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09/05/2018 | FRANCE | N°17/02105

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 09 mai 2018, 17/02105


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 09 MAI 2018



N° 2018/ 212













Rôle N° 17/02105







[L] [C]

[Q] [C]

[C] [C]

[Y] [C]







C/



[V] [E]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR

MEDICAL INSURANCE COMPANY LIMITED - MIC

SAS SOCIETE HOSPITALIERE D'ASSURANCE MUTUELLE

SAS POLYCLINIQUE NOTRE DAME
















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Grosse délivrée

le :

à :

Me Florent LADOUCE



Me Sandra FIORENTINI-GATTI















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 16 Novembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 14/02132.





APPELANTS


...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 09 MAI 2018

N° 2018/ 212

Rôle N° 17/02105

[L] [C]

[Q] [C]

[C] [C]

[Y] [C]

C/

[V] [E]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR

MEDICAL INSURANCE COMPANY LIMITED - MIC

SAS SOCIETE HOSPITALIERE D'ASSURANCE MUTUELLE

SAS POLYCLINIQUE NOTRE DAME

Grosse délivrée

le :

à :

Me Florent LADOUCE

Me Sandra FIORENTINI-GATTI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 16 Novembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 14/02132.

APPELANTS

Monsieur [L] [C] en son nom personnel et és-qualités de réprésentant légal de [B] [C] née le [Date naissance 1] 2001 et [H] [C] née le [Date naissance 2] 2004

demeurant [Adresse 1]

Monsieur [Q] [C]

demeurant [Adresse 1]

Monsieur [C] [C]

demeurant [Adresse 1]

Monsieur [Y] [C]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMES

Monsieur [V] [E],

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Jérôme LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Véronique ESTEVE, avocat au barreau de NICE

MEDICAL INSURANCE COMPANY LIMITED

dont le siège social est : SAS [Adresse 3]

représentée par Me Jérôme LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Véronique ESTEVE, avocat au barreau de NICE

SAS SOCIETE HOSPITALIERE D ASSURANCE MUTUELLE,

dont le siège social est : [Adresse 4]

représentée par Me Claude-andré CHAS de la SELARL CABINET CHAS, avocat au barreau de NICE, Me Sandra FIORENTINI-GATTI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Anna REIS, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

SAS POLYCLINIQUE NOTRE DAME,

dont le siège social est : [Adresse 5]

représentée par Me Claude-andré CHAS de la SELARL SCABINET CHAS, avocat au barreau de NICE, Me Sandra FIORENTINI-GATTI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Anna REIS, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Mars 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier GOURSAUD, Président

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

Madame Anne VELLA, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvaine MENGUY.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Mai 2018

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Mai 2018,

Signé par Monsieur Olivier GOURSAUD, Président et Madame Sylvaine MENGUY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 2 juillet 2008 [O] [C] a subi une hystérectomie à la polyclinique Notre- Dame, gérée par la SAS Plyclinique Notre-Dame, pratiquée par M. [V], l'anesthésiste étant M. [V] [E].

Après l'intervention, [O] [C] a présenté des épisodes de sueurs, de nausées et d'hypotension artérielle sévère ; son état clinique a continué à s'aggraver dans la soirée du 2 juillet 2008 et elle est décédée le [Date décès 1] 2008 à 2h30.

Le 26 février 2010 M. [L] [C] agissant tant à titre personnel qu'en qualité de représentant légal de [Q], [C], [Y], [B] et [H] [C] a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) qui a la suite du rapport d'expertise du 21 juillet 2011 du docteur [Z] a retenu des fautes de la clinique et de l'anesthésiste et a fixé un partage de responsabilité entre eux à hauteur respectivement de 48% et 32% d'une perte de chance de survie de 80% pour la patiente.

M. [L] [C] agissant en ces mêmes qualités a saisi le juge des référés qui par ordonnance du 5 décembre 2012 a condamné d'une part, solidairement, la SAS Polyclinique Notre-Dame et son assureur la Société hospitalière d'assurances mutuelles (société SHAM) et, d'autre part, solidairement, M. [E] et sa compagnie d'assurances la Société médicale insurance compagny à leur verser différentes sommes au titre de leur préjudice moral et économique.

