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13/09/2018 | FRANCE | N°17/06302

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 13 septembre 2018, 17/06302


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 13 SEPTEMBRE 2018



N° 2018/ 328













Rôle N° 17/06302







Fabrice X...





C/



Laurent Y...

Société ONIAM ACCIDENTS MEDICAUX

Société CPAM DES BOUCHES DU RHÔNE





















Grosse délivrée

le :

à :



Me Elsa Z...



SCP D...



SCP A.

..









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 09 Février 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/05967.





APPELANT



Monsieur Fabrice X...

né le [...] à MARSEILLE - de nationalité Française,

demeurant [...]

représenté par Me Jacques-a...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 13 SEPTEMBRE 2018

N° 2018/ 328

Rôle N° 17/06302

Fabrice X...

C/

Laurent Y...

Société ONIAM ACCIDENTS MEDICAUX

Société CPAM DES BOUCHES DU RHÔNE

Grosse délivrée

le :

à :

Me Elsa Z...

SCP D...

SCP A...

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 09 Février 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/05967.

APPELANT

Monsieur Fabrice X...

né le [...] à MARSEILLE - de nationalité Française,

demeurant [...]

représenté par Me Jacques-antoine B... de l'ASSOCIATION B... CECCALDI ALBENOIS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Bérénice C..., avocat au barreau de MARSEILLE, Me Elsa Z..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur Laurent Y...

demeurant [...] - [...]

représenté par Me Pascale E... D... de la SCP D... E...-D..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Véronique F..., avocat au barreau de NICE substitué par Me G... bruno HUA, avocat au barreau de MARSEILLE

ONIAM, demeurant [...]

représentée par Me G...-françois A... de la SCP A... / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Patrick O... H... P... de la SEH...RL O... H... P... ET FITOUSSI AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

CPAM DES BOUCHES DU RHÔNE

dont le siège social est : Le Patio [...]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 06 Juin 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Anne VELLA, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de:

Monsieur Olivier GOURSAUD, Président

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

Madame Anne VELLA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvaine MENGUY.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Septembre 2018.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Septembre 2018,

Signé par Monsieur Olivier GOURSAUD, Président et Madame Sylvaine MENGUY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

À la suite d'une luxation récidivante de l'épaule droite, M. Fabrice X... a consulté le docteur I... qui a pratiqué le 13 avril 2000, au sein de l'hôpital Saint-Joseph à Marseille, une intervention chirurgicale de butée de l'épaule.

Ressentant de nouvelles douleurs et courant 2010, M. X... s'est adressé au docteur Laurent Y..., qui a procédé le 17 janvier 2011 à l'hôpital Debief à Marseille, à l'ablation du matériel d'ostéosynthèse avec greffe iliaque. Cette intervention a été suivie de complications motrices au niveau du bras, du coude et des doigts.

Le 22 novembre 2011, le docteur J... a procédé à une reprise chirurgicale.

Avant cette intervention et devant la persistance des séquelles, M. X... a saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 4 novembre 2011 a désigné le docteur K... en qualité d'expert. L'expert a déposé son rapport le 27 septembre 2012 en concluant que le patient présente un état déficitaire neurologique à la suite d'une lésion par section des nerfs musculo-cutané et médian, secondaires à l'intervention du 17 janvier 2011, sans toutefois retenir de faute médicale à l'encontre du praticien et en signalant que ces lésions sont une des complications de la chirurgie de stabilisation antérieure de l'épaule. L'expert a considéré que l'état du patient n'était pas consolidé.

Par ordonnance du 17 mai 2013, le juge des référés a rejeté la demande de provision formulée par M. X... et selon nouvelle ordonnance du 25 septembre 2013, les opérations d'expertise ont été étendues à l'Oniam à la demande du requérant.

L'expert a déposé son rapport définitif le 11 juillet 2014 en maintenant son analyse initiale et en concluant sur le préjudice corporel.

Par une nouvelle ordonnance du 20 février 2015, la demande réitérée de provision formulée par M. X... a été rejetée.

Par actes des 5 et 12 mai 2015, M. X... a fait assigner le docteur Y... et l'Oniam devant le tribunal de grande instance de Marseille, pour les voir condamner à l'indemniser de ses préjudices corporels et ce, en présence de la Cpam des Bouches du Rhône.

Par jugement du 9 février 2017, cette juridiction a :

- débouté M. X... de ses demandes ;

- débouté la Cpam des Bouches du Rhône de ses demandes ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- condamné M. X... aux dépens avec distraction.

Pour débouter M. X... de ses demandes formulées à l'encontre du docteur Y..., le tribunal a considéré que l'expert avait retenu que le geste médical du chirurgien n'était pas fautif et qu'au surplus ce type de lésions neurologiques est une complication de la chirurgie de stabilisation antérieure de l'épaule. Il a retenu que le risque était augmenté par l'état du patient.

Il a également débouté M. X... de ses demandes formulées à l'encontre de l'Oniam en retenant que la condition d'anormalité du dommage prévu par l'article L. 1142-1-II du code de la santé publique n'était pas remplie en l'espèce puisque les éléments du dossier ne permettent pas d'établir qu'en l'absence de toute intervention chirurgicale l'état de M. X... serait aujourd'hui notablement moins grave. Le tribunal a retenu que le risque de lésion neurologique était élevé dans le cas du patient et qu'ainsi les conséquences qu'il a subies ne peuvent être considérées comme anormales.

Par acte du 31 mars 2017, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. X... a interjeté appel général de cette décision.

A l'audience du 6 juin 2018, avant l'ouverture des débats, à la demande de M. X..., du docteur Y... et de l'Oniam, l'ordonnance de clôture du 22 mai 2018 a été révoquée et la procédure a été à nouveau et immédiatement clôturée pour admettre les dernières conclusions de M. X... du 29 mai 2018, du docteur Y... du 31 mai 2018 et de l'Oniam du 1er juin 2018.

