La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/06/2018 | FRANCE | N°16/07714

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11e chambre b, 07 juin 2018, 16/07714


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

11e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 07 JUIN 2018



N° 2018/ 169













Rôle N° N° RG 16/07714 - N° Portalis DBVB-V-B7A-6QFU







SNC LIBERTE





C/



SAS IKKS GROUP





















Grosse délivrée

le :

à :



Me Thimothée X...

Me Pierre-yves Y...













Décisi

on déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 17 Mars 2016 enregistré au répertoire général sous le n° .





APPELANTE



SNC LIBERTE agissant par la personne de son représentant légal en exercice domicilié [...]



représentée par Me Thimothée X..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

11e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 07 JUIN 2018

N° 2018/ 169

Rôle N° N° RG 16/07714 - N° Portalis DBVB-V-B7A-6QFU

SNC LIBERTE

C/

SAS IKKS GROUP

Grosse délivrée

le :

à :

Me Thimothée X...

Me Pierre-yves Y...

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 17 Mars 2016 enregistré au répertoire général sous le n° .

APPELANTE

SNC LIBERTE agissant par la personne de son représentant légal en exercice domicilié [...]

représentée par Me Thimothée X..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée par Me Laurence Z..., avocat au barreau de NICE.

INTIMEE

SAS IKKS GROUP prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié [...] EN MAUGES

représentée par Me Pierre-Yves Y... de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Philippe A..., avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE substitué par Me Laurent B... avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, plaidant.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Mars 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Mme Françoise FILLIOUX, Conseiller , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de:

Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente

Mme Brigitte PELTIER, Conseiller

Mme Françoise FILLIOUX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Agnès SOULIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Juin 2018

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Juin 2018,

Signé par Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente et Mme Agnès SOULIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits et prétentions

Par acte du 5 juin 2003, la société Sofinest aux droits de laquelle est venue la SNC Liberté, a donné à bail à usage commercial à la société IKKS un local situé [...] (lots n°15/16 et 17) et [...] (lot 1 et 2)pour une surface de 195m²pour une durée de 9 ans à compter du 15 juin 2003 moyennant un loyer de 48 330€.

Par acte du même jour, Madame C... aux droits de laquelle est venue la société SCI Ukraine a donné à bail à usage commercial à la société IKKS pour le même période des locaux contigus d'une surface de 64m²situés [...].

Par acte du 27 octobre 2010, la SNC liberté a notifié à sa locataire un congé avec offre d'une indemnité d'éviction.

Par acte du 5/12/11, la société Ukraine a notifié à sa locataire un congé avec offre de renouvellement.

Par ordonnance de mise en état du 15 mai 2013, Monsieur D... expert a été désigné, il a déposé un rapport le 25 avril 2014 aux termes duquel il évalue l'indemnité d'occupation à 58 507€ par an, l'indemnité d'éviction principale à 546 525€, l'indemnité de remploi à 55 427€, indemnité pour trouble commercial à 21 000€ et l'indemnité pour double loyer à 5 800€.

Par jugement contradictoire du 17 mars 2016, le juge des loyers du tribunal de grande instance de Nice a condamné la SNC Liberté à payer à la société IKKS :

-564 721€ à titre de l'indemnité principale,

[...],

-21 000€ pour trouble commercial,

- 5 800€ au titre du double loyer

- 49 000€ au titre des frais de remise en état,

- 195 000€ au titre des frais de réinstallation,

- les frais de licenciement sur justificatifs et

et a prononcé un sursis à statuer sur le remboursement des loyers et charges du [...].

