COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 25 MAI 2018
N° 2018/
RG 15/20838
N° Portalis DBVB-V-B67-5WTK
SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE -ESPS-
C/
Adeline X...
Grosse et copie délivrées le :
à :
-Me Guillaume Y..., avocat au barreau de PARIS
- Me Roger Z..., avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section C - en date du 29 Octobre 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/107.
APPELANTE
SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE (ESPS), venant aux droits de la Sté HOPITAL SERVICE SFGH, demeurant [...]
représentée par Me Guillaume Y..., avocat au barreau de PARIS substitué par Me Julie A..., avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0022
INTIMEE
Madame Adeline X..., demeurant [...]
représentée par Me Roger Z..., avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Stéphanie B..., avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 20 Mars 2018 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre
Madame Hélène FILLIOL, Conseiller
Madame Virginie PARENT, Conseiller qui a rapporté
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2018.
ARRÊT
CONTRADICTOIRE,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2018.
Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Adeline X... a été engagée en qualité d'agent de services AS 1A :
- suivant contrats à durée déterminée, dans la période comprise entre le 29 novembre 2010 et le 30 mars 2012 par la société HOPITAL SERVICE,
- suivant plusieurs contrats à durée déterminée dans la période comprise entre le 2 avril 2012 et le 31 octobre 2013 par la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE, société absorbante de la société HOPITAL SERVICE à compter du 1er avril 2012
- par contrat à durée indéterminée la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE en date du 1er novembre 2013.
La salariée est affectée sur le site de l'APHM de Ste Marguerite à Marseille.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la Convention Collective Nationale des entreprises de propreté.
Estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, Adeline X... a saisi le 15 janvier 2014 le conseil de prud'hommes de Marseille, qui par jugement du 29 octobre 2015 a :
- condamné la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE, prise en la personne de son représentant légal en exercice à payer à Mme X... Adeline les sommes suivantes :
* 4 587,31 € au titre de rappel de prime du 13ème mois de 2011 à 2014 inclus,
* 458,73 € à titre de congés payés afférents,
* 1 000 € à titre de l'Article 700 du Code de Procédure Civile.
- les Conseillers n'ayant pu se départager sur l'ensemble des autres demandes de Mme Adeline X..., renvoyé à l'audience du Mercredi 24 Février 2016 à 09 H 45, en application de l'article L 1454-2 du code du travail.
- débouté la partie défenderesse de sa demande reconventionnelle.
- dit que la moyenne des 3 derniers mois de salaire s'élève à 1 529,10 €
- condamné la partie défenderesse aux entiers dépens
Le 17 novembre 2015, la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE demande de:
- rejeter toutes fins, moyens et conclusions contraires,
-recevoir la société ELIOR SERVICE PROPRETE ET SANTE en son appel et le dire bien- fondé,
Statuant à nouveau,
-réformer le jugement dont appel,
-dire et juger les demandes mal fondées et non justifiées,
- débouter la demanderesse de ses plus amples demandes fins et conclusions.
-ordonner le remboursement des sommes versées à tort en première instance et à titre subsidiaire, ordonner la compensation entre les sommes versées en première instance et les éventuelles condamnations en cause d'appel et au besoin, ordonner le remboursement des sommes versées en excédent,
- la condamner à la somme de 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens.
Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, Adeline X... demande de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fait droit à la demande de prime de 13e mois et de l'article 700 du CPC, le réformant pour le surplus et statuant à nouveau :
SUR L'INEGALITE DE TRAITEMENT :
1 - Sur la prime de 13e mois
A - Accordée par contrat sur la clinique d'Echirolles (Isère) :
Vu l'attribution par la société d'une prime de 13e mois accordée par contrat de travail lors de l'embauche à compter du 1er juillet 2010 aux salariés affectés sur la clinique des Cèdres à Echirolles à la suite l'externalisation des prestations de nettoyage, hors application de plein droit de l'article L.1224-1 du code du travail. (Pièces 1 à 6)
- constater que cette prime est attribuée par contrat à des salariés agents de services relevant de la même catégorie professionnelle que les concluants lesquels sont placés dans la même situation juridique au regard de la prime, et exercent des fonctions équivalentes ou de valeur égales.
- constater que l'attribution du 13e mois l'a été en sus de la rémunération mensuelle de base sans condition ni critère.
