La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/06/2018 | FRANCE | N°17/18177

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre a, 28 juin 2018, 17/18177


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 28 JUIN 2018



N° 2018/269













Rôle N° N° RG 17/18177 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBJIT







SCP PELLIER





C/



Franck X...

Jérôme, Jean-Pierre Y...









Grosse délivrée

le :

à :



Me Bernard Z... de la A..., avocat au barreau de DRAGUIGNAN



Me Paul B... de la C..., avocat au barreau d'AIX-EN-

PROVENCE,



Me Sébastien D... de la E..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 18 Septembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2014/2793.





APP...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 28 JUIN 2018

N° 2018/269

Rôle N° N° RG 17/18177 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBJIT

SCP PELLIER

C/

Franck X...

Jérôme, Jean-Pierre Y...

Grosse délivrée

le :

à :

Me Bernard Z... de la A..., avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Me Paul B... de la C..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

Me Sébastien D... de la E..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 18 Septembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2014/2793.

APPELANTE

SCP PELLIER MOLLA

agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société SUD COQUILLAGES MAREE SA

demeurant [...]

représentée par Me Bernard Z... de la A..., avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant

INTIMES

Monsieur Franck X...,

demeurant [...]

représenté par Me Paul B... de la C..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Michel F..., avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Béatrice G..., avocat au barreau de NICE, plaidant

Monsieur Jérôme, Jean-Pierre Y...

né le [...] à CANNES (06400),

demeurant [...] LA BOCCA

représenté par Me Sébastien D... de la E..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Michel H..., avocat au barreau de GRASSE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 Mai 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Bernard MESSIAS, Président de chambre a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de:

M. Bernard MESSIAS, Président de chambre

Madame Catherine DURAND, Conseiller

Madame Anne CHALBOS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Juin 2018

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Juin 2018,

Signé par M. Bernard MESSIAS, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La SA SUD COQUILLAGES MAREE a été constituée le 13 octobre 1987 à FREJUS et a pour objet social la vente en gros, demi-gros et en détail de coquillages, poissons et crustacés ;

Le 16 avril 2009, la société L... Y... qui, outre une activité de traiteur, avait une activité identique a pris le contrôle de la totalité du capital et du compte courant d'associé de cette société et Jérôme Y... en a été désigné président du conseil d'administration ;

Au moment de cette opération, la SA SUD COQUILLAGES MAREE affichait un chiffre d'affaires en progression puisqu'il était de 6 470 000 € alors qu'en 2008, il atteignait un montant de 5 850 000 € ;

Cependant, à partir de 2011, le chiffre d'affaires de la société diminue et tombe de

6 612 000 € à 6 142 000 €, le résultat d'exploitation affichant un solde négatif de

349 000 €;

Une procédure de sauvegarde a été ouverte le 23 juillet 2012 au vu de la baisse confirmée du chiffre d'affaires et des difficultés de trésorerie rencontrées ;

Le 1er août 2012, le groupe constitué par les sociétés SA SUD COQUILLAGES MAREE et les L... Y... a été racheté par la SARL BALICCO à la suite d'un protocole d'accord conclu par acte sous seing privé du 25 mai 2012 attribuant à cette dernière l'intégralité du capital social de la SA SUD COQUILLAGES MAREE. En novembre 2012, Franck X... est placé à la tête de la société ;

A compter de cette date, le chiffre d'affaires de l'entité s'effondre, passant sous la barre des 5 000 000 € et les comptes se dégradent ;

C'est dans ce contexte que le tribunal de commerce de FREJUS, par jugement en date du 25 mars 2013, prononce la conversion de la sauvegarde judiciaire en procédure de liquidation judiciaire de la SA SUD COQUILLAGES MAREE et désigne la SCP PELLIER MOLLA en qualité de liquidateur judiciaire ;

Le passif déclaré entre les mains du mandataire liquidateur est supérieur à 3 000 000 € et les réalisations d'actifs effectuées laissent subsister une insuffisance d'actif estimée à plus de 2 000 000 € ;

Le 9 mai 2014, la SCP PELLIER MOLLA assigne Franck X... et Jérôme Y... à comparaître devant le tribunal de commerce de FREJUS afin d'entendre condamner Jérôme Y... au paiement d'une somme de 2 000 000 € au titre de l'insuffisance d'actif et Franck X... au paiement d'une somme de 1 000 000 € sur le même fondement ;

Par jugement en date du 18 septembre 2017, le tribunal de commerce de FREJUS a :

-dit et jugé la SCP PELLIER MOLLA, ès-qualités de liquidateur de la SA SUD COQUILLAGES MAREE, irrecevable et en tout cas mal fondée en son action en responsabilité pour insuffisance d'actif sur le fondement de l'article L.651-2 du code de commerce telle que dirigée à l'encontre de Jérôme Y... et de Franck X... ;

-débouté le liquidateur judiciaire de la SA SUD COQUILLAGES MAREE de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de Jérôme Y... et de Franck X... ;

-dit et jugé que le liquidateur judiciaire de la SA SUD COQUILLAGES MAREE est défaillant à administrer la preuve dont il a la charge de l'existence effective d'une insuffisance d'actif, d'une ou plusieurs fautes de gestion susceptibles d'être imputées à Jérôme Y..., ainsi que d'un lien de causalité entre l'insuffisance d'actif alléguée et le ou les manquements imputés à Jérôme Y... ;

-constaté qu'à l'époque où Jérôme Y... a été le dirigeant de la SA SUD COQUILLAGES MAREE cette dernière n'était pas en état de cessation des paiements et que, conscient des difficultés économiques auxquelles pouvait être exposée la société, il a entrepris les diligences nécessaires pour rechercher un partenaire, ce dont il a tenu informé le président du tribunal de commerce de FREJUS à l'occasion d'une réunion qui s'est tenue en avril 2012 et de ce qu'à la suite de la reprise par la société BALICCO de l'entreprise, il a agi conformément à la politique de gestion mise en place par le nouveau repreneur en recourant notamment à une demande de sauvegarde auprès du tribunal de commerce de FREJUS ;

-constaté que Franck X... n'est devenu président de la SA SUD COQUILLAGES MAREE que postérieurement à l'ouverture de la procédure de sauvegarde ;

