COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT
DU 14 JUIN 2018
No 2018/241
Rôle No No RG 17/14597 - No Portalis DBVB-V-B7B-BA7UH
Claudine Y... épouse Z...
A... Y...
B... Y...
C... Y...
Gisèle Y... épouse D...
Norbert E...
Michèle F... épouse E...
Guy G...
Christiane H... épouse G...
Nicole J...
SCI GRAMA
C/
Société civile PALMOSA
Grosse délivrée
le :
à :
K...
L...
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 30 Juin 2017 enregistrée au répertoire général sous le no 14/05674.
APPELANTS
Madame Claudine Y... épouse Z... prise en sa qualité d'héritière de sa mère, Mme Odette M..., décédée le [...] , selon acte de notaire de Me N... au CANNET
demeurant [...]
Monsieur A... Y... pris en sa qualité d'héritier de sa mère, Mme Odette M..., décédée le [...] , selon acte de notaire de Me N... au CANNET
demeurant [...]
Madame B... Y... prise en sa qualité d'héritière de sa mère, Mme Odette M..., décédée le [...] , selon acte de notaire de Me N... au CANNET
demeurant [...]
Monsieur C... Y... pris en sa qualité d'héritier de sa mère, Mme Odette M..., décédée le [...] , selon acte de notaire de Me N... au CANNET
demeurant [...]
Madame Gisèle Y... épouse D... prise en sa qualité d'héritière de sa mère, Mme Odette M..., décédée le [...] , selon acte de notaire de Me N... au CANNET
demeurant [...]
Monsieur Norbert E...
demeurant [...]
Madame Michèle F... épouse E...
demeurant [...]
Monsieur Guy G...
demeurant [...]
Madame Christiane H... épouse G...
demeurant [...]
Madame Nicole J...
demeurant [...]
SCI GRAMA prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est [...]
représentés par Me Caroline K... de la SCP DRUJON D'ASTROS BALDO etamp; ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistés de Me Vincent O..., avocat au barreau de DIJON
INTIMEE
Société civile Résidence Palmosa
poursuites et diligences de son représentant légal en exercice
dont le siège est [...]
représentée par Me Paul L... de la SCP COHEN L... YY... XX... L..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Florence PUJOL, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 06 Mars 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Dominique PONSOT, Président
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller
Madame Isabelle DEMARBAIX, Vice-président placé auprès du Premier Président
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 juin 2018 après prorogation du délibéré
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 juin 2018,
Signé par Monsieur Dominique PONSOT, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu l'ordonnance réputée contradictoire en date du 30 juin 2017 par laquelle le juge de la mise en état au tribunal de grande instance de Grasse a :
- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SCI Grama, la SCI Sierra Maestra, Mme Claudine Y... épouse Z..., M.A... Y..., Mme B... Y..., M. C... Y..., Mme Gisèle Y... épouse D..., M. Christian P..., M. Norbert E..., Mme Michèle E... née F..., M. Roland Q..., Mme Chantal Q... née R..., M. Guy G..., Mme Christiane G... née H..., la SCI Aurelouis et Mme I... J...,
- condamné la SCI Grama à payer à la société Résidence Palmosa la somme de 32.814,36 euros à titre provisionnel,
- condamné la SCI Sierra Maestra à payer à la société Résidence Palmosa la somme de 16.064,97 euros à titre provisionnel,
- condamné M. Norbert E... et Mme E... née Michèle F..., solidairement, à payer à la société Résidence Palmosa la somme de 15.038,95 euros à titre provisionnel,
- condamné M. Roland Q..., Mme Q... née Chantal R..., solidairement, à payer à la société Résidence Palmosa la somme de 23.124,14 euros à titre provisionnel,
- constaté que la société Résidence Palmosa se désiste de son instance et de son action à l'égard de Mme Bernadette S... veuve T...,
- constaté l'acceptation dudit désistement,
- dit que le désistement d'ínstance et d'action est parfait et que l'instance opposant la société Résidence Palmosa à Mme Bernadette S... veuve T... se trouve éteinte par 1'effet du désistement,
- débouté Mme Bernadette S... veuve T... de sa demande de dommages et intérêts,
- condamné la société Résidence Palmosa à payer à Mme Bernadette S... veuve T... la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que l'instance se poursuit entre la société Résidence Palmosa, d'une part, et la SCI Grama, la SCI Sierra Maestra, Mme Claudine Y... épouse Z..., M. A... Y..., Mme B... Y..., M. C... Y..., Mme Gisèle Y... épouse D..., M. Christian P..., M. Norbert E..., Mme Michèle E... née F..., M. Roland Q..., Mme Chantal Q... née R..., M. Guy G..., Mme Christiane G... née H..., la SCI Aurelouis, Mme I... J..., et M. Claude U..., d'autre part,
- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 06 novembre 2017 à 10h00 de la 1ère chambre civile B, pour clôture éventuelle et fixation à plaider,
- condamné la SCI Grama à payer à la société Résidence Palmosa la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SCI Sierra Maestra à payer à la société Résidence Palmosa la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. et Mme E..., in solidum, à payer à la société Résidence Palmosa la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. et Mme Q..., in solidum, à payer à la société Résidence Palmosa la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme Claudine Y..., épouse Z..., M. A... Y..., Mme B... Y..., Mme Gisèle Y... épouse D..., et M. C... Y..., in solidum, à payer à la société Résidence Palmosa la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. Christian P... à payer à la société Résidence Palmosa la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. Guy G... et Mme G... née Christiane H..., in solidum, à payer à la société Résidence Palmosa la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SCI Aurelouis à payer à la société Résidence Palmosa la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme I... J... à payer à la société Résidence Palmosa la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SCI Grama, la SCI Sierra Maestra, Mme Claudine Y..., épouse Z..., M. A... Y..., Mme B... Y..., Mme Gisèle Y... épouse D..., M. C... Y..., M. Christian P..., M. Norbert E... et Mme E... née Michèle F..., M. Roland Q..., Mme Q... née Chantal R..., M. Guy G..., Mme G... née Christiane H..., la SCI Aurelouis, et Mme I... J..., aux dépens de l'incident ;
Vu l'appel interjeté le 27 juillet 2017 par la SCI Grama, Mme Claudine Y... épouse Z..., M. A... Y..., Mme B... Y..., M. C... Y..., Mme Gisèle Y... épouse D..., M. Norbert E..., Mme Michèle F... E... , M. Guy G..., Mme Christiane H... épouse G..., et Mme I... J... ;
Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 25 octobre 2017 par lesquelles la SCI Grama, Mmes Claudine Y... épouse Z..., B... Y..., Gisèle Y... épouse D..., I... J..., MM. A... Y..., C... Y..., M. Norbert E..., Madame Michèle F... épouse E..., M. Guy G..., Mme Christiane H... épouse G... demandent à la cour de :
Sur l'exception d'incompétence :
- constater l'existence d'une clause compromissoire dans les statuts de la société Résidence Palmosa,
- constater la validité de la clause compromissoire et son opposabilité à la société Résidence Palmosa,
En conséquence,
- infirmer l'ordonnance du 30 juin 2017 en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence du
tribunal de grande instance de Grasse,
- déclarer incompétent le tribunal de grande instance de Grasse,
Sur le fond :
- constater l'existence de contestations sérieuses,
En conséquence,
- infirmer l'ordonnance du 30 juin 2017 en ce qu'elle les a condamnés à payer à titre provisionnel des charges à la société Résidence Palmosa,
- infirmer l'ordonnance du 30 juin 2017 pour le surplus,
- condamner la société Résidence Palmosa à payer aux appelants la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Résidence Palmosa aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 8 janvier 2018 par lesquelles la société civile Résidence Palmosa demande à la cour de :
Sur la compétence du tribunal de grande instance de Grasse :
A titre principal :
- constater au besoin dire et juger que la clause compromissoire insérée aux statuts de la société Résidence Palmosa est manifestement nulle,
- dire et juger en conséquence le tribunal de grande instance de Grasse compétent,
- rejeter l'exception d'incompétence soulevée par les intimés,
- confirmer en conséquence l'ordonnance du 30 juin 2017 en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée
A titre subsidiaire :
- constater au besoin dire et juger que la clause compromissoire insérée aux statuts de la société Résidence Palmosa est manifestement inapplicable,
- dire et juger en conséquence le tribunal de grande instance de Grasse compétent,
- rejeter en conséquence l'exception d'incompétence soulevée par les intimés,
- confirmer en conséquence l'ordonnance du 30 juin 2017 en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée
A titre infiniment subsidiaire :
- constater que les intimés ont eux même saisi le tribunal de grande instance de Grasse sans avoir recours à la clause compromissoire prévue par les statuts,
- constater et au besoin dire et juger que cette saisine constitue une renonciation expresse des intimés à se prévaloir de la clause d'arbitrage insérée aux statuts,