M. X... a été autorisé à transmettre en cours de délibéré une attestation de versement ou de non-versement à son profit de la prestation de compensation du handicap (PCH). Par courrier du 7 juin 2018, son conseil a transmis au greffe et aux parties une attestation du chef de service des personnes handicapées du département des Bouches du Rhône venant confirmer l'absence de versement à son profit de la prestation compensatoire du handicap.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses conclusions du 29 mai 2018, M. X... demande à la cour de :

' réformer le jugement ;

à titre principal

' juger le docteur Y... entièrement responsable des préjudices qu'il subit ;

' le condamner à réparer l'intégralité de ses préjudices ;

à titre subsidiaire, de :

' déclarer qu'il a été victime d'un accident médical non fautif remplissant les conditions édictées par l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;

' condamner l'Oniam à réparer l'intégralité de ses préjudices ;

en tout état de cause

' rejeter la demande de condamnation formulée par le docteur Y... sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamner la partie succombant à lui verser les sommes suivantes :

- dépenses de santé actuelles : 7339,35€, dont 7322,74€ pris en charge par l'organisme social,

- frais divers : 4673,19€

- perte de gains professionnels actuels : 33'045,24€ dont à déduire la créance de l'organisme social de 23'230,16€

- aide humaine temporaire : 71'359,43€

- perte de gains professionnels futurs : 537'215,58€ après déduction de la créance de 182'062,04€ correspondant aux périodes suivantes :

' de la consolidation à l'attribution de la pension d'invalidité : 9192,02€

' du 1er octobre 2013 au 30 juin 2018 à parfaire jusqu'à la date de la décision à intervenir : 79'800€

' à partir du 1er juillet 2018 à parfaire en fonction de la date de la décision à intervenir : 630'453,60€

- incidence professionnelle : 50'000€

- assistance par tierce personne :

' pour la période échue 19 mars 2013 au mois de juin 2018 à parfaire jusqu'à la date de la décision à intervenir : 189'626,88€

' pour le futur en fonction de la date de la décision à intervenir : 1'351'952,02€

- déficit fonctionnel temporaire total et partiel : 11'052€

- souffrances endurées : 15'000€

- déficit fonctionnel permanent : 160'000€

- préjudice d'agrément : 20'000€

- préjudice esthétique permanent : 4000€

- préjudice sexuel : 8000€

à titre subsidiaire s'agissant de l'aide humaine et dans l'hypothèse ou l'indemnisation serait mise à la charge de l'Oniam

' surseoir à statuer sur l'aide humaine temporaire viagère dans l'attente de la production d'une attestation de non perception de la PCH ;

en tout état de cause

' condamner la partie succombante à lui payer la somme de 3000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de son conseil ;

' juger que dans l'hypothèse ou, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées de la décision à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes par lui retenue en application de l'article A 444 de l'arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des huissiers de justice devra être supportée par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

' juger que les sommes allouées en principal seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, et que les intérêts seront capitalisés par année entière à compter de cette date, en application des dispositions de l'article 1154 du Code civil.

Il expose qu'il est peintre en rénovation et en décoration et qu'il s'est luxé l'épaule droite dans l'exercice de sa profession dans le courant de l'année 2010 et alors qu'il avait déjà été opéré en 2000 pour une luxation de la même épaule. À la suite de l'intervention pratiquée le 17 janvier 2011 par le docteur Y..., un hématome du creux axillaire à l'origine d'une compression des nerfs a été diagnostiqué. Il a consulté le docteur L... le 25 mai 2011 qui lui a prescrit un EMG (examen électro myographique) à la suite de quoi une exploration du nerf a été envisagée afin de connaître les raisons de son handicap. C'est donc une reprise chirurgicale qui a été réalisée le 22 novembre 2011 par le docteur J....

Il soutient que la lecture du rapport de l'expert le docteur K... met en évidence qu'une maladresse dans le geste chirurgical peut être reprochée au docteur Y.... Si l'expert ne dit pas clairement que son geste a été maladroit, il décrit bien un accident médical consistant en la lésion d'un organe voisin, à savoir la section du nerf musculo cutané des deux branches constituant le nerf médian, ce qui correspond bien à une faute au regard de la jurisprudence de la Cour de Cassation. Il rappelle qu'une simple maladresse opératoire suffit à engager la responsabilité du praticien et en l'absence de facteurs prédisposants rendant la complication inévitable, la blessure d'un organe voisin doit être regardée comme fautive et il appartient à ce médecin de prouver, par inversion de la charge de la preuve, qu'une anomalie a rendu l'atteinte inévitable.

Il rappelle que le but de l'intervention réalisée par le docteur Y... était une ablation de matériel d'ostéosynthèse de l'épaule droite qui s'était déplacé ainsi que la réalisation d'une greffe iliaque. Or des investigations vont bien mettre en évidence ce qui était suspecté à savoir une lésion du nerf musculo cutané et du médian, consécutive à l'intervention du docteur Y.... Le seul critère permettant au praticien d'excuser la maladresse de son geste est celui de l'existence d'une anomalie rendant l'atteinte inévitable pour réaliser l'intervention. Cette lésion était néanmoins évitable comme toute complication possible à toute intervention chirurgicale, ce qui signifie qu'il ne présentait pas une situation à risque.

S'agissant des prédispositions qu'il présentait, le docteur Y... en était parfaitement informé et il estime que le tribunal a retenu à tort que la migration du matériel d'ostéosynthèse induisait un risque complémentaire là où l'expert a retenu que ces prédispositions ne faisaient qu'augmenter le risque de lésion neurologique sans retenir toutefois que la réalisation de ce risque était inévitable.

