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06/07/2018 | FRANCE | N°16/21883

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 06 juillet 2018, 16/21883


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 06 JUILLET 2018



N° 2018/ 389



Rôle RG 16/21883





Société D... Nathalie, Exploitant sous l'enseigne TENDANCE ATTITUD'





C/



Caroline X...

















Grosse et copie délivrées le :



à :



- Me Ouria Y..., avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Cedric Z..., avocat au barreau de MARSEILLE




>Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section C - en date du 23 Février 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/584.







APPELANTE



Société D... Nathalie, Exploitant sous l'enseign...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 06 JUILLET 2018

N° 2018/ 389

Rôle RG 16/21883

Société D... Nathalie, Exploitant sous l'enseigne TENDANCE ATTITUD'

C/

Caroline X...

Grosse et copie délivrées le :

à :

- Me Ouria Y..., avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Cedric Z..., avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section C - en date du 23 Février 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/584.

APPELANTE

Société D... Nathalie, Exploitant sous l'enseigne TENDANCE ATTITUD', demeurant [...]

représentée par Me Ouria Y..., avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame Caroline X...

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 130010022016002937 du 25/03/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [...]

représentée par Me Cedric Z..., avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 05 Juin 2018 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre qui a rapporté

Madame Hélène FILLIOL, Conseiller

Madame Virginie PARENT, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2018..

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2018.

Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Caroline X... a été engagée par Nathalie D... exploitant en nom personnel une activité de coiffure sous l'enseigne Tendance Attitud' par contrat à durée indéterminée du 10 mars 2011 en qualité de prothésiste angulaire ;

Caroline X... a saisi le conseil de prud'hommes le 22 novembre 2011 d'une demande de résiliation de son contrat de travail puis le 6 avril 2013 a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur ;

Par jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale en date du 12 novembre 2014, cette juridiction a reconnu le caractère d'un accident du travail au malaise qu'avait eu la salariée le 8 septembre 2011 que l'employeur avait refusé de déclarer comme tel, la salariée ayant du y procéder elle-même ; elle n'a jamais repris son emploi depuis cette dernière date ayant bénéficié d'arrêts de travail successifs jusqu'au 9 avril 2013, de nombreux avis portant la mention ' troubles anxieux suite à conflit avec employeur';

Selon jugement du 23 février 2015, le conseil de prud'hommes de Marseille a :

- dit que la prise d'acte de Caroline X... s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamné Nathalie D... à payer à Caroline X... :

* la somme de 3262,34 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

* 362 € au titre de congés payés afférents

* 652,47 € au titre de l'indemnité légale de licenciement

* 9787,02 € au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse - rejeté toute demande plus ample ou contraire

- dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire élève à 1631,17 €

- dit que le jugement bénéficiera de l'exécution provisoire de droit

- condamné le defendeur aux dépens

Nathalie D... a relevé appel de la décision le 20 mars 2015 ; après une radiation intervenue suivant arrêt du 25 novembre 2016, la procédure a été appelée à l'audience collégiale du 5 juin 2018 ;

Selon ses conclusions, oralement reprises, Nathalie D... a demandé à la cour de :

DEBOUTER Mademoiselle Caroline X... de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions;

A TITRE PRINCIPAL,

INFIRMER le Jugement entrepris en ce qu'il a dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail de Mademoiselle Caroline X... s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse et DEBOUTE Madame Nathalie D... de l'intégralité de ses demandes ;

ET STATUANT DE NOUVEAU:

DIRE ET JUGER que Mademoiselle Caroline X... n'a pas été victime de harcèlement moral;

DIRE ET JUGER que Madame Nathalie D... n'a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat;

DIRE ET JUGER l'avertissement du 24 mai 2011 adressé à Mademoiselle Caroline X... justifié ;

DIRE ET JUGER que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Mademoiselle X... prend les effets d'une démission;

DEBOUTER Mademoiselle Caroline X... de toutes ses demandes, fins et conclusions;

A TITRE SUBSIDIAIRE, si la Cour devait estimer la prise d'acte fondée, il lui appartiendrait alors de MINORER le montant des dommages-intérêts à une somme purement symbolique;

A TITRE INFININIMENT SUBSIDIAIRE, CONFIRMER la décision entreprise, et ce, au titre des sommes octroyées ;

CONDAMNER Mademoiselle Caroline X... à la somme de 2.000,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Selon ses conclusions, auxquelles Caroline X... s'est expressément référée, Caroline X... sollicite de la cour qu'elle :

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du 23 février 2015 rendu par le Conseil de Prud'hommes de Marseille.

