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29/06/2018 | FRANCE | N°16/07268

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 29 juin 2018, 16/07268


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 29 JUIN 2018



N°2018/333



N° RG 16/07268 - N° Portalis DBVB-V-B7A-6O7Q







Société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE





C/



Anne-Stéphanie C... épouse X...























Copie exécutoire délivrée

le :



29 JUIN 2018



à :



Me Delphine Y... de la SCP FIDAL, avocat au barreau du HAVR

E



Me Julien Z..., avocat au barreau de MARSEILLE

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 16 Mars 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 14/2672.





APPELAN...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 29 JUIN 2018

N°2018/333

N° RG 16/07268 - N° Portalis DBVB-V-B7A-6O7Q

Société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE

C/

Anne-Stéphanie C... épouse X...

Copie exécutoire délivrée

le :

29 JUIN 2018

à :

Me Delphine Y... de la SCP FIDAL, avocat au barreau du HAVRE

Me Julien Z..., avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 16 Mars 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 14/2672.

APPELANTE

Société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE, demeurant [...]

représentée par Me Delphine Y... de la SCP FIDAL, avocat au barreau du HAVRE

INTIMEE

Madame Anne-Stéphanie C... épouse X..., demeurant [...]

représentée par Me Julien Z..., avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur David MACOUIN, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Nathalie FRENOY, Conseiller

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2018.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2018

Signé par Monsieur David MACOUIN, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame Anne-Stéphanie C... épouse X... a été engagée par la société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE suivant contrat de travail à durée indéterminée du 5 novembre 2007 en qualité de Commerciale, statut Cadre.

Par avenant du 20 septembre 2010, il a été convenu que la salariée travaillerait les mardis et jeudis dans les locaux de l'[...] et les lundis, mercredis et vendredis à son domicile dans le cadre d'un télétravail.

Le 26 mai 2014, l'employeur lui a infligé un avertissement.

A compter du 6 juin 2014, Madame X... a été en arrêt de travail pour maladie.

Elle a été examinée par le médecin du travail les 10 juin 2014 et 25 septembre 2014 dans le cadre de visites de pré-reprise puis, à la demande de l'employeur, dans le cadre d'une visite de reprise qui a donné lieu, à l'issue du second examen du 16 décembre 2014, à un avis d'inaptitude au poste.

Entre temps, soit le 24 septembre 2014, Madame X... a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille pour solliciter notamment la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Le 9 janvier 2015, elle a été convoquée à un entretien préalable et par lettre du 14 janvier 2015, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Elle a étendu ses demandes présentées devant le conseil de prud'hommes à la contestation de son licenciement pour violation par l'employeur de son obligation de recherche de reclassement.

Par jugement du 16 mars 2016, le conseil de prud'hommes a :

- dit que les documents fournis au débat sur l'avertissement ne permettent pas de se prononcer,

- dit que les faits allégués constituent des manquements graves emportant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE,

- dit qu'elle emporte les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- dit que Madame X... ne rapporte pas la preuve d'une exécution déloyale du contrat de travail,

- condamné la société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE au paiement des sommes de

* 36 020 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

* 10 806,25 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 080,62 € au titre des congés payés afférents,

* 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE à délivrer les documents sociaux rectifiés,

- débouté Madame X... de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et de sa demande au titre de l'exécution provisoire,

- condamné la société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE aux entiers dépens.

La société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE, qui a reçu notification du jugement le 21 mars 2016, en a régulièrement interjeté appel par lettre recommandée expédiée le 11 avril 2016.

Suivant écritures soutenues et déposées à l'audience, elle demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a jugé qu'elle avait modifié les conditions de travail de Madame X... sans son accord et qu'elle avait retiré de manière injustifiée le véhicule de fonction de la salariée, en ce qu'il a dit justifiée la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et en ce qu'il l'a condamnée à payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité de préavis et les congés payés afférents,

- de confirmer le jugement pour le surplus,

- de condamner Madame X... à payer la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant écritures soutenues et déposées à l'audience, Madame X... demande à la cour de:

- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et en ce qu'il a dit que cette rupture s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- confirmer le jugement en ses condamnations au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents,

- réformer le jugement pour le surplus et,

- annuler l'avertissement du 28 mai 2014 et condamner la société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE à lui payer la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour sanction disciplinaire injustifiée et abus du pourvoir disciplinaire, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

- subsidiairement, dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE à lui payer les sommes de

* 3 000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

* 45 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement illégitime et dépourvu de cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

* 10 806,25 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

* 1 080,62 € au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice,

* 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE à lui remettre, sous astreinte, une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et des bulletins de salaire rectifiés,

- enjoindre à la société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE d'avoir à régulariser la situation de la salariée auprès des organismes sociaux au bénéfice desquels ont été prélevées les cotisations figurant sur les bulletins de salaires édités par l'employeur,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner la société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE aux entiers dépens.

