COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 14 JUIN 2018
N° 2018/ 349
N° RG 17/09575
N° Portalis DBVB-V-B7B-BAR6V
S.A.R.L. A2T
C/
SAS DAB 83
Grosse délivrée
le :
à :
- Me Sylvie X..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
- Me Pierre-yves Y... de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 05 Mai 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2016F00699.
APPELANTE
S.A.R.L. A2T
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
dont le siège social est [...]
représentée par Me Sylvie X..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
et assistée de Me Benoît Z... de la SELARL CABINET FOURMEAUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMÉE
SAS DAB 83
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est [...]
représentée par Me Pierre-yves Y... de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
et assistée de Me Laëtitia A..., avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 27 Mars 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Françoise PETEL, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de:
Madame Valérie GERARD, Président de chambre
Madame Françoise PETEL, Conseiller
Madame Anne DUBOIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Lydie BERENGUIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2018
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2018,
Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Lydie BERENGUIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Selon deux actes du 10 novembre 2015, la SAS Distribution Azuréenne de Boissons 83 (DAB 83) a mis à disposition de la SARL A2T exploitant un fonds de commerce à l'enseigne «Lochness Pub» du mobilier (chaises) d'une valeur initiale de 1.440 euros et des stores d'une valeur initiale de 6.072 euros, amortissables sur une durée de 3 ans, en contrepartie d'un approvisionnement en toutes boissons commercialisées par elle.
Par courrier recommandé du 20 juin 2016, la SAS Distribution Azuréenne de Boissons 83 (DAB 83) a mis en demeure la SARL A2T de lui régler des factures impayées, des mois de mars, avril et mai 2016, pour un montant total de 14.560,42 euros.
Par acte d'huissier signifié le 2 août 2016, le fournisseur a mis en demeure l'exploitant d'avoir à reprendre ses approvisionnements, lui indiquant qu'il s'exposait au règlement de diverses sommes au titre du non amorti des mises à disposition du mobilier et des stores ainsi qu'à la restitution d'une installation pression, et lui rappelant en outre qu'il restait devoir au titre de factures de mai à juillet 2016 la somme de 14.333,34 euros.
Par acte du 30 août 2016, la SAS DAB 83 a fait assigner la SARL A2T devant le tribunal de commerce de Nice aux fins de voir prononcer la résiliation des conventions de mise à disposition amortissable, la condamner au paiement de la somme de 1.077,48 euros au titre du non amorti du mobilier et 4.554,06 euros au titre du non amorti du store, et au paiement des dernières factures impayées pour 14.333,34 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure.
Par jugement du 5 mai 2017, le tribunal de commerce de Nice :
- s'est déclaré compétent,
- a prononcé la résiliation des conventions de mise à disposition amortissables,
- a condamné l'EURL A2T au paiement de la somme de 1.077,48 euros au titre du non amorti du mobilier et de la somme de 4.554,06 euros au titre du non amorti des stores,
- a condamné la SARL A2T au paiement des dernières factures impayées pour 14.333,34 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure,
- a condamné la SAS DAB 83 à enlever, dans les 15 jours suivant la décision, l'intégralité du matériel lui appartenant situé dans la cave de l'établissement exploité par l'EURL A2T à savoir le groupe de pression-refroidissement ainsi que les fût et bonbonnes de gaz à déconsigner, ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard,
- a condamné l'EURL A2T au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Suivant déclaration du 18 mai 2017, la SARL A2T a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées et déposées le 9 novembre 2017, auxquelles il convient de se reporter par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, l'appelante demande à la cour de :
sur la réformation du jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à la demande de résiliation des conventions de mise à disposition amortissables et à la demande en paiement présentées par la Société DAB 83 :
- dire que les contrats de mise à disposition amortissables relatifs aux chaises et aux stores, signés le 10 novembre 2015, ne comportent aucune clause d'approvisionnement exclusif lui imposant de s'approvisionner en bières, sodas, eau, vins, jus de fruits, boissons aux fruits, sirop, cidre, champagne et spiritueux exclusivement auprès de la Société DAB 83,
- dire que la Société DAB 83 ne fournit en aucun cas la preuve de l'existence du quantum et de l'exigibilité de la somme de 14.333,34 euros correspondant selon elle au prix de fournitures de boissons,