La juridiction a estimé qu'il appartenait au bailleur de justifier de l'existence d'un local disponible permettant un transfert de fond, que tel n'est pas le cas en l'espèce, que le taux de 80% du chiffre d'affaires doit être retenu pour déterminer l'indemnité d'éviction due s'agissant de produits bénéficiant d'une bonne notoriété même s'ils ne se situent pas dans la catégorie de prêt à porter de luxe, qu'il appartient également au bailleur de rapporter la preuve d'une absence de volonté de se réinstaller du locataire, que tel n'est pas le cas en l'espèce, qu'ainsi les indemnités de remploi, et de réinstallation sont dues, que les frais de licenciement ne sont pas justifiés, qu'enfin la bailleresse devra payer les loyers du local situé [...] à ceux loués et que la locataire ne peut exploiter seul. Concernant l'indemnité d'occupation, la juridiction déclare qu'il convient de retenir un abattement de précarité de 8%, aucun effet négatif sur le chiffre d'affaires de la future éviction n'étant avéré.

Par acte du 26 avril 2016, la société Liberté a interjeté appel de cette décision.

Par acte du 8 novembre 2016, la SNC Liberté a exercé son droit de repentir.

Par conclusions du 26 février 2018, la société Liberté demande à la cour de :

*infirmer le jugement de première instance,

*déclarer valable le droit de repentir,

*dire que la société IKKS ne démontre pas l'existence de démarches irréversibles pour exploiter un autre lieu,

*fixer le loyer à la valeur locative soit 60 830€HT et HC par an à compter du 8 novembre 2016, date de la signification du droit de repentir,

à défaut : *dire qu'il appartient à la partie la plus diligente de faire fixer le loyer conformément aux dispositions de l'article R145-23 du code de commerce

*dire que la SNC Liberté supportera les frais de l'instance relative à la fixation de l'indemnité d'éviction,

*débouter la société IKKS de sa demande de nullité du droit de repentir,

A titre subsidiaire : *fixer à 480 000€ l'indemnité principale ou à défaut à 546 525€

* débouter la société IKKS de ses demandes,

*réduire les frais de remploi,

*donner acte à la société Liberté qu'elle accepte les troubles commerciaux à hauteur de 21 000€ et la demande au titre du double loyer à hauteur de 5 800€

*réduire les frais de remise en état à 36 820,80€,

*réduire à 36 820,80€les frais de remise en état des lieux

* débouter la société IKKS de sa demande au titre des frais de réinstallation et de frais de licenciement,

*confirmer la décision en ce qu'elle a fixé à 60 830€ par an le montant de l'indemnité d'occupation

*condamner la société IKKS aux dépens et à une somme de 5 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose que son droit de repentir a été valablement exercé le 8 novembre 2016, que la locataire se prévaut d'un acte libellé ' notification du départ du preneur ' daté du 4 novembre 2016 mais ne démontre pas l'existence de démarches irréversibles ou d'une installation définitive dans d'autres locaux, que la cour de cassation exige une absence de précipitation suspecte de la part de la locataire, qu'en l'espèce, aucune démarche n'a été accomplie.

A titre subsidiaire, elle estime que le fond est transférable puisqu'il existe déjà deux autres points de vente IKKS à proximité, que l'expert a calculé l'indemnité d'éviction principale comme si le transfert n'était pas possible, alors qu'eu égard à la notoriété de la marque, une réinstallation est possible qu'il convient donc de se référer à l'expertise amiable qui chiffre à 480 000€ l'indemnité principale, sans perte de clientèle, que l'expert judiciaire retient un pourcentage du chiffre d'affaires trop élevé (80%) alors que 70% apparaît plus adapté, qu'il ne résulte pas des éléments du dossier que le preneur a l'intention de se réinstaller, que les devis de remise en état des lieux sont exagérés ou concernent des locaux loués à la société Ukraine, que certains frais de réinstallation ne concernent pas le local examiné et ne sont pas des frais de réinstallation mais des frais de création d'un local.