- dire et juger en conséquence le tribunal de grande instance de Grasse compétent,
- rejeter en conséquence l'exception d'incompétence soulevée par les intimés,
- confirmer en conséquence l'ordonnance du 30 juin 2017 en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée ;
Sur la condamnation au paiement d'une provision
- constater au besoin dire et juger que l'obligation à paiement des intimés n'est pas sérieusement contestable,
- condamner la SCI Grama au paiement d'une somme de 32.814,36 euros à titre provisionnel,
- condamner M. Norbert E... et Mme E... née Michèle F... solidairement et au besoin in solidum au paiement d'une somme de 15.038,95 euros à titre provisionnel,
- condamner M. Roland Q..., Mme Q... née Chantal R..., solidairement et au besoin in solidum au paiement d'une somme de 23.124,14 euros à titre provisionnel,
- confirmer en conséquence l'ordonnance du 30 juin 2017 ;
Pour le surplus
- débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner la SCI Grama, Mme Claudine Y..., épouse Z..., M. A... Y..., Mme B... Y..., Mme Gisèle Y... épouse D..., M. Norbert E... et Mme E... née Michèle F..., M. Guy G..., Mme G... née Christiane H..., Mme I... J... et M. C... Y... solidairement et au besoin in solidum au paiement, au titre du présent incident, d'une somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 de code de procédure civile,
- les condamner solidairement et au besoin in solidum aux entiers dépens ceux d'appel distraits au profit de la S.C.P. Cohen L... YY... XX...-L... ;
SUR CE, LA COUR,
Attendu que la société civile particulière Les Résidences Sans Souci de Cannes a été constituée, selon statuts du 13 janvier 1970, par MM. V... et ZZ... afin de construire, administrer et exploiter une maison de retraite située [...] ;
Qu'elle a connu plusieurs augmentations de capital et un changement de dénomination pour devenir la société Résidence [...] ayant pour objet social l'administration et la gestion de l'immeuble construit et utilisé comme résidence avec services 3 ème âge à Cannes ;
Que chaque part d'intérêt dans la société a donné droit aux associés à la jouissance privative d'un local déterminé de l'immeuble propriété de la société ;
Qu'en contrepartie de son droit de jouissance, chaque associé est tenu d'acquitter des charges individuelles et communes, outre les intérêts et les amortissements des emprunts souscrits par la société ;
Que courant 2013, un litige a surgi en raison de l'absence de paiement des charges par certains associés ;
Que suivant assignation du 18 septembre 2013, la SCI Grama, la SCI Sierra Maestra, Mme Claudine Y... épouse Z..., M.A... Y..., Mme B... Y..., M. C... Y..., Mme Gisèle Y... épouse D..., M. Christian P..., M. Norbert E..., Mme Michèle E... née F..., M. Roland Q..., Mme Chantal Q... née R..., M. Guy G..., Mme Christiane G... née H..., la SCI Aurelouis et Mme I... J..., ont fait assigner la société civile Résidence Palmosa, en alléguant d'anomalies dans la gestion des comptes de la société, d'un non-respect par la société de ses obligations comptables et fiscales, et d'opérations non conformes aux statuts de la société ;
Que par ordonnance de référé du 9 avril 2014, Monsieur W... a été désigné en qualité d'expert et a établi son rapport le 24 mars 2016 ;
Que par exploit d'huissier des 8, 9, 10, 11, 12, 15 et 18 septembre 2013, la société civile Résidence Palmosa a réclamé le paiement des charges qu'elle estimait dues, outre la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Que les consorts Y... et M. P... ont régularisé leur situation ;
Que la société civile Résidence Palmosa a saisi, par conclusions d'incident, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Grasse, lequel a prononcé l'ordonnance entreprise dans les termes ci-dessus rappelés ;
Sur la compétence
Attendu que les appelants reprochent à la société civile Résidence Palmosa d'avoir saisi directement le tribunal de grande instance de Grasse en violation de la clause d'arbitrage prévue par l'article 26 des statuts ; qu'ils font valoir que le juge étatique doit se déclarer incompétent, l'arbitre étant seul compétent pour statuer sur sa compétence ;