Y AJOUTE :

MAJORE le quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 19.574,04 € nets de CSG CRDS.

CONDAMNE Madame D... à payer à Mademoiselle X... les sommes suivantes:

- 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ou à titre subsidiaire à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat.

- 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents sociaux légaux:

CONDAMNE Madame D... à payer à Mademoiselle X... la somme de 2.500€ au titre des frais irrépétibles, en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle et de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNE Madame D... aux entiers dépens.

MOTIFS

I SUR LA PRISE D'ACTE

Attendu que la prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à l'employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail en sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant ; qu'il appartient alors au juge de se prononcer sur la seule prise d'acte en examinant l'ensemble des manquements de l'employeur invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de la prise d'acte ; que la cour examinera par conséquent, la seule prise d'acte ;

Attendu qu'en cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; qu'il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur ;

Attendu que l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; que le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit ;

Attendu que suivant courrier du 6 avril 2013, posté le 8, reçu le 9, Caroline X... a pris acte en ces termes de la rupture du contrat de travail :

'Je vous rappelle que le 8 septembre 2011, votre mari et vous même avez procédé, durant mes horaires de travail, à mon éviction brutale et injustifiée de mon lieu de travail, en m'enjoignant de quitter immédiatement mon poste de travail au motif que je ne disposais pas de mes outils de travail ;

Victime d'un malaise sur mon lieu de travail, j'ai été transportée aux urgences, et par la suite pris en charge par mon médecin traitant ;

Cette éviction faisait suite à une dégradation importante de mes conditions de travail et à mes demandes d'explications sur les raisons de ce retrait brutal, unilatéral, et inondé de mes outils de travail ;

J'ai d'ailleurs introduit, devant le conseil de prud'hommes de Marseille, une action en résiliation judiciaire du contrat de travail le 22 novembre 2011 pour divers manquements :

- harcèlement moral

- suppression de mes outils de travail et de mes fonctions

- exécution déloyale du contrat de travail

- manquement à votre obligation de sécurité de résultat résultant de votre inertie lors de mon malaise du 8 septembre 2011

Par ailleurs, je vous rappelle, que depuis mon placement en arrêt de travail, vous ne m'avez jamais fait parvenir mes bulletins de salaire ;

Compte-tenu de l'ensemble de ces manquements graves à vos obligations contractuelles, je vous indique que je suis contrainte de prendre acte de la rupture à vos torts exclusifs, rupture prenant effet à la première présentation de cette lettre ;

Je vous remercie de bien vouloir me faire parvenir l'intégralité de mes bulletins de salaire depuis septembre 2001, un certificat de travail, une attestation pôle-emploi ainsi que l'ensemble des documents sociaux me concernant;'

A/ sur le harcèlement moral

Attendu que les textes visés le sont dans leur rédaction applicable à la cause ;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Attendu qu'en application de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque le salarié établit la matérialité des faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement ;

Attendu que Caroline X... présente une demande en dommages-intérêts spécifique au harcèlement moral qu'elle prétend avoir subi, s'étant manifesté par une attitude vexatoire et dénigrante de son employeur à son égard y compris devant la clientèle ; que le conseil de prud'hommes n'a pas répondu à cette demande ;

Attendu qu'elle communique :

- une attestation d'une ancienne salariée, Mme A..., indiquant avoir été elle-même victime d'un tel comportement ce qui l'avait incitée à démissionner

- une attestation d'une autre employée, Caroline B... :

'J'étais en train de coiffer une cliente quand l'employeur a convoqué autoritairement Caroline et Julie, une autre employée juste derrière moi. Le ton a rapidement monté. Il reprochait certaines choses infondées auprès de Caroline d'après les vidéos de surveillance du Salon. Il a eu une attitude déplorable pour un employeur et un manque de respect total dans ses propos ; il criait et ne voulait pas lal laisser s'exprimer, de ce fait il l'a menacé de lui envoyer un avertissement pour faute grave ...Caroline a été très choquée des propos et moi aussi ; ...ils ont décidé de faire la misère à Caroline : pause imposée, changement d'horaires ; il (l'employeur) lui parlait mal, la critiquait, lui manquait de respect ; ... ils se foutent d'elle, lui manque de respect, tout tout pour l'embêter, c'est un réel acharnement contre elle »

Attendu que pour caractériser le harcèlement moral, Caroline X... ajoute qu'à la suite d'une altercation avec son employeur le 8 septembre 2011, ayant occasionné un arrêt de travail de 4 jours, renouvelé, son employeur, avait refusé de remplir la déclaration d'accident du travail, malgré ses demandes écrites du 9 et 27 septembre 2011, l'obligeant à le faire elle-même;