Pour plus ample exposé des faits et moyens des parties, il est renvoyé aux écritures déposées et réitérées oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande d'annulation de l'avertissement du 28 mai 2014

L'article L1333-1 du code du travail dispose que, en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, la société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE a infligé à Madame X... un avertissement pour avoir adressé à son employeur, les 21 et 22 mai 2014, des mails, 'au contenu vindicatif et péremptoire', au sujet d'un prétendu changement de statut et ce en employant des 'propos manifestement incorrects', en adoptant, tant sur la forme que sur le fond, 'de manière déplacée et offensive', une attitude 'tout aussi incompréhensible qu'injustifiée', excédant manifestement la mesure que doit revêtir tout échange professionnel et qui 'dénotent un manque flagrant de respect' de la hiérarchie.

Madame X... conteste avoir tenu des propos irrespectueux et agressifs et considère que sa demande d'explication était parfaitement légitime et adaptée.

Si les mails litigieux sont en langue anglaise, certains ont fait l'objet d'une traduction en français. Il en ressort, notamment de ceux adressés à Monsieur A... et de celui adressé à Monsieur B... le 21 mai 2014 à 16h44, que Madame X... a employé un ton agressif et péremptoire 'j'ai 25 ans de carrière dans le shipping et honnêtement je n'ai jamais vu ça auparavant. Un manque total de respect est inacceptable'...'je vous demande de changer à nouveau mon statut...sans délai' qui, nonobstant la question du bien fondé de sa demande, a pu légitimement être perçu par l'employeur comme étant une attitude inaproppriée d'autant que ce dernier avait répondu antérieurement aux interrogations de la salariée de façon courtoise et respectueuse.

Dans ces conditions, les faits reprochés et établis sont de nature à justifier l'avertissement.

La demande de Madame X... tendant à voir cette sanction annuler et à obtenir des dommages-intérêts à ce titre sera rejetée. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

Il est de principe qu'en cas d'action en résiliation judiciaire suivie, avant qu'il ait été définitivement statué, d'un licenciement, il appartient au juge d'abord de rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée et seulement ensuite le cas échéant de se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Par application des articles 1224 et 1227 du code civil, le salarié est admis à demander la résiliation judiciaire du contrat de travail en cas d'inexécution par l'employeur des obligations découlant du contrat.

Les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être établis par le salarié et d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Pour apprécier la gravité des faits reprochés, le juge n'a pas à se placer à la date d'introduction de la demande de résiliation judiciaire et doit tenir compte de leur persistance jusqu'au jour du licenciement et des circonstances intervenues jusqu'alors.

En l'espèce, Madame X... soutient que la société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE a multiplié les manquements à ses obligations contractuelles et notamment, en premier lieu, en procédant, sans l'en informer, à la modification de son statut de 'Régional Manager' tel qu'il figure dans le contrat de travail et dans l'organigramme de la société en 'Supervisor' ce qui équivaudrait, selon elle, à une rétrogradation.

La société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE conteste tout changement de statut et soutient qu'il ne s'agit que d'un changement de dénomination consécutive à une harmonisation des appellations opérées dans le groupe.

Il ressort du contrat de travail que Madame X... a été engagée en qualité de 'Commerciale', classification Cadre, groupe 1, coefficient 100. Ses bulletins de salaire font bien mention de l'emploi de 'Sales representative', qualification 'cadre', 'coefficient 100". La mention de 'Régional Manager' n'a donc pas été contractualisée.

Dès lors que son statut de cadre, ses fonctions, ses responsabilités et sa rémunération n'ont pas été modifiés, Madame X... ne justifie pas en quoi le changement d'appellation de son emploi de 'Régional manager' en 'Supervisor' constituerait un changement de statut et une rétrogradation, d'autant que par plusieurs mails, l'employeur lui a clairement signifié que son statut n'avait pas changé, seule l'appellation avait été corrigée.

Ce manquement n'est donc pas caractérisé.

Madame X... soutient encore que la société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE a modifié unilatéralement ses conditions de travail en lui adressant le 19 août 2014 un avenant au contrat de travail mettant fin, à compter du 1er septembre 2014, au télétravail. Elle fait valoir que le lieu de travail étant un élément essentiel du travail, la modification ne pouvait s'opérer sans son accord explicite.

