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24/05/2018 | FRANCE | N°17/02040

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 24 mai 2018, 17/02040


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 24 MAI 2018



N° 2018/ 229













Rôle N° 17/02040







A... X...

CARPIMKO





C/



SA GROUPAMA MEDITERRANEE

CPAM DES ALPES DE HAUTE PROVENCE











Grosse délivrée

le :

à :



Me Gabriel Y...



Me Isabelle K...



Me Philippe Z...










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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 01 Décembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 15/00298.





APPELANTS et INTIMES



Monsieur A... X...

né le [...] à MEULAN (78250) - de nationalité Française, demeurant [...] LES ALPES

représe...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 24 MAI 2018

N° 2018/ 229

Rôle N° 17/02040

A... X...

CARPIMKO

C/

SA GROUPAMA MEDITERRANEE

CPAM DES ALPES DE HAUTE PROVENCE

Grosse délivrée

le :

à :

Me Gabriel Y...

Me Isabelle K...

Me Philippe Z...

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 01 Décembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 15/00298.

APPELANTS et INTIMES

Monsieur A... X...

né le [...] à MEULAN (78250) - de nationalité Française, demeurant [...] LES ALPES

représenté par Me Gabriel Y..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

CARPIMKO

dont le siège social est : [...] EN YVELINES

représentée par Me Isabelle K..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

SA GROUPAMA MEDITERRANEE,

dont le siège social est 24 parc club du golf - [...]

représentée par Me Philippe Z..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

CPAM DES ALPES DE HAUTE PROVENCE

dont le siège social est : [...]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 28 Mars 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de:

Monsieur Olivier GOURSAUD, Président

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

Madame Anne VELLA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvaine MENGUY.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mai 2018

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Mai 2018,

Signé par Monsieur Olivier GOURSAUD, Président et Madame Sylvaine MENGUY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. A... X..., infirmier libéral, a été victime le 16 décembre 2006 d'un accident de la circulation alors qu'il était passager d'un véhicule conduit par M. Pierre A... assuré auprès de la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Méditerranée (société GROUPAMA Méditerranée).

Il a été blessé dans cet accident ; le 31 octobre 2007 la Caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes (CARPIMKO) lui a versé une indemnité de 15'405 € réparant son préjudice pour la période comprise entre le 16 mars 2007 et le 31 octobre 2007.

M. X... a déclaré son préjudice à la société Groupama Méditerranée qui a mis en place une expertise confiée au docteur B... qui a établi son rapport le 25 septembre 2008 après avis d'un sapiteur psychiatre le docteur C....

Le 17 novembre 2010 la CARPIMKO a indiqué revoir la situation de M. D... et procéder, sans recours de sa part, à sa radiation à compter du 1er janvier 2011.

M. X... a contesté les conclusions du docteur B... et a saisi le juge des référés qui par ordonnance du 23 août 2011 a désigné le docteur L... à l'effet de procéder à une nouvelle expertise et lui a alloué la somme de 5 000 € à titre de provision sur son indemnisation.

Par acte du 23 octobre 2014 M. X... a assigné devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence la société GROUPAMA Méditerranée au contradictoire de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute Provence (CPAM) pour obtenir la réparation de son préjudice et l'allocation d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 1er décembre 2016 cette juridiction a :

- déclaré le jugement opposable à la CPAM et à la CARPIMKO,

- dit que le droit à indemnisation de M. X... est entier,

- fixé à la somme de 27'040,20 € la réparation de son préjudice corporel répartie comme suit :

- dépenses de santé actuelles : 385 €

- cures thermales : rejet

- perte de gains professionnels actuels : 20'210 € dont à déduire les indemnités journalières de 16'276,14 €

- frais divers (assistance par tierce personne) : 2 700 €

- dépenses de santé futures (cures thermales) : rejet

- perte de gains professionnels futurs : rejet

- incidence professionnelle : 30'000 €

- déficit fonctionnel temporaire : 2 521,34 €

- souffrances endurées : 12'000 €

- préjudice esthétique temporaire : 1 500 €

- déficit fonctionnel permanent : 18'500 €

- préjudice d'agrément : rejet

- dit qu'eu égard à la créance de la CARPIMKO M. X... ne sera pas indemnisé au titre de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent,