-dit n'y avoir lieu à prononcer la prise en charge des dettes sociales à l'encontre de Jérôme Y... ;

-dit n'y avoir lieu à prononcer la prise en charge des dettes sociales à l'encontre de Franck X... ;

-condamné la SCP PELLIER MOLLA, ès-qualités de mandataire liquidateur de la SA SUD COQUILLAGES MAREE aux entiers dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 39 € TTC dont 6,50 € de TVA ;

Pour statuer de la sorte, le tribunal de commerce de FREJUS relève qu'il n'est pas fourni d'explication sur le nouveau passif généré postérieurement au jugement de sauvegarde, à l'effondrement du chiffre d'affaires et au transfert de clientèle de sorte qu'il a considéré que le mandataire liquidateur était défaillant dans la preuve de l'existence effective d'une insuffisance d'actif, d'une ou plusieurs fautes de gestion imputables à Jérôme Y... et d'un lien de causalité entre l'insuffisance d'actif alléguée et les manquements imputés à ce dernier, la distribution de dividendes ne pouvant être considérée comme un acte de gestion puisqu'elle relève de la compétence exclusive de l'assemblée générale des associés ;

Les premiers juges ont également estimé que la dégradation de la trésorerie de l'entreprise est la résultante d'une baisse du chiffre d'affaires et de l'absence de diminution des charges d'exploitation et non d'une faute de gestion du dirigeant et qu'à l'époque où Jérôme Y... était président de la SA SUD COQUILLAGES MAREE, celle-ci n'était pas en état de cessation des paiements ;

S'agissant de Franck X..., le tribunal de commerce de FREJUS observe que ce dernier a pris ses fonctions après le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde et qu'il ne les a occupées que quatre mois et qu'il ne résulte ni des faits exposés, ni des éléments de preuve rapportés qu'il ait commis une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif ;

Le 6 octobre 2017, la SCP PELLIER MOLLA a interjeté appel de cette décision auprès du greffe de cette Cour ;

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives n°2, notifiées par RPVA le 16 avril 2018, la SCP PELLIER MOLLA demande à la Cour de :

-recevoir la SCP PELLIER MOLLA agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SA SUD COQUILLAGES MAREE en son appel ;

-réformer le jugement entrepris ;

-venir Jérôme Y... s'entendre condamner au paiement de la somme de 750 000 € au titre de l'insuffisance d'actif à la SCP PELLIER MOLLA, agissant ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SA SUD COQUILLAGES MAREE ;

-venir Franck X... s'entendre condamner au paiement de la somme de 750 000 € au titre de l'insuffisance d'actif à la SCP PELLIER MOLLA, agissant ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SA SUD COQUILLAGES MAREE ;

-condamner Jérôme Y... et Franck X... au paiement d'une somme de 10 000 € au visa de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

A l'appui de ses demandes, la SCP PELLIER MOLLA, ès-qualités, expose que :

-les nouvelles dispositions de l'article L.651-2 du code de commerce ne sont pas applicables en l'espèce compte tenu de la date d'ouverture de la procédure collective de sorte que l'action de la SCP PELLIER MOLLA ne peut être déclarée irrecevable, pas plus que ne peuvent être considérées comme une simple négligence au sens de la loi les fautes de gestion qu'elle allègue;

-le passif déclaré était de 3 285 888,10 € et a été finalement admis pour un montant de 1 667 259,26 € tandis que l'actif réalisé s'est élevé à 177 281,88 €, soit une insuffisance d'actif de 1 490 000 €. Cette insuffisance d'actif est donc certaine ;

-il n'y a pas d'explication à fournir sur le passif postérieur au jugement de sauvegarde qui figure dans le passif déclaré au titre de la liquidation judiciaire si ce n'est qu'il concerne la gestion effectuée par le seul Franck X... ;

-l'effondrement du chiffre d'affaires n'a rien à voir avec l'insuffisance d'actif comme l'a retenu à tort le tribunal de commerce de FREJUS ;

-en conséquence, la SCP PELLIER MOLLA ne saurait être considérée comme défaillante dans l'administration de la preuve de l'insuffisance d'actif qui était établie de manière certaine à hauteur de 1 490 000 € ;

-les fautes de gestion sont nombreuses et imputables surtout à Jérôme Y... : augmentation des salaires et traitements et des charges sociales corrélatives au [...], augmentation du poste «autres achats et charges externes» à partir de 2009 ce qui induit des prestations internes au groupe, très nette et progressive dégradation de la marge entre 2009 et 2012 se matérialisant par une perte de 15%, détérioration de la structure financière de la société et de sa trésorerie fonctionnelle sans mise en 'uvre d'aucune mesure de reconstitution et, au contraire, poursuite d'une activité déficitaire sans mesure de restructuration, distribution de dividendes en 2011 et ses conséquences, dégradation brutale et inattendue de l'activité et des résultats à partir de juillet 2012, disparition des éléments incorporels du fonds de commerce à la date d'ouverture de la liquidation judiciaire ;

-la réaction de Jérôme Y... ayant consisté à solliciter l'intervention du tribunal de commerce a été tardive car la situation de la société était à ce point obérée que la sauvegarde n'a pu réussir à dégager une solution viable vu l'état des comptes ;

-s'agissant des fautes de gestion de Franck X..., il est acquis qu'il a pris ses fonctions alors que la SA SUD COQUILLAGES MAREE disposait de capitaux propres négatifs à plus de 170 000 €, le chiffre d'affaires était en forte baisse et le taux de marge était au plus bas au point que quelques semaines plus tard c'est l'expert-comptable de la société qui a signalé que celle-ci se trouvait dans un état objectif de cessation des paiements malgré la procédure de sauvegarde ;

-il s'ensuit que Franck X... a poursuivi une activité déficitaire entraînant des pertes significatives du 24 juillet au 30 novembre 2012 allant jusqu'à la liquidation judiciaire inéluctable du 25 mars 2013 avec disparition totale du fonds de commerce et qu'il a servi de caution à un rachat volontaire d'une société en perte afin de la conduire à sa disparition pure et simple tout en sachant que l'actionnaire principal était l'un de ses concurrents directs, tous faits constitutifs de fautes de gestion commises par Franck X... démontrant son incurie en qualité de dirigeant ;