Ce n'est qu'à titre subsidiaire qu'il sollicite la condamnation de l'Oniam car si l'atteinte des nerfs voisins n'est pas fautive, il s'agit nécessairement d'un aléa thérapeutique. En l'espèce l'intervention chirurgicale a été motivée par une instabilité de l'épaule qui aurait perduré en l'absence d'intervention et qui aurait pu évoluer vers de nouvelles luxations. Mais les conséquences de l'accident médical sont des lésions neurologiques extrêmement invalidantes puisque l'expert évalue son déficit fonctionnel permanent à 40 % après soustraction des déficits dus à l'état antérieur d'instabilité et de post opératoire d'instabilité. Cette atteinte qui correspond à une impotence du coude et de la main droite est donc sans commune mesure avec l'instabilité de l'épaule qu'il présentait. Le critère de l'anormalité est donc rempli du seul fait de la gravité de l'état actuel et il n'est donc pas nécessaire d'apprécier la fréquence de survenue de ce type de complications.

De plus il est essentiel de distinguer la prévisibilité du risque et son caractère connu. Des risques extrêmement rares peuvent être connus mais il n'en demeure pas moins anormaux.

Pour l'indemnisation de ses préjudices corporels, il sollicite l'application du barème de la Gazette du Palais 2018. Il produit au débat ses avis d'imposition des trois années antérieures à l'intervention ce qui permettra à la cour de chiffrer la perte de gains professionnels actuels sur la base d'un salaire moyen de 1378,75€, perçu en 2010. Pour l'évaluation de la perte de gains professionnels futurs, il demande de retenir un salaire mensuel de 1400€ en expliquant qu'il a été placé en invalidité catégorie 2 à compter du 1er octobre 2013 et qu'il se trouve dans l'impossibilité d'exercer des métiers nécessitant une activité manuelle.

Il demande l'indemnisation du poste d'assistance par tierce personne en fonction d'un coût horaire de 21,39€ avec majoration les dimanches et jours fériés pour la période antérieure à la consolidation et un coût horaire de 23,89€ pour la période postérieure à la consolidation. Le déficit fonctionnel temporaire sera indemnisé sur une base mensuelle de 900€. Il subit un réel préjudice d'agrément alors qu'avant l'intervention il pratiquait de nombreuses activités sportives et il demande l'indemnisation de son préjudice sexuel dont le principe a été retenu par l'expert.

Dans ses conclusions du 31 mai 2018, le docteur Y... demande à la cour de :

' juger qu'aucun manquement n'a été retenu par l'expert judiciaire à son encontre ;

' juger que M. X... est défaillant à rapporter la preuve d'une faute médicale qui lui serait imputable ;

' juger que M. X... a été victime d'un accident médical non fautif dont il appartient à la cour d'apprécier le droit à indemnisation ;

' en conséquence confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

' débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes formulées à son encontre ;

' le condamner à lui verser la somme de 2000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

à titre très subsidiaire, dans l'hypothèse ou la cour retiendrait sa responsabilité

' débouter M. X... de ses demandes au titre des dépenses de santé actuelles et du préjudice sexuel ;

' ramener les autres demandes indemnitaires de plus justes proportions et de la façon suivante :

- déficit fonctionnel temporaire total : 120€

- déficit fonctionnel temporaire partiel : 7696,50€

- souffrances endurées : 10'000€

- assistance par tierce personne temporaire : 4542,30€

- assistance par tierce personne permanente : 63'860,54€

- perte de gains professionnels actuels : 1388,40€

- perte de gains professionnels futurs : 63'690,74€

- incidence professionnelle : 10'000€

- déficit fonctionnel permanent : 100'000€

- préjudice d'agrément : 5000€

- préjudice esthétique permanent : 2500€,

' limiter l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs à la seule période allant de la date de consolidation jusqu'au jour de l'arrêt ;

à titre infiniment subsidiaire

' juger que l'indemnisation du préjudice sexuel ne pourra excéder la somme de 3000€;

' ramener la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions ;

' statuer ce que de droit sur les dépens.

Il fait valoir que le 13 mai 2010, M. X... présentait, en l'état d'un arthroscanner réalisé de l'épaule droite, une désinsertion du bourrelet glénoïdien antérieur. Lorsque qu'il a été consulté par le patient, il a constaté, outre les luxations récidivantes, une migration du vis creux axillaire entraînant des paresthésies et il a posé l'indication de reprise chirurgicale pour ablation du matériel d'ostéosynthèse avec greffe iliaque. Il a prévenu le patient que l'intervention était délicate à réaliser et M. X... y a consenti par écrit. Après plusieurs consultations et examens révélant une diminution motrice du nerf musculo-cutané, M. X... l'a informé qu'il entendait consulter le professeur M... et qu'il reviendrait vers lui. C'est dans ces conditions qu'une intervention pratiquée le 21 juillet 2011 a eu pour but d'explorer la paralysie des nerfs médians et musculo-cutanés qui a révélé une section à la fois du nerf musculo-cutané ainsi que des deux branches du nerf médian.

Il soutient que l'expert n'a jamais modifié ses conclusions et qu'il persiste dans l'affirmation d'une prise en charge chirurgicale conforme. En second lieu l'expert a expliqué la survenue des lésions neurologiques, non pas par une maladresse technique de l'opérateur mais pas une série de plusieurs facteurs, dont la conjonction des éléments a favorisé la survenue de la lésion neurologique en insistant notamment sur le fait que la fibrose post opératoire était bien responsable d'un nouveau positionnement du nerf litigieux.

La preuve de plusieurs particularités anatomiques est donc clairement rapportée, ce qui vient justifier la complication et qui rend inapplicable la jurisprudence dont M. X... fait état et selon laquelle 'en l'absence de facteurs prédisposant rendant la complication inévitable, la blessure causée à un organe voisin doit être regardée comme fautive'. Dans ses dernières conclusions le docteur Y... s'oppose également aux conclusions de l'Oniam qui développe une argumentation similaire, et il soutient que rien dans les conclusions de l'expert ne permet de dire que le geste chirurgical n'aurait pas été assez précis et qu'en dépit de l'absence apparente d'une anomalie ayant rendu l'atteinte inéluctable, l'atteinte du nerf dont M. X... a souffert relève d'un aléa thérapeutique.