- dit que de cette somme il convient de déduire les provisions déjà perçues ou précédemment accordées,

- condamné la société GROUPAMA Méditerranée à verser à M. X... les sommes de :

- 22'040,20 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice corporel à l'exclusion de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent, avec intérêts au taux légal à compter du jugement

- 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la CARPIMKO à verser à la société GROUPAMA Méditerranée la somme de 650,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société GROUPAMA Méditerranée aux dépens avec distraction.

Pour statuer ainsi le tribunal a considéré notamment que :

- les cures thermales dont le coût était réclamé au titre des dépenses de santés actuelles n'avaient pas été prescrites par le médecin traitant de M. X...,

- M. X... n'exerçait son activité d'infirmier libéral au moment de l'accident que depuis un mois et demi et il ne justifiait pas de ses revenus pour cette activité ; la perte de gains devait donc être évaluée sur les revenus de M. X... durant l'année 2008,

- l'assistance temporaire par tierce personne devait être indemnisée selon un volume horaire de 20 heures par semaine durant deux mois et d'un tarif horaire de 15 €,

- la demande portant sur les dépenses de santé futures devaient être rejetées car l'expert n'avait pas retenu la nécessité de cures thermales et M. X... ne produisait pas le certificat du médecin prescrivant la cure,

- la demande portant sur la perte de gains professionnels futurs devait être rejetée compte tenu de la brièveté de l'activité d'infirmier libéral de M. X... avant l'accident de sorte qu'il n'était pas certain qu'il l'aurait poursuivie.

Par déclarations du 1er février 2017, enrôlée sous le numéro RG 17/02040, et du 11 février 2017, enregistrée sous le numéro RG 17/062652, M. X... et la CARPIMKO ont respectivement interjeté appel général de cette décision.

Ces appels ont été joints par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 4 septembre 2017

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. X... demande à la cour dans ses conclusions du 26 juillet 2017, en application de l'article 6 de la loi du 5 juillet 1985, de :

' juger son action recevable et fondée,

y faisant droit

' confirmer le jugement en ce qu'il a

- jugé bien fondées ses demandes indemnitaires,

- considéré que son droit à réparation est entier,

- considéré que la date de consolidation fixée par l'expert au 10 février 2009 pouvait être retenue

- retenu que le taux de base de prise en charge de tierce personne était de 15 € et en ce qu'il lui a alloué de ce chef avant consolidation la somme de 2 700 €,

- retenu qu'il était bien fondé à solliciter une indemnisation du préjudice esthétique temporaire mais le réformer sur le montant alloué,

- jugé qu'il existe un préjudice d'établissement qu'il a fixé à 30'000 €,

' confirmer le jugement sur la somme qui lui a été allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

' infirmer le jugement pour le surplus

statuant à nouveau

- constater que

* il venait de s'installer en qualité d'infirmier libéral dans le souhait de pouvoir améliorer ses revenus et sans l'accident il aurait continué dans cette profession où la demande de prestations est forte dans sa région d'installation

* l'expert a retenu qu'il a été victime d'un accident de la route le 16 décembre 2006 dont les conséquences séquellaires l'ont notamment contraint à devoir se reclasser professionnellement

* il n'a pas pu reprendre son activité libérale, '(ses activités salariées)' même après la date de consolidation

* l'expert a retenu l'existence des préjudices suivants

- déficit fonctionnel temporaire total : du 16 décembre au 22 décembre 2006

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % 2 mois du 23 décembre 2006 au 22 février 2007

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % 6 mois du 23 février 2007 au 22 août 2007

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 10 % du 23 août 2007 au 16 décembre 2007

- soins d'hygiène et crédit d'heures d'aide ménagère imputable : pas de mention de prise en charge

- souffrances endurées : 4/7

- déficit fonctionnel permanent global : 10 %

- préjudice d'agrément : signalé pour les sports et les loisirs ; la pratique de ces sports peut générer des douleurs