-la faute de gestion tenant à cette incurie a entraîné une perte de la clientèle du fonds de commerce pouvant correspondre en valeur à la moitié de l'insuffisance d'actif ;

Au visa de ses ultimes écritures au fond notifiées par RPVA le 5 février 2018, Franck X... sollicite la Cour de :

-confirmer dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de FREJUS en date du 18 septembre 2017 ;

-débouter la SCP PELLIER MOLLA, ès-qualités de mandataire judiciaire de la SA SUD COQUILLAGES MAREE, de l'ensemble de ses demandes ;

-condamner la SCP PELLIER MOLLA ès-qualités de mandataire liquidateur de la SA SUD COQUILLAGES MAREE aux entiers dépens d'appel, ces derniers distraits au profit de la C... qui en ont fait l'avance;

Au soutien de ses prétentions, Franck X... fait valoir, à titre principal, que les demandes de la SCP PELLIER MOLLA sont irrecevables en application de l'article L.651-2 du code de commerce puisque la procédure de liquidation judiciaire a été ouverte sur conversion de la procédure de sauvegarde du 23 juillet 2012de sorte que seules les fautes commises avant cette date peuvent être prises en compte au titre d'éventuelles fautes de gestion. Or, Franck X... n'a pris ses fonctions postérieurement à cette date. Il ne peut donc lui être reproché une quelconque faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif;

A titre subsidiaire, Franck X... soutient qu'il ne peut lui être reproché une quelconque incurie puisque du fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, la SA SUD COQUILLAGES MAREE bénéficiait du concours d'un administrateur judiciaire nanti d'une mission de surveillance. Or, cet administrateur judiciaire à l'issue de la première période d'observation a sollicité son renouvellement comme le prouve son rapport du 2 janvier 2013;

De plus, ce dernier indique que le dirigeant a pris des mesures de restructuration du personnel, des mesures destinées à redéployer l'activité de l'entreprise et à la transférer à BORMES-LES-MIMOSAS et était présent aux réunions organisées à ces fins par l'administrateur judiciaire ;

Enfin, il souligne que les plus grosses créances déclarées au passif de la société sont des créances bancaires ou sociales nées bien avant la période d'observation, ce qui ne saurait lui être imputé au titre de négligence ou de passivité ;

Par conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 12 février 2018, Jérôme Y... demande à la Cour de :

-confirmer le jugement du tribunal de commerce de FREJUS le 18 septembre 2017 en ce qu'il a notamment dit et jugé la SCP PELLIER MOLLA, ès-qualités de liquidateur de la SA SUD COQUILLAGES MAREE, irrecevable et en tout cas mal fondée en son action en responsabilité pour insuffisance d'actif à l'encontre de Jérôme Y... et l'a en conséquence débouté de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de Jérôme Y... ;

-dire et juger la SCP PELLIER MOLLA , ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SA SUD COQUILLAGES MAREE, irrecevable en son action en responsabilité pour insuffisance d'actif sur le fondement de l'article L.651-2 du code de commerce telle que dirigée à l'encontre de Jérôme Y..., le liquidateur judiciaire ne justifiant pas que les manquements susceptibles d'être imputés à Jérôme Y... soient constitutifs de manquements autres que de simples négligences ;

-en toute hypothèse, débouter le liquidateur judiciaire de la SA SUD COQUILLAGES MAREE de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de Jérôme Y... ;

-dire et juger en effet que le liquidateur judiciaire de la SA SUD COQUILLAGES MAREE est défaillant à administrer la preuve dont il a la charge de l'existence effective d'une insuffisance d'actif (le liquidateur judiciaire étant notamment défaillant à fournir quelque information que ce soit concernant les actions en recouvrement et/ou reconstitution d'actif notamment en relation avec la disparition et/ou détournement de la clientèle pendant la période d'observation de la procédure de sauvegarde) d'une ou plusieurs fautes de gestion susceptibles d'être imputées à Jérôme Y..., ainsi que d'un lien de causalité entre l'insuffisance d'actif alléguée et le ou les manquements imputés à Jérôme Y... ;

-constater en outre qu'à l'époque où Jérôme Y... a été le dirigeant de la SA SUD COQUILLAGES MAREE cette dernière n'était pas en état de cessation des paiements et que, conscient des difficultés économiques auxquelles pouvait être exposée la société, il a entrepris les diligences nécessaires pour rechercher un partenaire, ce dont il a tenu informé le président du tribunal de commerce de FREJUS à l'occasion d'une réunion qui s'est tenue en avril 2012 et de ce qu'à la suite de la reprise par la société BALICCO de l'entreprise, il a agi conformément à la politique de gestion mise en place par le nouveau repreneur en recourant notamment à une demande de sauvegarde auprès du tribunal de commerce de FREJUS ;

-débouter en conséquence le liquidateur judiciaire de la SA SUD COQUILLAGES MAREE de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de Jérôme Y... ;

-condamner la SCP PELLIER MOLLA, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SA SUD COQUILLAGES MAREE à payer à Jérôme Y... la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner la SCP PELLIER MOLLA, ès-qualités de mandataire liquidateur de la SA SUD COQUILLAGES MAREE aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Me Roselyne M..., de la SCP D... M... & JUSTON, avocats aux offres de droit ;

Pour justifier ses demandes, Jérôme Y... soutient que :

-l'action est irrecevable en application de l'article L.651-2 du code de commerce modifié par la loi du 9 décembre 2016 qui permet au juge, dès lors que la faute commise par le dirigeant s'analyse comme une simple négligence, d'écarter l'action en insuffisance d'actif introduite à son encontre et, à tout le moins, de réduire le montant de la sanction;

-en l'espèce, Jérôme Y... ne relève pas de la catégorie des dirigeants de mauvaise foi et les manquements susceptibles de lui être imputées ne sauraient être autre chose que de simples négligences de sorte que le liquidateur judiciaire est irrecevable en son action ;