De plus l'expert a souligné que même en l'absence de toute fibrose cicatricielle et sur un terrain anatomique préservé, il est parfois difficile de repérer ce nerf musculo-cutané. Il faut donc considérer que dans le cas d'espèce le risque d'une telle complication était largement accrue. L'ensemble des composantes conduit à conclure que M. X... a été victime d'un accident médical non fautif.

À titre infiniment subsidiaire et sur le préjudice corporel, il formule des propositions d'indemnisation.

Par conclusions du 17 mai 2018, l'Oniam demande à la cour de :

' le recevoir en ses écritures ;

' confirmer le jugement qui a prononcé sa mise hors de cause ;

à titre principal

' juger que le dommage présenté par M. X... est exclusivement imputable à une maladresse fautive du docteur Y..., faute qui engage sa responsabilité ;

' en conséquence le mettre hors de cause ;

à titre subsidiaire

' constater que le dommage présenté par M. X... n'est pas anormal au sens de l'article L. 1142-1-II du code de la santé publique ;

' juger que les conditions d'intervention au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies et en conséquence le mettre hors de cause ;

à titre infiniment subsidiaire si la cour devait entrer en voie de condamnation à son encontre :

' rejeter les prétentions indemnitaires de M. X... au titre des dépenses de santé actuelles, des frais de déplacement, de la perte de gains professionnels actuels, de la perte de gains professionnels futurs, du préjudice d'agrément et le préjudice sexuel ;

' réduire les prétentions indemnitaires de M. X... dans les conditions suivantes ;

- incidence professionnelle : 15'000€

- déficit fonctionnel temporaire : 5894,40€

- souffrances endurées : 8281€

- déficit fonctionnel permanent : 93'276€

- préjudice esthétique permanent : 2126€

' surseoir à statuer sur l'assistance par tierce personne temporaire et permanente dans l'attente de la production de tous les documents utiles à établir l'absence de versement d'aide financière au titre de la tierce personne ;

' déduire du montant de l'indemnisation allouée au titre de l'assistance par tierce personne permanente le montant perçu au titre de la PCH ;

à titre subsidiaire sur les postes d'assistance par tierce personne

' réduire les prétentions indemnitaires de M. X... au titre de la tierce personne temporaire à 6686€, au titre de la tierce personne permanente échue à 12'538,50€ et lui allouer une rente trimestrielle de 669,50€ au titre de la tierce personne future ;

En tout état de cause

' condamner tout succombant lui verser une somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, distraits au profit de son conseil.

À titre principal il soutient que c'est la maladresse fautive imputable au docteur Y... qui est à l'origine du dommage de M. X..., excluant toute indemnisation au titre de la solidarité nationale. La faute du praticien ne peut être écartée que s'il existe une anomalie rendant l'atteinte inévitable pour réaliser l'intervention. Or il résulte des termes du rapport d'expertise que les lésions que M. X... a présenté sont issues d'une section intervenue lors de l'intervention de janvier 2011 et nullement d'une compression. L'intervention réalisée par le docteur Y... n'impliquait en aucun cas la lésion par section des nerfs. En dépit du caractère difficile du geste réalisé, l'expert a souligné à plusieurs reprises qu'il aurait pu être maîtrisé par le docteur Y.... La section de ce nerf trouve son origine dans la maladresse fautive du praticien. Le nouveau positionnement anatomique du nerf de M. X... aurait dû être connu du docteur Y... s'il avait consulté le compte rendu de l'intervention réalisée en 2000. Par ailleurs la fibrose cicatricielle poste opératoire n'a pas été expressément objectivée, l'expert se contentant d'indiquer que cette hypothèse était envisageable. Il s'ensuit que la lésion était parfaitement évitable. Le jugement devra donc être réformé.

À titre subsidiaire, les conditions de son intervention ne sont pas réunies, le critère d'anormalité du dommage faisant défaut. En l'espèce M. X... présentait avant l'intervention une instabilité de l'épaule récidivante qui nécessitait une reprise chirurgicale, intervention qui selon l'expert était la seule solution. En l'absence d'intervention, ce patient aurait connu des sensations de dérobement au niveau de son épaule ainsi que des douleurs chroniques invalidantes outre la migration de son matériel d'ostéosynthèse. Son état aurait évolué vers une déstabilisation de l'épaule et des douleurs de plus en plus fréquentes et vers une impotence croissante. Il présente à ce jour une relative réduction de la mobilité ainsi que des douleurs et une insensibilité du membre supérieur droit. Son pronostic vital n'était pas engagé avant l'intervention et il ne l'est pas plus à ce jour. Le taux de déficit fonctionnel permanent qu'il présente ne saurait caractériser le caractère anormal du dommage. Il n'est pas établi que M. X... n'aurait pas présenté un déficit fonctionnel inférieur en l'absence d'intervention. Il n'apparaît donc pas que les lésions présentées par M. X... lors de l'intervention aient eu des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles il aurait été exposé en l'absence d'intervention. En conséquence il convient d'apprécier la fréquence de survenue de la complication. De ce chef l'expert indique que la complication est connue et que le risque de lésion neurologique était élevé et majoré par la migration du matériel d'ostéosynthèse à proximité des structures neurologiques aux rapports anatomiques modifiés. En conséquence la cour devra mettre hors de cause son intervention au titre de la solidarité.