* l'expert a omis de mentionner le préjudice esthétique temporaire pourtant constitué par le fait d'avoir dû porter un corset et une minerve,

en conséquence

- condamner 'in solidum' la société GROUPAMA Méditerranée à lui verser :

- perte de gains professionnels actuels : 101 121,69 € prenant en compte la perte de revenus en qualité d'IDE libéral ou subsidiairement 16'155,90 € en tenant compte des revenus retenus par le tribunal en première instance, ces sommes s'entendant après imputation de la créance de la CARPIMKO

- déficit fonctionnel temporaire total : 168 €

- déficit fonctionnel temporaire partiel : 3 806,60 €

- frais de santé futures : 1 061,35 €

- préjudice esthétique : 2 000 €

- tierce personne : 2 700 €

- frais médicaux futurs : 341,03 €

- déficit fonctionnel permanent : 30'000 €

- perte de gains professionnels futurs : 1'563'613,53 €

- préjudice professionnel : 30'000 €

- préjudice d'agrément : 1 500 €

- souffrances endurées : 30'000 €

- frais divers : 10'090,41 €,

- condamner la société GROUPAMA Méditerranée à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la société GROUPAMA Méditerranée de ses demandes,

- condamner la société GROUPAMA Méditerranée aux dépens dont les frais afférents au référé et les provisions versées aux experts avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

Il soutient essentiellement que :

- compte tenu de son état algique son médecin traitant lui a prescrit de réaliser des cures thermales qui n'ont pas été prises en charge en totalité (676,35 € restés à charge avant consolidation et 341,03 € après consolidation), il a bénéficié de soins par un ostéopathe (116,00€) et il a acquis un matériel lui permettant de décontracter sa colonne vertébrale (269 €),

- il a obtenu son diplôme d'infirmier en 1998 ; il a exercé cette activité depuis cette date d'abord en tant que salarié puis en qualité d'infirmier libéral, cette modalité d'exercice devant par principe lui permettre de bénéficier d'une rémunération plus importante ; peu importe qu'il ait exercé cette activité pendant un temps très court car sans l'accident il l'aurait poursuivie ; après l'accident il a postulé à divers emplois d'infirmier mais compte tenu des restrictions relatives au port de charges il a toujours été éconduit et s'est trouvé contraint d'accepter des emplois d'auxiliaire de vie scolaire faiblement rémunérés ; il a été admis par l'expert et par les médecins conseils présents pour les deux parties qu'il n'est plus en capacité d'exercer l'activité d'infirmier libéral dans toute sa plénitude en ce compris les activités de nursing et les trajets importants en voiture étant précisé que l'activité d'infirmier libéral de province est constituée à plus de 50 % d'une activité de nursing ; il calcule sa perte sur la base du revenu journalier moyen d'un infirmier libéral soit 188 €,

- son déficit fonctionnel temporaire doit être indemnisé sur une base journalière de 28 € et non de 26,30 € ainsi que retenu par le tribunal,

- il va subir une perte de gains professionnels futurs car sans l'accident et en qualité d'infirmier libéral il aurait pu bénéficier d'honoraires moyens annuels de 68'620 € ; il a dû se reclasser dans une autre activité moins rémunératrice et non pérenne puisqu'il s'agit de contrats à durée déterminée pour un temps partiel d'environ 20 heures rémunérées au SMIC ; ses pertes de revenus sont de 59'728 € pour l'année 2009, 68'766 € pour l'année 2010, 63'400 € pour l'année 2011, 60'916 € pour l'année 2012, 60'916 € pour l'année 2014 et 45'687 € pour l'année 2014; pour la période postérieure il calcule sa perte sur la base d'un revenu annuel moyen de 68'620,00 € qu'il multiplie par le nombre d'années jusqu'à ce qu'il ait atteint l'âge de 65 ans, âge auquel il aurait pris sa retraite soit 18 années ; il y ajoute la perte de points de retraite qu'il évalue à 50'000 €,

- il était diplômé bûcheron et pratiquait la course à pied et l'escalade, activités qu'il ne peut plus exercer depuis l'accident.