La société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE indique qu'il était apparu en 2014 que l'organisation du travail de Madame X... en télétravail et mis en place par avenant, était arrivée à expiration le 23 octobre 2010 ce qui explique l'élaboration de l'avenant du 18 août 2014 mettant fin à cette modalité, avenant qui cependant n'a jamais été signé par la salariée alors en arrêt de travail.

L'Accord National Interprofessionnel du 19 juillet 2005 pose le principe de la réversibilité du télétravail et de l'accord des deux parties pour y mettre fin sauf si la possibilité de travailler à domicile a été accordée dès l'origine pour une durée déterminée, le salarié ayant alors l'obligation de rejoindre les locaux de l'entreprise.

En l'espèce, l'avenant mettant en place le télétravail au profit de Madame X... prévoyait expressément une durée d'un an, soit jusqu'au 23 octobre 2010. A cette date, Madame X... devait donc réintégrer son poste à l'agence de Marseille ce qui manifestement n'a pas été fait, les parties ayant donc implicitement décidé de poursuivre l'organisation en la forme du télétravail.

Cependant, dès lors que l'employeur qui a souhaité y mettre fin, a adressé à Madame X... un avenant au contrat de travail en date du 18 août 2014 et a par là-même sollicité l'accord de la salariée sur cette modification, que Madame X... n'a pas signé l'avenant et n'a donc pas donné son accord et qu'aucun élément du dossier n'établit que cette modification a été effective puisque la salariée a été en arrêt de travail à compter du 6 juin 2014 et ce jusqu'à son licenciement, ce manquement n'est pas établi.

Madame X... fait également état de l'installation, sur son véhicule de fonction, d'un système de surveillance, dit 'traceur GPS', sans qu'elle en ait été informée ni que ne soient justifiées des conditions d'utilisation de ce système.

La société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE conteste formellement avoir mis en place un système de géolocalisation et dont l'existence n'est, selon elle, pas prouvée par la salariée.

Madame X... produit uniquement la photocopie d'un ordre de réparation du 13 janvier 2014 établi par un garagiste, portant sur une révision du véhicule (30 000 km) et comportant la mention dactylographiée 'l'aérateur latéral ne fonctionne pas' suivie de la mention rajoutée à la main 'car bloqué par le trackeur'. Cette pièce dont les mentions ne sont pas explicites et faisant l'objet d'un rajout manuscrit dont l'auteur n'est pas identifié, est totalement insuffisante pour établir le manquement allégué.

Madame X... indique encore que le 2 septembre 2014 l'employeur a fait opposition, sans l'en informer, à la carte 'TOTAL' qui avait été mise à sa disposition pour régler les frais de carburant liés aux déplacements effectués avec le véhicule de fonction.

Or, outre le fait que Madame X... ne prouve pas la volonté de l'employeur de priver délibérément sa salariée de cet avantage, il ressort plutôt des échanges de mails entre les parties que le responsable Administratif et Financier de la société a été informé de ce problème le 4 septembre 2014, qu'il s'en est étonné et qu'il a procédé à la commande d'une nouvelle carte ce dont il a informé la salariée par mail du 9 septembre 2014, carte qui a été réceptionnée le 12 septembre suivant.

Dans ces conditions, le manquement allégué n'est pas établi..

Enfin, Madame X... fait valoir qu'en octobre 2014, l'employeur a récupéré le véhicule de fonction, le téléphone portable et l'ordinateur. S'agissant d'avantages en nature dont elle pouvait disposer à titre personnel et permanent et constituant donc un élément de sa rémunération, l'employeur, qui ne pouvait l'en priver sans l'indemniser, a commis une faute justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Or, il ressort du courrier du 8 octobre 2014 que la société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE a adressé à Madame X... qu'elle lui demandait, en raison de son absence pour cause de maladie et de la nécessité de procéder à une réorganisation de son service en confiant ses tâches à une autre salariée, de restituer le véhicule et le téléphone portable qui avaient été mis à sa disposition tout en précisant que 'l'avantage en nature correspondant à la mise à disposition de ce véhicule sera bien évidement remboursé sur votre bulletin de salaire à partir de la restitution de ce dernier'. Il n'en résulte aucune faute ni attitude vexatoire de la part de l'employeur.

En conséquence, les manquements allégués par Madame X... n'étant pas établis, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ne peut prospérer. Le jugement sera infirmé de ce chef.

De même, la demande de dommages-intérêts au titre d'une exécution fautive du contrat de travail, motivée par les manquements successifs précédemment invoqués mais non établis sera rejetée. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le licenciement

Alors que Madame X... soutient que l'employeur a méconnu son obligation de reclassement dès lors qu'il aurait pu lui proposer un autre poste dans une autre de ses filiales du groupe y compris à l'étranger, la société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE fait valoir qu'une demande de recherche des postes disponibles a été transmise à Londres qui centralise ce type d'actions au sein du groupe, recherches qui se sont révélées infructueuses.