Qu'ils allèguent de l'application de l'article 2061 du code civil, tel que modifié par la loi du 18 novembre 2016, qui concerne désormais les cocontractants non professionnels ; qu'ils soutiennent que l'application immédiate de la loi nouvelle n'entraîne pas la lésion des droits acquis et est conforme à la volonté des parties ; qu'ils estiment que le juge de la mise en état a commis une erreur de qualification puisque la loi du 18 novembre 2016 réformant l'article précité est une loi de compétence et non une loi de procédure ; qu'ils allèguent que la loi qui modifie la compétence des tribunaux s'applique aux instances futures concernant des faits antérieurs et aux instances engagées avant sa promulgation ; qu'ils ajoutent que la loi nouvelle peut s'appliquer, aucune décision fond n'ayant été rendue ;
Qu'ils se prévalent de l'absence de droit pour la société civile Résidence Palmosa d'invoquer la nullité de la clause compromissoire prévue par les statuts car la nullité est fondée sur l'ordre public de protection et réservée aux personnes que la loi entend protéger, en l'occurrence la partie non professionnelle ; qu'ils considèrent que la société civile Résidence Palmosa ne peut se délier de la clause compromissoire qu'elle a elle-même prévue dans ses statuts en se retranchant derrière une nullité invoquée de manière exclusivement opportune et dont elle ne peut se prévaloir à l'égard de ses associés ;
Qu'ils affirment que la validité de la clause compromissoire n'est pas liée à l'objet social de la société et rappellent que toute société, quelle que soit sa forme juridique et la nature de son objet, poursuit nécessairement un but lucratif ;
Qu'ils déclarent que la clause est en toute hypothèse opposable aux SCI Gramma et Sierra Maestra dont les associés sont des professionnels de l'immobilier et dont l'activité immobilière est de nature professionnelle ;
Qu'ils soutiennent que les associés étaient libres de se prévaloir ou non de la clause compromissoire, et par conséquent, libres de saisir une juridiction étatique, sans qu'aucun reproche puisse leur être fait et sans qu'il soit possible d'en déduire une quelconque renonciation de leur part ;
Attendu que la société civile Résidence Palmosa invoque les dispositions de l'article 1448 du code de procédure civile et la nullité de la clause compromissoire insérée aux statuts au visa de l'article 2061 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 18 novembre 2016 ; qu'elle fait valoir qu'il appartient à l'arbitre de se prononcer sur sa compétence qu'autant que la clause compromissoire n'est pas manifestement nulle ou manifestement inapplicable ; qu'elle indique que la nullité peut être invoquée par toutes les parties ; qu'elle observe que la société civile Résidence Palmosa a été constituée par deux associés, dont l'un était retraité et l'autre agriculteur au moment de la signature des statuts, et que les associés n'exercent pas d'activité professionnelle au travers de la détention de leurs parts sociales ; qu'elle souligne que la clause n'a pas été insérée dans un contrat conclu à raison d'une activité professionnelle et que les parties ne sont pas liées par la même activité professionnelle exercée au sein de la société ;
Qu'elle conteste l'application de l'article 2061 du code civil dans sa version issue de la loi du 18 novembre 2016, rappelant les dispositions de l'article 2 du code civil et l'absence de dispositions transitoires ; qu'elle soutient que ladite loi, qui comporte 115 articles et qui a vocation à régir différents domaines, ne procède aucunement d'une loi de compétence ; qu'elle souligne que l'article 2061, inséré au chapitre II intitulé « Favoriser les modes alternatifs de règlement des différends », ne contient aucune référence à une règle de compétence et n'a pour but que de déterminer les nouvelles conditions d'efficacité d'une clause compromissoire ; qu'elle fait valoir que la présente instance a été engagée bien avant l'entrée en vigueur de la loi du 18 novembre 2016 ;
Qu'elle soutient, à titre subsidiaire, que le fait qu'un litige soit susceptible d'opposer la société à certains de ses associés ne rend pas applicable la clause compromissoire ;
Qu'elle fait valoir, à titre infiniment subsidiaire, que certains intimés ont saisi le tribunal de grande instance de Grasse d'une demande tendant à voir annuler une clause statutaire sans avoir estimé nécessaire d'user de la clause compromissoire et en déduit que les intimés, non convaincus par leur propre argumentation, n'ont pas estimé nécessaire de se soumettre à la clause litigieuse ; qu'elle considère que plusieurs associés, qui ont fait le choix dans leur propre procédure d'exclure l'application de la clause, ne peuvent raisonnablement en revendiquer l'application dans le présent litige, et que l'application distributive qu'ils entendent faire selon leur qualité de demandeurs ou de défendeurs caractérise leur mauvaise foi pour se soustraire au travers de procédés artificiels au respect de leurs obligations ;