Ce n'est qu'à titre subsidiaire qu'il formule des propositions d'indemnisation des différents chefs de dommage en demandant à la cour pour fixer la perte de gains professionnels actuels de se référer à la moyenne des salaires sur les trois années précédant l'accident soit 15.556€, somme dont doit être déduit le montant des indemnités journalières. La perte de gains professionnels futurs sera calculée sur la même base, avant capitalisation pour le futur en fonction du référentiel de l'Oniam, somme soumise à imputation de la pension d'invalidité perçue. Il conclut au sursis à statuer sur l'aide par tierce personne temporaire et permanente en l'absence de toute indication sur le versement au profit de M. X... d'une prestation de compensation du handicap et à défaut il formule également des propositions d'indemnisation.

La Cpam des Bouches du Rhône, assignée par M. X..., par acte d'huissier du 16 juin 2017, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat et elle n'a fait connaître le montant de ses débours.

L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité du docteur Y...

En vertu de l'article L 1142-1 I du code de la santé publique le professionnel de santé n'est responsable des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute de sa part, dont l'administration de la preuve incombe à celui qui s'en préavut.

Selon les données contenues dans le rapport définitif du 11 juillet 2014 de l'expert médical M. X... a bénéficié le 17 janvier 2011 d'une intervention stabilisatrice de l'épaule droite pratiquée par le docteur Y..., cette opération intervenant à la suite d'une récidive de luxation pour laquelle il avait déjà été opéré en 2000 par le docteur G...-Pierre I.... Dans les suites opératoires de la seconde intervention un déficit neurologique est apparu, laissant suspecter une lésion du nerf musculo cutané droit. Plusieurs examens d'imageries médicales et une intervention chirurgicale ont été nécessaires, dans le but d'une réanimation neurologique du membre supérieur droit. Toutefois et au jour de l'examen par l'expert médical M. X... présentait un déficit neurologique dans le territoire des nerfs musculo cutané et médian droits.

L'expert a indiqué que M. X... était demandeur d'une intervention et que celle-ci était justifiée d'une part, par la nécessité d'enlever le matériel d'ostéosynthèses qui s'était déplacé et d'autre part, en raison de l'instabilité articulaire de l'épaule avec récidives des luxations. Il a précisé qu'il existait en pré-opératoire une paresthésie du membre supérieur droit laissant craindre une irritation ou une compression neurologique et il a conclu que 'l'acte chirurgical paraissait indispensable.'

Il a noté que le patient était conscient de la nécessité de cette intervention et en avait compris le caractère délicat et donc les risques qu'il encourait.

L'expert a conclu que l'intervention a été conforme aux données acquises de la science à savoir le remplacement de la butée coracoïdienne primitivement prélevée et indisponible à une nouvelle intervention, par la mise en place d'une butée osseuse prélevée au niveau de la crête iliaque pour assurer la stabilisation de l'épaule droite. Cette intervention s'accompagnait de l'ablation du matériel d'ostéosynthèse initialement posé et qui avait migré.

Le déficit neurologique constaté en post-opératoire a justifié plusieurs investigations et imageries médicales pouvant évoquer une compression, d'autant plus que le scanner a trouvé la présence d'un hématome en arrière du muscle pectoral en situation axillaire se prolongeant au niveau du creux axillaire, susceptible d'être à l'origine d'une compression neurologique, la section du nerf musculo cutané n'étant pas clairement objectivée. L'exploration du nerf a été discutée entre le docteur Y... et le docteur J..., mais en présence de cet hématome une intervention chirurgicale n'a pas été retenue. Ce n'est que quatre mois plus tard et donc six mois après l'intervention du docteur Y..., devant la persistance du déficit moteur et à la suite d'un nouvel électro myogramme que le docteur J... a décidé d'y procéder et il a retrouvé à cette occasion des lésions neurologiques avec perte de substance du nerf musculo cutané et lésion du nerf médian. L'expert a précisé que ces racines nerveuses sont proches ce qui explique 'leurs lésions concomitantes'.

Les éléments contenus dans ce rapport ne permettent pas de retenir à l'encontre du docteur Y... une faute venant engager sa responsabilité médicale. En effet l'expert médical a estimé que ces lésions peuvent s'expliquer en raison des difficultés de l'intervention chirurgicale itérative, sur récidive, en relevant que le docteur G...-Pierre I... avait noté dans son compte rendu de 2000 qu'il avait dû procéder à une dissection du nerf musculo cutané sur une longueur de 3cm, ce nerf pénétrant alors de façon anormalement haute le tendon conjoint qui était abaissé lors du prélèvement coracoïdien. Le docteur K... a indiqué qu'il 'est envisageable que la fibrose cicatricielle post opératoire normale entraînait une fixation de ce nerf dans cette nouvelle position et ainsi une difficulté supplémentaire chirurgicale'. Il a ajouté qu'une seconde complication a été liée à la mobilisation de la vis d'ostéosynthèse en région axillaire proche du voisinage neurologique. Mais aussi que l'abaissement de la coracoïde lors de l'intervention de 2000 a modifié les rapports anatomiques neurologiques.

Ces données répondent à l'argument développé par M. X... qui estime que le docteur Y... a touché à un organe voisin et qu'il lui appartiendrait de rapporter la preuve d'une anomalie anatomique, celle-ci étant précisément démontrée par l'expertise médicale.

Les complications sont clairement décrites et elles sont en relation avec les paresthésies signalées par le patient et leur origine est explicitée par le document d'expertise. L'expert a énoncé que les lésions neurologiques sont une des complications de la chirurgie de stabilisation antérieure de l'épaule, dont les risques ont été augmentés en raison de la première chirurgie de 2000, des prédispositions anatomiques de M. X... et de la migration du matériel d'ostéosynthèse. C'est donc la conjonction de ces trois facteurs de risques dont la modification des facteurs anatomiques du patient n'est pas le moindre qui a eu pour conséquence la section du nerf musculo cutané et la lésion du nerf médian, l'expert indiquant que l'examen du compte rendu ne permettait pas d'expliquer autrement les lésions neurologiques constatées lors de l'intervention du 21 juillet 2011 du docteur J....