La société GROUPAMA Méditerranée demande à la cour dans ses conclusions du 31 mai 2017, de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne la perte de gains professionnels actuels,

- fixer à 9 895,08 € l'indemnisation de la perte de gains professionnels actuels déduction faite du recours de la CARPIMKO,

- réformer le jugement ce qui concerne la créance de la CARPIMKO,

- déclarer imputable sur le préjudice de M. X... les sommes suivantes

- 10'314,92 € au titre de la perte de gains professionnels actuels

- 58'384,40 € au titre de l'incidence professionnelle, de la perte de gains professionnels futurs et du déficit fonctionnel permanent recouvrés dans la limite de 48'500 €,

- débouter M. X... et la CARPIMKO de leurs demandes plus amples,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Elle fait valoir notamment que :

- la perte de gains au jour de l'accident s'apprécie in concreto et sur la période d'arrêt des activités professionnelles sur laquelle s'accorde tous les experts c'est-à-dire huit mois ; en outre M. X... n'a pas remis les justificatifs de ses revenus antérieurs en tant qu'infirmier libéral, sa perte de gains professionnels actuels ne peut être calculée de façon purement théorique en fonction du revenu journalier moyen d'un infirmier libéral mais sur ses revenus imposables déclarés pour l'année 2008 soit 30'315 €,

- elle ne peut être tenue de prendre en charge les dépenses de cures thermales qui sont sans relation avec l'accident et qui ne sont pas justifiées,

- la demande d'indemnisation d'une perte de gains professionnels futurs ne peut prospérer car l'expert n'a retenu qu'une incidence professionnelle avec une pénibilité accrue dans l'exercice du métier d'infirmier et non une impossibilité d'exercice, car M. X... ne justifie pas qu'il a exercé de façon pérenne l'activité d'infirmier libéral et car il ne prouve pas les revenus qui lui ont été procurés par cette activité,

- elle a versé des provisions à hauteur de 15'000 € et non de 5 000 € ainsi que retenu par le premier juge.

La CARPIMKO demande la cour dans ses conclusions du 25 septembre 2017, en application de la loi du 5 juillet 1985 et de la loi du 21 décembre 2006, de :

- infirmer le jugement,

- débouter la société GROUPAMA Méditerranée de son appel incident concernant sa créance,

- condamner la société GROUPAMA Méditerranée à lui verser la somme de 111'429,30 € représentant :

- les indemnités journalières du 16 mars 2007 au 15 décembre 2007 soit 18'419,50 €

- la rente invalidité totale pour la période antérieure à la consolidation soit la somme totale de 53'044,90 € représentant pour les périodes du 16 décembre 2007 au 31 décembre 2007 1 284,79 €, du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008 29'925,01 €, du 1er janvier 2009 au 10 février 2009 3 415,60 €,

- la rente invalidité totale pour la période postérieure à la consolidation soit 58'384,40€ représentant pour les périodes du 11 février 2009 au 31 décembre 2009 27'409,40 € et du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 30'975 €,

- condamner la société GROUPAMA Méditerranée au versement d'une somme de 1 055 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale,

- condamner la société GROUPAMA Méditerranée à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société GROUPAMA Méditerranée aux dépens avec distraction.

La CPAM assignée par acte d'huissier du 11 avril 2017 délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat.

L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le droit à indemnisation intégrale du préjudice corporel subi par M. X... n'a jamais été contesté ; seule est discutée en cause d'appel l'évaluation de ce préjudice.

Sur le préjudice corporel

L'expert le docteur L... indique dans son rapport en date du 18 décembre 2013 que M. X... a présenté une entorse cervicale bénigne et une fracture tassement de L4 et qu'il conserve comme séquelles une perte de hauteur vertébrale et une discopathie douloureuse limitant les efforts et le port de charges lourdes et une souffrance psychique liée à une blessure narcissique.