Attendu qu'il y a lieu d'observer que le témoignage de Marie Josée A... est inopérant en ce qu'il ne concerne en rien Caroline X... ;

Attendu que l'attestation remise par Caroline B... se rapporte à des faits non datés, et s'ils font état d'un échange devant une cliente, aucune précision n'est donnée quant aux propos tenus ; que l'appréciation donnée par le témoin selon laquelle l'employeur avait décidé de 'faire la misère' à Caroline X... par des pauses imposées, des changements d'horaires apparaît subjective et ce d'autant que cette dernière ne donne aucun exemple illustrant les propos du témoin ; que pas davantage, la salariée ne donne de détails pour étayer les termes de l'attestation selon lesquels 'on lui parlait mal, on la critiquait, on lui manquait de respect'

Attendu qu'enfin, le fait que l'employeur n'ait pas été diligent pour délivrer les documents que lui réclamait la salariée est étranger à la notion de harcèlement moral ;

Attendu que la cour estime et sur la base de l'attestation produite par l'employeur de 'Julie' TRUTULLI qui décrit une toute autre version des faits que Caroline B..., que Caroline X... ne présente pas, dans la part de charge de la preuve qui lui incombe, des faits précis et concordants de nature à établir dans leur ensemble, l'existence d'un harcèlement moral;

Attendu que par suite, il convient de la débouter de sa demande en dommages-intérêts à ce titre;

B/ sur la suppression des outils de travail et l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur

Attendu que Caroline X... rappelle que l'article 12 de la convention collective de l'esthétique cosmétique et enseignement associé, dispose que les employeurs doivent fournir à leu personnel le matériel et les produits nécessaires à la bonne exécution du travail et doivent en assurer l'entretien ;

Attendu que Caroline X... communique un message téléphonique que lui a adressé Caroline X... le 7 septembre 2011, indiquant :

«Sans matériel, ce n'est pas la peine de venir au travail, votre journée sera décomptée et nous ferons appel à des prestataires extérieurs indépendants équipés de ce trousseau minimum.

Au titre du matériel personnel minimum, nous avons reçu comme trousseau personnel obligatoire:

Une pince à envie

Une pince à ongles

Une pince à épiler

Un pied de biche plastique

Une pince pour cuticule

Ciseaux à ongles

Pinceaux pour gel

Une ponceuse

Un set de maquillage

La Direction Espace Tendanc' Attitud».

Attendu qu'elle indique avoir été ainsi privée de ses outils de travail à compter de cette date ;

Attendu que pour sa part, Nathalie D... confirme qu'elle a effectivement procuré à Caroline X... ses outils de travail en mars 2011, l'intéressée devant en prendre soin, et que compte-tenu de la négligence de la salariée en ce domaine, elle a du procéder au rachat d'une partie du matériel en mai puis en juin 2011 ; qu'elle produit à ce titre une facture du 22 juin 2011 ; que tant les textes légaux (article L 3251-1 du code du travail) que l'article 1 de l'avenant de la convention collective nationale de la coiffure et des professions connexes prévoient que l'employeur a la possibilité d'engager la responsabilité civile des employés en retenant sur le salaire la valeur des outils détériorés ; que c'est dans ces conditions qu'elle a demandé au personnel de venir travailler avec leur matériel ;

Attendu que les parties font référence à deux conventions collectives différentes, la salariée se référant à celle mentionnée sur ses bulletins de salaire ; que l'employeur indique qu'il s'agit d'une erreur, la convention collective devant être appliquée étant celle de la coiffure, activité principale de l'entreprise;

Attendu que la cour constate qu'il n'est pas contesté que l'activité principale de Nathalie D... est la coiffure, le contrat de Caroline X... comportant d'ailleurs expressément référence à la convention collective de la coiffure ;

Attendu que l'article L 3251-2 du code du travail prévoit : 'par dérogation aux dispositions de l'article L 3251-1, une compensation entre le montant des salaires et les sommes qui seraient dues à l'employeur peut être opérée dans les cas de fournitures suivants :

1° outils et instruments nécessaires au travail

2° matières ou matériaux dont le salarié a la charge et l'usage

3° sommes avancées pour l'acquisition de ces mêmes objets'

qu'il ne consacre pas le droit pour l'employeur d'imposer au salarié l'obligation d'acquérir son propre matériel pour travailler alors que la fourniture des moyens de travail est le corollaire de l'obligation de fournir du travail après la conclusion d'un contrat de travail ;

