COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
4e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 21 JUIN 2018
jlp
N° 2018/ 555
Rôle N° RG 17/00072
N° Portalis DBVB-V-B7B-7ZTJ
Sandrine X...
C/
Yves Y...
SCI BEL AIR
Grosse délivrée
le :
à :
Me Jean-François Z...
Me Elie A...
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 15 Décembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 11/09884.
APPELANTE
Madame Sandrine X...
demeurant [...]
représentée par Me Jean-François Z... de la SCP Z... / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me André B..., avocat au barreau de MULHOUSE, plaidant
INTIMES
Monsieur Yves Y...
demeurant [...]
représenté par Me Elie A..., avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Elodie C..., avocat au barreau de DRAGUIGNAN substituée par Me Marie-Madeleine D..., avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
SCI BEL AIR agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié [...]
représentée par Me Elie A..., avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Elodie C..., avocat au barreau de DRAGUIGNAN substituée par Me Marie-Madeleine D..., avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 19 Avril 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de:
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre
Madame Hélène GIAMI, Conseiller
Madame Sophie LEONARDI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2018
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2018,
Signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :
La société civile immobilière « Bel Air » au capital de 2000 euros a été constituée aux termes de statuts en date du 8 août 2003 entre Yves Y... et Sandrine X..., qui était alors son épouse, chacun des deux associés détenant 1000 parts d'une valeur unitaire de 1 euro et étant cogérant de la société.
La SCI Bel Air a acquis, le 30 septembre 2003, une maison d'habitation et un terrain attenant à usage de [...] [...] pour 822 m², qui constituait le domicile familial des époux Y..., moyennant le prix de 647908 euros, outre les frais notariés pour 42292 euros; ce prix a notamment été financé au moyen d'un prêt in fine consenti par la Société Générale à la SCI Bel Air, d'un montant de 640000 euros à 3,85%, remboursable en une seule fois à l'expiration de sa durée fixée à 144 mois (12 ans), les mensualités du prêt correspondant aux intérêts (2395,55 euros hors assurance les trois premières années) ; il était garanti par le nantissement de titres appartenant à M. Y... à concurrence de la somme de 70000 euros, une hypothèque sur le bien immobilier, le nantissement de deux contrats d'assurance-vie « Séquoia» au nom des époux et les cautions personnelles et solidaires de ces derniers à hauteur de 940000 euros en principal, intérêts et accessoires.
Par acte sous-seing privé du 21 décembre 2003, enregistré le 1er mars 2004 à la recette des impôts, Mme X... a cédé à M. Y... 60 parts numérotées 101 à 160 de la SCI Bel Air pour le prix de dix euros la part, soit 600 euros au total ; une assemblée générale extraordinaire de la SCI réunie le 7 octobre 2004 a pris acte de la cession de parts ainsi intervenue et de la démission de Mme X... de ses fonctions de cogérante pour raison personnelle à compter du 7 octobre 2004.
Par avenant au contrat de prêt en date du 20 décembre 2004, la Société Générale a accepté de décharger Mme X... de son cautionnement du prêt consenti à la SCI Bel Air.
Les statuts de la SCI ont été mis à jour le 24 mars 2005 et indiquent que M. Y... détient désormais 1600 parts numérotées 1 à 1600 et son épouse 400 parts numérotées de 1601 à 2000, après qu'un acte de cession de parts « rectificative » eut été établi, le 24 mars 2005, mentionnant la cession de 600 parts et non de 60 parts, ainsi qu'un nouveau procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire également daté du 24 mars 2005 actant la cession de parts et la démission de Mme X... de ses fonctions de cogérante à compter du 7 octobre 2004 ; l'acte de cession de parts «rectificative» a été enregistré le 3 mai 2005 à la recette des impôts et déposé, avec les statuts modifiés, le 9 mai 2005 au registre du commerce et des sociétés, le procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 24 mars 2005 étant déposé, quant à lui, le 31 août 2005 au RCS.