Il conclut à :

- arrêt des activités professionnelles : non documenté mais on peut raisonnablement retenir, compte tenu de la nature des lésions initiales, une incapacité provisoire de travail de huit mois

- un déficit fonctionnel temporaire total du 16 décembre 2006 au 22 décembre 2006

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50 % de deux mois du 23 décembre 2006 au 22 février 2007, de 25 % de six mois du 23 février 2007 au 22 août 2007, de 10 % du 23 août 2007 au 16 décembre 2007

- des soins d'hygiène à domicile et un crédit d'heures d'aide ménagère imputables

- une consolidation au 16 décembre 2007

- des souffrances endurées de 4/7

- un déficit fonctionnel permanent de 10 %

- dépenses de santé futures : néant

- une assistance permanente par tierce personne : néant

- incidence professionnelle : M. X... ne peut exercer la profession d'infirmier libéral dans toute sa plénitude notamment dans le port de charges lourdes que comportent le nursing et les toilettes de patients

- un préjudice d'agrément : signalé pour les sports de loisir ; la pratique de ces sports peut générer des douleurs

- préjudice sexuel : déclaré non retenu en l'absence d'altération de la libido, d'impuissance et de troubles de la fertilité,

- préjudice d'établissement : néant.

L'expert s'est entouré de l'avis de sapiteurs orthopédiste et psychiatre ; il a retenu comme date de consolidation le 16 décembre 2007 après avoir pris connaissance des documents médicaux, dont les courriers des chirurgiens orthopédiste et neurochirurgien consultés par M. X... et de ceux relatifs aux soins de kinésithérapie ; cette date de consolidation n'est pas utilement remise en cause par des documents médicaux contraires pertinents et le rapport sera donc confirmé sur ce point.

En revanche l'expert a limité à 8 mois la période d'arrêt des activités professionnelles et n'a pas retenu une inaptitude totale au métier d'infirmier libéral.

M. X... justifie par le relevé de prestations de la CPAM au titre de l'année 2006 de l'exercice d'une activité d'infirmier libéral à compter du mois d'octobre 2006.

L'expert retient comme séquelles une discopathie douloureuse et admet que M. X... ne peut plus exercer la profession d'infirmier libéral dans toute sa plénitude notamment dans le port de charges lourdes que comportent le nursing et les toilettes de patients ; or ce métier surtout s'il est pratiqué en libéral comporte pour une grande part des soins de nursing ou de toilette des patients sollicitant la colonne vertébrale et imposant le port de charge lourdes ce qui rend illusoire la possibilité de continuer à le poursuivre avec de telles restrictions.

Il s'avère ainsi que M. X..., du fait de l'accident, a été contraint d'arrêter l'exercice du son métier d'infirmier libéral qui était le sien au moment de cet accident et qu'il ne pourra plus l'exercer, de sorte que la période de perte de gains professionnels actuels doit être étendue jusqu'à la date de la consolidation et que la demande de M. X... d'indemnisation d'une perte de gains professionnels futurs est fondée.

Sous ces amendements le rapport d'expertise constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le [...], de son activité d'infirmier, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage, étant précisé que les règles concernant les modalités d'imputation du recours des tiers payeurs sont d'ordre public et doivent être appliquées même en l'absence de prétention du tiers payeur relative à l'assiette du recours.

Par ailleurs, l'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue et le barème de capitalisation utilisé sera celui publié par la Gazette du Palais du 28 novembre 2017 qui apparaît le plus approprié eu égard aux données démographiques et économiques actuelles.

Préjudices patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Dépenses de santé actuelles 13 903,19 €

Ce poste correspond aux

* frais d'hospitalisation, frais médicaux et pharmaceutiques, actes de radiologie, massages, kinésithérapie, transports pris en charge par la CPAM soit la somme de 13 903,19 €

* la demande portant sur les frais restés à la charge de la victime, sera examinée au titre des dépenses de santé futures car les factures communiquées démontrent qu'ils ont été exposés après la consolidation.