Par arrêt du 21 novembre 2013 la cour d'appel d'Aix-en-Provence a partiellement réformé cette décision, a prononcé la disjonction avec les demandes présentées par M. [C] [C], devenu majeur le 12 mars 2013, a condamné la SAS Polyclinique Notre-Dame et son assureur à payer différentes sommes aux ayants-droit d'[O] [C] à titre de provision sur leur préjudice d'affection, les frais d'obsèques et les souffrances endurées par [O] [C] et a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de provision formulées à l'encontre de M. [E] et de son assureur en raison de contestations sérieuses concernant sa responsabilité.

Par arrêt du 27 février 2014, la cour d'appel d'Aix-en-Provence statuant sur l'appel formé contre l'ordonnance de référé du 5 décembre 2012 par M. [C] [C], a réformé cette décision sur les provisions allouées à ce dernier, a condamné la SAS Polyclinique Notre-Dame et son assureur à lui verser une somme de 14'000 € au titre de son préjudice d'affection et a rejeté ses autres demandes de provision.

Par actes des 14 et 26 février 2014 M. [L] [C], M. [Q] [C], M. [C] [C], M. [L] [C] agissant en qualité de représentant légal de [Y] [C], [B] [C] et [H] [C], ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Draguignan M. [E] et la Société médicale insurance compagny, la SAS Polyclinique Notre-Dame et la société SHAM, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Var (CPAM), pour obtenir la réparation de leurs préjudices et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 16 novembre 2016 cette juridiction a :

- déclaré M. [E] responsable à hauteur de 20% de la perte de chance de survie évaluée à 80% d'[O] [C],

- déclaré la SAS Polyclinique Notre-Dame responsable à hauteur de 80% de la perte de chance de survie évaluée à 80% d'[O] [C],

- condamné in solidum la SAS Polyclinique Notre-Dame et la société SHAM, après déduction des provisions déjà allouées à payer à :

- M. [L] [C] 1 600 € (16'000 € -14'400 €) au titre de son préjudice d'affection, 97'970,24 € au titre de la perte de revenus et 1 344,77 € (5 658,77 € - 4 314 €) au titre des frais funéraires,

- M. [L] [C] agissant en qualité de représentant légal de ses deux enfants mineurs [B] [C] et [H] [C] 1 600 € pour chaque enfant au titre de son préjudice d'affection, 17'111,68 € pour le préjudice économique de [H] et 14'755,84 € pour le préjudice économique de [B],

- M. [Y] [C] 1 600 € au titre de son préjudice d'affection et 11'465,60 € au titre de la perte de revenus,

- M. [Q] [C] 1 600 € au titre de son préjudice d'affection et 10'044,80 € au titre de la perte de revenus,

- M. [C] [C] 1 600 € au titre de son préjudice d'affection et 10'763,52 € au titre de la perte de revenus,

- M. [L] [C] agissant à titre personnel et en sa qualité de représentant légal de ses enfants mineurs [B] et [H], M. [Y] [C], M. [Q] [C] et M. [C] [C] en leur qualité d'ayants-droit d'[O] [C] 5 600 € (12'800 € -7 200 €) pour les souffrances endurées par la victime,

- constaté que les sommes versées à la CPAM par la SAS Polyclinique Notre-Dame et la société SHAM à titre provisionnel font apparaître un solde en leur faveur de 58,52 €,

- condamné in solidum M. [E] et la société Médical insurance compagny à verser à :

- M. [L] [C] 1 414,69 € au titre des frais funéraires, 24'492,56 € au titre de la perte de revenus et 4 000 € pour son préjudice d'affection,

-M. [L] [C] agissant ès qualités 4 000 € pour chaque enfant au titre de son préjudice d'affection, 4 277,92 € pour le préjudice économique de [H] et 3 688,96 € pour le préjudice économique de [B] [C],

- M. [Y] [C] 4 000 € au titre de son préjudice d'affection et 1 866,40 € au titre de la perte de revenus,

- M. [Q] [C] 4 000 € au titre de son préjudice d'affection et de 1 511,20 € au titre de la perte de revenus,

- M. [C] [C] 4 000 € au titre de son préjudice d'affection et 2 690,88 € au titre de la perte de revenus,

- M. [L] [C] agissant à titre personnel et en sa qualité de représentant légal de ses enfants mineurs [B] et [H], M. [Y] [C], M. [Q] [C] et M. [C] [C] en leur qualité d'ayants-droit de Mme [C] 3 200 € au titre des souffrances endurées par la victime,

- condamné in solidum M. [E] et la société Médical insurance compagny à verser à la CPAM 750,96 € au titre des prestations versées et 164,48 € au titre de l'indemnité forfaitaire avec les intérêts légaux à compter du 29 avril 2014,

- condamné in solidum la SAS Polyclinique Notre-Dame, la société SHAM, M. [E] et la société Médical insurance compagny à payer à M. [L] [C], M. [Q] [C], M. [C] [C], M. [Y] [C] et [B] et [H] [C] représentées par leur père M. [L] [C], ensemble, une somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la SAS Polyclinique Notre-Dame, la société SHAM, M. [E] et la société Médical insurance compagny à payer à la CPAM 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la SAS Polyclinique Notre-Dame, la société SHAM, M. [E] et la société Médical insurance compagny aux dépens avec recouvrement conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire.

Pour statuer ainsi le tribunal a notamment considéré que le préjudice moral d'angoisse avait déjà été indemnisé dans le poste des souffrances endurées et que s'agissant de la perte de chance de survivre une indemnisation ne pouvait être allouée de ce chef, le droit de vivre jusqu'à un âge statistiquement déterminé n'étant pas suffisamment certain au regard des aléas de la vie et des fluctuations de l'état de santé de toute personne.

Par déclarations du 2 février 2017 enregistrée sous le numéro RG 17/02105 et du 6 avril 2017 enregistrée sous le numéro RG 17/06797, M. [L] [C], M. [Q] [C], M. [C] [C], M. [Y] [C], M. [L] [C] agissant en qualité d'administrateur légal de ses filles mineures [B] [C] et [H] [C], ont interjeté un appel partiel de ce jugement limité au rejet de la demande portant sur l'indemnisation du 'pretium mortis' d'[O] [C].

Par ordonnance du 14 avril 2017 ces appels ont été joints par le conseiller de la mise en état pour être suivis sous le numéro 17/02105.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [L] [C], M. [Q] [C], M. [C] [C], M. [Y] [C], M. [L] [C] agissant en qualité d'administrateur légal de ses filles mineures [B] [C] et [H] [C] demandent à la cour dans leurs conclusions du 30 janvier 2018, en application des articles L. 1142-1 et R. 4127-32 et suivants du code de la santé publique, 1147 et 731 du code civil, :

- constater l'erreur matérielle affectant le jugement du 16 novembre 2016 en ce qu'il n'indique pas la société SHAM en qualité de partie au litige,

- rectifier l'erreur matérielle affectant le jugement en ajoutant la société SHAM en qualité d'assureur de la SAS Polyclinique Notre-Dame aux parties en litige,

- constater la jonction entre la présente procédure et celle pendante à l'encontre de la société SHAM enrôlée sous le numéro RG 17/06797 près la même chambre,

- réformer partiellement le jugement en date du 16 novembre 2016 en ce qu'il a rejeté la demande fondée sur la réparation du pretium mortis,

- condamner M. [E] et la société Médical insurance compagny, la SAS Polyclinique Notre-Dame et la société SHAM à proportion de leur responsabilité respective au paiement de la somme de 357'000 € au titre du pretium mortis,

- juger que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

- déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à la CPAM,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- condamner toute partie défaillante au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner toute partie défaillante aux dépens avec distraction.

Ils soutiennent que :

- la Cour de cassation, chambre criminelle, par un arrêt du 23 octobre 2012 a admis l'indemnisation d'un préjudice de vie abrégée et a rejeté le pourvoi qui invoquait que la victime n'a aucun droit acquis à vivre jusqu'à un âge statistiquement déterminé et que ce préjudice ne se réaliserait qu'au moment de la mort de la victime de sorte qu'aucun droit à indemnité n'entrerait dans son patrimoine de son vivant et ne pourrait être transmis à ses héritiers, et a ainsi reconnu que la souffrance morale liée à la conscience de la victime de la perte de son espérance de vie, la victime ayant une conscience suffisante pour envisager sa propre fin, peut être indemnisée indépendamment des souffrances endurées du fait des blessures,

- la douleur née de l'effroi de la représentation de sa propre fin est sans doute l'une des plus intenses qui se puisse connaître et ce préjudice est indemnisé par la Cour de cassation sous le terme de 'l'angoisse d'une mort imminente' qu'elle oppose aux souffrances endurées physiques et morales,

- la Cour de cassation, première chambre civile dans un arrêt du 13 mars 2007, a admis l'indemnisation de la souffrance morale éprouvée par la victime avant son décès en raison d'une perte de chance de survie, et le droit à réparation de ce préjudice est né dans son patrimoine et se transmet à son décès à ses héritiers,

- la Cour de cassation, deuxième chambre civile dans un arrêt du 20 octobre 2016, a posé le principe selon lequel la perte de vie ne fait en elle-même naître aucun droit à réparation dans le patrimoine de la victime seul étant indemnisable le préjudice résultant de la souffrance morale liée à la conscience de sa mort prochaine,

- [O] [C] était âgé de 33 ans au moment du décès et elle a été privée d'une chance de survivre durant 51 années, l'espérance moyenne de vie en France étant, pour une femme, de 84 ans ; le décès n'est pas survenu de manière immédiate, la baisse de pression artérielle post-opératoire a été diagnostiquée à 16h30 et s'est poursuivie jusqu'à l'arrêt cardio-respiratoire à 2h45 ; [O] [C] a deviné qu'il se passait quelque chose d'anormal puisque l'expert a relevé que l'infirmière a fait part à 21h30 à M. [E] d'un état anxieux de celle-ci ; ce chef de préjudice doit être indemnisé à hauteur de 7 000 € par année de survie perdue,

- on ne peut valablement leur opposer la concomitance du préjudice et de la disparition de la personnalité juridique dans la mesure où la victime éprouve le préjudice ou bien profite de la réparation et que si la victime ne souffre pas après le décès elle souffre du décès lui-même et sa créance est née de son vivant parce qu'elle meurt.

La SAS Polyclinique Notre-Dame et la société SHAM demandent à la cour dans leurs conclusions du 8 juin 2017, de :

' à titre principal

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande formulée au titre du pretium mortis,

- rejeter l'intégralité des demandes formulées par les appelants à leur encontre,

- condamner les appelants aux dépens,

' à titre subsidiaire

- évaluer le pretium mortis au plus à 10'000 €,

- ne pas mettre à leur charge plus de 80 % des 80 % de cette somme soit plus de 6 400 €,

- rejeter les demandes formulées à leur encontre.

Elles font valoir que :

- le pretium mortis indemnise l'angoisse pour le patient d'une mort imminente, ce sont les souffrances morales du patient jusqu'à sa mort qui sont indemnisés et non l'espérance potentielle de vie de cette personne qui n'est pas indemnisable conformément à l'arrêt de la Cour de cassation du 26 mars 2013 ; la cour a ainsi retenu qu''aucun préjudice résultant de son propre décès n'a pu naître, du vivant la victime, dans son patrimoine et être ainsi transmis à ses héritiers',

- les souffrances morales subies par [O] [C] liées à l'angoisse de mort imminente ont été indemnisées au titre des souffrances endurées et ne peuvent faire l'objet d'une double indemnisation conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation deuxième chambre civile du 16 mai 2013.

M. [E] et la société Médical insurance compagny demandent à la cour dans leurs conclusions du 9 juin 2017, de :

- recevoir leurs écritures et les dire bien fondées,

- juger qu'ils ne s'opposent pas à la demande de rectification d'erreur matérielle formée par les consorts [C],

- juger qu'ils ne s'opposent pas à la demande de jonction avec la procédure d'appel enregistrée sous le numéro RG 17/06797,

en outre

- juger que les consorts [C] ne peuvent solliciter une indemnisation au titre du pretium mortis, le préjudice moral étant déjà indemnisé au titre des souffrances endurées et le droit de vivre jusqu'à un âge statistiquement déterminé n'étant pas indemnisable,

en conséquence

- débouter les consorts [C] de leurs demandes formulées au titre du pretium mortis,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter les consorts [C] de leur demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter les consorts [C] de leur demande formulée au titre des dépens,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Ils exposent que :

- la position du premier juge sur l'indemnisation du pretium mortis invoquée par les consorts [C] s'inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence constante de la Cour de cassation et les premiers juges n'ont fait aucune confusion entre le pretium doloris ou souffrances endurées et le pretium mortis,

- l'expert a retenu qu'[O] [C] n'a pas subi de souffrances physiques mais un état d'angoisse lié d'abord à l'altération de son état de santé puis plus tard dans la soirée à l'angoisse d'une mort imminente,

- le premier juge a indemnisé les souffrances endurées liées au préjudice d'angoisse de mort imminente en allouant aux ayants-droit d'[O] [C] une somme de 20'000 € à ce titre et cette disposition du jugement n'est pas contestée par les appelants,

- le premier juge a repris les demandes qui avaient été formulées par les consorts [C] au titre du pretium mortis en distinguant le préjudice moral d'angoisse d'une part, et la perte de chance de survivre, d'autre part,

- le préjudice moral d'angoisse qui a déjà été indemnisé en première instance au titre des souffrances endurées ne pourra faire l'objet d'une indemnisation distincte ; ainsi dans un arrêt du 2 février 2017 la Cour de cassation a rappelé que le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés étant inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées, quelle que soit l'origine desdites souffrances, le préjudice lié à la conscience de sa mort prochaine ne peut être indemnisé séparément,

- le préjudice invoqué lié à la perte de chance de survivre ne pourra pas plus être indemnisé car selon la Cour de cassation dans un arrêt du 20 octobre 2016 'la perte de sa vie ne fait en elle-même naître aucun droit à réparation dans le patrimoine de la victime', et dans un arrêt du 26 mars 2013 'le droit de vivre jusqu'à un âge statistiquement déterminé n'est pas suffisamment certain au regard des aléas innombrables de la vie quotidienne et des fluctuations de l'état de santé de toute personne, pour être tenu comme un droit acquis entré dans son patrimoine de son vivant lorsque survient le décès'

- l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 19 septembre 2007 cité par les appelants constitue une jurisprudence isolée dans le principe a été depuis cassé par la Cour de cassation.

La CPAM assignée par acte d'huissier du 14 avril 2017 délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat.

Par courrier du18 avril 2017 elle a fait connaître le montant de sa créance définitive de 4.693,50 € composée du capital décès.

L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il y a lieu de rectifier le jugement du 16 novembre 2016 en ce qu'il sera désormais mentionné dans le chapeau de cette décision la société SHAM prise en la personne de son représentant légal et dont le siège social était à la date de la décision [Adresse 4].

Les consorts [C] demandent, en leur qualité d'ayants-droit d'[O] [C], l'indemnisation d'un préjudice qualifié 'pretium mortis' qu'elle aurait subi avant sa mort qu'ils décomposent en un préjudice de mort imminente et en un préjudice résultant de la perte de la chance de vivre jusqu'à l'âge de 84 ans.

La décision est définitive en ce qui concerne la réparation des souffrances endurées par [O] [C].

Le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés est inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées, quelle que soit l'origine desdites souffrances ; dès lors le préjudice lié à la conscience de sa mort prochaine ne peut être indemnisé séparément des souffrances endurées ; celles-ci ayant déjà été réparées la demande des consorts [C] formée à ce titre ne peut prospérer.

Par ailleurs la perte de sa vie ne fait en elle-même naître aucun droit à réparation dans le patrimoine de la victime ; ainsi [O] [C] n'a pas pu transmettre à ses héritiers un droit à indemnisation de ce chef ; la demande des consorts [C] formulée au titre du préjudice résultant de la perte d'une chance de survie doit être rejetée et le jugement sera confirmé.

L'équité ne commande pas d'allouer à l'une ou l'autre des parties une indemnité au titre des frais irrépétibles d'appel.

Les consorts [C] qui succombent doivent être condamnés aux dépens d'appel avec recouvrement conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Rectifie le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 16 novembre 2016 en ce sens qu'il sera désormais mentionné dans le chapeau la présence de la Société hospitalière d'assurances mutuelles prise en la personne de son représentant légal avec pour siège social [Adresse 4],

- Confirme le jugement,

- Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- Condamne M. [L] [C], M. [Q] [C], M. [C] [C], M. [Y] [C] et M. [L] [C] agissant en qualité d'administrateur légal de ses filles mineures [B] [C] et [H] [C] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 17/02105
Date de la décision : 09/05/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°17/02105 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-09;17.02105 ?
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