-s'agissant de la distribution de dividendes, cet acte ne revêt pas le caractère d'acte de gestion puisque dépendant de la seule volonté de l'assemblée générale des associés, de plus son montant est faible et n'a donc pu grever la trésorerie ;

-s'agissant de la dégradation de la structure financière de la société, le liquidateur judiciaire ne démontre pas en quoi celle-ci est la conséquence des agissements du dirigeant étant précisé que la perte de plus de la moitié de la valeur des capitaux propres aurait dû entrainer la tenue d'une assemblée générale extraordinaire des associés en vue de la dissolution éventuelle de la société ou de la régularisation de dans les deux ans au maximum suivant l'exercice au cours duquel la détérioration est constatée de sorte que le délai imparti pour régulariser expirait au plus tard le 30 septembre 2014 et, en conséquence, il ne saurait en être fait grief à Jérôme Y... puisqu'il a démissionné de ses fonctions en novembre 2012;

-la dégradation de la situation de trésorerie n'est pas significative d'une faute de gestion mais est le résultat d'une baisse du chiffre d'affaires sans possibilité pour la société de diminuer dans la même proportion les charges d'exploitation ;

-Jérôme Y... n'est pas resté inactif face à la situation délicate de la société puisqu'il a recherché un partenaire tout en tenant informé le président du tribunal de commerce de FREJUS

-la SCP PELLIER MOLLA, ès-qualités, ne justifie pas que ce serait l'existence de conventions entre la I... et la SA SUD COQUILLAGES MAREE qui aurait eu pour effet de transformer l'activité en une activité déficitaire, ni qu'elles ne correspondaient pas à la réalité ;

-enfin il n'est pas contestable qu'à l'époque où Jérôme Y... était dirigeant de la SA SUD COQUILLAGES MAREE, celle-ci n'était pas en état de cessation des paiements ;

Par avis pris en application des dispositions de l'article 905-1 du code de procédure civile, les appelants ont été informés par le greffe de cette Chambre de la fixation de l'affaire à bref délai et de son audiencement au 16 mai 2018;

SUR CE

Sur l'irrecevabilité de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif

Attendu que la SA SUD COQUILLAGES MAREE a bénéficié d'une procédure de sauvegarde le 9 juillet 2012, puis d'une procédure collective de liquidation judiciaire par jugement d'ouverture en date du 25 mars 2013;

Attendu que l'article L.651-2 du code de commerce applicable en matière d'action en responsabilité, au 25 mars 2013, stipulait: «Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables.

Lorsque la liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à raison de l'activité d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée à laquelle un patrimoine est affecté, le tribunal peut, dans les mêmes conditions, condamner cet entrepreneur à payer tout ou partie de l'insuffisance d'actif. La somme mise à sa charge s'impute sur son patrimoine non affecté.

L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.

Les sommes versées par les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée entrent dans le patrimoine du débiteur. Elles sont réparties au marc le franc entre tous les créanciers. Les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ne peuvent pas participer aux répartitions à concurrence des sommes au versement desquelles ils ont été condamnés.»;

Attendu que la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 a jouté à la fin du premier alinéa de cet article la formule suivante: «Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.»;

Attendu que l'article 2 pose le principe selon lequel la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a pas d'effet rétroactif;

Qu'en conséquence, la loi du 9 décembre 2016, et donc la disposition de l'article L.651-2 du code de commerce afférente à la négligence du dirigeant social dans la gestion de sa société, est sans application à la situation juridique dont les effets ont été consommés sous l'empire de l'ordonnance n°2010-1512 du 9 décembre 2010, texte en vigueur au 25 mars 2013;

Attendu que l'article L.651-2 du code de commerce modifié par la loi du 9 décembre 2016 ne comporte aucune disposition dérogatoire à la règle ordinaire de la non-rétroactivité et qu'il est de jurisprudence constante qu'il ne peut y avoir de rétroactivité tacite même si la loi nouvelle est susceptible d'intéresser l'ordre public;

Qu'en conséquence, c'est par une interprétation erronée du principe posé par l'article 2 du code civil que le tribunal de commerce de FREJUS, aux termes du jugement entrepris, a déclaré irrecevable l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif de la SCP PELLIER MOLLA, ès-qualités, à l'encontre de Franck X... et Jérôme Y...;

Que le jugement querellé sera d'autant plus infirmé sur ce pointqu'il expose, dans sa motivation, que l'action dont s'agit est recevable avant de la déclarer irrecevable dans son dispositif, tout en statuant sur le fond du litige ;

Sur la preuve de l'insuffisance d'actif

Attendu que Jérôme Y... a été désigné président du conseil d'administration de la SA SUD COQUILLAGES MAREE à compter du 16 avril 2009 et jusqu'en novembre 2012, date à laquelle il a été remplacé par Franck X..., la SA SUD COQUILLAGES MAREE ayant été rachetée par la SARL BALICCO le 25 mai 2012;

Attendu qu'il ressort de l'état des créances nées avant le jugement d'ouverture de la procédure collective qu'il avait été déclaré un total non définitif de créances à hauteur de 3 284 520,17 €

(pièce n°21 de l'appelante);

Attendu selon la SCP PELLIER MOLLA, que dans le cadre de la conversion de la procédure de sauvegarde en liquidation judiciaire, le passif a donné lieu à vérification et est désormais définitivement admis pour un montant de 1667259,26 € alors que le total de l'actif réalisé se monte à 177281,88 €;

Que cependant les données chiffrées relatives aux créances ainsi énoncées ne sont étayées par aucun document que l'appelante verse aux débats de sorte que la Cour n'est pas en situation d'exercer un contrôle sur le véritable état des créances en question;

Que la seule pièce fournie est afférente à un document du mandataire liquidateur faisant référence à un total de créances d'un montant de 3284520,17 € dont 864710,76 € admis à titre définitif et 2419809,41 € contesté;

Qu'en revanche, le montant de l'actif réalisé, tel que chiffré par la SCP PELLIER MOLLA n'est contesté ni dans son principe, ni dans son quantum par les intiméset se retrouve détaillé dans les écritures groupées par compte financier et par compte analytique tenus par l'appelante et versées aux débats (pièces n°21 et n°22) ;

