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13/04/2018 | FRANCE | N°16/09752

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 13 avril 2018, 16/09752


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 13 AVRIL 2018



N°2018/ 220



RG 16/09752

N° Portalis DBVB-V-B7A-6VT7







AGS - CGEA DE MARSEILLE - UNEDIC AGS - DELEGATION REGIONALE SUD-EST





C/



[E] [E]

SARL APR (AZUR PROVENCE RENOVATION), représentée par Me [A], Liquidateur judiciaire















Grosse et copie délivrées le :



à :



-Me Frédéric LACROIX

, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



-Me Yann ARNOUX-POLLAK, avocat au barreau de MARSEILLE



-Me [A]







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section EN - en date du 02 Mai...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 13 AVRIL 2018

N°2018/ 220

RG 16/09752

N° Portalis DBVB-V-B7A-6VT7

AGS - CGEA DE MARSEILLE - UNEDIC AGS - DELEGATION REGIONALE SUD-EST

C/

[E] [E]

SARL APR (AZUR PROVENCE RENOVATION), représentée par Me [A], Liquidateur judiciaire

Grosse et copie délivrées le :

à :

-Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

-Me Yann ARNOUX-POLLAK, avocat au barreau de MARSEILLE

-Me [A]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section EN - en date du 02 Mai 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 15/00963.

APPELANTE

AGS - CGEA DE MARSEILLE - UNEDIC AGS - DELEGATION REGIONALE SUD-EST, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [E] [E], demeurant [Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Yann ARNOUX-POLLAK, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Pierre ARNOUX, avocat au barreau de MARSEILLE

SARL APR (AZUR PROVENCE RENOVATION), représentée par Me [A], Liquidateur judiciaire, demeurant [Adresse 3]

non comparante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 27 Février 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre

Madame Hélène FILLIOL, Conseiller

Madame Virginie PARENT, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2018

ARRÊT

REPUTE CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2018

Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

[E] [E] a été engagé suivant contrat à durée indéterminée du 1er février 2002 par la SARL AZUR PROVENCE RÉNOVATION (APR), en qualité de directeur adjoint ;

La société avait été constituée le 12 février 2001 par [H] [P], gérante associée et [D] [S], associé, directeur général ;

En 2003, [E] [E] a reçu procuration sur les comptes bancaires de la société ;

En 2009, [E] [E] et [H] [P] se sont mariés ; il est à relever que les bulletins de salaire de l'intimé dès le début de la relation de travail, mentionnent la même adresse que celle de la gérante, telle qu'elle apparaît dans les statuts de la société ;

Le redressement judiciaire de la société a été prononcé le 23 juillet 2014 et la liquidation judiciaire le 17 septembre 2014 ;

Par courrier du 1er octobre 2014, [E] [E] a été licencié pour motif économique par le liquidateur ;

[E] [E] a saisi le conseil de prud'hommes le 7 avril 2015 de demande de paiement de rappel de salaire et d'indemnités liées à un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Par jugement du 2 mai 2016, le conseil de prud'hommes de Marseille a :

- observé en l'état des rapports entre les parties qu'ils présentent à compter du 1er février 2002 au gré de la remise de bulletins de paie, du versement du salaire convenu et du paiement de l'ensemble des charges et cotisation sociales y afférentes, tous les aspects de relations de travail régies par le contrat écrit dès l'embauche en qualité de directeur-adjoint, jusqu'à sa remise en cause à l'occasion du présent litige au titre de la garantie des salaire par le CGEA de Marseille, après les difficultés économiques intervenues en 2013 au sein de la SARL APR et poursuivies aux termes de la décision de sa mise en liquidation judiciaire prononcée par le tribunal de commerce de Marseille en date du 17 septembre 2014, qu'au-delà des apparences, les conditions réelles de l'exécution de l'activité s'imposent cependant, et notamment l'existence du lien de subordination qui, s'il n'est pas formellement établi en l'espèce, peut se déduire de la présence même très irrégulière d'un directeur général qui disposait du pouvoir dévolu à l'employeur,

- exerçant dans ce conditions sa faculté d'appréciation contenue aux dispositions des articles 12 du code de procédure civile et 1235-1 du code du travail, après avoir examiné les pièces qui lui ont été soumises et recherché les conditions du déroulement du 'contrat de travail' consenti par la SARL APR le 1er février 2002, à [E] [E] en qualité de directeur-adjoint,

- retenu bien qu'elle ne s'évince pas expressément des faits, l'existence d'un lien de subordination entre les parties, au terme de leur fonction respective définie au sein de la structure et malgré une proximité avérée

- confirmé le caractère économique du licenciement entrepris,

- fixé la créance de [E] [E] au passif de la SARL APR, Me [Z] [A], ès qualités de mandataire liquidateur, aux sommes suivantes :

* 7773,98 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

* 787,39 € correspondant au congé payé

* 13.163,46 € d'indemnité légale de licenciement

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article R 1454-28 du code du travail pour un salaire mensuel brut de 2624,66 €

- ordonné la délivrance des documents sociaux correspondants et de l'attestation destinée à pôle-emploi

- relevé cependant l'absence de réclamation de [E] [E] pour la période allant du 31 juillet 2014 au licenciement le 1er octobre 2014 a priori parallèle au manque d'activité, et qu'il n'apporte aucun élément à l'appui de la réalité et de l'effectivité de son travail en contrepartie des salaires revendiqués de janvier à juillet 2014, alors qu'il a dans le même temps en fonction de la signature sociale dont il disposait, opéré à son propre nom un certain nombre d'apports et de retraits financiers significatifs inscrits sur les relevés bancaires de la défenderesse produits au débat, et peu compatibles avec un état de privation de rémunération au titre duquel l'intéressé sollicite aujourd la prise en charge confortable par le CGEA à hauteur de 7 mois dans l'intervalle de janvier à juillet 2014, précédant l'ouverture de la procédure collective

- écarté à défaut de justifier utilement et exactement de sa situation durant ce délai; la demande en rappel de salaire formée par [E] [E] dont le fondement tn'est pas rapporté,

- rappelé qu'aux termes des dispositions de l'article L 622-28 du code du commerce, la date d'ouvertue de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts légaux et conventionnels, que par ailleurs la Cour de cassation écarte la garantie des sommes nées d'une procédure judiciaire, qui ne résultent pas directement de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail

- déclaré le présent jugement opposable au CGEA de Marseille, unité déconcentrée de l'UNEDIC, qui ne devra procéder à l'avance des créances garanties visées aux articles L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions qui y sont prévus, limitées au plafonde de garantie applicable selon les articles L 3253-17 et D 3253-5 du même code, payables sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains, selon les dispositions de l'article L 3253-20 du code du travail,

- ajouté que le CGEA AGS de Marseille ne pourra en tout état de cause, être tenu à ses obligations vis à vis de [E] [E] que dans les limites résultant de la loi,

- mis les éventuels dépens à la charge de la liquidation des biens de la SARL APR, Me [A], es qualités de liquidateur.

En clair, le conseil de prud'hommes a reconnu l'existence d'un contrat de travail, dit le licenciement économique justifié par une cause réelle et sérieuse , accordé à [E] [E] l'indemnité de préavis et l'indemnité légale de licenciement mais l'a débouté de sa demande de rappel de salaire ;

Le CGEA/AGS a relevé appel de la décision le 27 mai 2016 ;

Suivant ses conclusions déposées à l'audience du 27 février 2018, et oralement soutenues, le CGEA/AGS de Marseille demande à la cour de :

Vu la procédure collective ouverte contre AZUR PROVENCE RENOVATION : redressement judiciaire du 23.07.2014, liquidation judiciaire du 17.09.2014,

Vu la mise en cause du CGEA DE MARSEILLE délégation UNEDIC-AGS en qualité de gestionnaire de l'AGS, en application articles L. 625-4 et suivants et L. 641-14 (L.J) du code de commerce ;

- Dire et juger que M. [E] ne justifie pas d'un lien de subordination à l'égard de la société AZUR PROVENCE RENOVATION dont la gérante est son épouse, et associée, sur le compte bancaire de laquelle il a une procuration ;

- Dire et juger qu'aucune autorité hiérarchique supérieure à M. [E] capable de lui donner des ordres et directive, d'en contrôler l'exécution et éventuellement d'en sanctionner les manquements dès lors que la gérante est infirmière libérale, et que le directeur général et co-associé est régulièrement absent de l'aveu de la gérante ;

- Réformer le jugement du conseil des prud'hommes de MARSEILLE du 02/05/2016 ;

- Débouter M. [E] de toutes ses demandes tendant à voir fixer des créances salariales au passif de la liquidation judiciaire de la société APR ;

Subsidiairement

- Confirmer le jugement du conseil des prud'hommes de MARSEILLE du 02/05/2016 en ce qu'il a débouté M. G. [E] de sa demande de rappel de salaire de janvier à juillet 2014 ;

- Confirmer le jugement du conseil des prud'hommes de MARSEILLE du 02/05/2016 en ce qu'il a jugé légitime le licenciement pour motif économique et fixé l'indemnité compensatrice de préavis (L.1234-5 C.TRAV.) et l'incidence congés payés ;

- Réformer le jugement et fixer l'indemnité conventionnelle de licenciement à un montant de 12130,36 € selon calcul dans les motifs supra (au lieu de 13163,46 € dont le calcul n'est pas explicité), en application de l'article Article 7.5 de CCN Cadres du bâtiment (IDCC 2420).

Vu l'article 1153 devenu 1231-16 du code civil, vu l'article L. 1221-1 du code du travail ; vu les articles 6, 9 et 14 du code de procédure civile ;

- Débouter M. G. [E] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution fautive ou résistance abusive ;

- Débouter M. G. [E] de toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

Très subsidiairement,

- Dire et juger les créances de salaires de M. [E] qu'il a laissé à disposition de la société APR gérée par son épouse, pour lui permettre de poursuivre son activité, alors qu'elle était manifestement en cessation de paiement, ont perdu leur caractère salarial et se sont novées en un prêt à la société APR ;

- Dire et juger que la garantie AGS ne s'applique à ce type de créance et débouter M. [E] de sa demande d'un montant 18372.62 € ;

Vu les articles L 3253-6 et suivants du code du travail ;

- Dire et juger que l'AGS garantit les sommes sont dues au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective de l'employeur (L. 3253-8, 1° C.TRAV.);

- Dire et juger que sur la période d'observation - R.J 23.07.2014 ' L.J. 17.09.2014 - l'AGS ne peut garantir que l'équivalent d'un mois et demi de travail (Cf. L. 3253-8, 2° C.TRAV.)

- Dire et juger qu'en application de l'article L. 3253-17 du code du travail, la garantie AGS est limitée, toutes sommes et créances avancées confondues, à un ou des montants déterminés par décret (D 3253-5C.TRAV.), en référence au plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions du régime d'assurance chômage, et inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale, ou d'origine conventionnelle imposées par la loi.

- Dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle est évalué le montant total des créances garanties aux articles L. 3253-6 et suivants du Code du travail, compte tenu du plafond applicable (articles L. 3253-17 et D. 3253-5), ne peut s'exécuter que sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par ce celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu des articles L. 3253-19 et suivants du Code du travail ;

- Dire et juger que les divers chefs de demandes au titre des frais irrépétibles visés à l'article 700 du CPC, des dépens, de l'astreinte, des cotisations patronales ou résultant d'une action en responsabilité ne rentrent pas dans le champ d'application de l'article L. 3253-6 du Code du travail ;

- Dire et juger que le jugement d'ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts légaux et conventionnels (art. L. 622-28 C.COM) ;

- Débouter Monsieur [E] [E] de toute demande contraire ;

Selon ses conclusions, reprises à la barre, [E] [E] demande à la cour de :

- accueillir M. [E] en son appel incident du Jugement en date du 02.05.2016 rendu par le Conseil de Prud'hommes de Marseille, section Encadrement ;

- le dire régulier en la forme et fondé au fond ;

- débouter Maître [Z] [A], Mandataire Judiciaire, désigné ès qualité de Liquidateur Judiciaire, de la Société A.P.R. AZUR PROVENCE RENOVATION, et le [Adresse 4] (CGEA), de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

- confirmer le jugement intervenu en date du 02.05.2016 en ce qu'il a :

- constaté l'existence d'un contrat de travail et d'un lien de subordination,

- fixé, en conséquence, au passif de la société APR les sommes suivantes :

7.873,98€, à titre d'indemnité de préavis ;

787,39€, au titre des congés payés y afférents ;

13.163,46€ à titre d'indemnité légale de licenciement

- condamne Me [Z] [A], pris ès qualités de Liquidateur Judiciaire de la Société A.P.R. AZUR PROVENCE RENOVATION à remettre à M [E] ses documents sociaux rectifiés prévoyant bien une activité de salarié Directeur Adjoint statut cadre du 01.02.2002 au 01.10.2014 (certificat de travail, solde de tout compte, attestation Pole emploi) et bulletin de salaire de solde de tout compte.

- Y ajouter que cette remise se fera sous astreinte de 100€ par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, la Cour se réservant le contentieux de l'astreinte sur simple requête ;

- réformer le jugement entrepris pour le surplus et statuant de nouveau :

- dire et juger qu'il n'existe aucune novation des créances salariales de M. [E]

- fixer, en conséquence, au passif de la Société A.P.R. AZUR PROVENCE RENOVATION les sommes de 18.372,62€, à titre de rappel de salaire pour la période de janvier à juillet 2014, et 1837,26€ à titre de congés payés y afférents ;

- constater l'absence de remise des documents sociaux de rupture, malgré l'exécution provisoire qui y était affectée.

- fixer, en conséquence, au passif de la société APR la somme de 20.000,00€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi de ce chef

En toutes hypothèses

- dire et juger que les condamnations à intervenir seront assorties d'intérêts à taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes ;

- ordonner la capitalisation des intérêts ;

- condamner tout succombant, outre aux dépens de première instance et d'appel, à verser la somme de 2000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

La SARL APR convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception revenu signé, en la personne de son liquidateur, Me [A], n'a pas comparu et n'a pas été représentée ; le présent arrêt sera réputé contradictoire à son égard ;

MOTIFS

A/ sur l'existence du contrat de travail

Attendu que pour dénier à [E] [E] sa qualité de salarié et démontrer la fictivité de ce contrat, le CGEA/AGS, débiteur en preuve en l'état d'un contrat de travail apparent, rappelle à juste titre que l'existence d'une relation salariale dépend des conditions de fait dans lesquelles elle est exercée et s'apprécie par rapport à l'existence d'un lien de subordination ; qu'en effet, il ressort de l'article L 1221-1 du code du travail que l'existence d'une relation salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle ; qu'elle repose sur un lien de subordination caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des directives et des ordres, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ;

Attendu qu'à cet égard le CGEA/AGS observe ;

- que la gérante de la société, épouse de l'intimé est infirmière libérale depuis 1987, cette profession étant sans lien avec l'activité de la société et chronophage de sorte qu'elle ne pouvait consacrer du temps à la direction de l'entreprise

- que d'ailleurs elle a donné procuration très rapidement à [E] [E] sur les comptes de la société

- qu'elle a justifié le recrutement de [E] [E] par l'absence de son co-associé, directeur général

- que dans ces conditions, l'intimé peut difficilement soutenir et écrire dans le questionnaire à destination de l'AGS, rempli par lui, qu'il reçoit des ordres et directives du directeur général, absent

- que les bulletins de paie ont cessé d'être édités depuis janvier 2014

- que l'intimé est par ailleurs gérant de 3 SARL et de 4 SCI en novembre 2014 ainsi que les pièces produites l'établissent et que l'on ne peut que s'étonner que la gestion de ces sociétés ne réclament selon lui aucun travail

- que les relevés de compte font apparaître des flux de virement entre ses comptes personnels et les différentes sociétés dont la SARL APR

- qu'en réalité il ne recevait ni ordre ni directive de la gérante-épouse et de l'autre associé, directeur général absent, et qu'il n'existait donc pas de lien de subordination ;

Attendu que pour sa part, [E] [E] objecte :

- qu'au delà de ses contrats de travail et bulletins de salaire, il a été déclaré en rechute d'accident du travail du 6 juillet 2012 au 18 février 2013

- qu'il communique des attestations de 3 professionnels ayant été amenés à travailler avec lui et démontrant, selon lui, qu'il exerçait des fonctions techniques

- que le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire en date du 30 juin 2003 mentionne bien qu'il est directeur-adjoint salarié

- que la procuration bancaire dont il disposait avait pour limite la somme de 1500 €

- que le directeur général en dépit de son absence et la gérante en dépit de son activité d'infirmière étaient parfaitement à même de lui donner des ordres et des directives et d'en contrôler l'exécution

- que 6 des 7 structures dont il assurait la gérance avaient pour activité la location de biens immobiliers ne nécessitant ni salariés, ni temps de travail de la part du gérant

- que la dernière société, la SARL MJ DISTRIBUTION assurait le commerce de gros de vin et a été radiée en septembre 2015

- qu'enfin les organes de la procédure collective n'ont jamais initié de poursuites destinées à sa reconnaissance de gérant de fait

Attendu qu'il s'agit de déterminer si [E] [E] était placé sous la subordination de la société ou si celle-ci était en réalité dirigée par lui ;

Attendu qu'il n'est pas contesté :

- que l'épouse, gérante de droit, avait une activité libérale d'infirmière, contraignante en temps et sans rapport avec l'objet social de la société, définie comme une entreprise générale du bâtiment et la vente de matériaux ; que dans le cv qui lui a été demandé par le liquidateur, elle se prévaut uniquement d'une expérience d'infirmière depuis 1987 ;

- que la lecture des attestations remises par l'intimé révèle que, si un des témoins indique 'avoir confié des marchés à la société pour lesquels [E] [E] a toujours réalisé le suivi et la coordination', les deux architectes auprès desquels [E] [E] a sollicité une attestation précisent 'avoir confié en tant que maître d'oeuvre à plusieurs reprises des chantiers à l'entreprise APR représentée par Monsieur [E] [E] ' ce qui accrédite la thèse selon laquelle dans l'esprit des tiers, l'intimé était le gérant officiel de la société,

- que l'autre associé, 'directeur général' était absent de la société, ainsi que le reconnaît la gérante, justifiant ainsi le recrutement de l'intimé comme l'établit l'appelant dans un questionnaire rempli par la gérante, dans lequel elle précise que l'entreprise n'occupe d'ailleurs plus de salariés depuis 2008

- que la gérante, sollicitée par le liquidateur le 14 janvier 2015 de produire une '[note] descriptive des tâches que vous exerciez', n'a pas déféré à la demande

- que la réalité de transferts financiers entre le compte personnel de [E] [E], une des sociétés qu'il dirigeait et la SARL n'est pas contestable, des virements financiers émanant de la SARL en faveur de son compte personnel étant par ailleurs avérés au cours de l'année ;

- qu'à cet égard la société a précisé que 'les sommes versées par la SCI envers APR ne concernent que des sommes d'apport en fonds propres puisque les SCI sont soumises au régime de l'impôt sur le revenu et approvisionnaient APR pour améliorer la trésorerie de celle-ci' ; qu'il n'existe aucun motif lisible expliquant qu'un salarié, non associé, non détenteur d'un mandat social, alimente les fonds propres d'une société par ses biens personnels ou provenant de sociétés dont il est le gérant ;

Attendu qu'il résulte de ces éléments, apportés par l'appelant, que l'absence de lien de subordination de [E] [E] à l'égard de son épouse ou de quiconque est établie de sorte que si une prestation de travail a été effectuée, elle l'a été sous couvert d'une convention inexactement ou frauduleusement qualifiée de contrat de travail lequel doit jugé fictif ;

B/ sur le rappel de salaire

Attendu que par voie de conséquence, il y a lieu de débouter [E] [E] de sa demande en paiement de rappel de salaires, la décision du conseil de prud'hommes étant confirmée sur ce point ;

C/ sur les autres demandes

Attendu que la cour ne reconnaissant pas à [E] [E] un statut de salarié, elle infirme le conseil de prud'hommes lui ayant alloué une indemnité de préavis, des congés payés sur préavis et une indemnité de licenciement ;

Attendu qu'il convient également de le débouter de sa demande nouvelle en cause d'appel visant à obtenir des dommages-intérêts à hauteur de 20.000 € pour l'absence de délivrance de documents sociaux;

Attendu que [E] [E] est débouté de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par l'intimé

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire à l'égard de [E] [E] et par arrêt réputé contradictoire à l'égard de la SARL APR, représentée par Me [A], es qualités de liquidateur judiciaire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme la décision du conseil de prud'hommes sauf en ce qu'il a débouté [E] [E] de sa demande de paiement de rappel de salaires

Statuant à nouveau par substitution et ajout

Juge le contrat de travail entre [E] [E] et la SARL APR fictif

Déboute [E] [E] de l'ensemble de ses demandes

Le condamne aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 16/09752
Date de la décision : 13/04/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°16/09752 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-04-13;16.09752 ?
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