- Frais divers5 220,94 €

Ils sont représentés par

° les honoraires d'assistance à expertise par les docteurs E..., F..., G..., H..., I..., M... et J..., médecins-conseils, soit 5 070 € au vu des factures produites.

° les frais de déplacement pour se rendre aux divers examens, expertises et consultations médicales soit 150,94 € selon les tickets de péage et facture d'essence communiqués.

° les frais d'avocat ne peuvent être indemnisés au titre de la réparation du préjudice corporel mais dans le cadre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ces dépenses supportées par la victime, nées directement et exclusivement de l'accident, sont par la même indemnisables

- Perte de gains professionnels actuels28 314,58 €

Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.

Il ressort du décompte des indemnités journalières de la CARPIMKO que M. X... a commencé son activité d'infirmier libéral en octobre 2006 ; le relevé d'honoraires au titre de l'année 2006 qui lui a été délivré par la CPAM ne recense pas la totalité des honoraires facturés du mois d'octobre au 16 décembre 2006 ainsi que mentionné dans le courrier de la CPAM joint à ce relevé ; les revenus de M. X... au jour de l'accident doivent en conséquence être déterminés à partir des indemnités journalières versées par la CARPIMKO au titre de l'activité libérable soit 18 419,50 € sur une période de 9 mois.

La perte de gains s'établit ainsi à la somme de 24 559,33 € (18 419,50 € x 12 mois/9 mois) pour la durée d'arrêt d'activité échue jusqu'à la consolidation, soit 12 mois.

Les indemnités journalières versées sur cette même période par la CARPIMKO pour un montant de 18 419,50 € s'imputent sur ce poste de dommage qu'elles ont vocation de réparer de sorte que la somme revenant personnellement à la victime s'établit à 6 139,83 € (24 559,33 € - 18 419,50 €) augmentée à 9 895,08 € pour tenir compte de l'offre de la société GROUPAMA Méditerranée ce qui porte l'assiette du poste à 28 314,58 € (18 419,50 € + 9 895,08 €).

La somme de 18 419,50 € revient à la CARPIMKO.

- Assistance temporaire de tierce personne2 700 €

L'indemnité de 2 700 € allouée par le tribunal n'est critiquée par aucune partie en cause d'appel.

Préjudices patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Dépenses de santé futures1 468,07 €

Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l'installation de prothèses soit à la pose d'appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.

Il est constitué

° des frais postérieurs à la consolidation réglés par la CPAM à hauteur de 718,87 €

° des frais restés à la charge de la victime, justifiés par prescriptions médicales et factures pour un montant total de 749,29 € comprenant les frais d'achat du matériel destiné à soulager les douleurs lombaires de 269 €, les frais d'ostéopathe de 116 €, les frais de cure non pris en charge par la CPAM de 364,20 € ; le surplus réclamé par M. X... au titre des 'frais de santé futurs' et 'frais médicaux futurs' non justifié par factures doit être rejeté.

- Perte de gains professionnels futurs867 242,03 €

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

M. X... s'était installé comme infirmier libéral depuis très peu de temps lorsque l'accident est survenu ; il n'a pas pu reprendre ce métier à ce jour ; sa perte de gains professionnels futurs ne peut être calculée sur la base d'un revenu journalier de 188 € ainsi qu'il le demande car il ne justifie pas qu'il s'agit du revenu journalier moyen d'un infirmier libéral ni n'indique s'il s'agit d'un chiffre d'affaires ou d'un revenu net ; ainsi sa perte de gains professionnels futurs sera calculée en fonction de ses revenus au jour de l'accident soit 24 559,33 € en intégrant une progression raisonnable moyenne de son activité correspondant à un revenu annuel 2,1 fois supérieur soit 51 574,59 €.

' L'indemnité due pour ce poste de dommage doit être chiffrée ainsi qu'il suit pour la période échue à ce jour :

- revenus qui auraient dus être perçus :

51 574,59€ x 11,44 ans = 590 013,30 €

- salaires perçus (déterminés à partir des avis d'imposition, hors rente CARPIMKO, des contrats de travail en qualité d'assistant de vie scolaire et du bulletin de salaire du mois de septembre 2010) :

année 2009 : 1 064 €

année 2010 : 7 854 €

année 2011 : 5 220 €

année 2012 : 7 704 €

total : 21 842 €

- solde : 568 171,30 € (590 013,30 € - 21 842 €)

' Pour l'avenir eu égard à l'âge de M. X... à ce jour soit 49 ans, de son niveau d'études et de la nature des séquelles de l'accident, la perte de chance de retrouver un emploi d'un niveau de rémunération identique à celui retenu à la date de la consolidation, soit 51 574,59 € doit être fixée à 40 % et il convient d'opérer une capitalisation en fonction d'un euro de rente temporaire jusqu'à l'âge de 65 ans, pour un homme âgé de 49 ans à la liquidation soit 14,497 ce qui représente :

51 574,59 € x 40 % x 14,497 = 299 070,73 €.

' total de la perte :

568 171,30 € + 299 070,73 € = 867 242,03 €.

' Sur cette indemnité s'impute les indemnités journalières versées postérieurement à la consolidation et la rente accident du travail réglées par la CARPIMKO qu'elles ont vocation à réparer, soit selon le décompte de débours de celle-ci :

80,30 € + 92 929,50 € = 93 009,80 €.

Qui reviennent en totalité à cette caisse.

' solde en faveur de M. X... :

867 242,03 € - 93 009,80 € = 774 232,23 €.

- Incidence professionnelle70 000 €

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap.

La demande de M. X... au titre du préjudice professionnel et de la perte de droit à la retraite doit être globalisée dans le cadre de l'incidence professionnelle et une indemnité de 70 000 € lui sera allouée à ce titre.

Préjudices extra-patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire3 974,60 €

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base d'environ 28 € par jour ainsi que demandé par M. X... , eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie et proportionnellement pendant la période d'incapacité partielle, ce qui représente une somme totale de 3 974,60 €.

- Souffrances endurées15 000 €

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison du traumatisme initial, des examens et soins ; évalué à 4/7 par l'expert, il justifie l'octroi d'une indemnité de 15 000 €.

permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent18 500 €

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales).

Il est caractérisé par une perte de hauteur vertébrale et une discopathie douloureuse limitant les efforts et le port de charges lourdes et une souffrance psychique liée à une blessure narcissique, ce qui conduit à un taux de 10 % justifiant l'indemnité de 18 500 € allouée par le premier juge pour un homme âgé de 35 ans à la consolidation.

Le préjudice corporel global subi par M. X... s'établit ainsi à la somme de 1.026.323,80 € soit, après imputation des débours de la CPAM, une somme de 900 272,14 € lui revenant, soit 895.272,14 € après déduction de la provision de 5 000 € versée.

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion

Aux termes de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale en contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement des prestations mises à sa charge, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affiliée la victime recouvre une indemnité forfaitaire de gestion, d'un montant en l'espèce de 1 055 €, à la charge du responsable au profit de l'organisme national d'assurance maladie.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées, sauf à dire que sont inclus dans les dépens les frais de la procédure de référé et d'expertise.

La société GROUPAMA Méditerranée qui succombent partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à M. X... une indemnité de 2 000 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour et celle de 1 000 € à la CARPIMKO au même titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Confirme le jugement,

hormis sur le montant de l'indemnisation de la victime et les sommes lui revenant et sauf à dire que sont inclus dans les dépens les frais de la procédure de référé et d'expertise,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Fixe le préjudice corporel global de M. A... X... à la somme de 1.026.323,80€,

- Dit que l'indemnité revenant à cette victime s'établit à 900 272,14 €,

- Condamne la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Méditerranée à payer à M. A... X... les sommes de

* 895.272,14 €, provision de 5 000 € déduite, en réparation de son préjudice corporel

* 2.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Méditerranée à verser à la Caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes les sommes de

* 126 051,36 € au titre de ses débours

*1 055 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion

* 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Méditerranée aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 17/02040
Date de la décision : 24/05/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°17/02040 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-24;17.02040 ?
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