B - Accordée unilatéralement sur la polyclinique de Narbonne:
-constater par ailleurs le versement par l'employeur de manière unilatérale d'une prime de 13e mois pour les salariés agents de service affectés sur le site de la polyclinique de Narbonne dont le travail est équivalent aux requérants et de valeur égale, et ce depuis décembre 2012 comme en justifient les bulletins de paie de salariés de ce site. (pièces 9 à 17)
- constater que l'attribution en 2012 de cette prime aux salariés du site de la polyclinique de Narbonne qui court jusqu'à ce jour qui n'était justifiée par aucune condamnation en justice même par provision à leur profit, ne l'a été que par le bon vouloir de l'employeur.
- constater que le(s) salarié(e)s concluant(e)s qui ne bénéficie(ent) pas de prime équivalente à un 13e mois comme leurs collègues de travail alors qu'ils appartiennent à la même entreprise sont bien victimes d'une inégalité de traitement.
En tout état de cause quel que soit le fondement retenu
- condamner la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE, en conséquence de l'engagement contractuel et/ou unilatéral de l'employeur et à titre subsidiaire par protocole de fin de conflit d'avoir à payer à Madame Adeline X... la somme de 7 950,90 € à titre de rappel de prime de 13e mois couvrant la période de 2011 à 2017
2- Sur la prime d'assiduité (demande nouvelle en cause d'appel);
Vu le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 portant réforme de la procédure prud'homale qui ne met fin à l'unicité de l'instance que pour les demandes en justice déposée après le 1er août 2016
Vu la date de saisine du Conseil de prud'hommes par Madame X...
Vu les articles R. 1452-6 à R. 1452-8 du code du travail et la jurisprudence sur la recevabilité des demandes nouvelles en cause d'appel
1- sur la prime d'assiduité pour la période courant de janvier 2011 au 31 mai 2014 :
Vu les contrats de travail et bulletins de paie de Mesdames C... D..., E... Marie-France épouse F...; (Pièces 25 et 26 et 29 à 31)
- constater que ces salariés recrutés directement par la société HOPITAL SERVICES bénéficient d'une prime d'assiduité de 200 € par an pour un temps plein versée au prorata de leur temps de présence.
- dire et juger qu'il s'agit d'un engament unilatéral de l'employeur qui doit justifier de raisons objectives et pertinente pour refuser d'étendre cette prime aux autres salariés de l'entreprise placés dans la même situation juridique et exerçant un travail égal ou de valeur égale.
-constater que Mesdames G... Marguerite et H... Francine, agents de services, recrutées et ou reprises par la société HOPITAL SERVICES qui ne perçoivent pas ces avantages alors qu'ils appartiennent à la même entreprise, travaillent également dans des établissements de santé, et exercent les mêmes fonctions ou de valeurs égales, sont bien victimes d'une inégalité de traitement.
- condamner la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE d'avoir à payer Madame Adeline X... la somme de 558,12 € à titre de rappel d'une prime d'assiduité pour la période courant de janvier 2011 à mai 2014.
2 - sur la prime d'assiduité pour la période courant du mois de juin 2014 à juin 2017 :
Vu l'externalisation du marché de nettoyage des locaux de la clinique Axium à Aix-en-Provence, le 1er: juin 2014 ;
Vu l'embauche par la société ELIOR SERVICES en date du 1er juin 2014 de tous les salariés issus de la clinique Axium à Aix-en-Provence en application volontaire et non de plein droit de l'article L.1224-1 du code du travail et ce dans le cadre de l'externalisation du marché de nettoyage
Vu les contrats de travail et les bulletins de paie (Pièces 34 à 42)
- constater que la société ELIOR SERVICES a accordé à ces salariés par contrat, une prime d'assiduité anciennement appelée de fidélité d'un montant de 144,54 € mensuellement.
- condamner la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE d'avoir à payer à Madame Adeline X... la somme de 522,64 € à titre de rappel d'une prime d'assiduité pour la période courant de juin 2014 à décembre 2017.
En tout état de cause
-condamner la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à payer à Madame Adeline X... la somme de 2000 € par salarié au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
-dire et juger que les sommes allouées porteront intérêts de droit à compter de l'introduction de la présente instance, en application de l'article 1153-1 du code civil et anatocisme, en application de l'article 1154 du code civil.
- condamner la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE aux entiers dépens
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de prime 13 mois
Adeline X... sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a fait droit à sa demande de prime 13ème mois et demande également la condamnation de son employeur à lui payer une somme de 7950,90 € à titre de rappel de prime de 13èmois pour la période de 2011 à 2017.