Attendu que par ailleurs l'avenant n° 29 à la convention collective de la coiffure dont se prévaut l'employeur est inopérant à la cause dans la mesure où il a été adopté le 2 juillet 2012 soit postérieurement aux faits dénoncés par la salariée et qu'en toute hypothèse Nathalie D... en dénature le sens puisqu'il prévoit que c'est sur demande du salarié et sur autorisation de l'employeur que le premier nommé peut utiliser son outillage personnel ;

Attendu qu'il en résulte que Nathalie D... ne pouvait contraindre Caroline X... à se procurer les outils lui permettant d'exécuter son emploi de prothésiste angulaire ;

C/ le retrait des fonctions et le manquement de l'employeur à son obligation de fournir du travail

Attendu que Caroline X... indique que le lendemain du message qui lui a été adressé, elle s'est présentée à son lieu de travail et que son employeur lui a refusé d'exercer ses prestations; qu'elle communique un écrit du 8 septembre 2011 de son employeur lequel relate : 'ce jour, Melle X... Caroline a été invitée à rentrer à son domicile comme mesure conservatoire pour non acceptation d'une mesure liée à la pratique des prestations au sein de notre établissement ...cette mesure est la présence sur site de toute esthéticienne de son trousseau minimum calé sur le trousseau apprenti CAP ; le non respect par l'intéressée de cette disposition nous oblige à l'intervention d'une entreprise extérieure pour répondre à une cliente programmée ;... nous invitons ce jour, Melle X... à se mettre en adéquation avec cette disposition du règlement intérieur ..elle pourra se présenter demain matin si acceptation de cette disposition' ;

Attendu que dans ces conditions, c'est vainement que l'employeur soutient que cette mesure n'a pas été appliquée dans la mesure où la salariée a communiqué un arrêt du travail du même jour, puisqu'il n'est pas sérieusement contestable que c'est à la suite de la décision prise et alors qu'une cliente était programmée que Caroline X... a eu un malaise, a été emmenée par les marins-pompiers à l'hôpital, le médecin du service ayant délivré un arrêt de travail initial de 4 jours ;

Attendu qu'il en résulte que Nathalie D... a commis un second manquement tenant à l'absence de fourniture de travail ;

D/ le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité

Attendu que Caroline X... sollicite une somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts s'agissant de ce manquement ; que le conseil de prud'hommes n'a pas répondu à cette demande:

Attendu que Caroline X... invoque à ce titre le fait que ce sont ses collègues qui ont appelé les marins pompiers, son employeur n'ayant pas 'daigné se préoccuper d'elle ni même pris l'initiative des secours' alors qu'il avait constaté son état de stress et d'angoisse ;

Attendu qu'il résulte de l'attestation de Vanessa C... communiquée par la salariée, que Nathalie D... était absente du salon de coiffure lors des faits et que seul son mari était présent ; qu'il résulte de l'ensemble des documents produits qu'il se comportait comme pour le moins le mandataire de son épouse et qu'il était considéré comme tel par les employés ; qu'il a d'ailleurs signé P/ Tendance attitud' le document du 8 septembre 2011 évoqué au paragraphe précédent ;

Attendu que les témoignages relatent qu'en pleurs, Caroline X... s'est réfugiée dans une pièce au premier étage, où elle était entourée de collègues lesquelles ont pris l'initiative d'appeler les secours, la salariée précisant dans un courrier du 9 septembre 2011, avoir été prise de 'spams' ;

Attendu que dans ces conditions, dans la mesure où Caroline X... n'était pas seule, qu'elle était entourée de ses collègues dans une autre pièce, et qu'il n'apparaît pas que le mari de l'employeur ait été sollicité pour appeler les secours, il ne peut être reproché à Nathalie D... d'avoir manqué à son obligation de sécurité ;

Attendu qu'il convient en conséquence de déclarer le manquement non établi et de débouter Caroline X... de sa demande en dommages-intérêts à ce titre ;

E/ la non délivrance des bulletins de salaire

Attendu que Caroline X... indique qu'elle n'a reçu aucun bulletin de salaire depuis septembre 2011 jusqu'à sa prise d'acte le 6 avril 2013 ; que l'employeur ne fait aucun commentaire sur cette affirmation et ne communique aucun élément qui établirait le contraire, observant que les bulletins de salaire étaient à zéro du fait des arrêts de travail ;