Entre-temps, en février 2005, Mme X... a quitté le logement familial et, après l'échec d'une tentative de divorce par consentement mutuel, M. Y... a déposé, le 21 mai 2007, une requête en divorce (pour altération définitive du lien conjugal) et, après qu'une ordonnance de non-conciliation eut été rendue le 22 février 2008, le divorce de M. Y... et Mme X... a été prononcée aux torts de l'époux par un jugement du tribunal de grande instance de Draguignan en date du 2 juin 2009.
M. Y... s'étant vu attribuer, aux termes de l'ordonnance de non-conciliation, la jouissance du logement familial, un bail à effet du 22 février 2008 lui a été consenti par la SCI Bel Air moyennant un loyer de 1500 euros mensuels plus charges.
Une assemblée générale extraordinaire du 8 décembre 2011 a décidé d'une augmentation de capital de 329765 euros par l'émission de 329765 parts nouvelles à titre irréductible, proportionnellement au nombre de parts détenues par chacun des deux associés et après que M. Y... eut souscrit à 263815 parts sociales (263812 parts à titre irréductible et 3 parts à titre réductible), les statuts de la SCI Bel Air ont été à nouveau mis à jour le 18 décembre 2011, faisant apparaître M. Y... comme détenant 265415 parts numérotées 1 à 1600 et 2001 à 265815 et Mme X... comme titulaire de 400 parts numérotées 1601 à 2000; les statuts ainsi modifiés ont été déposés le 24 janvier 2012 au registre du commerce et des sociétés.
Dans le cadre de la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, le notaire désigné par la chambre départementale des notaires du Var a établi un procès-verbal de difficultés le 6 juillet 2010 contenant le projet d'état liquidatif suivant :
ACTIF
PASSIF
Bien immobilier
830000 euros
Capital restant dû au titre du prêt in fine
640000 euros
Compte courant Mme X...
28156 euros
Compte-courant M. Y...
232272 euros
Capital social libéré par M. E... et M. Y...
2000 euros
Total
830000 euros
902428 euros
Balance faite, il reste un mali de liquidation
-72428 euros
M. Y... a proposé, à titre de transaction, que Mme X... abandonne ses 400 parts sociales dans la SCI Bel Air, numérotées 1601 à 2000, en contrepartie du remboursement de son compte courant d'associé évalué à 28156,38 euros, l'intéressé s'engageant à prendre en charge seul le mali de liquidation; cette proposition a été refusée par Mme X....
Entendu par les services de police le 7 février 2011 sur la plainte déposée à son encontre par Mme X... pour usurpation d'identité, M. Y... a admis avoir signé à la place de son ex-épouse mais avec l'accord de celle-ci le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 24 mars 2005 ; cette plainte a été ensuite classée sans suite par le parquet de Draguignan.
Par exploit du 25 novembre 2011, Mme X... a fait assigner M. Y... devant le tribunal de grande instance de Draguignan en vue d'obtenir la nullité de la cession de parts sociales du 24 mars 2005 et du procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du même jour, la nullité de l'ensemble des procès-verbaux d'assemblée générale de la SCI Bel Air établis postérieurement, l'inopposabilité à son égard du contrat de bail régularisé entre la SCI et M. Y... et l'instauration d'une mesure d'expertise visant à vérifier les comptes de la SCI ; par exploit des 28 juin 2012 et 21 septembre 2012, Mme X... a fait assigner la SCI Bel Air en déclaration de jugement commun.
Le tribunal, par jugement du 23 juillet 2014, a ordonné une expertise aux fins de vérification de la signature attribuée à Mme X... sur le procès-verbal d'assemblée générale du 7 octobre 2014 et de l'acte de cession de parts du 24 mars 2005 ; désignée pour effectuer cette mission d'expertise, Mme F... a établi, le 31 décembre 2015, un rapport de ses opérations.
En l'état, le tribunal a, par jugement du 15 décembre 2016 :
'annulé l'acte de cession de parts rectificative du 24 mars 2005,
'dit que l'apport en compte-courant d'associé de la SCI Bel Air de Mme X... est de 28156,28 euros,
'condamné Mme X... à payer à M. Y... la somme de 46784 euros (correspondant à sa part, soit 20 %, des intérêts du prêt réglés en ses lieu et place par M. Y... de novembre 2004 à décembre 2011) avec les intérêts au taux légal à compter du jugement,
'déclaré le jugement commun à la SCI Bel Air,
'dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile,
'dit que chaque partie supportera ses propres dépens,
'ordonné l'exécution provisoire.
Mme X... a régulièrement relevé appel, le 3 janvier 2017, de ce jugement.
En l'état des conclusions qu'elle a déposées le 27 mars 2018 via le RPVA, elle demande à la cour de :
Vu les statuts de la SCI,
Vu les expertises graphologiques de Mme G... et M. H...,
Vu les articles 1130 et suivants du code civil,
Vu les articles 1190 et suivants du même code,
Vu l'article 1240 du Code civil,
Vu les articles 1832 et suivants du code civil,
'confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que l'acte de cession de parts sociales en date du 24 mars 2005 est nul et a débouté M. Y... d'une réclamation d'un montant de 89000 euros,
'infirmer le jugement entrepris pour le surplus,
'débouter M. Y... de toutes ses demandes,
'dire et juger que l'acte de cession de parts du 21 décembre 2003 est nul, tant pour absence de consentement qu'en raison des erreurs substantielles qu'il contient,
Subsidiairement,
'le valider pour la cession de 60 parts sur les 2000 parts composant le capital social de la SCI Bel Air,
'lui donner acte qu'elle conteste sa signature au procès-verbal en date du 7 octobre 2004,
'dire et juger que le procès-verbal d'assemblée générale du 7 octobre 2004 est un faux,
'dire et juger ledit procès-verbal nul et de nul effet,
'dire et juger tous actes subséquents au procès-verbal en date du 7 octobre 2004 nuls et de nul effet,
'dire et juger la convention de bail régularisée entre la SCI Bel Air et M. Y... nulle et de nul effet,
'annuler en conséquence les actes suivants :
' l'acte de cession de parts du 24 mars 2005,
' le procès-verbal du 7 octobre 2004,
' l'assemblée générale du 24 mars 2005,
' l'acte de cession de parts du 21 décembre 2003,
' le bail signé entre M. Y... et la SCI Bel Air,
' les actes subséquents à ces cessions de parts ou à leur validation, notamment l'augmentation du capital opérée dans la SCI Bel Air,
'fixer à 1400000 euros la valeur du bien sis au [...],
'désigner tel expert qu'il plaira au tribunal (sic) avec mission de :
' se rendre sur les lieux (') dans le bien appartenant aux époux X...ohen,
' prendre connaissance de tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission,
' déterminer la valeur vénale du bien immobilier commun consistant en une maison d'habitation composée de :
' entrée, séjour salon, salle à manger, cuisine équipée (éléments et machines), une chambre, un WC,
' à l'étage : trois chambres, deux salles de bains, un wc, un dressing,
' à l'étage supérieur : combles accessibles,
' en sous-sol : cave, garage, dépendances, chaufferie,
' terrain attenant à usage de jardin d'agrément avec piscine,
'de manière générale, déterminer l'indemnité d'occupation susceptible d'être dû au titre de cette occupation,
'désigner le cas échéant tel géomètre pour mesurer la superficie exacte de la villa (loi Carrez),
'constater qu'elle a apporté la somme de 58366 euros et en tout cas, a minima 43566,10 euros,
'désigner, le cas échéant, tel expert-comptable qu'il plaira au tribunal (sic) avec mission de vérifier les comptes de la SCI Bel Air et de faire les comptes entre les parties,
'dire qu'elle n'est pas redevable des travaux engagés seul par M. Y... et des frais d'entretien de la maison, n'ayant voté aucune résolution de travaux,
En tout état de cause,
'débouter M. Y... de ses fins et conclusions et de toute réclamation reconventionnelle,