La cour observe que le conseil de prud'hommes lui a alloué une somme de 4587,31 € pour la période de 2011 à 2014, de sorte que sa demande à hauteur de 3363,59 € s'analyse en une demande nouvelle.
Au soutien de cette demande, la salariée fondant celle-ci sur le principe de l'égalité de traitement, fait valoir que l'employeur doit lui verser cette prime, dans la mesure où ce versement a fait l'objet :
- d'une attribution contractuelle aux agents de service de la clinique d'Echirolles (38)
- d'une attribution unilatérale depuis 2012 aux agents du site de la clinique de Narbonne
A titre subsidiaire, elle indique que l'employeur a mis en place cette prime au terme d'un protocole de fin de conflit suite à des grèves sur l'hôpital de Montpellier.
Elle affirme que les dispositions de l'article L 1224-3-2 du code du travail relatives au transfert conventionnel de salariés entre deux entreprises de nettoyage en cas de perte de marché ne sont pas applicables en l'espèce car la prime de 13ème mois a été accordée par l'employeur à des agents de service par contrat de travail lors de leur recrutement.
S'agissant des salariés de la clinique les Cèdres à Echirolles, elle rappelle que :
- le 1er juillet 2010, la société HOPITAL SERVICE reprenant le service de nettoyage de la clinique des Cèdres à Echirolles (Isère) a accordé aux salariés recrutés dans le cadre de l'externalisation de ses services une prime de 13ème mois,
- qu'il a été fait une application volontaire de l'article L 1224-1 du code du travail, le transfert du contrat de travail des salariés résultant de la seule volonté de l'employeur qui a choisi volontairement d'engager les salariés précédemment affectés au service ayant fait l'objet d'une externalisation, si bien que le consentement de chaque salarié a été requis ;
- que dans une telle hypothèse, la différence de traitement entre les salariés transférés dans le cadre d'une externalisation ne remplissant pas les conditions de plein droit de l'article L 1224-1 du code du travail et les autres salariés de l'entreprise n'est pas justifiée, puisque c'est l'employeur lui même qui est à l'origine de l'inégalité de traitement ;
- que l'attribution d'une prime de 13ème mois aux agents d'exploitation anciennement salariés de la clinique d'Echirolles est donc un engagement contractuel de l'employeur ;
- que ce dernier qui refuse d'étendre cette prime à la requérante appartenant à la même catégorie professionnelle, placée dans la même situation juridique, travaillant dans un établissement de santé et exerçant un travail égal ou de valeur égale, n'apporte pas ici la preuve matériellement vérifiable des raisons objectives et pertinentes justifiant que cette prime de 13ème mois soit réservée aux seuls salariés de la clinique Echirolles dans l'Isère ;
- que la clause prévoyant l'attribution de cette prime ne relate pas les critères et conditions de son attribution , il n'est pas mentionné qu'elle est versée pour compenser une sujétion particulière ou pour exercer des fonctions ou des tâches spécifiques non comprises dans le salaire mensuel, de sorte qu'elle est ni plus ni moins qu'un complément de salaire.