Attendu que l'article 26 des statuts de la société civile Résidence Palmosa stipule que « toutes contestations qui, pendant la durée de la société ou de sa liquidation, pourront s'élever relativement aux affaires sociales, soit entre les associés aux mêmes, soit entre les associés et la société, soit enfin entre les associés survivants et les héritiers, ayants-droit ou représentant d'un associé prédécédé, seront d'abord soumises à un arbitre désigné par l'assemblée générale et, à défaut d'accord, deviendront de la compétence des tribunaux du lieu du siège social » ;
Qu'aux termes de l'article 1448 alinéa 2 du code de procédure civile, lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable ;
Attendu, en l'espèce, qu'il est constant qu'aucun tribunal arbitral n'a été saisi ;
Qu'il ressort de l'article 2061, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction issue de l'article 11 de la loi no 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la Justice du XXIème siècle, qu'une partie n'ayant pas contracté dans le cadre de son activité professionnelle dispose d'une option entre se prévaloir d'une clause d'arbitrage ou demander qu'elle lui soit déclarée inopposable ;
Attendu que si c'est à juste titre que les appelants font valoir que la modification ainsi apportée par la loi no 2016-1547 précitée est susceptible de s'appliquer à des contrats en cours, c'est à la condition que la mise en oeuvre de la clause compromissoire insérée au contrat intervienne postérieurement à l'entrée en vigueur de ladite loi, c'est à dire, en l'absence de dispositions transitoires contraires, postérieurement à sa promulgation et sa publication au Journal officiel ;
Qu'en l'espèce, il est constant que, l'assignation a été délivrée le 18 septembre 2013 ; qu'à cette date, la clause compromissoire était, au regard de la rédaction de l'article 2061 du code civil alors en vigueur, manifestement nulle ;
Que c'est dès lors à bon droit que le juge de la mise en état a écarté l'application et s'est déclaré compétent pour connaître du litige ;
Que l'ordonnance sera, en conséquence, confirmée de ce chef ;
Sur la provision
Attendu que les appelants sollicitent l'infirmation de l'ordonnance déférée sur la provision allouée ; qu'ils invoquent l'existence d'une contestation sérieuse ; qu'ils font valoir que la comptabilité de la société civile Résidence Palmosa ne permet pas aux associés d'apprécier l'exactitude du montant des charges et que l'absence de lisibilité comptable rend impossible l'identification de l'origine des charges, dont une partie relève d'une activité commerciale pourtant prohibée, alors que l'objet statutaire de la société doit se limiter à une activité exclusivement civile ; qu'ils affirment que la société exerce, fût-ce de façon annexe ou indirecte par le biais de prestataires externes, une activité de nature commerciale qui n'a pas été contestée par l'expert ; qu'ils estiment que le règlement intérieur est contraire aux statuts, et que dans la mesure où l'objet social de la société se limite à l'administration et à la gestion de l'immeuble construit et utilisé comme résidence avec services troisième âge, les charges que les associés doivent supporter ne peuvent être qu'en lien avec cet objet, à l'exclusion de toute charge qui pourrait naître d'une activité de nature commerciale ; qu'ils indiquent que le règlement intérieur prévoit la possibilité pour la société d'assurer à ses résidents une série de prestations de services de nature commerciale faisant l'objet de facturation auprès de prestataires indépendants extérieurs à la société, refacturées ensuite au titre de charges auprès des associés ; qu'ils considèrent que le règlement intérieur, manifestement entaché d'une cause de nullité, doit être invalidé en ce qu'il contient des dispositions radicalement contraires aux dispositions statutaires concernant l'objet social de la société ;