'condamner M. Y... à lui verser la somme de 150000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'ensemble des préjudices subis par elle tant financièrement que moralement,
'le condamner à la restitution de la somme de 46784 euros réglée au titre de l'exécution provisoire du jugement entrepris, outre les frais qu'elle a dû régler à ce titre,
'condamner M. Y... au paiement de la somme de 10000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. Y... et la SCI Bel Air sollicitent de voir, aux termes de ses conclusions déposées le 22 septembre 2017 par le RPVA :
(')
A titre principal :
'confirmer le jugement rendu le 15 décembre 2016 par le tribunal de grande instance de Draguignan en ce qu'il a dit et jugé que la cession de parts du 21 décembre 2003 a été validée par le procès-verbal d'assemblée générale du 7 octobre 2004, dit et jugé que l'apport en compte-courant de Mme X... est de 28156,28 euros, condamné Mme X... à payer à M. Y... la somme de 46784 euros assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation correspondant au remboursement mensuel des intérêts du prêt qu'elle aurait dû effectuer à hauteur de 544,51 euros de novembre 2004 à décembre 2011 et débouté Mme X... de ses demandes d'expertise de toute nature,
'infirmer le jugement de première instance et par conséquent, condamner Mme X... à payer à M. Y... la somme de 89000 euros correspondant au paiement des sommes qu'il a effectué en remboursement des sommes prélevées par Mme X... sur le compte d'épargne assurance-vie (versement initial de 25000 euros et huit annuités de 8000 euros de novembre 2004 à décembre 2011),
'y ajoutant, débouter Mme X... de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 150000 euros et la condamner à lui payer la somme de 10000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour faisait droit aux demandes d'expertise,
'dire que les frais d'expertise devront être mis à la charge de celle-ci.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 3 avril 2018.
MOTIFS de la DECISION:
1-le montant du compte-courant d'associé de Mme X...:
Les versements suivants faits par Mme X... sur le compte de la SCI Bel Air ouvert à la Société Générale (n° [...]) ne sont pas contestés:
-19000 euros le 25 septembre 2003,
-2500 euros le 31 octobre 2003,
-1361,28 euros le 2 octobre 2003,
-5445,10 euros (544,51 euros x 10) entre le 2 janvier 2004 et le 1er octobre 2004.
Une somme de 15259,72 euros correspondant à la liquidation d'un plan d'épargne entreprise «Enténial» géré par la société Creelia, dont Mme X... était titulaire, a été remboursée à celle-ci par chèque, le 30 septembre 2003, pour le motif «acquisition résidence principale» et un chèque de même montant a été encaissé, le 10 octobre suivant, sur le compte joint de M. ou Mme Yves Y... ouvert à la Société Générale (n° 000511906460); rien n'établit cependant que cette somme a été ensuite reversée sur le compte de la SCI, alors qu'il résulte des pièces produites qu'une somme de 25000 euros a été prélevée (le 12 septembre 2003) du compte joint en vue d'abonder le contrat d'assurance-vie «Séquoia» de Mme X... à partir de fonds versés par M. Y... lui-même (à hauteur de 50000 euros) et que celui-ci affirme que la somme de 15259,72 euros a servi, du moins partiellement, à financer ce versement fait à la Sogecap au titre de l'assurance-vie de son ex-épouse.
S'agissant des dix versements de 580 euros chacun faits par Mme X... entre janvier et octobre 2004 de son compte ouvert au Crédit agricole sur le compte-joint des époux, ils ne peuvent être considérés comme des apports en compte-courant d'associé et il n'est pas établi qu'ils ont été effectués sous la contrainte; aucun élément ne permet, par ailleurs, de considérer que des chèques tirés par Mme X... sur son compte bancaire (1960 euros le 3 février 2005; 3740 euros le 12 janvier 2005) correspondent à sommes versées par elle dans la trésorerie de la SCI.
