemnité forfaitaire de gestion, d'un montant en l'espèce de 1 066 €, à la charge du responsable au profit de l'organisme national d'assurance maladie.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de Mme X... Y... et de la CPAM doivent être infirmées.

La SA Generali IARD qui succombe dans ses prétentions supportera la charge des dépens de première instance de Mme X... Y... et de la CPAM et les dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à Mme X... Y... une indemnité de 2 000 € et à la CPAM une indemnité de 1 200 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel et le rejet de la demande de la SA Generali IARD formulée au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Infirme le jugement en ses dispositions concernant Mme X... Y... et la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Condamne la SA Generali IARD à verser à Mme X... Y... les sommes de

* 37 842,13 € au titre du coût d'achat des prothèses

* 244 505 € au titre du coût du renouvellement des prothèses

* 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,

- Condamne la SA Generali IARD à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône les sommes de

* 201 982,22 € au titre des frais futurs de prothèse

* 1 066 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion

* 1 200 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

- Rejette la demande de la SA Generali IARD fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- Condamne la SA Generali IARD aux dépens de première instance de Mme X... Y... et de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône et aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 17/07787
Date de la décision : 13/09/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°17/07787 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-13;17.07787 ?
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