S'agissant de l'attribution par l'employeur d'une prime 13ème mois aux agents de service de Narbonne, elle rappelle :
- qu'en 2011, un groupe de 35 salariés a engagé une procédure contre la société HOPITAL SERVICE absorbée par la société ESPS pour obtenir le versement d'un 13ème mois, en vertu de l'inégalité de traitement par rapport à ceux de l'agence de Montpellier qui avaient obtenu un 13ème mois à la suite d'une grève ;
- que la cour d'appel de Montpellier par arrêt du 26 mars 2014 a confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Narbonne faisant droit aux demandes des salariés ;
- que la société ESPS a spontanément et unilatéralement mis en place pour un autre groupe de 10 salariés affectés à la clinique de Narbonne, la prime de 13ème mois, en dehors de toute décision de justice rendue en ce sens,
- que la société ESPS ne peut expliquer valablement au vu des pièces qu'elle produit, cette décision par une erreur ;
- qu'ainsi, selon elle, cette décision prise spontanément et sans contrainte par la direction de la société ESPS justifie de plus fort l'inégalité de traitement
La société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE s'oppose à cette demande et expose que:
- la salariée ne peut se prévaloir de la prime de 13ème mois octroyée aux salariés du site de la clinique d'ECHIROLLES, car elle résulte du seul maintien des conditions de travail des salariés transférés de plein droit en application de l'article L 1224-1 du code du travail et ne peut donc bénéficier aux salariés dont le contrat de travail n'a pas été transféré
- à titre subsidiaire, le transfert des salariés de l'établissement d'ECHIROLLES a fait l'objet d'une application volontaire des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail, de sorte que la relation contractuelle s'est poursuivie aux conditions antérieures
- la prime de 13ème mois versée aux salariés de la clinique d'ECHIROLLES a pour origine la convention collective applicable au personnel de la clinique d'ECHIROLLES initialement employé par la société SODEXO avant d'être transféré vers la société ESPS, la convention collective applicable étant celle de la restauration collective en date du 20 juin 1983
- la Convention Collective Nationale de la propreté applicable à la société ESPS ne prévoit quant à elle pas de prime 13ème mois équivalente
- la société ESPS a repris le marché de nettoyage sur la clinique d'ECHIROLLES et les salariés qui y étaient affectés
- les conventions tripartites de transfert pour les salariés ainsi transférés de SODEXO vers ESPS mentionnent que le statut, les avantages individuels et la rémunération de Mme... constituent des éléments de son contrat de travail qui ne pourront être modifiés sans son accord et qui sont détaillés dans le contrat de travail et son annexe
- tous les avantages contractualisés avant la date du transfert doivent primer sur les dispositions de la convention collective de propreté applicable postérieurement conformément aux dispositions de l'article L 2254-1 du code du travail, de sorte que Mme X... embauchée postérieurement aux salariés ne peut se prévaloir de la prime de 13ème mois qui leur a été maintenue sur le fondement des dispositions précitées.
- s'agissant des salariés du site de NARBONNE, Mme X... ne peut se prévaloir de la prime de 13ème mois accordée par erreur à ceux-ci, le service paye de la société ESPS ayant opéré une confusion entre les salariés ayant saisi le conseil de prud'hommes de Narbonne et ceux ayant bénéficié de l'arrêt du 26 mars 2014 de la cour d'appel de Montpellier faisant droit à leurs demandes
- ces salariés ont d'ailleurs fait l'objet d'une décision ultérieure de la cour d'appel de Montpellier en date du 20 janvier 2016.
En application de l'article 1315 du code civil, il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal' de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, c'est à dire de démontrer qu'il se trouve dans une situation identique ou similaire à celui auquel il se compare. Lorsque le salarié démontre être dans une situation identique ou similaire à celui auquel il se compare, il incombe alors à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.
Il n'est pas discuté que la société HOPITAL SERVICE a fait l'objet d'une fusion par absorption par la société ESPS avec effet au 1er avril 2012 et que Mme X... a été recrutée par la société HOPITAL SERVICE, de sorte qu'elle peut se comparer, s'agissant des primes acquises au salariés recrutés du temps de cette société.
La cour constate que les 3 salariées de la clinique d'ECHIROLLES (Mme I..., Mme J... et Mme K...) avec lesquelles elle se compare ont été embauchés par contrat à durée indéterminée respectivement les 1er juillet 2010, 26 juin 2010 et 2 juillet 2010 par la société HOPITAL SERVICE alors qu'elle -même a été recrutée à compter du 29 novembre 2010 par la société HOPITAL SERVICE (et non le 1er février 2016 par la société ESPS tel qu'évoqué par l'employeur). Ces 3 salariées bénéficiaient toutes 3 d'une prime de 13ème mois, ce qui n'est pas son cas.
Il n'est pas discuté que Mme I..., Mme J... et Mme K... exerçent des fonctions identiques aux siennes, un travail identique ou à tout le moins de valeur égale et bénéficient de la même classification (agent de service AS1) ;
Il est donc démontré par Mme X... qu'elle se trouve dans une situation similaire à celle de ces dernières.
La société ESPS soutient à tort que Mme I..., Mme J... et Mme K... ont fait l'objet d'un transfert de leurs contrats de travail en application de l'article L 1224-1 du code du travail.
En effet, il convient de rappeler que L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001 est applicable en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels qui poursuit un objectif économique propre ; la perte d'un marché ne peut suffire, en l'absence de transfert d'éléments d'exploitation corporels ou incorporels significatifs, à entraîner un changement d'employeur relevant de ce texte ;
En l'espèce, s'agissant de la reprise des salariés anciennement embauchés par la société SODEXO sur le site de la clinique d'ECHIROLLES, la société ESPS ne rapporte pas la preuve d'une reprise d'une entité économique dans le cadre d'une perte de marché en application de l'annexe 7 de la convention collective de propreté.