Dans ces conditions, le montant des apports en compte-courant d'associé de Mme X... s'établit à la somme totale de 28306,38 euros (19000 euros + 2500 euros + 1361,28 euros et 5445,10 euros) et non 28156,36 euros, comme l'a retenu le premier juge; le jugement entrepris doit en conséquence être réformé de ce chef.
2-la nullité de l'acte de cession de parts du 21 décembre 2003 :
Mme X..., qui soutient que son consentement à la cession des 60 parts de la SCI Bel Air lui a été extorqué par violence, communique une attestation du Docteur I..., psychiatre, lequel indique que l'intéressée, en état de fragilité psychologique et de faiblesse, est venue le consulter le 17 décembre 2003 (soit six jours avant la signature de l'acte de cession) dans un état d'agitation anxieux, se sentant menacée et sous pression psychologique au sujet d'une SCI dont elle détenait 50 % des parts ; elle invoque également le fait que le divorce des époux, prononcé par le jugement du 2 juin 2009, l'a été aux torts exclusifs de M. Y... en raison de son tempérament impulsif et colérique et de ses propos agressifs envers elle.
Selon l'article 1112 du code civil, devenu l'article 1140, il y a violence, lorsqu'elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu'elle peut lui inspirer la crainte d'exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent ; en l'occurrence, l'état d'anxiété, que présentait Mme X... peu avant la signature de l'acte de cession, ne permet pas à lui seul d'en déduire que son consentement a été extorqué par violence, alors que lors de la cession litigieuse, elle était âgée de 35 ans, qu'étant directrice d'un établissement bancaire, elle avait nécessairement l'expérience des affaires, lui permettant de résister à une éventuelle pression psychologique, et qu'en dépit du tempérament colérique de M. Y..., rien n'établit que celui-ci ait, durant la vie commune, usé de violences physiques à l'égard de son épouse ou menacé d'user de telles violences ; l'existence d'un vice du consentement ne se trouve pas dès lors suffisamment caractérisée.
Le premier juge a, par ailleurs, retenu à juste titre que l'acte de cession du 21 décembre 2003 se trouvait affecté d'erreurs matérielles, dont il a déduit, par une interprétation de la commune intention des parties, que la cession portait sur 600 (et non 60) des 1000 parts sociales de la SCI Bel Air détenues par Mme X..., correspondant à 30 % du capital social, soit les parts n° 1001 à 1600 (et non n° 101 à 160) ; en effet, l'acte de cession mentionne que le capital de la SCI s'élève à 2000 euros divisé en 200 parts de 10 euros chacune, que le cédant possède dans cette société 100 parts numérotées de 101 à 200 et que la cession porte sur 60 parts numérotées de 101 à 160, alors que le capital de la SCI Bel Air, selon les statuts en date du 8 août 2003, est de 2000 euros divisé en 2000 parts sociales de 1 euro chacune, que M. Y... est titulaire de 1000 parts numérotées de 1 à 1000 et que Mme X... possède, pour sa part, 1000 parts numérotées de 1001 à 2000 ; même si elle porte par erreur sur 60 parts n° 101 à 160 sur les 100 parts n° 101 à 200 détenues par Mme X..., la cession vise bien 60 % des parts détenues par celle-ci, c'est-à-dire, en réalité, les parts n° 1001 à 1600 au prix de 600 euros, soit 1 euro la part, qui correspond à la valeur unitaire mentionnée dans les statuts ; Mme X... ne peut dès lors prétendre que son engagement n'a pas un objet certain et même, qu'il ne porte que sur 60 parts de la SCI, alors que c'est bien 600 parts sociales qu'elle a effectivement cédées.