Aux termes de l'article L 1226-2 du code du travail, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu de travail permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

La recherche de reclassement doit être réelle, sérieuse et loyale. Elle s'apprécie au regard de la taille de l'entreprise ou du groupe auquel elle appartient et de la position prise par le salarié déclaré inapte par le médecin du travail.

C'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens, et de rapporter la preuve de l'impossibilité de reclassement qu'il allègue.

En l'espèce, Madame X... a été licenciée par lettre du 14 janvier 2015 pour inaptitude et impossibilité de reclassement suite à l'avis rendu le 16 décembre 2014 par le médecin du travail formulé en ces termes 'Inapte. Reclassement possible avec une autre hiérarchie'.

Alors qu'il n'est pas contesté que la société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE est constituée de plusieurs filiales notamment implantée à l'étranger, celle-ci, pour justifier de ses recherches de reclassement, produit uniquement un courrier adressé au médecin du travail dans lequel elle accuse réception de l'avis d'inaptitude et l'informe de l'engagement des recherches de reclassement dont il sera informé en temps voulu, un courrier adressé à Madame X... dans lequel elle l'informe également du début des recherches de reclassement et sollicite l'envoi d'un curriculum vitae à jour et un unique mail adressé le 23 décembre 2017 à un correspondant dénommé 'Lee Jongbae' comportant, en quelques lignes une demande de recherche de postes disponibles en indiquant le poste alors occupé et l'ancienneté de la salariée. Aucune réponse explicite à ce mail n'est produite.

Compte tenu de la structure de la société et l'avis du médecin du travail qui laissait envisager des possibilités de reclassement notamment par le biais de mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail, force est de constater que la société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE n'a pas effectué une recherche réelle, sérieuse et loyale de reclassement de Madame X....

Dans ces conditions, le licenciement de Madame X... est sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières

En application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, et compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail ( 46 ans), de son ancienneté (7 ans ), de sa qualification, de sa rémunération (3 602,08 € ), des circonstances de la rupture et de l'absence de justification de la situation de la salariée postérieurement à son licenciement, il sera accordé à Madame X... une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 36 020 €. Le jugement sera donc confirmé sur le principe de l' indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur son montant.

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, Madame X... est également en droit de solliciter la somme justifiée de 10 806,25 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 1080,62 € au titre des congés payés afférents. Le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur la remise de documents et la régularisation de la situation de la salariée

La société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE devra remettre à Madame X... une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir l'exécution de ces obligations d'une astreinte. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Elle devra également régulariser la situation de la salariée auprès des organismes sociaux au bénéfice desquels ont été prélevées les cotisations figurant sur les bulletins de salaires édités par l'employeur. Il n'y a pas lieu d'assortir l'exécution de cette obligation d'une astreinte.

Sur les intérêts

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation soit à compter du 29 septembre 2014 et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jugement.

Il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts qui est de droit lorsqu'elle est demandée.

Le jugement sera infirmé sur ces points.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées et il est équitable de condamner la société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE à payer à Madame X... la somme de 1 500 € au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés en cause d'appel.

Les dépens d'appel seront à la charge de la société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE, partie succombante par application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions relatives à l'avertissement, à la résiliation judiciaire du contrat de travail, à la régularisation de la situation de la salarié auprès des organismes sociaux et aux intérêts,

Statuant à nouveau,

Rejette la demande d'annulation de l'avertissement du 28 mai 2014 et la demande de dommages-intérêts subséquente,

Rejette la demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur,

Dit que le licenciement de Madame Anne-Stéphanie C... épouse X... est sans cause réelle et sérieuse pour défaut de recherches sérieuses et loyales de reclassement,

Dit que la société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE devra régulariser la situation de la salariée auprès des organismes sociaux au bénéfice desquels ont été prélevées les cotisations figurant sur les bulletins de salaires édités par l'employeur,

Rejette la demande au titre de l'astreinte,

Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2014 et les sommes allouées de nature indemnitaire confirmées porteront intérêts au taux légal à compter du jugement, et à compter du présent arrêt pour le surplus,

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par la loi,

Y ajoutant,

Condamne la société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE à payer à Madame Anne-Stéphanie C... épouse X... somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société HYUNDAI MERCHANT MARINE FRANCE aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

David MACOUIN faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 16/07268
Date de la décision : 29/06/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°16/07268 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-29;16.07268 ?
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