M. X... et l'Oniam tirent argument d'un paragraphe contenu dans le rapport d'expertise pour soutenir que le docteur Y... a commis un manquement fautif. Dans cette partie de son rapport l'expert a écrit 'si le geste chirurgical de reprise était difficile, il s'agit d'un geste néanmoins chirurgical, maîtrisable dans ses conséquences lésionnelles et vitales. Le risque de lésion neurologique était élevé. Cette lésion était néanmoins évitable comme toutes complications possibles à toute intervention chirurgicale, sinon l'indication opératoire n'aurait pas été posée.' En réponse à un dire, l'expert a précisé que si ce geste est maîtrisable, néanmoins, même lors d'une intervention primaire, en dehors de toute fibrose cicatricielle et sur un terrain anatomique préservé, le repérage du nerf musculo cutané est parfois difficile.

En tout état de cause, ces observations sont des observations générales inhérentes à toute intervention chirurgicale. En effet elles signifient que dès lors qu'une intervention chirurgicale est décidée, elle n'est jamais exempte de tout risque, d'autant plus qu'en l'espèce ce risque pré-opératoire était élevé, ce que le docteur Y... n'a d'ailleurs pas manqué de signaler au patient qui a lui-même rapporté à l'expert que le chirurgien lui avait expliqué les différentes façons de procéder et qu'il avait compris que 'cela a l'air délicat'. On ne peut donc déduire de cette formulation que le docteur Y... aurait dû parvenir à un résultat favorable optimal ou encore que l'atteinte des nerfs musclo cutané et médian était nécessairement évitable.

Dès lors, un manquement fautif imputable au docteur Y... n'est pas établi, et les suites opératoires s'analysent en un accident médical non fautif.

Sur l'intervention de l'Oniam

En application des articles L.1142-1 et 1142-1-1 du code de la santé publique lorsque la responsabilité d'un professionnel, n'est pas engagée, un accident médical ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par l'article D.1142-1 du même code à 24%.

L'indemnisation d'un accident médical, au titre de la solidarité nationale est subordonnée à la réunion de quatre conditions cumulatives que sont, un accident médical non-fautif, directement imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins, occasionnant des séquelles d'une certaine gravité et qui a pour le patient des conséquences anormales au regard de son état comme de l'évolution prévisible de celui-ci, et à défaut un risque prévisible faible. Les trois premières conditions sont remplies.

La condition d'anormalité du dommage doit être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Dans le cas contraire les conséquences de l'acte médical ne peuvent être considérées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible.

Sur cette question l'expert a indiqué que l'intervention réalisée par le docteur Y... était justifiée en raison tout d'abord de la migration du matériel d'ostéosynthèse ainsi que par l'instabilité articulaire de l'épaule qui engendrait des récidives de luxations dont certaines étaient quasi spontanées, comme le mentionne un compte rendu de visite du chirurgien en pré-opératoire, outre l'existence de paresthésie dans le membre supérieur droit. Il est dit par ailleurs dans le corps de l'expertise que M. X... a déclaré que l'opération de l'épaule s'était bien passée et qu'il avait récupéré une bonne motricité de l'épaule.

Toutefois, s'il a affirmé que l'acte chirurgical était indispensable et que le but escompté, à savoir la stabilisation de l'épaule était désormais acquise, à aucun moment le docteur K... n'a indiqué qu'en son absence l'état du patient aurait évolué vers un déficit quasi total de la motricité du membre supérieur droit. En conséquence en l'absence d'une évolution prévisible vers une atteinte des fonctions physiologiques de ce membre supérieur droit, il convient de retenir que la condition d'anormalité est remplie, ce qui conduit à mettre l'indemnisation du préjudice corporel à la charge de l'Oniam.

Sur le préjudice corporel

L'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue, et le barème de capitalisation utilisé sera celui publié à la Gazette du palais du 28 novembre 2017 dont M. X... sollicite l'application.

L'expert, le docteur Thierry K..., chirurgien orthopédiste, indique que M. X... conserve comme séquelles des atteintes aux fonctions physiologiques, des troubles dans les conditions d'existence et des souffrances au quotidien.

Il conclut à :

- un arrêt de travail, déduction faite d'une évolution habituelle pour ce type d'intervention, du 1er avril 2011 au 8 janvier 2014

- un déficit fonctionnel temporaire total du 19 juillet 2011 au 25 juillet 2011, soit pendant 7 jours

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50% du 19 janvier 2011 au 18 juillet 2011, soit 181 jours

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 45% du 296 juillet 2011 au 18 mars 2013, soit sur 602 jours,

- une consolidation au 19 mars 2013

- des souffrances endurées de 4/7

- un déficit fonctionnel permanent de 40%

- un préjudice esthétique permanent de 2/7

- un préjudice d'agrément : arrêt des activités d'agrément préalable, football, randonnée aquatique

- un préjudice sexuel : il n'y a pas de préjudice sexuel mais l'acte est rendu mal aisé par la gêne à la mobilisation du membre supérieur droit

- un besoin d'assistance de tierce personne avant consolidation d'une heure par jour, 5 jours sur 7,

- un besoin d'assistance de tierce personne permanente d'1/2h par jour 7 jours sur 7

- un appareillage du véhicule automobile possible avec une formation à un permis spécial,

- préjudice professionnel : les activités de peinture et de maçonnerie ne sont plus possibles, une reconversion est nécessaire,

Son rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime, née le [...], de son activité de peintre décorateur au moment de l'accident, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Préjudices patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Dépenses de santé actuelles 16,61€

Ce poste correspond aux frais restés à la charge de la victime soit la somme de 16,61€, correspondant au frais de la consultation du 3 novembre 2010 du docteur Y..., restée à sa charge pour 7,80€, et des frais de scanner du 4 mai 2011 pour 8,81€, selon pièces justificatives versées en pièces 16 du dossier de M. X....