Que, cependant, à la lecture du compte analytique de la SA COQUILLAGES SUD MAREE, il apparaît que l'actif réalisé correspond à une somme de 179781,88 €, se composant en réalité du montant:

-des créances recouvréespar l'administrateur provisoire : 47917,60 €;

-des créances recouvrées postérieurement au virement de l'administrateur provisoire: 46942,51 €;

-du prix de cession du fonds de commerce ou du droit au bail: 60000,00 €;

-du prix de vente du mobilier: 2500,00 €

-des versements effectués par le débiteur: 22421,77 €

Qu'ainsi, il résulte de la comparaison entre le passif définitif de la SA SUD COQUILLAGES MAREE susceptible d'être retenu par la Cour, soit 854710,76 €, et l'actif réalisé, soit 179781,88 €, une insuffisance d'actif d'un montant de 674928,88€;

Attendu qu'il convient de rappeler que l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif à l'encontre des dirigeants de la société en liquidation judiciaire est indépendante de l'état de santé financière de la société et se justifie soit dans les fautes de gestion commises par les dirigeants , soit dans des abus de biens sociaux dont ceux-ci se seraient rendus coupables;

Attendu qu'il importe peu, dès lors que la SA SUD COQUILLAGES MAREE n'ait pas été en état de cessation de paiement au 23 juillet 2012 pour apprécier si les dirigeants sociaux successifs ont pu commettre des fautes de gestion, durant la période où ils exerçaient leurs responsabilités et si lesdites fautes de gestion ont contribué à l'insuffisance d'actif qui a été précédemment constaté;

Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a déclaré l'état d'insuffisance d'actif de la SA SUD COQUILLAGES MAREE non démontré;

Sur les fautes de gestion imputées à Jérôme Y...

Attendu qu'il convient de rappeler que Jérôme Y... a dirigé la SA SUD COQUILLAGES MAREE du 16 avril 2009 à novembre 2012;

Attendu que la faute de gestion s'analyse comme tout acte ou toute abstention d'un dirigeant qui serait contraire à l'intérêt social et constituerait un manquement à l'obligation de prudence, de diligence et d'activité à laquelle il est tenu dans la gestion de la société qu'il a en charge;

*S'agissant d'une faute caractérisée par la détérioration de la structure financière de la société et de sa trésorerie fonctionnelle sans mise en place d'une mesure de reconstitution

Attendu qu'il ressort des bilans 2009 à 2012, une érosion des capitaux propres de l'entreprise puisque devenant négatifs en 2011 en passant de 469606,00 € à -175813,00 €, avant un effondrement de ce poste en 2012 avec un chiffre de -726918 €;

Qu'ainsi, en raison de l'existence de résultats négatifs pour l'exercice 2010, le montant des capitaux propres a été amputé de plus de 600000 € aboutissant à le rendre négatif à hauteur de -175813 €;

Attendu que le capital social initial de la SA SUD COQUILLAGES MAREE était de 1500 000 francs, soit 228673 €, de sorte que dès 2011, les capitaux propres étaient inférieurs à la moitié du capital social et qu'il appartenait alors à Jérôme Y... de convoquer une assemblée générale en vue de trouver des moyens pour rétablir la situation dans les deux ans ou de dissoudre la société;

Attendu que Jérôme Y... soutient dans ses écritures qu'il a convoqué une assemblée générale en 2012 et qu'ainsi, il disposait de deux années, jusqu'en 2014, pour rendre le poste «capitaux propres» positif;

Que si Jérôme Y... a satisfait à l'obligation de convoquer une assemblée générale, il n'a pas pris les mesures d'urgence qui s'imposaient de sorte que l'exercice 2012 dont il assume la responsabilité jusqu'en novembre 2012 affiche une baisse substantielle des capitaux propres puisqu'atteignant in fine la somme de -726918 €;

Attendu qu'est ainsi établi que pour les exercices 2011 et 2012, Jérôme Y... en sa qualité de président du conseil d'administration de la SA SUD COQUILLAGES MAREE, a manqué aux diligences auxquelles il était tenu et a 'uvré dans un intérêt contraire à l'intérêt social en laissant s'aggraver une situation compromise;

Attendu par ailleurs que le poste relatif aux dettes financières à long terme présente une dégradation continue (144792 € en 2009; 95000 € en 2010; 71196 € en 2011 et 47 526 € en 2012) et illustre l'absence d'effort de Jérôme Y... pour redresser la situation financière;

Qu'en effet, pour améliorer ce poste comptable qui permet de fournir les ressources à long terme pour financer les emplois durables dans l'entreprise, il convenait de recourir, si l'activité avait permis de les dégager, soit au surplus monétaire produite par l'activité, c'est à dire à son autofinancement, soit en augmentant les fonds propres, soit en souscrivant des emprunts à long terme, soit en recourant au crédit-bail;

Attendu qu'il est constant que Jérôme Y... n'a mis en 'uvre utilement aucun des moyens évoqués et qu'il a en réalité préféré recourir à des expédients par lesquels il s'assurait une trésorerie pour le financement de ses dettes à court terme;

Que dans ces conditions, la société n'a plus disposé des sommes nécessaires pour payer ses charges courantes dans l'attente de recevoir le paiement dû par ses clients et atteste de l'absence d'autonomie financière de l'entreprise à court terme;

Que dès lors, le besoin en fonds de roulement n'a cessé de s'accroître à hauteur de près de 90% entre 2009 et 2010, de 40% entre 2010 et 2011 et de 241% entre 2011 et 2012;

Qu'il appartenait au gestionnaire de l'entreprise de mettre en 'uvre les moyens adéquats pour diminuer le besoin en fonds de roulement en agissant sur le stock par une meilleure rotation et l'utilisation d'un fonctionnement à flux tendu parfaitement en adéquation avec la nature de l'activité, en agissant également sur les créances clients en optant pour une politique systématique de relance, en recourant à l'escompte pour règlement anticipé, en prévoyant des délais de règlement raccourcis ou encore en utilisant le système de l'affacturage, les dettes fournisseurs;

Qu'il était encore envisageable d'agir sur les dettes fournisseurs en négociant des délais de règlement plus longs, en améliorant ses approvisionnements et en écartant tout paiement par anticipation pour bénéficier d'éventuels escomptes;

Qu'enfin, sur le plan fiscal, Jérôme Y... pouvait opter un régime simplifié de TVA et en demandant le bénéfice d'un paiement trimestriel plutôt que mensuel des charges sociales;

Attendu qu'aucune de ces mesures n'a été entreprise par Jérôme Y..., ès-qualités de président du conseil d'administration de la SA SUD COQUILLAGES MAREE et ce, alors même qu'il avait identifié devant Me Nathalie J..., administrateur provisoire, que l'une des causes des difficultés rencontrées par sa société était en lien avec les impayés de la clientèle;

Attendu que la trésorerie de la SA SUD COQUILLAGES MAREE était négative dès 2009 et que, de 2011 à 2012, le solde s'est dégradé atteignant -271075 € en 2011 et -391807 € en 2012;

Attendu que sur ce poste d'activité, Jérôme Y... a fait preuve d'un manque d'activité pour tenter de réduire l'impact financier résultant du décalage entre les encaissements et les décaissements entraînant par là-même des difficultés de trésorerie;

Attendu qu'en effet, la trésorerie de la SA SUD COQUILLAGES MAREE n'a cessé de péricliter depuis 2009: -194175 € en 2009, puis -180267 € en 2010, -271075 € en 2011 et -391807 € en 2012

Que pourtant la trésorerie est fondamentale dans la gestion d'une entreprise en ce qu'elle correspond à l'ensemble de ses ressources financières grâce auxquelles elle peut financer ses dépenses à court terme;

Attendu qu'en l'espèce, les dettes d'exploitation augmentant de manière croissante au fil des exercices, il apparaît que le dirigeant social a adopté une politique de fuite en avant en constituant une trésorerie défaillante par le non-règlement des fournisseurs ou le rallongement des délais de règlement et en 'uvrant de la même manière au regard des dettes sociales et fiscales;

Que cette méthode pour se procurer de la trésorerie s'assimile à un recours à des moyens ruineux ou anormaux;

Attendu qu'il est ainsi suffisamment établi que Jérôme Y... a poursuivi son activité avec des fonds propres insuffisants sans y apporter les solutions adaptées et qu'ainsi est constituée à son égard une faute de gestion

*S'agissant de la poursuite d'une activité d'une exploitation déficitaire

Attendu que le chiffre d'affaires de la SA SUD COQUILLAGES MAREE était de 5848936 € au 30 septembre 2008, fin de l'exercice, puis de 6474453 € au 30 septembre 2009, de 6612179 € au 30 septembre 2010, de 6141725 € au 30 septembre 2011 et de 4897662 € au 30 septembre 2012 (pièces n°8, n°9 et n°11 de l'intimée);

Attendu qu'il ressort des mêmes pièces comptables versées aux débats que la trésorerie de la SA SUD COQUILLAGES MAREE était de 391758 € au 30 septembre 2008, puis de 110178 € au 30 septembre 2009, de 2281 € au 30 septembre 2010, de 131410 € au 30 septembre 2011 et de 8808 € au 30 septembre 2012;

Attendu qu'une simple étude comparative permet de constater que, bien que le chiffre d'affaires augmente d'environ 11% de2008 à 2009, la trésorerie diminue durant la même période de plus de 70%;

Que de même, de l'exercice 2009 à l'exercice 2010, le chiffre d'affaires augmente encore de plus de 2% tandis que la trésorerie s'effondre de 98%, puis que, de l'exercice 2010 à l'exercice 2011, le chiffre d'affaires décroît d'environ 7%, la trésorerie connaît un rebond de plus 5500%;

Qu'enfin, s'agissant du dernier exercice examiné, courant du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012, le chiffre d'affaires chute de près de 20% tandis que la trésorerie perd 93% de sa valeur;

Attendu qu'il s'évince de ces chiffres que contrairement à ce que retiennent les premiers juges, il ne peut être considéré que la baisse du chiffre d'affaires soit la cause explicative de la dégradation de la situation de la trésorerie de la SA SUD COQUILLAGES MAREE;

Attendu que la réalité comptable conduit à examiner si la raison de la baisse de la trésorerie n'est pas liée à l'augmentation du besoin en fonds de roulement traduisant un décalage significatif entre les encaissements et les décaissements afin de déterminer si, ce n'est pas la mauvaise gestion des comptes clients ou du stock qui est en réalité la véritable cause de la détérioration de la trésorerie;

Qu'il a été précédemment constaté que le besoin en fonds de roulement à quasiment doublé entre 2009 et 2010 lorsque la trésorerie s'est effondrée de 98%;

Qu'il peut ainsi être constaté que le poste des comptes clients de la société est passé de 651 457 € en 2008 à 1335 035 € en 2009, puis à 1706 181 € en 2010, puis à 991 407 € en 2011 et enfin, à 839 896 € en 2012;

Attendu que l'augmentation des comptes clients relevés sur les trois premières années s'explique par le rallongement du crédit accordé aux clients ou subi de leur fait et qu'il est constant que la bonne gestion du poste clients suppose une attention particulière portée au suivi et à la relance de ceux particulièrement récalcitrants à s'acquitter de leurs dettes;

Attendu qu'il a été précédemment indiqué les solutions que tout dirigeant diligent doit entreprendre pour remédier à cette situation et qu'il est établi que Jérôme Y... ne les a pas mis en 'uvre alors même que le chiffre d'affaires de la société était largement positif;

Que l'impact de cette absence de diligence s'est traduite par un besoin en fonds de roulement devenu négatif en 2011 et 2012, ce qui signifie que la SA SUD COQUILLAGES MAREE n'avait plus, courant 2010, de quoi assurer le paiement de ses fournisseurs ou ses dettes bancaires à court terme et qu'elle était en recherche constante de liquidités pour couvrir ses besoins à court terme, en faisant traîner ses dettes fournisseurs, ce qui explique l'assignation délivrée par les sociétés CRENO IMPEX et CRENO SA à la SA SUD COQUILLAGES MAREE le 7 août 2012, assignation dans laquelle les deux demanderesses indiquent que la SA SUD COQUILLAGES MAREE était manifestement en état de cessation des paiements lors de l'ouverture de la procédure de sauvegarde puisqu'elle devait respectivement les sommes de 224891,90 € et 5700,11 € (pièce n°1 X...);

Attendu, s'agissant du stock, qu'il augmente régulièrement au fur et à mesure des cinq exercices comptables considérés (27150 € en 2008; 29500 € en 2009; 39349 € en 2010; 37 321 en 2011et 45575 en 2012) ce qui implique, corrélativement avec la baisse du chiffre d'affaires évoquée, à un excédent de stock qui conduit inévitablement à un essoufflement des disponibilités financières de la société;

Mais attendu que parallèlement, Jérôme Y... a laissé le poste «autres achats et charges externes» s'accroître du fait de prestations internes au groupe, passant de 928779 € en 2008, à 1282048 € en 2009, puis 976142 € en 2010, à 1261675 € en 2011 et 976142 € en 2012;

Qu'aux termes du rapport du commissaire aux comptes pour l'exercice 2009 il apparaît que la SA SUD COQUILLAGES MAREE avait consenti à la SARL L... Y...:

-la refacturation des frais liés à des prêts de matériel, à des mises à dispositions temporaires de locaux et des charges engagées pour e compte de la SA SUD COQUILLAGES MAREE du type primes d'assurance, soit 74526,64 €;

-la refacturation les frais liés à des mises à disposition temporaires de personnel , soit 163017,28 €;

-la refacturation de frais de gestion administrative, soit 160000 €;

-la prise en charge des loyers des locaux commerciaux, soit 80 785 €, outre le dépôt de garantie d'un montant de 11000 €;

Qu'il s'évince du rapport du commissaire aux comptes pour l'exercice 2010 que la SA SUD COQUILLAGES MAREE avait accordé à la SARL L... Y...:

-la refacturation des frais liés à des prêts de matériel, à des mises à dispositions temporaires de locaux et des charges engagées pour e compte de la SA SUD COQUILLAGES MAREE du type primes d'assurance, soit 61302 €;

-la refacturation les frais liés à des mises à disposition temporaires de personnel , soit 5304 €;

-la prise en charge des loyers des locaux commerciaux, soit 77880 €, outre le dépôt de garantie d'un montant de 11000 €;

Qu'ainsi, ce sont des sommes de 489328,92 € et de 155486 € qui ont été successivement mobilisées sur l'actif de la SA SUD COQUILLAGES MAREE , en 2009 et 2010, dans l'intérêt exclusif de la I... , dont le président est Jérôme Y... et de Jocelyne Y... et ce, sans que pour autant ne soit démontré par l'intimé la réalité des contreparties fournies à la société en liquidation judiciaire ;

Que c'est à tort que Jérôme Y... soutient que le commissaire aux comptes a avalisé ce choix alors qu'il n'a fait que constater la validité de l'opération puisque votée par le conseil d'administration de la SA SUD COQUILLAGES MAREE;

Qu'en revanche, l'opportunité de l'opération en question ressort de la compétence du conseil d'administration dont il convient de rappeler que Jérôme Y... était le président et que la I... détenait la totalité du capital social ainsi que le compte courant d'associé de la SA SUD COQUILLAGES MAREE;

Qu'il est constant que lorsque le chiffre d'affaires est devenu moins favorable, le dirigeant n'a pas remis en cause les conventions intervenues et les a laissées à la charge de la société sans envisager une renégociation de leur montant, ni de la date de leur remboursement alors même qu'il en était directement ou indirectement le principal bénéficiaire;

Qu'en agissant de la sorte, Jérôme Y... a agi dans son intérêt personnel au détriment de l'intérêt social commandé par la SA SUD COQUILLAGES MAREE;

*S'agissant de la distribution de dividendes

Attendu que, conformément à l'article L.3232-12 du code de commerce, c'est par décision d'une assemblée générale des actionnaires de la SA SUD COQUILLAGES MAREE, qu'il a été décidé , le 28 septembre 2011, une distribution de dividendes à hauteur de 215000 €;

Attendu que Jérôme Y... fait valoir que, dès lors qu'une telle décision relève du pouvoir du conseil d'administration, elle ne peut lui être imputée comme une faute de gestion personnelle et d'autre part que la somme litigieuse , comparée au chiffre d'affaires annuel réalisé en 2011, soit 6141 725 €, n'est pas déraisonnable et n'a pas pu contribuer à l'insuffisance d'actif;

Mais attendu que pour l'exercice 2011, les capitaux propres étaient de -175813 € et donc inférieurs à la moitié du capital social de sorte que, aux termes de l'article L.232-11 alinéa 3 du code de commerce qui stipule «Hors le cas de réduction du capital, aucune distribution ne peut être faite aux actionnaires lorsque les capitaux propres sont ou deviendraient à la suite de celle-ci inférieurs au montant du capital augmenté des réserves que la loi ou les statuts ne permettent pas de distribuer', il ne pouvait être procédé à une distribution de dividendes ;

Attendu qu'en 2011, les capitaux propres étaient devenus négatifs à concurrence de -175813 €, ce qui n'était pas de nature à redouter l'existence d'une insuffisance d'actif (Cass. Com. 24 mai 2018, n° de pourvoi: 17.10117);

Qu'en permettant à l'assemblée générale des actionnaires de statuer sur cette question et en laissant se concrétiser une distribution de dividendes, Jérôme Y... a commis, par abstention, une faute de gestion qui lui est personnellement imputable en sa qualité de président du conseil d'administration, responsable de la direction générale de la société, chargé de rendre compte dans un rapport devant rendre compte de l'ensemble des procédures mises en place afin de prévenir et de maîtriser les risques pour l'entreprise résultant de son activité et au premier chef, de procéder à une distribution de dividendes, si tant est qu'elle soit possible, alors que la santé financière de l'entreprise la rend non pertinente;

Attendu que la distribution de dividendes entraîne un décalage de trésorerie au niveau du résultat net qui ne correspond presque jamais à la trésorerie réellement encaissée. Or, les dividendes sont des éléments qui sont effectivement décaissés et qui mettent en péril la trésorerie;

Qu'en l'espèce, la trésorerie se situant à - 271075 €, la distribution de dividendes a nécessairement contribué à accroître l'insuffisance d'actif constaté à hauteur de 125000€;

Attendu que doit être retenue à l'encontre de Jérôme Y... une faute de gestion caractérisée par une distribution illégale, et en tout cas contraire à l'intérêt social, de dividendes à hauteur de 125000 € et ce , dans son intérêt personnel ou dans celui de la K..., société familiale dont il était le gérant;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble des éléments développés l'existence de plusieurs fautes de gestion directement imputables à Jérôme Y..., accomplies dans le dessein de servir son intérêt personnel ou celui d'une société à caractère familial, dont il détenait une part du capital social et où il exerçait les fonctions de gérant et ce, au détriment de l'intérêt social de la SA SUD COQUILLAGES MAREE, toutes fautes de gestion ayant contribué directement, par les conséquences de leur commission, à l'insuffisance d'actif de cette dernière;

Qu'en conséquence, il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SCP PELLIER MOLLA, agissant ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SA SUD COQUILLAGES MAREE de son action en responsabilité pour insuffisance d'actif dirigée contre Jérôme Y..., de déclarer ladite action recevable et bien fondée et de condamner de ce chef Jérôme Y... à verser à la SCP PELLIER MOLLA, ès-qualités, la somme de 400000 €;

Sur les fautes de gestion imputées à Franck X...

Attendu que Franck X... a succédé à Jérôme Y... en qualité de président de conseil d'administration de la SA SUD COQUILLAGES MAREE, le 2 novembre 2012 alors que cette société avait été reprise par la SARL BALICCO;

Attendu qu'entre le moment où Franck X... a pris ses fonctions et la date provisoire de cessation des paiements, soit le 25 mars 2013, il s'est écoulé moins de cinq mois;

Que s'agissant du point de départ de l'éventuelle responsabilité de Franck X... dans l'insuffisance d'actif, c'est cette date qui doit être retenue et non celle à laquelle la SARL BALICCO a pris le contrôle de la SA SUD COQUILLAGES MAREE, soit le 1er août 2012 puisque Jérôme Y... a alors été maintenu à son poste de président;

Attendu qu'il a été précédemment pu être établi qu'en fin septembre 2012, les capitaux propres de la SA SUD COQUILLAGES MAREE étaient négatifs de plus de 726918 €, que le chiffre d'affaires était en baisse de plus de 20% et que le taux de marge était au plus bas;

Qu'ainsi que le signalait l'expert-comptable de la société dans un courrier du 21 août 2012, la société était dans un état objectif de cessation des paiements même si une procédure de sauvegarde a quand même été ordonnée;

Que l'erreur ayant consisté en l'ouverture d'une procédure de sauvegarde au lieu d'une procédure de liquidation judiciaire, ainsi que le justifiait une analyse objective de la situation financière de la SA SUD COQUILLAGES MAREE ne saurait être imputée à Franck X... eu égard la date à laquelle il est devenu président du conseil d'administration de la société;

Attendu que si Franck X... a, par l'attitude passive qu'il a adoptée de novembre 2012 à mars 2013, manqué à son obligation de diligence et d'activité imparti au chef d'entreprise dans la gestion de la société dont il a la charge, en permettant un transfert de clientèle de la SA SUD COQUILLAGES MAREE vers la SARL BALICCO qui en était le repreneur, la preuve n'est pas pour autant rapportée par la SCP PELLIER MOLLA, ès-qualités, du lien de causalité entre cette faute et l'insuffisance d'actif dont la proportion relevant de la gestion de Franck X... n'est d'ailleurs pas évaluée de manière précise par l'appelante;

Que la nécessité pesant sur la SCP PELLIER MOLLA de déterminer cette proportion s'impose d'autant plus que la déperdition de la clientèle au profit de la SARL BALICCO avait déjà commencé, au moins depuis le 1er août 2012 étant observé par ailleurs que la chute brutale du chiffre d'affaires auquel se réfère l'appelante et qui est effectivement de plus de 700000 € a été constatée au bilan clôturé le 30 septembre 2012, soit plus d'un mois avant que Franck X... n'assume la responsabilité de la société;

Attendu qu'en conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris, par motifs ajoutés, en ce qu'il a débouté la SCP PELLIER MOLLA de son action en responsabilité pour insuffisance d'actif à l'encontre de Franck X...;

Sur les autres demandes

Attendu que Jérôme Y... étant condamné en cause d'appel, il n'est pas fondé à être éligible aux dispositions de l'article 700 du code de procédure et ce d'autant qu'aucune considération d'équité ou relative à la situation financière de l'intéressé ne justifie qu'il soit dérogé à cette règle;

Qu'en revanche, il serait inéquitable de laisser à la charge de la SCP PELLIER MOLLA les frais par elle exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, moyennant quoi, il convient de condamner Jérôme Y... à payer à la SCP PELLIER MOLLA, ès-qualités, la somme de 1000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Attendu qu'il convient de dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de la SA SUD COQUILLAGES MAREE;

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Déclare recevable l'appel interjeté par la SCP PELLIER MOLLA, ès-qualités de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de la SA SUD COQUILLAGES MAREE, contre le jugement rendu le 18 septembre 2017 par le tribunal de commerce de FREJUS;

Confirme, par motifs ajoutés, le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SCP PELLIER MOLLA, ès-qualités de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de la SA SUD COQUILLAGES MAREE, de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de Franck X...et dit n'y avoir lieu à prononcer la prise en charge des dettes sociales par Franck X... ;

L'infirme pour le surplus;

Et statuant à nouveau,

Condamne Jérôme Y... au paiement de la somme de 400000 €au titre de l'insuffisance d'actif à la SCP PELLIER MOLLA, ès-qualités de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de la SA SUD COQUILLAGES MAREE;

Déboute Jérôme Y... de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne Jérôme Y... à payer à la SCP PELLIER MOLLA, ès-qualités de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de la SA SUD COQUILLAGES MAREE, une somme de 1000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre a
Numéro d'arrêt : 17/18177
Date de la décision : 28/06/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8A, arrêt n°17/18177 : Délibéré pour mise à disposition de la décision


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-28;17.18177 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award