Par conclusions du 2 mars 2018, la société IKKS demande à la cour de juger nul et de nul effet le droit de repentir notifié le 8 novembre 2016 compter tenu du processus irréversible de départ engagé

de fixer l'indemnité principale à 635 311€,

L'indemnité de remploi à 61 195€

l'indemnité pour trouble commercial à 21 000€,

les frais de remise en état à 53 772,38€

les frais de réinstallation à 310 000€

de condamner la bailleresse à rembourser le loyer du local loué à la société Ukraine du 18 novembre 2016 au 14 juin 2018,

A titre subsidiaire : confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nice du 17 mars 2016 et fixer l'indemnité d'occupation à la somme de 43 560€ par an et condamner la bailleresse à lui payer la somme de 10 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que l'engagement d'un processus irréversible de départ des lieux fait obstacle à l'exercice d'un droit de repentir par le bailleur, qu'en l'espèce, elle avait réuni le comité d'entreprise pour annoncer aux salariés le départ, qu'elle a donné congé pour les locaux propriété de la SNC Ukraine, que 3 salariés ont été reclassés, que le stock a fait l'objet d'un déménagement et que des travaux de remise en état du local loué à la SNC Ukraine ont été engagés, que le droit de repentir est nul et de nul effet, même si les clés n'ont pas été restituées.

Elle soutient que l'éviction entraîne la perte du fonds en l'absence de locaux vacants à proximité permettant un transfert sans perte de clientèle, que la présence d'autres magasins IKKS dans l'agglomération est sans conséquence sur le litige, qu'il faut retenir un taux de 90% du chiffre d'affaires moyen qui correspond au fond de commerce, les produits de la marque IKKS bénéficiant d'une excellence notoriété et l'agencement correspondant à des produits haut de gamme et le chiffre d'affaires atteint un excellent niveau, que les frais de remploi ne sont pas subordonnés à des justificatifs de réinstallation mais au contraire à la preuve d'une absence d'installation qui appartient au bailleur, que ce dernier doit indemniser le preneur de son entier préjudice et notamment des loyers payés pour le local contigu, des frais de remise en état de ce local et des frais de réinstallation, que le poste frais de licenciement est sans objet, les salariés ayant été reclassés.

Elle fait valoir que l'indemnité d'occupation doit être de 43 560€, en retenant qu'il ne convient pas d'appliquer une majoration de 8% des références ainsi que le fait à tort l'expert pour tenir compte de l'impôt foncier, que la majoration de 5% pour destination contractuelle des locaux élargie ne peut être appliquée faute de clause tout commerce, qu'enfin l'abattement pour précarité doit être de 20%, qu'enfin, il convient de déduire l'impôt foncier et la taxe d'ordures ménagères mise à la charge du preneur.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 mars 2018.

Sur ce

Droit de repentir :

Attendu qu'en application des dispositions de l'article L 145-58 du code de commerce, le bailleur peut se soustraire au paiement de l'indemnité d'éviction à charge pour lui de consentir un nouveau bail, que ce droit ne peut être exercé que si le locataire est encore dans les lieux ou n'a pas engagé un processus de départ irréversible rendant impossible la continuation de l'exploitation du fond dans les lieux ;

Attendu qu'en l'espèce, le 27 octobre 2010, la société Liberté a fait notifier à la société IKKS un congé avec effet au 30 juin 2012 avec refus de renouvellement et offre d'une indemnité d'expulsion

que la locataire justifie avoir pris des dispositions pratiques pour libérer les lieux à la suite de ce congé, notamment en opérant un changement d'affectation du personnel le 31 octobre 2016 en mutant certains salariés sur d'autres magasins IKKS, en mettant en place des procédures internes ainsi que l'indique la directrice des ressources humaines du groupe qui reconnaît avoir convoqué le comité d'entreprise le 6 octobre 2016 pour le 13 octobre 2016 afin de délibérer sur les conséquences de la fermeture de la boutique, en donnant le 4 octobre 2016 congé pour le local contigu situé [...] et appartenant à la SCI Ukraine pour le 14 juin 2018, en acceptant un devis de travaux de remise en état des locaux, en annonçant le 14 octobre 2016 au personnel le planning mis en place pour libérer les lieux, et ce antérieurement à l'exercice du droit de repentir notifié le 8 novembre 2016 par la bailleresse à la locataire ;