- Frais divers4.673,19€

Ils sont représentés par les honoraires d'assistance à expertise par le docteur Christine N..., médecin conseil. Ces dépenses supportées par la victime, nées directement et exclusivement de l'accident, sont par la même indemnisables. M. X... verse aux débats la facture du 5 septembre 2013 de ce médecin soit une somme de 2.200€ lui revenant.

M. X... réclame des frais de déplacement qui seraient restés à sa charge pour un montant total de 2.473,19€ représentant 35% des frais de déplacements en ambulance, le reste étant pris en charge par l'organisme social. Aucun élément figurant sur ses fiches de paie antérieures au mois de septembre 2010, ne permet d'affirmer qu'il était affilié à un régime complémentaire. En conséquence, cette somme doit lui être allouée.

- Perte de gains professionnels actuels32.578,45€

Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.

Au vu de ses bulletins de salaire versés aux débats M. X... percevait lors de l'accident médical non fautif un salaire net imposable de 16.545€ par an, soit un montant mensuel de 1.378,75€.

Sa perte de gains s'établit ainsi pour les périodes d'activités retenus par l'expert du 1er avril 2011 à la date de consolidation du 19 mars 2013, soit sur 23 mois et 19 jours à la somme de 32.578,45€.

Des indemnités journalières ont été versées sur cette même période du 1er avril 2011 au 1er mai 2012 pour 10.258,48€, puis du 2 mai 2012 au 9 mai 2012 pour 103,36€ et à raison de 25,84€ par jour à compter du 10 mai 2012 jusqu'à la consolidation du 19 mars 2013 soit sur 314 jours, la somme de 8.113,76€, le reste des indemnités versées du 20 mars 2013 au 29 septembre 2013 sera déduit du poste de perte de gains professionnels futurs. C'est donc une somme de 18.475,60€ (10.258,48€ +103,36€ +8.113,76€) qui s'impute sur ce poste de dommage qu' elle a vocation de réparer de sorte que la somme revenant personnellement à la victime s'établit à 14.102,85€ (32.578,45€ -18.475,60€) sans qu'il puisse être reproché à la cour de statuer au-delà de ce qui lui est demandé ; les postes de perte de gains professionnels actuels et de perte de gains professionnels futurs constituant le préjudice économique professionnel global avant et après consolidation.

- Assistance de tierce personne11.392€

Il est désormais acquis aux débats au visa de l'attestation produite par M. X..., qu'il n'a reçu aucune prestation au titre de la PCH.

L'expert précise, que M. X... a eu besoin d'une aide d'une heure par jour, 5 jours sur 7. Le médecin conseil de la victime a contesté devant l'expert cette conclusion, dont il se déduirait que M. X... n'aurait pas besoin de se laver, de couper sa viande et de réaliser des actes de la vie courante pendant les samedi et dimanche. A cela l'expert a répondu que 'la prescription d'une aide d'une heure par jour 5 jours sur 7 correspond à la prise en charge familiale le 6ème et le 7ème jour dans le cadre d'une aide temporaire'. L'argument du docteur N... est repris devant la cour par le conseil de M. X... qui demande de retenir un besoin global de 29h par semaine. Mais aucune approche médicale ne vient justifier un tel quantum. En revanche la cour retient un besoin en aide humaine temporaire d'une heure par jour 7 jours sur 7, puisque en application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale. En conséquence la référence à l'aide familiale pendant les fin de semaine retenue par l'expert ne peut être reprise devant le juge.

Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, des tarifs d'aide à domicile en vigueur dans la région, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire moyen de 16€ à raison d'une heure par jour 7 jours sur 7.

L 'indemnité de tierce personne s'établit sur la période du 1er avril 2011, compte tenu de la période habituelle de convalescence pour ce type de sequelle au 19 mars 2013 (719 jours), dont il convient de déduire 7 jours d'hospitalisation du 19 juillet 2011 au 25 juillet 2011 soit sur 712 jours, à 11.392€ (16€ x 1h x 712 jours).

Préjudices patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Perte de gains professionnels futurs706.422,60€

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

L'indemnisation de ce poste de préjudice n'est pas discutée dans son principe mais il l'est dans son montant.

M. X... est titulaire d'un CAP de maçonnerie et il était employé depuis plusieurs années selon contrat à durée indéterminée dans une entreprise de Marseille en qualité de peintre en rénovation et décoration. Il a été licencié le 8 janvier 2014 pour inaptitude. L'expert a conclu qu'effectivement il était inapte aux activités de peinture et de maçonnerie. Il a estimé que son état justifie une reconversion professionnelle. Cependant son niveau d'études et de qualification manuelle obère sensiblement ses perspectives professionnelles, alors que son handicap impacte l'usage de son bras droit dominant. L'indemnisation de ce poste de préjudice sera calculée sur la base d'un salaire mensuel de 1.400€ pour tenir compte de l'évolution qui aurait été la sienne au sein de l'entreprise dans laquelle il exerçait depuis quelques années. Il convient par ailleurs d'appliquer un euro de rente viager pour tenir compte de l'incidence sur les droits à la retraite pour un homme âgé de 32 ans à la consolidation.

Sa perte s'établit donc de la façon suivante :

- pour la période échue du 20 mars 2013 au jour du prononcé du présent arrêt, soit le 13 septembre 2018, et donc sur 66 mois, la somme de 92.400€ (1400€ x 66 mois). A la lecture de ses avis d'imposition, M. X... a perçu en 2013, 7011€ de revenus, en 2014, 2768€, en 2015, 2.222€, en 2016, 2228€ et en 2017 2.232€. Ce cumul de somme vient en déduction de l'indemnisation soit 75.969€ (92.400€ - 16.431€)

- pour la période à échoir, à compter du présent arrêt, en fonction d'un revenu annuel de 16.800€ capitalisé en application d'un euro de rente viager de 37,527, pour un homme de 37 ans à la liquidation, soit la somme de 630.453,60€ (16.800€ x 37,527),

et au total la somme de 706.422,60€.

Sur cette indemnité s'imputent :

- les indemnités journalières versées du 20 mars 2013 au 26 septembre 2013 soit 25,84€ sur 191 jours et donc la somme de 4.935,44€

- les arrérages de la pension d'invalidité servies du 1er octobre 2013 au 31 janvier 2016 pour 19.368,70€,

- le capital représentatif de la pension d'invalidité soit au 21 avril 2016, la somme de 162.752,46€,

et au total la somme de 187.056,60€.

Il revient donc à M. X... la somme de 519.366€ (706.422,60€ - 187.056,60€)

- Incidence professionnelle40.000€

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap.

Il est acquis que M. X..., âgé de 32 ans à la consolidation, a dû renoncer au métier de peintre en rénovation et décoration, et manuel de formation il se trouve dévalorisé sur le marché du travail, en raison des séquelles qu'il présente et qui affectent la fonction motrice de son bras droit dominant. C'est donc une somme de 40.000€ qu'il convient de lui allouer en réparation de ce poste de préjudice.

- Assistance de tierce personne125.310,62€

L'expert a retenu un besoin d'assistance de tierce personne permanente d'1/2h par jour 7 jours sur 7. Rien ne permet de faire droit à la demande de M. X... qui sollicite un volume horaire hebdomadaire de 29 heures par semaine.

L'indemnité s'établit comme suit :

- pour la période échue du 20 mars 2013 au prononcé du présent arrêt le 13 septembre 2018, soit sur 2004 jours, 1002heures au total et donc la somme de 16.032€ (16€ x 1002h),

- pour la période à échoir sur une année 2.912€ (3,5h/ semaine x 52 semaines x 16€), capitalisée en fonction d'un euro de rente viagère de 37,527, issu du barème de la Gazette du Palais pour un homme de 37 ans à la liquidation, la somme de 109.278,63€,

et au total la somme de 123.088,76€.

Préjudices extra-patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire9824€

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base d'environ 800€ par mois, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie soit :

- déficit fonctionnel temporaire total de 7 jours : 186,66€

- déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50 % de 181 jours : 2.413,33€

- déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 45% de 602 jours : 7.223,99€

et au total la somme de 9.823,98 € arrondie à 9824€.

- Souffrances endurées15.000€

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime ; évalué à 4 /7 par l'expert, il justifie l'octroi d'une indemnité de 15.000€.

permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent132.000€

Il est caractérisé par les atteintes aux fonctions physiologiques, les troubles dans les conditions d'existence et les souffrances que la victime rencontre depuis sa consolidation , ce qui conduit à un taux de 40%, une fois soustraits les déficits dus à un état antérieur d'instabilité et de post-opératoire d'instabilité, justifiant une indemnité de 132.000€ pour un homme âgé de 32 ans à la consolidation.

- Préjudice esthétique4.000€

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique

Évalué à 2 /7 au titre de plusieurs cicatrices et d'une atrophie nette visible brachiale droite et de l'avant bars droit, il doit être indemnisé à hauteur de 4.000€

- Préjudice d'agrément5.000€

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

M. X... a déclaré à l'expert qu'il pratiquait le football et la randonnée aquatique, et il produit quelques attestations le décrivant comme très sportif ce qui justifie l'octroi d'une indemnité de 5.000€.

- Préjudice sexuel5.000€

Ce poste comprend divers types de préjudices touchant à la sphère sexuelle et notamment celui lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel.

L'expert ne retient pas de baisse de l'envie ou de la libido mais il estime que l'acte est rendu mal aisé par la gêne à la mobilisation du membre supérieur droit.

Il sera intégralement réparé par l'octroi d'une indemnité de 5.000€.

Le préjudice corporel global subi par M. X... s'établit ainsi à la somme de 1.091.217,47€ soit, après imputation des débours de la Cpam (205.532,20€), une somme de 885.685,27€ lui revenant qui, en application de l'article 1231-7 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt soit le 13 septembre 2018.

Article 10

M. X... ne peut exiger, en cas de recours à l'exécution forcée pour obtenir paiement des sommes allouées, que les frais de recouvrement et d'encaissement visés à l'article A 444-32 de l'arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des huissiers de justice en matière civile et commerciale soient supportés par les débiteurs, ce texte les mettant à la charge du créancier.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime doivent être confirmées.

L'Oniam qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des entiers dépens de première instance et d'appel. L'équité ne commande pas de lui allouer une somme au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Le principe d'équité ne justifie pas plus d'allouer un somme au docteur Y... sur le même fondement.

L'équité justifie d'allouer à M. X... une indemnité de 2000€ au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Constate que le jugement n'est pas remis en cause en ce qu'il a débouté la CPAM de ses demandes,

- Infirme pour le surplus,

hormis en ce qu'il a débouté M X... de ses prétentions vis à vis du Docteur Y...,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Dit que l'Oniam doit prendre en charge les conséquences de l'accident médical non fautif dont M. X... a été victime ;

- Fixe le préjudice corporel global de M. X... à la somme de 1.091.217,47€ ;

- Dit que l'indemnité revenant à cette victime s'établit à 885.685,27€ ;

- Condamne l'Oniam à payer à M. X... les sommes de :

* 885.685,27€, sauf à déduire les provisions versées, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

* 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel ;

- Déboute l'Oniam et le docteur Y... de leur demande au titre de leurs propres frais irrépétibles exposés en appel ;

- Déboute M. X... de sa demande au titre des droits d'encaissement et de recouvrement prévus à l'article A 444-32 de l'arrêté du 26 février 2016 ;

- Condamne l'Oniam aux entiers dépens de première instance et d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 17/06302
Date de la décision : 13/09/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°17/06302 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-13;17.06302 ?
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