Bien plus, il est à juste titre relevé par Mme X... que les contrats de travail de Mme I..., Mme J... et Mme K... portent la mention suivante :
'suite à la reprise de la prestation de bio-nettoyage et des services hôteliers par la société HOPITAL SERVICE , les dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail ne pouvant recevoir application de droit en l'espèce, il a été proposé à Mme.... de bénéficier d'un transfert de son contrat de travail au sein de la société HOPITAL SERVICE à compter du 1er juillet 2010, ce transfert vaut rupture d'une commun accord du contrat de travail d'origine de Mme.... avec Sodexo et conclusion d'un nouveau contrat de travail à durée indéterminée sans période d'essai avec la société HOPITAL SERVICE'
La société ESPS affirme donc vainement que ce transfert a été effectué de droit. Ce moyen doit donc être écarté.
Pas davantage, la société ESPS ne peut valablement arguer de conventions tripartites signées par la société ESPS portant maintien des avantages acquis par les salariées auprès de leur ancien employeur, en produisant des accords tripartites (apparemment signés en 2014, seule la première page étant produite) de transfert des contrats de travail de Mme L..., Mme M..., Mme N..., signés avec celles-ci et la clinique l'AXIUM, leur ancien employeur, documents totalement étrangers à l'embauche en 2010 des salariés Mme I..., Mme J... et Mme K... par la société HOPITAL SERVICE pour exercer leurs fonctions à la clinique d'ECHIROLLES.
La société ESPS fait valoir qu'il y a eu application volontaire de l'article L 1224-1 du code du travail concrétisant le changement d'employeur et assurant la poursuite du contrat de travail des salariés aux conditions initiales.
La garantie donnée par la société ESPS aux salariés recrutés par elle, s'agissant des conditions de rémunération dont ils bénéficiaient auprès de leur ancien employeur, n'enlèvent toutefois pas le caractère purement volontaire dans ce cas présent des avantages, tel que la prime de 13ème mois, l'employeur ne démontrant pas y être contraint.
Il s'en suit que l'employeur a volontairement attribué une prime de 13ème mois aux salariés Mme I..., Mme J... et Mme K... .
Il est exactement relevé par Mme X... que la clause d'attribution de la prime de 13ème mois ne relate pas les critères et les conditions d'attribution, ne précise nullement qu'elle est versée pour compenser une sujétion particulière ou pour exercer des tâches spécifiques non comprises dans le salaire mensuel.
En conséquence, à défaut pour l'employeur de justifier par des éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence de traitement , Mme X... est fondée à réclamer l'allocation d'une prime de 13ème mois pour la période de 2011 à 2017 et donc la somme de 7950,90 €, ce quantum ne faisant l'objet d'aucune discussion de la part de l'employeur. La cour confirmera en conséquence le jugement condamnant la société ESPS à payer un rappel de prime pour les années 2011 à 2014 inclus et condamne l'employeur à payer à Mme X... la somme de 3363,59 €pour les années 2015 à 2017.
A bon droit cependant la société ESPS objecte à Mme X... qu'elle ne peut prétendre à indemnité de congés payés à ce titre. En effet, le treizième mois de salaire est calculé pour l'année entière, période de travail et de congé confondues, et est exclu du calcul de l'indemnité de congés payés. Il convient donc de rejeter la demande en paiement d'une indemnité de congés payés sur le rappel de rémunération accordée à ce titre. La cour infirmera le jugement sur ce point.
Sur la prime assiduité
Il s'agit là d'une demande nouvelle dont la recevabilité par la cour ne fait l'objet d'aucune discussion.
Mme X... formule deux demandes de rappel de prime d'assiduité pour 2 périodes distinctes:
- de janvier 2011 au 31 mai 2014 : à raison de 200 € par an
- de juin 2014 à décembre 2016 ; à raison de 144,54 € par mois
Fondant ces demandes sur l'inégalité de traitement, elle entend se prévaloir pour sa première demande de l'engagement unilatéral et contractuel de l'employeur de versement d'une prime d'assiduité à hauteur de 200 € par an pour d'autres salariés travaillant sur La Casamance à Aubagne et pour sa deuxième demande, sur l'engagement unitatéral de l'employeur de versement à partir de juin 2014 d'une prime de 144,54 € par mois pour les salariés travaillant sur la clinique l'Axium d'Aix en Provence.
Sur la demande portant sur la période 2011 à 2014
Mme X... relève que le site de la Casamance à Aubagne est un établissement hospitalier et qu'à la lecture de nombreuses fiches de paie de salariés y exerçant, ces derniers perçoivent de l'employeur la société ESPS une prime d'assiduité de 200 € par an, octroyée lors de leurs embauches directes : ainsi Mme C... et Mme F....
Mmes C... a été embauchée en 2012 avec reprise d'ancienneté au 8 août 2008 et F... a été embauchée en 2007 avec reprise d'ancienneté au 1er avril 2006 ; elles exercent les même fonctions que Mme X..., à savoir agent de service, pour un travail égal ou de valeur égale, Mme C... étant classée AS3A et Mme F... AS1, comme Mme X....
Il est donc démontré par Mme X... qu'elle se trouve dans une situation similaire à celle de ces dernières.
La société ESPS oppose à Mme X... qu'elle ne peut se comparer avec des salariés transférés en application de l'article 7 de la Convention Collective Nationale de propreté, les avenants aux contrats de travail de Mme O..., Mme P... et Mme Q... mentionnant le transfert de leurs contrats en application de ces dispositions. Elle soutient qu'en application de l'article L1224-3-2 du code du travail, Mme X... ne peut se prévaloir de la prime d'assiduité accordée aux salariés transférés.
La société ESPS ne verse aux débats qu'un seul contrat relatif aux salariés qu'elle cite, à savoir celui de Mme O.... Outre que ce contrat de travail qui porte effectivement mention d'une reprise de personnel dans le cadre de l'annexe 7 de la Convention Collective Nationale des entreprises de propreté, ne vise pas une salariée avec laquelle Mme X... entend se comparer, force est de constater que les contrats de travail de Mesdames C... et F..., produits par Mme X... ne mentionnent pas pour leur part une reprise en application de l'annexe 7 de la Convention Collective Nationale des entreprises de propreté. Dès lors, l'intimée relève à juste titre qu'il n'est pas établi que l'embauche de Mme C... et de Mme F... résultent d'une reprise au sens de l'article 7 de la Convention Collective Nationale des entreprises de propreté.
La société ESPS invoque vainement l'application de l'article L 1224-3-2 du code du travail, issu de l'ordonnance du 22 septembre 2017, qui prévoit :
Lorsqu'un accord de branche étendu prévoit et organise la poursuite des contrats de travail en cas de succession d'entreprises dans l'exécution d'un marché, les salariés du nouveau prestataire ne peuvent invoquer utilement les différences de rémunération résultant d'avantages obtenus, avant le changement de prestataire, par les salariés dont les contrats de travail ont été poursuivis.
et ce quand bien même les dispositions transitoires prévoient que ces dispositions sont applicables aux contrats de travail à compter de la publication de ladite ordonnance, quelle que soit la date à laquelle ces contrats ont été poursuivis entre les entreprises concernées.
En effet il n'est pas démontré par la société ESPS que les contrats de travail de Mmes C... et F... ont été consentis dans un tel cadre.
Au contraire de Mme X..., les bulletins de salaire de ces deux dernières font ressortir qu'elles ont perçu une prime d'assiduité, comme suit :
- Mme C... a perçu une prime de 200 € en 2014
- Mme F... a perçu une prime de 172,78 € en 2012, de 190 € en 2013, de 200 € en 2014.
L'employeur ne justifie donc par aucun élément objectif, pertinent et matériellement vérifiable cette différence de traitement, et Mme X... est fondée à réclamer l'allocation d'une prime d'assiduité pour les années 2010 à 2014. Au regard du tableau faisant état des modalités de calcul de celle-ci ne faisant l'objet d'aucune discussion, la cour alloue à Mme X... une somme de 558,12 € à ce titre.
Sur la demande portant sur la période de juin 2014 à juin 2017
Au soutien de cette demande, Mme X... entend se comparer à des salariés exerçant au sein de la clinique AXIUM, repris par la société ESPS à compter du 1er juin 2014 , pour lesquels l'employeur a accordé une prime d'assiduité de 144,54 € par mois. Elle produit les contrats de travail de 6 salariés: Mme R..., Mme L..., Mme S..., Mme T..., Mme M... et Mme N....