Attendu qu'ainsi un processus progressif mais irréversible de départ des lieux a été engagé antérieurement à la notification du droit de repentir, rendant impossible la continuation de l'exploitation du fond, que le bailleur, qui avait reçu le 4 novembre 2016 une notification délivrée par la société IKKS fixant une date pour la remise des clés au 18 novembre 2016, ne pouvait l'ignorer, qu'elle avait une connaissance de la réalité des mesures prises par la locataire, qu'il y a lieu de considérer comme nul et de nul effet le droit de repentir exercé le 8 novembre 2016 quand bien même la locataire n'aurait pas encore restitué les clés ;

Attendu que le départ de la locataire organisé à compter du mois de septembre 2016 pour un congé délivré le 27 octobre 2010 avec effet au 30 juin 2012, ne peut être qualifié de précipité;

Indemnité d'éviction

indemnité principale

Attendu qu'aux termes de l'article L 145-14 du code de commerce, l'indemnité d'éviction est destinée à permettre au locataire évincé de voir réparer l'entier préjudice résultant du défaut de renouvellement, que cette indemnité comprend notamment la valeur du fonds de commerce déterminée suivant les usages dans la profession, augmentée des frais de déménagement et de réinstallation et des droits de mutation ;

Attendu qu'un fonds est transférable lorsque l'abandon du local dont la locataire est évincée est sans conséquence sur la perte de clientèle en raison de la renommée de l'exploitant ;

Attendu qu'en l'espèce, le bailleur ne rapporte pas la preuve d'une possibilité pour la locataire de se réinstaller à une faible distance lui permettant de conserver sa clientèle et ce d'autant que l'emplacement est situé dans le 'carré d'or' niçois, dans l'hyper centre avec une commercialité qualifiée par l'expert de privilégié, dans un secteur où les locaux offrant une surface similaire sont peu nombreux que de surcroît, deux autres boutiques concurrentes exploitant la même marque sont installées dans l'agglomération niçoise dont une située à quelques centaines de mètres du local, objet de l'éviction et sont de nature à capter une partie de la clientèle de la locataire, que le bailleur ne rapporte pas la preuve que des locaux permettant une réinstallation sans perte de clientèle sont disponibles dans un secteur proche de ceux dont la locataire est évincée, que la société IKKS doit être indemnisée de la valeur de son fond de commerce ;

Attendu que la locataire exerçait son activité également dans un local appartenant à une bailleresse distincte qu'en raison de l'impossibilité de poursuivre son activité dans ce seul local, l'indemnité d'éviction doit prendre en compte la totalité du préjudice subi en raison du caractère indivisible de l'exploitation ;

Attendu que le juge de première instance a, avec raison, retenu un coefficient de 80% en soulignant que les produits IKKS s'ils se situent dans le segment moyen-haut de gamme ne peuvent néanmoins être rattachés au secteur du prêt à porter de luxe, que la marque bénéficie d'une certaine notoriété que l'agencement réalisé dans la boutique est en parfait état et que la commercialité est qualifiée de bonne bien qu'inférieure à celle de l'avenue Médecin située à proximité, que le taux de 80% doit être confirmé ;

Attendu que l'indemnité principale doit s'apprécier à la date à laquelle la juridiction statue et selon un pourcentage du chiffre d'affaires annuel, qu'il convient, ainsi que l'a fait le juge de première instance, d'intégrer au calcul de l'expert le chiffre d'affaires pour l'année 2014, permettant d'obtenir une indemnité principale de 564 721€ ;

Frais de remploi

Attendu que ces frais sont destinés à permettre au locataire évincé de faire face aux frais inhérents à l'achat d'une autre fonds d'une valeur équivalente, qu'en l'espèce, il n'est pas justifier que le locataire envisage de cesser son activité, qu'il convient de confirmer la décision de première instance qui a alloué la somme de 57 429,31€ ;

Trouble commercial

Attendu que cette indemnité correspond au préjudice subi par la locataire pendant la période de déménagement et de réinstallation, qu'il convient de confirmer la décision de première instance qui a fixé à 21 000€ cette indemnité ;

Double loyer :

Attendu que le bailleur ne conteste pas devoir l'indemnité pour double loyer de 5 800€ allouée en première instance ;

Sur les loyers et charges dus à la société Ukraine

Attendu que la société IKKS a pris également à bail un local situé [...] de deux étages et de 30m² par étage à la société Ukraine qui lui a notifié le 5 décembre 2011 un congé avec offre de renouvellement et qu'elle a dû informer le 24 octobre 2016 de sa volonté de quitter les lieux pour la fin de la période triennale soit le 14 juin 2018, que les locaux sont réunis intérieurement et exploité conjointement, le seul escalier pour rejoindre le premier étage de ce local est installé dans les locaux de la SNC Liberté, que la société IKKS ne peut maintenir son activité dans un espace aussi restreint mais qu'elle devra assumer les loyers et charges inhérents à ce local jusqu'en juin 2018 ; que la société Liberté doit indemniser sa locataire de l'ensemble des préjudices résultant de l'éviction ; qu'il convient de condamner la société Liberté à rembourser à la société IKKS les loyers et charges dus à la SCI Ukraine jusqu'au 14 juin 2018 sur présentation de justificatifs ;

Sur les frais de remise en état du local contigus

Attendu que le bail conclu avec la société Ukraine mettait à la charge de la locataire les travaux de reconstruction d'une séparation entre les deux locaux , que l'attestation notariale de la SCI Ukraine mentionne un local composé de deux pièces superposées reliées par un escalier, que l'expert a noté que les locaux ne disposent que d'un seul escalier situé dans les locaux appartenant à la société Liberté, que la locataire doit donc assumer les frais de réinstallation d'un nouvel escalier dans les locaux appartenant à la SCI Ukraine , que l'expert note outre l'obligation de reconstruire une cloison, celle de modifier l'installation électrique et l'installation de climatisation pour les adapter à la nouvelle configuration ;

Attendu que la locataire fournit trois factures la première datée du 18 octobre 2016portant sur des travaux de remise en état pour un montant de 14 000€, une deuxième du 14 novembre 2016 mentionnant exactement les mêmes travaux de remise en état pour une somme de 28 000€, une deuxième datée du 16 décembre 2016 portant sur le remplacement du vitrage pour un montant de 11 771,18€, que le coût exact des travaux entrepris par la société IKKS s'élève à la somme totale de 25 771,18€ ;

Sur les frais de réinstallation

Attendu qu'il appartient au bailleur de rapporter la preuve du défaut de réinstallation du locataire pour s'exonérer de ces frais, que tel n'est pas le cas en l'espèce ; que le simple fait que la locataire ne soit pas réinstallée est insuffisant pour établir une volonté de cesser toute activité commerciale;

Attendu que la locataire doit être indemnisée de l'ensemble des frais nécessaires pour se réinstaller dans des nouveaux locaux, que la locataire évincé va en l'espèce supporter des frais de réinstallation coûteux en rapport avec les aménagements abandonnés dont le parfait état avait été souligné par l'expert ;

Attendu que le bailleur doit supporter les adaptions des locaux entrepris par la locataire et nécessaires à son activité afin de pouvoir accueillir la clientèle dans des bonnes conditions, qu'il s'agit de dépenses induites par la nécessité de transférer le fonds ;

Attendu que la société IKKS produit des devis pour l'installation d'un magasin similaire en région parisienne pour un montant de 1 368€ le m², que toutefois il résulte de l'examen du devis produit que la société Métamorphose a été mandatée pour réaliser des travaux d'envergure comprenant notamment la reprise des enduits et des linteaux, la réalisation d'une chape au sol et d'une modification de la façade ainsi que la pose de cloisons et d'un faux plafond ; qu'il convient ainsi que l'a fait le juge de première instance de réduire à 1 000€ le m ² les frais d'adaptation des locaux au commerce de la société IKKS, qu'il n'y a pas lieu d'inclure les m² des locaux loués à la société Ukraine, qu'il convient de confirmer la décision de première instance qui a évalué à 195 000€ les frais de réinstallation ;

Indemnité d'occupation

Attendu que la valeur d'occupation doit correspondre à la valeur locative de renouvellement non déplafonné des locaux dans leur état actuel, qu'un abattement est pratiqué pour tenir compte de la précarité de l'occupation ;

Attendu que la locataire ne justifie pas des circonstances particulières autorisant l'application d'un abattement à hauteur de 30% ;

Attendu que l'expert a relevé que s'agissant d'un magasin de prêt à porter avec une rotation rapide des stocks, l'éviction n'a pas fortement perturbé l'approvisionnement et l'activité, affirmation corroborée par la progression du chiffre d'affaires entre 2010 et 2013 ; que l'abattement de 8% retenu par le premier juge doit être maintenu pour tenir compte de l'aléa qui constitue la procédure d'éviction ;

Attendu que la destination des locaux donnés à bail pour un usage de 'équipement de la personne et de la maison ' justifie une majoration de 5% ; même s'il n'est pas contesté qu'il ne s'agisse pas d'une clause tout commerce, que néanmoins il convient de tenir compte des multiples possibilités de commerce offertes par cette clause ;

Attendu que l'expert a appliqué une majoration de 8% aux références pour lesquelles le locataire assumait le coût de l'impôt foncier au motif qu'il s'agit d'une charge exorbitante de droit commun, qu'en effet, le paiement de la taxe foncière s'apparente à une supplément de loyer dont le preneur doit assumer le coût, que la valeur locative du secteur est évaluée à 600€ le m², soit 630€ le m² après application d'une majoration de 5% en raison d'une clause de destination élargie, soit une valeur locative annuelle pour le local considéré de 69 600€, réduite à 64 032€ après application de l'abattement pour précarité de 8% ; soit la somme de 59 899€ après déduction de la taxe foncière ; qu'il n'y a pas lieu de déduire la taxe d'ordures ménagères qui est habituellement assumée par le locataire ;

Attendu qu'aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Attendu que la recherche de la valeur locative des locaux ayant été faite dans l'intérêt des deux parties, il convient de faire masse des dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire et de dire que chaque partie en supportera la moitié ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire

Déclare nul et de nul effet le droit de repentir exercé le 8 novembre 2016 par la bailleresse,

Confirme le jugement de première instance concernant l'indemnité principale, les frais de remploi, l'indemnité au titre du trouble commercial, au titre du double loyer, et au titre des frais de réinstallation,

Infirme pour le surplus,

Condamne la société Liberté a payer à la société IKKS la somme de 25 771,18€ au titre des frais de remise en état,

Condamne la société Liberté à rembourser à la société IKKS les loyers et charges dues à la SCI Ukraine jusqu'au 14 juin 2018 sur présentation de justificatifs,

Condamne la société IKKS à payer la somme de 59 899€ par an au titre de l'indemnité d'occupation des locaux sis [...] à compter du 1er juillet 2012 et jusqu'à libération effective des locaux

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Rejette toute autre demande.

Fait masse des dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire et ceux de première instance et dit que chaque partie en supportera la moitié.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 11e chambre b
Numéro d'arrêt : 16/07714
Date de la décision : 07/06/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence B1, arrêt n°16/07714 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-07;16.07714 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award