L'acte de cession de parts « rectificative » du 24 mars 2005, que le premier juge a annulé après avoir retenu que cet acte n'avait pas été signé par Mme X... qui n'y avait donc pas consenti, ne visait ainsi qu'à corriger les erreurs matérielles affectant l'acte de cession du 21 décembre 2003 en vue de permettre le dépôt des statuts modifiés au registre du commerce et des sociétés; il résulte à cet égard des conclusions, non contestées, de Mme F..., expert désigné par le jugement avant-dire droit du 23 juillet 2014, que la signature apposée sur la copie de la cession de parts sociales rectificative du 24 mars 2005 n'émane pas de la main de Mme X..., M. Y... ayant reconnu l'avoir signé à la place de cette dernière (sic) ; il s'ensuit que l'écrit litigieux, dépourvu de la signature de Mme X..., nécessaire à sa perfection, ne vaut pas comme acte sous-seing privé.
3-la nullité du procès-verbal d'assemblée générale du 7 octobre 2004 :
Pour contester les résultats de l'expertise diligentée par Mme F..., selon laquelle la signature « SFY... » apposée à la troisième page et les paraphes « SC » figurant sur la première et sur la deuxième page du procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 7 octobre 2004 émanent de de sa main, Mme X... communique un rapport d'expertise privé de Mme J..., expert en écritures près la cour d'appel de Colmar, qui conclut que la signature apposée sur ce procès-verbal ne peut lui être attribuée, ainsi qu'un rapport établi par M. H..., graphologue, concluant dans le même sens.
Mme F..., expert en écritures près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, qui a procédé à l'analyse de l'original du procès-verbal d'assemblée générale du 7 octobre 2004 composé de trois pages, coté par elle Q1, et l'a comparé aux échantillons de signature et de paraphes en sa possession, a cependant indiqué que l'examen physique du procès-verbal n'a pas relevé de signe de forgerie, à savoir des traces par calque, décalque ou chimique, que selon l'étude des encres, un outil scripteur a été utilisé pour l'établissement des paraphes et des signatures et que la signature et les paraphes apposés sur le procès-verbal émanent bien de Mme X... au vu de l'étude analytique effectuée, ayant mis en évidence un grand nombre de concordances structurelles et gestuelles dont certaines hautement significatives entre la signature de question Q1 et les signatures émanant de l'intéressée (sic) ; l'expert s'est livré à des investigations complètes et minutieuses et a conclu, en toute objectivité et indépendance, que Mme X... était la signataire du procès-verbal d'assemblée générale du 7 octobre 2004, conclusions d'ailleurs confirmées par M. K..., expert près la cour d'appel de Chambéry, consulté par M. Y..., dont il résulte que les analyses comparatives mettent en évidence de très nombreuses concordances sur la décomposition grammatique, sur la morphologie graphique et l'ellipsoïde des signatures comparées et que l'analyse spectrale ne permet pas de déceler une quelconque reprise de trait, hésitation ou tremblement, la vitesse étant homogène et spontanée et l'analyse de la trame du trait de la signature de question ne laissant apparaître aucune variation de pression (sic).
Le premier juge a donc justement considéré que ce procès-verbal d'assemblée générale était sincère et établissait la preuve, d'une part, de la validité de la cession des 600 parts sociales intervenue aux termes de l'acte du 21 décembre 2003 et, d'autre part, de la démission de Mme X... de ses fonctions de cogérante pour raison personnelle, à compter du 7 octobre 2004 ; l'argument de Mme X..., qui ne se trouve étayé par aucun élément, selon lequel le procès-verbal d'assemblée générale n'a pas été établi à la date du 7 octobre 2004 mais postérieurement, est dépourvu d'intérêt, alors qu'il ressort d'une attestation de Me L..., avocat au barreau de Grasse, que ce procès-verbal de l'assemblée générale du 7 octobre 2004 a été rédigé par lui (en même temps que l'acte de cession de parts rectificative du 24 mars 2005, du procès-verbal de l'assemblée générale du 24 mars 2005 et des statuts mis à jour au 24 mars 2005) ; il ressort ainsi des pièces du dossier que ce n'est qu'en mars 2005, lorsqu'a été envisagée la publicité de la cession de parts et du procès-verbal du 7 octobre 2004, que l'existence d'erreurs affectant l'acte du 21 décembre 2003 est apparue, expliquant la correction alors opérée ; enfin, la cession de parts entre associés n'était pas soumise à agrément selon l'article 10 des statuts et il importe peu, pour l'efficacité de la démission de Mme X... de ses fonctions de cogérante, démission acceptée par l'assemblée générale, que celle-ci n'ait pas été faite par lettre recommandée avec avis de réception adressée à M. Y... en sa double qualité d'associé et de cogérant.
Comme l'a retenu à juste titre le premier juge, la réalité de l'accord de Mme X... sur la cession des 600 parts sociales de la SCI Bel Air est encore corroborée par le fait que concomitamment, la Société Générale a, par avenant au contrat de prêt en date du 20 décembre 2004, accepté de décharger celle-ci de son cautionnement au titre du prêt consenti à la société.
4-la nullité de l'assemblée générale du 24 mars 2005 et des actes subséquents à la cession de parts :
M. Y... a admis avoir signé à la place de son ex-épouse le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 24 mars 2005, dont les projets de résolution étaient identiques à ceux soumis à l'assemblée générale du 7 octobre 2004 ; dès lors que Mme X... affirme, sans que M. Y... ne démontre le contraire, qu'elle n'a pas été convoquée à cette assemblée générale dans les conditions prévues à l'article 19 des statuts, elle est fondée à obtenir que soit prononcée, en l'application de l'article 1844-10 du code civil, la nullité de cette assemblée générale.
En revanche, rien ne justifie que soient annulés les statuts mis à jour le 24 mars 2005 quand bien même y serait visée la cession de parts sociales rectificative du 24 mars 2005, l'assemblée générale extraordinaire du 8 décembre 2011 ayant décidé d'une augmentation de capital à laquelle Mme X... a été régulièrement convoqué et les nouveaux statuts mis à jour après cette augmentation de capital, le 18 décembre 2011.
5-la nullité du bail à effet du 22 février 2008 :
A l'appui d'une telle demande, Mme X... fait valoir que ce bail et un faux et qu'il n'a pas été conclu dans l'intérêt de la SCI Bel Air mais dans l'intérêt exclusif de M. Y... ; pour autant, le bail litigieux, dont la date de prise d'effet correspond à celle de l'ordonnance de non-conciliation ayant attribué à M. Y... la jouissance du logement familial, propriété de la SCI Bel Air, est conforme à l'objet de la société consistant notamment en la gestion, l'administration et la disposition de biens dont elle pourrait devenir propriétaire et la consultation du site Internet www.meilleursagents.com, selon laquelle la valeur locative se situerait au Cannet, dans le quartier considéré (rue du Docteur Calmette) entre 12 et 18 euros le m², n'est pas en soi suffisante à établir que le loyer exigible pour une maison d'habitation de 221 m² est équivalent à 3315 euros par mois sur la base de 15 euros du m² et qu'ainsi, le loyer consenti pour 1500 euros mensuels ne respecte pas l'intérêt social ; en l'état, la demande d'annulation du bail ne peut qu'être rejetée, peu important que celui-ci ait été formalisé bien après le prononcé de l'ordonnance de non-conciliation.
6-la demande d'expertise aux fins d'évaluation de la valeur vénale du bien et de l'indemnité d'occupation :
Pour rejeter cette demande, le premier juge a notamment considéré que le service expertise de l'étude notariale chargée de la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux avait procédé à une évaluation du bien (dans une fourchette comprise entre 788500 euros et 871500 euros) à la date du 3 septembre 2008 ; Mme X... conteste cette évaluation, mettant en cause l'objectivité du service expertise de l'étude de Me M... et la surface de 221 m² retenue ; néanmoins, cette surface (hors loi Carrez) est celle obtenue à partir de la Shon de 260 m² existante, permettant de déterminer une surface utile de 221 m² (260 m² x 0,85), et correspond à celle déterminée par M. N..., expert foncier, dans un rapport du 6 novembre 2006; cet expert décrit le bien à évaluer comme une maison d'habitation élevée d'un étage sur rez-de-jardin et sous-sol aménagé avec piscine et jacuzzi, tenant également compte d'une cave accessible, d'un garage et de diverses pièces à usage de bureau, salle de cinéma et dressing ; l'organisation d'une mesure d'expertise apparaît en outre dépourvue d'intérêt en l'absence de dissolution de la SCI, décidée par les associés ou prononcée par le tribunal à la demande de l'un des associés, dans les conditions de l'article 1844-7 du code civil et entraînant la liquidation de celle-ci.