Attendu que l'intimée expose que l'obligation des associés de se soumettre au pacte statutaire et au règlement intérieur ratifié le 25 mars 2009 ne souffre aucune contestation sérieuse ; qu'elle rappelle les sommes dues et observe que la carence dans le paiement des charges a eu pour effet de détériorer sa trésorerie ; qu'elle souligne que des décisions ont été prises lors de l'assemblée générale du 23 mars 2016 afin de pallier la carence des associés ; qu'elle affirme que le rapport d'expertise judiciaire du 25 mars 2016 a écarté les reproches des associés tandis que la comptabilité ne souffre aucune critique ; qu'elle fait valoir qu'elle n'a pas à se soumettre aux obligations régissant les sociétés commerciales ; qu'elle déclare qu'une société civile peut réaliser des actes de commerce à titre accessoire et ne peut être considérée comme une société commerciale que si elle exerce essentiellement des actes de commerce au sens de l'article L. 110 –1 du code de commerce, ce qui n'est pas le cas ; qu'elle observe que des services doivent être proposés aux résidents lesquels règlent les prestataires indépendants qui interviennent, et que pour sa part elle ne procède ni à des encaissements ni à des appels de charges à ce titre ; qu'elle ajoute que les sommes impayées par les intimés ne comprennent pas de charges afférentes aux activités qu'ils entendent contester ; qu'elle soutient que la demande de nullité du règlement intérieur qui a pris effet le 25 mars 2009 est irrecevable comme prescrite ;
Attendu qu'en application de l'article 771-3o du code de procédure civile, le juge de la mise en état est compétent pour accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ;
Attendu que l'article 10 des statuts de la société civile Résidence Palmosa mentionne notamment :
« En contrepartie de son droit de jouissance, chaque associé sera tenu de satisfaire aux obligations et charges ci-après :
1o) charges individuelles :
Il devra supporter à ses frais, risques et périls, les charges annuelles afférentes au local dont il aura la jouissance, telles que les contributions et charges dudit local, ainsi que les réparations qui devront être nécessaires
2o) charges communes :
Chaque associé devra supporter, selon les modalités ci-après, tous les frais et toutes les dépenses, soit de gestion de la société (taxes, frais d'administration, de réunion des assemblées générales etc...) soit d'entretien ou de réfection de l'immeuble qui, d'après les stipulations du règlement intérieur, constitueront les diverses charges communes afférentes à cet immeuble. Le calcul de la partie incombant à chacun d'eux précisera les charges qui seront supportées par chaque local.
3o) Intérêts et amortissements des emprunts :
Les frais et intérêts des crédits et emprunts sont, à titre de charge du droit de jouissance susdit, supportés par les associés. Chacun paiera les intérêts et agios de la part d'emprunt affectée aux locaux dont il aura la jouissance ... » ;
Que les appelants, propriétaires de parts sociales, sont tenus d'acquitter les charges dans les conditions prévues par les statuts ;
Que le règlement intérieur approuvé le 25 mars 2009, définit les principes de gestion qui s'appliquent en ce qui concerne les services et prestations ;
Que la société civile Résidence Palmosa produit notamment à l'appui de sa demande de provision les procès-verbaux d'assemblée générale des 22 mars 2012, 20 mars 2013, 26 mars 2014, 23 mars 2016, les fiches de compte, l'attestation de la société Fiducial relativement aux sommes dues ;
Que le rapport établi le 5 mars 2016 par M. W..., expert judiciaire désigné par ordonnance du 9 avril 2014, est insuffisant pour étayer les griefs des appelants ;
Que les contestations relatives à la comptabilité de la société civile Résidence Palmosa et à la nullité du règlement intérieur ne peuvent être considérées comme sérieuses dans le cadre des demandes provisionnelles formées et justifiées ;
Qu'en conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance sur les sommes provisionnelles allouées ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Attendu que la société civile Résidence Palmosa, succombant dans ses prétentions, doit supporter les dépens de la procédure d'appel ;
Attendu que l'équité justifie de confirmer la décision déférée au titre des frais irrépétibles de première instance et de condamner les appelants à verser à l'intimée la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
CONFIRME l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la SCI Grama, Mme Claudine Y... épouse Z..., M. A... Y..., Mme B... Y..., M. C... Y..., Mme Gisèle Y... épouse D..., M. Norbert E..., Mme Michèle F... épouse E..., M. Guy G..., Mme Christiane H... épouse G..., et Mme I... J... à verser à la société civile Résidence Palmosa la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
CONDAMNE la SCI Grama, Mme Claudine Y... épouse Z..., M. A... Y..., Mme B... Y..., M. C... Y..., Mme Gisèle Y... épouse D..., M. Norbert E..., Mme Michèle F... épouse E..., M. Guy G..., Mme Christiane H... épouse G..., et Mme I... J... aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
LE GREFFIER LE PRESIDENT