Attendu que le bulletin de salaire du mois de septembre 2011, période pendant laquelle Caroline X... a travaillé jusqu'au 8, devait au moins être délivré ; qu'il s'agit d'un manquement de l'employeur ;

Attendu que les manquements de l'employeur doivent être suffisamment graves pour justifier une prise d'acte à ses torts exclusifs et avoir les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Attendu qu'il a ainsi été dit que Caroline X... a d'abord initié une demande en résiliation judiciaire le 22 novembre 2011, soit un peu plus de deux mois après le premier arrêt de travail et une prise d'acte par courrier posté le 8 avril 2013 soit 19 mois après, et alors qu'elle était toujours en arrêt de travail ; qu'elle n'explique en rien les motifs l'ayant conduit soudainement à changer de mode de rupture ;

Attendu que la cour relève parmi les éléments produits au débat que suite à la désignation par le président du tribunal de grande instance de Marseille d'un huissier, Caroline X... a été surprise en action de travail le 6 avril 2013, dans une onglerie dans laquelle elle a d'ailleurs été engagée dès le 10 avril, sa santé étant revenue concomitamment à meilleur état ; que la gérante de cette société explique en effet dans une attestation que 'Caroline X... l'avait aidée ponctuellement à raison de 3 journées non complètes entre le mois de février et le mois d'avril, et ce à titre gratuit' ; qu'il apparaît donc que le courrier de prise d'acte a été daté du jour du constat, et posté le surlendemain;

Attendu que la cour a reconnu comme manquements l'absence de fourniture de travail le 8 septembre par défaut de moyens pour accomplir les prestations fixées au contrat de travail et le défaut de délivrance d'au moins un bulletin de salaire ;

Attendu que s'agissant de ce dernier point, la salariée n'explique pas le préjudice qui en est résulté de sorte que le manquement invoqué n'a pas le caractère de gravité que la salariée lui prête, celle-ci ne sollicitant d'ailleurs pas sa délivrance pas plus qu'elle ne forme de demande de rappel de salaire ;

Attendu que s'agissant du premier point, la cour constate que le manquement s'est produit à une occasion, le 8 septembre 2011 et que l'intéressée a attendu plus de 18 mois pour considérer qu'il justifiait la rupture immédiate du contrat de travail aux torts de l'employeur ; que la cour considère que ce manquement isolé et ancien n'est pas suffisamment grave au point de justifier la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur et analyse en conséquence la prise d'acte en une démission ;

Attendu qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer la décision de première instance ;

II/ SUR LES AUTRES DEMANDES

Attendu que Caroline X... sollicite la somme de 2000 € à titre de dommages-intérêts pour la remise tardive des documents sociaux légaux ; que le conseil de prud'hommes a omis de se prononcer sur cette demande ;

Attendu que Caroline X... indique que l'employeur a tardé à lui remettre une attestation de salaire suite à son arrêt maladie du 11 septembre ce qui a généré un dépôt de dossier de surendettement et qu'après sa prise d'acte que ce n'est que le 26 juillet 2013, en dépit des demandes de son conseil qu'elle n'a reçu une attestation pôle-emploi dûment complétée ;

Attendu que s'agissant de la délivrance de l'attestation de salaire après l'arrêt de maladie, Caroline X... communique uniquement le récépissé de dépôt d'un dossier de surendettement en juin 2012 ;

Attendu que l'employeur qui ne conteste pas les éléments factuels relatifs à la délivrance tardive de l'attestation de pôle-emploi rappelle à juste titre qu'en matière de prise d'acte, le salarié n'a pas droit au bénéfice des allocations de chômage et que la salariée ne peut donc invoquer le préjudice nécessaire que lui a causé ce manquement ; qu'en outre, il est acquis que la salariée a retrouvé un emploi à compter du 10 avril 2013 ;

Attendu qu'il convient en conséquence de débouter Caroline X... de cette demande;

Attendu que compte-tenu de l'économie de la décision, il y a lieu de débouter Caroline X... de sa demande en frais irrépétibles ; qu'il n'existe pas de circonstance d'équité justifiant qu'il soit fait droit à la demande reconventionnelle de Nathalie D... à ce titre; ;

Attendu que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par l'intimée ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale

Infirme dans son intégralité le jugement du conseil de prud'hommes

Juge que la prise d'acte s'analyse en une démission

Déboute Caroline X... de l'intégralité de ses demandes

Déboute Nathalie D... de sa demande reconventionnelle

Condamne Caroline X... aux dépens ;

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 16/21883
Date de la décision : 06/07/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°16/21883 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-07-06;16.21883 ?
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