7-la demande d'expertise aux fins d'apurement des comptes :
Hors toute liquidation de la société découlant de sa dissolution, une telle demande d'expertise n'apparaît pas davantage justifiée.
8-la demande de Mme X... en indemnisation d'un préjudice moral et financier :
Pour solliciter la condamnation de M. Y... à lui verser la somme de 150000 euros à titre de dommages et intérêts, Mme X... invoque les innombrables faux et usages de faux faits par l'intéressé dans le but de la spolier ; il a cependant été indiqué plus haut que l'acte de cession rectificatif du 24 mars 2005 l'avait été, comme le procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire également daté du 24 mars 2005, dans le but de corriger les erreurs matérielles affectant l'acte de cession des 600 parts sociales de la SCI Bel Air du 21 décembre 2003, ce qui exclut donc, de la part de M. Y..., une intention délibérée de tromper Mme X... pour obtenir une cession, contrainte, de 30 % du capital social de la SCI ; aucune faute de nature à générer un préjudice d'ordre moral ou financier ne se trouve dès lors caractérisée de nature à engager la responsabilité délictuelle de M. Y....
9-la demande de M. Y... en paiement de la somme de 46784 euros :
Il est constant que Mme X... a effectué, de janvier à octobre 2004, dix versements de la somme de 544,51 euros chacun sur le compte ouvert au nom de la SCI Bel Air au titre de sa participation au paiement des mensualités du prêt correspondant alors à 20 % desdites mensualités, qui s'élevaient à 2722,55 euros, y compris la prime d'assurance de 327 euros couvrant les risques de décès, invalidité et incapacité temporaire de travail ; la SCI Bel Air ne disposant pas de revenus propres, il peut être déduit de ces versements que Mme X... avait pris l'engagement de rembourser une partie des intérêts du prêt, ce qu'elle n'a pas fait de novembre 2004 à décembre 2011, obligeant ainsi M. Y... à se substituer à elle ; le jugement entrepris doit dès lors être confirmé en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 46784 euros.
10-la demande de M. Y... en paiement de la somme de 89000 euros :
C'est à juste titre, par des motifs qu'il y a lieu d'adopter, que le premier juge a débouté M. Y... d'une telle demande, après avoir relevé que celui-ci ne justifiait pas avoir versé la somme de 89000 euros sur le contrat d'assurance vie Séquoia ouvert au nom de son ex-épouse.
11-les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
Succombant pour l'essentiel sur son appel, Mme X... doit être condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à M. Y... la somme de 3000 euros au titre des frais non taxables que celui-ci a dû exposer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Réforme le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan en date du 15 décembre 2016, mais seulement en ce qu'il a annulé l'acte de cession de parts rectificative du 24 mars 2005 et dit que l'apport en compte-courant d'associé de Mme X... est de 28 156,28 euros,
Statuant à nouveau de ces chefs,
Dit que l'acte de cession de parts « rectificative » du 24 mars 2005, dépourvu de la signature de Mme X..., ne vaut pas comme acte sous-seing privé,
Dit que le montant des apports en compte-courant d'associé de Mme X... s'établit à la somme totale de 28 306,38 euros,
Confirme le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions,
Y ajoutant,
Prononce la nullité de l'assemblée générale du 24 mars 2005,
Rejette la demande d'annulation du bail à effet du 22 février 2008,
Déboute Mme X... du surplus de ses demandes,
La condamne aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à M. Y... la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code,
Le greffier Le président