en conséquence,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit aux demandes de résiliation des conventions de mise à disposition amortissables,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit aux demandes de condamnation de la Société DAB 83 au titre de factures prétendument impayées sur la seule base de la production des dites factures,
- débouter la Société DAB 83 de ses demandes inhérentes à la résiliation des contrats précités ainsi que de ses demandes consécutives en paiement à hauteur de 1.077,48 euros et 4.554,06 euros au titre de la valeur non amortie du matériel mis à disposition, de sa demande en paiement au titre de prétendues factures impayées à hauteur de 14.333,34 euros ainsi que de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
à titre subsidiaire, si par extraordinaire la Société DAB 83 devait verser aux débats les bons de commande et de livraison nécessaires à la démonstration de l'existence de sa créance,
- dire qu'elle a procédé au séquestre volontaire de la somme de 14.333,34 euros entre les mains du trésorier de la CARPA de Draguignan,
- ordonner la compensation entre le montant de la créance de la Société DAB 83 telle qu'arrêtée par la cour et les sommes accordées au titre de ses demandes reconventionnelles,
- ordonner le déblocage des montants séquestrés au profit de la Société DAB 83 à hauteur des condamnations prononcées après compensation ainsi que restitution le cas échéant, de l'intégralité du montant consigné ou du solde après compensation à son profit,
sur la réformation du jugement entrepris s'agissant de l'absence de résiliation du contrat de fourniture verbal aux torts de la Société DAB 83 et de l'absence de prise en compte de son préjudice inhérent au refus de vente :
à titre principal,
- dire que la Société DAB 83 a commis une faute engageant sa responsabilité civile en refusant d'enregistrer ses commandes et de la livrer à compter du début du mois d'août 2016,
en conséquence,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a refusé de faire droit à la demande de résiliation, aux torts de la Société DAB 83, de la convention verbale non exclusive de fourniture,
- prononcer la résiliation, aux torts de la Société DAB 83, de la convention verbale non exclusive de fourniture,
- condamner la Société DAB 83 à lui payer la somme de 16.368 euros au titre de son préjudice d'exploitation,
- condamner la Société DAB 83 à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de son préjudice d'image,
à titre subsidiaire et si par extraordinaire la cour devait considérer qu'il n'existe aucun contrat de fourniture verbal mais qu'il ne s'agit que de l'une des modalités des contrats de mise à disposition amortissable,
- dire et juger que la Société DAB 83 a commis une faute engageant sa responsabilité civile en refusant d'enregistrer ses commandes et de la livrer à compter du début du mois d'août 2016,
en conséquence,
- réformer et prononcer la résiliation des conventions de mise à disposition amortissables aux torts de la Société DAB 83,
- condamner la Société DAB 83 à lui payer la somme de 16.368 euros au titre de son préjudice d'exploitation,
- condamner la Société DAB 83 à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de son préjudice d'image,
sur la confirmation du jugement entrepris s'agissant de la condamnation de la Société DAB 83 à enlever sous astreinte le matériel mis à disposition dans le cadre de la convention de fourniture verbale et son infirmation s'agissant de l'absence de condamnation de la Société DAB 83 à lui rembourser les consignations correspondant à ces marchandises :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Société DAB 83 à enlever, dans les 15 jours suivant décision à intervenir, l'intégralité du matériel lui appartenant situé dans la cave de l'établissement qu'elle exploite à savoir le groupe de pression-refroidissement ainsi que les fût et bonbonnes de gaz à déconsigner, ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a refusé de faire droit aux demandes de la Société DAB 83 (sic) au titre des montants inhérents à la déconsignation du matériel à récupérer sous astreinte,
- débouter la Société DAB 83 de ses demandes formées dans le cadre d'un appel incident aux fins d'infirmation de la décision de première instance en ce qu'elle a condamné le fournisseur à récupérer son matériel sous astreinte,
en conséquence,
- condamner la Société DAB 83 à lui payer la somme de 510 euros au titre du montant de la consignation du matériel qu'elle devra récupérer sous astreinte,
sur la réformation du jugement entrepris s'agissant de l'absence de condamnation de la Société DAB 83 au titre des remises à l'hectolitre sur les ventes de Grolsch :
- réformer le jugement entrepris s'agissant de l'absence de condamnation de la Société DAB 83 au titre des remises à l'hectolitre sur les ventes de Grolsch,
en conséquence,
- condamner la Société DAB 83 à lui payer la somme de 1.903,90 euros au titre du solde des rétrocessions annuelles à l'hectolitre de bière Grolsch vendu pour 2016,
en tout état de cause, sur les frais irrépétibles et les dépens,
- condamner la Société DAB 83 à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Société DAB 83 aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Sylvie X..., avocat.