Ces salariées ont été embauchées par contrat à durée indéterminée du 31 mai 2014 avec reprise d'ancienneté en qualité d'agent de service niveau AS3. Il n'est pas contesté qu'elles effectuent un travail égal ou de valeur égale à celui de Mme X....
Il est donc démontré par Mme X... qu'elle se trouve dans une situation similaire à celle de ces dernières.
L'employeur objecte à la salariée que la prime d'assiduité versée aux salariés de la clinique l'AXIUM a pour origine la convention collective applicable au personnel de la clinique AXIUM avant d'être transférés vers la société ESPS ( Convention Collective Nationale de l'hospitalisation privée en date du 18 avril 2002), que lors du transfert des contrats de travail de ces salariés en application de l'article L 1224-1 du code du travail, la prime a été maintenue aux salariés transférés, sans violation du principe 'à travail égal, salaire égal' à l'égard des autres salariés de la société ESPS.
Les contrats de travail de Mme R..., Mme L..., Mme S..., Mme T..., Mme M... et Mme N... portent tous la mention suivante :
suite à la reprise des prestation de bionettoyage et services hôteliers par la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE, dans le cadre de l'article L 1224-1 du code du travail, il a été proposé à Mme ... de bénéficier d'un transfert de son contrat de travail au sein de la société ESPS à compter du ...
La différence de traitement entre les salariés dont le contrat de travail a été transféré en application d'une garantie d'emploi instituée par voie conventionnelle par les organisations syndicales représentatives investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote et les salariés de l'employeur entrant, qui résulte de l'obligation à laquelle est tenu ce dernier de maintenir au bénéfice des salariés transférés les droits qui leur étaient reconnus chez leur ancien employeur au jour du transfert, n'est pas étrangère à toute considération de nature professionnelle et se trouve dès lors justifiée au regard du principe d' égalité de traitement.
A bon droit en l'espèce, la société ESPS justifie que la prime d'assiduité accordée aux salariés exerçant à la clinique AXIUM qu'elle a repris à compter de juin , conformément aux dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail, ne constitue pas une inégalité de traitement.
En conséquence, Mme X... sera déboutée de cette demande.
Sur les autres demandes
Les sommes allouées, de nature salariale emportent intérêts légaux à compter de la demande en justice, soit à compter du 17 janvier 2014 pour les sommes allouées par le conseil de prud'hommes et à compter du 20 mars 2018, date des conclusions de Mme X... évoquées oralement devant la cour, s'agissant des demandes nouvelles accueillies par la cour, cette dernière ne justifiant pas d'une date antérieure de régulière communication à la partie adverses de ses nouvelles prétentions.
Les intérêts échus par année entière sur les sommes allouées seront capitalisés, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.
Il est inéquitable de laisser à la charge de Mme X... la totalité des frais irrépétibles qu'elle a exposés à l'occasion de cette instance ; la cour confirme la condamnation prononcée à ce titre en première instance et lui alloue en cause d'appel une somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société ESPS qui succombe supportera les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,
Confirme le jugement rendu le 29 octobre 2015 sauf en ce :
- qu'il a condamné la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à payer à Adeline X... la somme de 458,73 € à titre d'indemnité de congés payés afférent au rappel de prime 13ème mois
- qu'il a renvoyé Mme X... en départage sur ses autres demandes,
Y ajoutant,
Condamne la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à payer à Adeline X... la somme de 3363,59 € à titre de rappel de prime 13ème mois pour les années 2015 à 2017
Déboute Adeline X... de sa demande de condamnation au titre de congés payés afférents à ces sommes,
Condamne la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à payer à Adeline X... la somme de 558,12 € à titre de rappel de primes d'assiduité pour la période de janvier 2011 à mai 2014,
Déboute Adeline X... de sa demande de prime d'assiduité à hauteur de 144,54 € par mois à compter de juin 2014,
Dit que les intérêts courent à compter de demande en justice, soit sur la somme allouée par le conseil de prud'hommes au titre de la prime de 13èmois à compter du 17 janvier 2014 et pour les sommes allouées par la cour à compter du 20 mars 2018, date des conclusions en ce sens de Mme X... contradictoirement échangées,
Dit que les intérêts échus par année entière sur les sommes allouées seront capitalisés, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.
Condamne la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à payer à Adeline X... la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
Condamne la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT