COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
11e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 17 MAI 2018
N° 2018/ 219
Rôle N° RG 16/10559 -
N° Portalis DBVB-V-B7A-
6XUM
[S] [C]
C/
[W] [W] ÉPOUSE [Y]
[M] [S]
[E] [V]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Gwendoline PREVOSTAT
Me Marie PIERRET-SALINI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d'Instance de TOULON en date du 30 Avril 2015 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 15-000330.
APPELANT
Monsieur [S] [C] né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 1] (84), demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Gwendoline PREVOSTAT, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Isabelle DURAND, avocat au barreau de TOULON
INTIMEES
Madame [W] [W] épouse [Y]
née le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 2] (35), demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Stéphane DORN, avocat au barreau de TOULON
Madame [M] [S] (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2016/7032 du 18/07/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
née le [Date naissance 3] 1961 à [Localité 3], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Marie PIERRET-SALINI, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Isabelle DURAND, avocat au barreau de TOULON
Madame [E] [V] née le [Date naissance 4] 1978 à [Localité 4] (83), demeurant [Adresse 4]
défaillante
assignée étude le 26/08/2016
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Avril 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvie PEREZ, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Yves BENHAMOU, Président de Chambre
Madame Frédérique BRUEL, Conseillère
Madame Sylvie PEREZ, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Mai 2018.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Mai 2018
Signé par Monsieur Yves BENHAMOU, Président de Chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte sous seing privé en date du 16 mars 2011, Madame [W] [Y] a consenti à Madame [E] [V] la location d'un appartement situé [Adresse 5] (83 160), moyennant un loyer mensuel de 850 euros, d'une provision sur charges de 150 euros et le versement d'un dépôt de garantie d'un montant de 850 euros.
Monsieur [C], par acte en date du 16 mars 2011, et Madame [S] par acte du 1er avril 2011, se sont portés caution solidaire et indivisible des obligations de la locataire.
Par acte d'huissier en date du 22 juillet 2014, Madame [Y] a fait signifier à Madame [V] un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail, pour paiement des loyers pour la période d'avril à juillet 2014, outre les avances sur charges sur la même période, commandement dénoncé aux cautions le 28 juillet 2014.
Par acte d'huissier en date des 12 et 13 novembre 2014, Madame [W] épouse [Y] a fait assigner Madame [V] ainsi que Monsieur [C] et Madame [S] devant le tribunal d'instance de Toulon, qui par jugement réputé contradictoire en date du 30 avril 2015, a :
- constaté la résiliation de plein droit du bail à la date du 22 septembre 2014 ;
- ordonné, à défaut de départ volontaire, l'expulsion de Madame [V] ainsi que celle de tout occupant de son chef, avec au besoin l'assistance la force publique ;
- fixé l'indemnité mensuelle d'occupation due par Madame [V] à la somme de 1 140 euros à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération des lieux ;
- condamné solidairement Madame [V], Monsieur [C] et Madame [S] à payer à Madame [W] épouse [Y], la somme de 4 382,60 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation exigibles au 30 septembre 2014 ainsi que d'une indemnité mensuelle d'occupation fixée à la somme de 1 140 euros à compter du 1er octobre 2014 ;
- condamné les mêmes en paiement de la somme de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance de référé en date du 13 mai 2016, le premier président de la cour d'appel a relevé Monsieur [C] de la forclusion résultant de l'expiration du délai d'appel.
Monsieur [C] a relevé appel du jugement.
Par acte d'huissier en date du 26 août 2016, Monsieur [C] a signifié la déclaration d'appel et ses conclusions à Madame [V] laquelle, assignée en application de l'article 655 du code de procédure civile, n'a pas constitué avocat.
Par ordonnance de référé en date du 14 octobre 2016, le premier président de la cour d'appel a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu le 30 avril 2015 par le tribunal d'instance de Toulon, relativement aux condamnations pécuniaires prononcées à l'encontre de Madame [S] et de Monsieur [C].
Par conclusions déposées et signifiées le 21 novembre 2016, Monsieur [C] a conclu à l'irrecevabilité des nouvelles demandes formées en cause d'appel par Madame [W] épouse [Y] à son encontre au titre d'un prétendu bail verbal, à l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement rendu par le tribunal d'instance de Toulon le 30 avril 2015, au débouté de Madame [Y] de l'intégralité de ses demandes et à sa condamnation à lui restituer les sommes indûment perçues.
Il a conclu de plus à la condamnation de Madame [W] épouse [Y] au paiement d'une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi des suites de l'exécution provisoire du jugement, de celle de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 62-1 du code de procédure civile combinées avec celles de l'article 1382 du Code civil et enfin, de la somme de 3 000 euros à titre d'indemnité pour frais de procès.
Par conclusions signifiées le 28 septembre 2016, Madame [S], formant appel incident, a conclu à l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement rendu par le tribunal d'instance de Toulon le 30 avril 2015, à la condamnation de Madame [W] épouse [Y] à lui restituer l'intégralité des sommes indûment perçues ayant fait l'objet d'une saisie sur salaire abusive et à sa condamnation au paiement d'une somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi outre la somme de 2 800 euros au titre des frais irrépétibles.
Par conclusions signifiées le 17 juillet 2017, Madame [W] épouse [Y] a conclu, concernant l'appel principal, au débouté de Monsieur [C] de l'intégralité de ses demandes, demandé à la cour de constater la validité du cautionnement ainsi que l'existence d'un bail verbal entre l'appelant et elle et en conséquence, a conclu à la confirmation pure et simple du jugement déféré en toutes ses dispositions.
Concernant l'appel incident de Madame [S], Madame [Y] a conclu à l'irrecevabilité de cet appel et en toutes hypothèses, au débouté de Madame [S] de l'intégralité de ses demandes, demandé à la cour de constater la validité du cautionnement et en conséquence, de confirmer purement et simplement le jugement déféré en toutes ses dispositions.
L'intimée a conclu, en tout état de cause, à la condamnation de Monsieur [C] et de Madame [S] à lui payer, chacun, la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que celle de 2 000 euros à titre d'indemnité pour frais de procès.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1.Les fins de non recevoir :
1.1. Au visa de l'article 564 du Code de procédure civile, Monsieur [C] soutient que la demande de Mme [W] épouse [Y] tendant à le voir condamner, par confirmation du jugement déféré, au titre d'un bail verbal qui se serait opéré entre eux, tenant à son hébergement pendant plusieurs mois par Mme [V], cette demande donc est nouvelle en appel en ce qu'il a été attrait devant le premier juge et condamné en qualité de caution, considérant que l'effet dévolutif de l'appel fait obstacle à cette demande nouvelle.
Mais, conformément aux dispositions des articles 72 et 563 du même code, ne constitue pas une prétention nouvelle, la demande reposant sur un moyen nouveau constitué par un fondement juridique différent de celui invoqué devant le premier juge, aucune irrecevabilité n'étant dès lors encourue par Mme [W] épouse [Y].
1.2. Mme [W] épouse [Y] excipe pour sa part de l'irrecevabilité de l'appel incident formé par Mme [S] en l'état de la signification le 22 juin 2015 du jugement dont appel dans les conditions de l'article 656 du Code de procédure civile.
Mais l'article 550 du même code dispose que l'appel incident peut être formé, en tout état de cause, alors même que celui qui l'interjetterait serait forclos pour agir à titre principal, la recevabilité de l'appel principal n'étant en l'espèce, pas contestée, de sorte que l'intimée sera déboutée du moyen d'irrecevabilité ainsi soulevé.
2. Les cautionnements :
Monsieur [C] et Madame [S] font plaider à bon droit que leur cautionnement des engagements de la locataire, donné le 16 mars 2011 pour Monsieur [C] et le 1er avril 2011 pour Madame [S], a été donné pour une durée déterminée de trois ans à compter du 1er avril 2011.
Souscrit pour une durée déterminée correspondant à la durée du bail initial, le cautionnement cesse de produire effet pendant la période où le bail est reconduit ou renouvelé comme en l'espèce, ce conformément aux dispositions de l'article 1740 du Code civil, ce que n'ignorait pas la bailleresse qui par lettre du 20 janvier 2014 adressée à la locataire, faisait part de l'expiration du cautionnement au 31 mars 2014 et de l'absence de renouvellement tacite de cet engagement dont elle proposait la réitération par la communication de deux formulaires de cautionnement.
Il est constant que la dette locative était constituée par des loyers et charges impayés depuis avril 2014.
Le bail prévoyant un paiement du loyer et des charges d'avance le 7 de chaque mois, il convient de constater que les cautions ne sont pas redevables de cette dette, même partiellement, Madame [W] épouse [Y] devant être déboutée des demandes de ce chef formées à l'encontre de Monsieur [C] et de Madame [S].
Le jugement est par conséquent infirmé en ce qu'il a prononcé la condamnation solidaire de Monsieur [C] et de Madame [S] à titre de caution.
Tant Monsieur [C] que Mme [S] sollicitent le remboursement des sommes saisies en exécution du jugement assorti de l'exécution provisoire.
Le présent arrêt affirmatif emporte toutefois de plein droit obligation de restitution et constitue le titre exécutoire ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande.
3. Un bail verbal :
Au soutien de sa demande de confirmation du jugement déféré, Madame [W] épouse [Y] fait valoir que Monsieur [C] reconnaît avoir été son locataire en ce que celui-ci a partagé la vie de Madame [V] et qu'il ne disposait pas d'un autre logement.
Monsieur [C] reconnaît avoir été hébergé dans les lieux loués par Mme [V] pendant plusieurs mois, jusqu'en décembre 2013, date à laquelle il indique que le couple s'est séparé. Il fait valoir que l'unique titulaire du bail est Madame [V] et que relève de sa vie privée, la faculté pour la locataire de recevoir et d'héberger dans les lieux loués toute personne qu'elle souhaite.
Il doit être considéré que l'occupation des lieux, non accompagnée du paiement d'un loyer, est insuffisante à elle seule, compte tenu de son caractère équivoque, à justifier que les locaux sont occupés en qualité de locataire et non par un simple occupant introduit dans les lieux par le fait du locataire, aucun bail verbal n'ayant pu s'être ainsi formé entre Madame [Y] et Monsieur [C].
4. Dommages et intérêts et frais irrépétibles :
Monsieur [C] justifie que depuis le 29 février 2016, il fait l'objet d'une saisie sur ses salaires sur le fondement de jugement attaqué, assorti de l'exécution provisoire, une somme de 579,90 euros lui ayant été saisie à cette date.
Il fait valoir que cette saisie lui a causé un préjudice en le plaçant dans une situation financière précaire et une situation inconfortable vis-à-vis de son employeur, tiers saisi, expliquant qu'il perçoit de faibles revenus.
Le bulletin de salaire du mois de février 2016 enseigne que Monsieur [C] occupe un emploi d'ouvrier professionnel chez le même employeur depuis le 11 janvier 2010 et déduction faite du montant de la saisie, qu'il a perçu un salaire de 820,37 euros.
Dans sa décision du 4 juillet 2016, le bureau d'aide juridictionnelle, retenant un revenu mensuel stricto sensu de 2 689 euros, a rejeté la demande d'aide juridictionnelle déposée par Monsieur [C].
Celui-ci est fait également valoir qu'il a gardé à sa charge les dépens des frais irrépétibles dans le cadre des diverses procédures engagées afin de solliciter l'arrêt de l'exécution provisoire et de la saisie en cours sur ses salaires.
Au regard de ces éléments, il doit être considéré que la saisie a occasionné à M. [C], un préjudice financier qui justifie que lui soit allouée une somme de 1 500 euros à titre d'indemnisation.
De plus, Monsieur [C] reproche à Madame [Y] une procédure abusive en ayant agi à son encontre alors que la lettre adressée le 20 janvier 2014 à Madame [V] enseigne que la bailleresse avait connaissance du caractère infondé de son action.
Cependant, sauf circonstances particulières non avérées en l'espèce, une action en justice ne peut constituer un abus de droit lorsque sa légitimité a été reconnue par la juridiction du premier degré, malgré l'infirmation dont la décision fait l'objet en appel. Il ne sera par conséquent pas fait droit à la demande de dommages intérêts fondée sur les dispositions des articles 32-1 du code de procédure civile et de l'article 1382 du Code civil
Mme [S] expose également avoir fait l'objet d'une saisie sur ses salaires à hauteur de 249 euros pour les mois de juin et août 2016 et de 700 euros pour le mois de juillet, expliquant être salariée à la mairie [Établissement 1][Localité 5] du Var et travailler au sein de l'école maternelle Sandro.
Elle fait valoir que Madame [Y], bien qu'informée de la situation par Monsieur [C] dès la délivrance par celui-ci de l'assignation en relevé de forclusion en date du 25 mars 2016, n'a pas jugé utile de solliciter l'arrêt des mesures d'exécution.
Le préjudice financier occasionné à Mme [S] du fait de la saisie de ses revenus justifie que lui soit allouée la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts.
Enfin, Madame [W] épouse [Y] est condamnée à payer à Monsieur [C] et à Madame [S] la somme de 2 000 euros chacun, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement, par décision par défaut, en dernier ressort,
Rejette la fin de non recevoir soulevée par Monsieur [C] ;
Déboute Madame [W] épouse [Y] du moyen tenant à l'irrecevabilité de l'appel incident formé par Madame [S] ;
Infirme le jugement du 30 avril 2015 prononcé par le tribunal d'instance de Toulon ;
Statuant à nouveau :
Déboute Mme [W] épouse [Y] de ses demandes à l'encontre de Monsieur [C] et de Mme [S] ;
Y ajoutant :
Condamne Mme [W] épouse [Y] à payer à Monsieur [C] et à Mme [S] la somme à chacun de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts ;
Déboute Monsieur [C] du surplus de ses demandes ;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes en restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ;
Condamne Madame [W] épouse [Y] à payer à Monsieur [C] et à Madame [S], la somme, à chacun, de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
Condamne Madame [W] épouse [Y] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,