Par conclusions notifiées et déposées le 14 septembre 2017, auxquelles il y a lieu de se reporter en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la SAS DAB 83 demande à la cour de :
' constater que :
- les 2 mises à disposition de matériel prévoyant les approvisionnements en contrepartie ont été signées le 10 novembre 2015,
- les factures de mars, avril et mai 2016 sont demeurées impayées pour 14.560,42 euros,
- la mise en demeure du 20 juin 2016 est demeurée sans effet,
- les factures de mai, juin et juillet 2016 sont demeurées impayées pour 14.333,34 euros,
- la mise en demeure du 2 août 2016 est demeurée sans effet,
- l'approvisionnement a cessé en août 2016,
' constater que le délai de paiement de 30 jours n'a pas été respecté,
' constater que les 2 conventions et les factures attribuent la compétence au tribunal de commerce de Nice,
en conséquence,
' confirmer le jugement en ce qu'il s'est déclaré compétent,
' constater qu'elle a consenti à la SARL A2T divers avantages économiques et financiers et notamment le 10 novembre 2015 une mise à disposition amortissable :
- de mobilier pour 1.440 euros toutes taxes comprises amortissable sur une durée de 3 ans (pièce 1),
- de stores pour 6.072 euros toutes taxes comprises amortissable sur une durée de 3 ans (pièce 2),
' constater qu'en contrepartie, il a été convenu un approvisionnement exclusif en toutes boissons commercialisées par elle,
' constater qu'elle a rompu les 2 conventions brutalement,
' constater qu'elle a laissé impayées les dernières factures pour 14.333,34 euros,
en conséquence,
' confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- prononcé la résiliation des conventions de mise à disposition amortissables,
- condamné la SARL A2T au paiement de :
- 1.077,48 euros au titre du non amorti du mobilier,
- 4.554,06 euros au titre du non amorti du store,
- et au paiement des dernières factures impayées pour 14.333,34 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure,
- condamné au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
' infirmer le jugement entrepris sur l'astreinte prononcée,
' condamner la SARL A2T à payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appe1, outre les entiers dépens distraits au profit de la SELARL Lexavoue Aix-en-Provence, avocats associés.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 février 2018.
MOTIFS
Il sera préalablement constaté que la compétence du tribunal de commerce de Nice n'est plus discutée en cause d'appel.
Sur la résiliation des conventions de mise à disposition amortissable :
L'appelante soutient que les conventions de mise à disposition amortissable du 10 novembre 2015 ne prévoient qu'une seule obligation à son égard, le fait qu'elle s'approvisionne auprès de la SAS DAB 83, ce qui a été fait.
Elle fait valoir que, contrairement à ce que prétend cette dernière, lesdites conventions ne contiennent pas de clause d'exclusivité, et qu'aucune résiliation ne peut donc intervenir en raison de la violation d'une obligation qu'elle n'a en aucun cas souscrite.
Elle ajoute que, de manière curieuse, le tribunal a prononcé la résiliation à ses torts au motif qu'il existerait des arriérés de paiement, qu'en ce qui concerne les prétendus impayés, l'intimée ne produit pour en justifier qu'un extrait de sa propre comptabilité ainsi que les copies de ses propres factures, mais ne rapporte la preuve ni des commandes ni des livraisons corrélatives.
A cet égard, il ne peut effectivement qu'être constaté que la SAS DAB 83, qui n'invoque pas même d'autres éléments, ne verse aux débats, pour prétendre au paiement de la somme de 14.333,34 euros réclamée à ce titre, que les factures et documents comptables par elle établis.
Par ailleurs, à la lecture des seules conventions produites, s'il existe un engagement par la SARL A2T à, pendant la durée du prêt du matériel mis à sa disposition, s'approvisionner pour ses achats de boissons commercialisées par la SAS DAB 83 auprès de cette dernière, il n'est pas expressément prévu aux dits contrats d'exclusivité en la matière.
Dès lors, les demandes de l'intimée ne sont pas fondées, et le jugement est infirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation des conventions de mise à disposition amortissable pour défaut de paiement des factures par l'appelante, avec toutes ses conséquences.
Sur les demandes reconventionnelles :
La SARL A2T expose que la SAS DAB 83 a, de manière abusive, refusé de la fournir, de telle sorte qu'elle a subi une atteinte à son image commerciale et un préjudice d'exploitation qu'elle chiffre respectivement à 15.000 euros et 16.368 euros.
Mais l'appelante n'établit pas, par les seules pièces qu'elle produit, en l'occurrence des mails qui émaneraient de son dirigeant, la faute alléguée de refus de vente qu'elle impute à l'intimée alors que cette dernière, par un courrier du 28 juillet 2016 qu'elle lui a ensuite fait signifier par voie d'huissier de justice le 2 août 2016, l'a pour sa part mise en demeure de reprendre son approvisionnement.
Etant observé que les seules conventions de fourniture dont elle justifie sont celles figurant en contrepartie des deux contrats de mise à disposition amortissable du 10 novembre 2015, sa demande de résiliation aux torts de la SAS DAB 83 des conventions liant les parties pour ce même motif de refus de vente est rejetée.
S'agissant de la demande d'enlèvement, sous astreinte, d'un groupe de pression-refroidissement et de fût et bonbonnes de gaz à déconsigner appartenant à l'intimée, il n'y a pas davantage, en l'absence de tout élément à cet égard, d'y faire droit.
En conséquence, la demande relative aux sommes correspondant aux consignations du matériel comme d'ailleurs celle formulée au titre des remises à l'hectolitre sur les ventes de bière Grolsch, qui ne sont nullement justifiées par les pièces produites, ne peuvent également qu'être rejetées.
Sur les frais irrépétibles :
En l'espèce, il n'y a pas lieu à quelconque condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et les demandes de ce chef sont rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Déboute la SAS DAB 83 de toutes ses demandes,
Déboute la SARL A2T de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,
Condamne la SAS DAB 83 aux dépens, ceux d'appel distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT