COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 05 AVRIL 2018
N° 2018/163
Rôle N° 16/09906
[Q] [L]
[B] [L]
[S] [L]
C/
SA COMPAGNIE PHOCEENNE D'EXPERTISE COMPTABLE ET FISCALE
Grosse délivrée
le :
à :
Me TRUPHEME
Me FERRATA
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 19 Mai 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 14/07591.
APPELANTS ET INTIMES
Monsieur [Q] [L]
né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Lise TRUPHEME de la SELARL CADJI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté de Me Violaine CREZE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [B] [L]
né le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 2]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Lise TRUPHEME de la SELARL CADJI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté de Me Violaine CREZE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [S] [L]
né le [Date naissance 3] 1963 à [Localité 2]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Lise TRUPHEME de la SELARL CADJI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté de Me Violaine CREZE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE ET APPELANTE
SA COMPAGNIE PHOCEENNE D'EXPERTISE COMPTABLE ET FISCALE, prise en la personne de son Président Mr [R] [M],
dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée et assistée de Me Dominique FERRATA, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 23 Janvier 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Mme DUBOIS, conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Valérie GERARD, Président de chambre
Madame Françoise PETEL, Conseiller
Madame Anne DUBOIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Avril 2018
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Avril 2018,
Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DES FAITS :
La SARL Partner Export, ayant pour objet l'étiquetage, la mise en conformité des produits destinés à l'exportation et toutes prestations connexes s'y rapportant, créée par [Q] [L], [B] [L] et [S] [L], avait pour expert comptable la Compagnie Phocéenne d'Expertise Comptable et Fiscale (CPECF).
Par acte sous seing privé du 9 février 2010, contenant une clause de garantie d'actif et de passif, les consorts [L] ont cédé la totalité de leurs parts sociales à la société Tesak Holding, représentée par sa gérante Mme [I], pour le prix de 250.000 euros déterminé à partir du bilan du 30 décembre 2008 et de la situation bilantielle établie au 30 septembre 2009.
Par jugement du 26 mai 2011, le tribunal de commerce de Marseille, saisi par la société cessionnaire, a condamné les consorts [L] à payer à la SARL Partner Export une somme totale de 348.559, 86 euros en application de la clause de garantie de passif et d'actif.
Par arrêt du 22 mars 2012, la cour d'appel d'Aix-en-Provence statuant sur appel interjeté à l'encontre de cette décision, a condamné les consorts [L] à payer à la SARL Partner Export la somme de 88.319,91 euros et, avant dire droit sur les autres demandes, a ordonné une expertise comptable.
L'expert a déposé son rapport le 2 avril 2013.
Par arrêt au fond du 5 décembre 2013, la cour d'appel a condamné solidairement les consorts [L] à payer à la société cédée les sommes de 120.000 euros au titre d'une surévaluation des stocks et de 93.349 euros au titre d'une insuffisance des capitaux propres, en application de la clause de garantie.
Le pourvoi formé par les consorts [L] a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 13 octobre 2015.
Considérant qu'elle a commis des fautes lors de l'établissement des comptes de la société Partner Export, les consorts [L] ont, par actes des 30 mai et 2 juin 2014, fait assigner la CPECF ainsi qu'un de ses salariés en la personne de [H] [R], en responsabilité civile professionnelle et en réparation des préjudices subis du fait de leur condamnation.
Par jugement du 19 mai 2016, ce tribunal a :
- déclaré irrecevables les demandes formulées à l'encontre de [H] [R] ;
- condamné la CPECF à payer à [Q] [L], [B] [L] et [S] [L], ensemble, une somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- débouté [Q], [B] et [S] [L] du surplus de leurs demandes ;
- condamné la CPECF aux dépens et dit que ceux-ci seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- condamné la CPECF à payer à MM. [Q] [L], [B] [L] et [S] [L], ensemble, une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par actes des 30 mai 2016 et 20 juin 2016, les consorts [L] puis la CPECF et M. [R] ont respectivement interjeté appel.
Une ordonnance du 28 septembre 2016 a joint les procédures.
Par ordonnance du 15 septembre 2016, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement des consorts [L] à l'égard de [H] [R].
Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 6 novembre 2017 et tenues pour intégralement reprises, les consorts [L] demandent à la cour de :
vu l'article 1382 (ancien) du code civil,
vu l'ordonnance 45-2138 du 19 septembre 1945 et le décret 2012-432 du 30 mars 2012,
vu la jurisprudence,
vu les articles 515, 696, 699 et 700 du code de procédure civile,
vu l'article 1343-2 (nouveau) du code civil,
vu les pièces versées aux débats,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu l'existence de fautes imputables à la société CPECF, engageant sa responsabilité contractuelle et la condamnant à les indemniser à hauteur de la somme de 30.000 euros le préjudice qu'ils ont subi ;
- infirmer le jugement attaqué pour le surplus, notamment en ce qu'il a limité leur préjudice à hauteur de la somme de 30.000 euros, l'évaluant à ce titre « toutes causes confondues » ;
- et statuant à nouveau :
- 1°) Dire et juger que les fautes commises par la société CPECF sont principalement à l'origine de la mise en jeu de la garantie d'actif et de passif et, par suite, de la condamnation des consorts [L] à l'égard de Madame [I], cessionnaire de la société Partners Export ;
- Dire et juger que la perte de chance des consorts [L] de ne pas se voir condamner au titre de la garantie d'actif et de passif à hauteur des montants retenus s'évalue raisonnablement à hauteur de 70% ;
- Par conséquent,
- Condamner la société CPECF à payer à MM. [Q] [L], [B] [L] et [S] [L], ensemble, la somme de 84.000 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la condamnation au titre de la surévaluation des stocks de la SARL Partner Export, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation devant le tribunal de grande instance de Marseille délivrée le 30 mai 2014 ;
- la condamner à payer à MM. [Q] [L], [B] [L] et [S] [L], ensemble, la somme de 63.344,30 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la condamnation au titre de la surévaluation des capitaux propres de la SARL PARTNERS EXPORT, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation devant le tribunal de grande instance de Marseille délivrée le 30 mai 2014 ;
- Ordonner la capitalisation des intérêts ;
2°) Dire et juger que les fautes commises par la société CPECF ont causé à M. [Q] [L], M. [B] [L] et M. [S] [L], ensemble, des préjudices financiers résultants des frais exposés afin d'assurer leur défense dans le cadre de la procédure de garantie d'actif et de passif ;
- Par conséquent,
- Condamner la société CPECF à verser à M. [Q] [L] la somme de 33.000 euros au titre du préjudice financier subi du fait de la moins-value réalisée à travers la vente de sa maison d'habitation ;
- la condamner à payer à MM. [Q] [L], [B] [L] et [S] [L], ensemble, la somme de 51.786,90 euros au titre des autres préjudices financiers cités, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation devant le tribunal de grande instance de Marseille délivrée le 30 mai 2014 ;
- Ordonner la capitalisation des intérêts ;
- 3°) Dire et juger que les fautes commises par la société CPECF ont causé aux consorts [L] un préjudice moral ;
- Par conséquent,
- Condamner la société CPECF à payer à MM. [Q] [L], [B] [L] et [S] [L], ensemble, la somme de 100.000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
- 4°) Condamner la société CPECF à payer à MM. [Q] [L], [B] [L] et [S] [L], ensemble, la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Trupheme.
Dans ses dernières écritures déposées et notifiées le 31 août 2017 et tenues pour intégralement reprises, la CPECF demande à la cour de :
Vu l'article 1382 et suivants du code civil,
Vu la jurisprudence,
Vu le rapport d'expertise judiciaire du 22 mars 2013,
Vu les pièces versées aux débats
- ordonner la jonction des procédures N°16/09906 et N°16/11515
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis hors de cause [H] [R].
- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 19 mai 2016.
- dire et juger que la surévaluation du stock ne résulte pas du fait ni d'une faute de la CPECF.
- dire et juger que la prétendue irrégularité du bilan établi par CPECF au 31 décembre 2008, n'aurait pas été de nature à engager la garantie de passif des consorts [L] car la différence de capitaux propres relevée par l'expert sur ces comptes était inférieure à la franchise contractuelle.
- dire et juger qu'il n'existe aucune irrégularité sur la situation au 30 septembre 2009 établie par CPECF.
- dire et juger que l'expertise judiciaire n'a pas été rendue au contradictoire de la société CPECF, qui n'a pu ainsi intervenir pour fournir ses explications.
- dire et juger qu'en tout état de cause, sur les comptes établis par CPECF au 8 février 2010 ou sur les comptes établis par l'expert judiciaire à la même date, il existe une baisse des capitaux propres de nature à actionner la garantie d'actif et de passif à laquelle s'étaient engagés les consorts [L].
- dire et juger que les condamnations portées à l'encontre des consorts [L] par l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 5 décembre 2013, résultent de l'application de la clause de garantie d'actif et de passif résultant de l'acte de cession de parts sociales du 9 février 2010 et non pas d'erreurs comptables de la société CPECF.
- en conséquence :
- dire et juger que les consorts [L] ne sauraient qualifier de préjudice, les condamnations portées à leur encontre au titre de leurs engagements contractuels.
- les débouter de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, en constatant qu'il n'ont aucun préjudice à faire valoir résultant de la responsabilité civile professionnelle de la SA CPECF.
- les condamner au paiement de la somme de 11.710 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- les condamner aux entiers dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 janvier 2018.
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**
SUR CEÂ :
La SARL Partners Export avait pour expert-comptable la SA CPECF qu'elle avait spécialement chargée, outre ses missions en matière sociale :
- de l'enregistrement des opérations (tenue livres d'achats, de ventes, de trésorerie),
- des opérations de rapprochement bancaire, des opérations d'enregistrement des écritures d'inventaire,
- des déclarations de TVA,
- de l'établissement des comptes annuels (bilan et compte de résultat, annexe),
- de la tenue des registres légaux.
Elle avait quant à elle conservé :
o la tenue des livres de caisse,
o l'établissement du stock et travaux en cours,
o la conservation des archives,
o la déclaration d'échange de biens.
Aux termes de l'acte de cession des parts sociales de la SARL Partners Export, les cédants ont attesté que « le bilan arrêté au 31 décembre 2008, le compte de résultat de la société au 31 décembre 2008 et les annexes aux comptes annuels constituant l'annexe bilan des présentes, approuvées par les cédants et annexée aux présentes, la situation bilantielle arrêté au 30 septembre 2009 ainsi que le bilan qui sera établi au jour de la cession et qui seront remis au cessionnaire sont/seront réguliers et sincères au regard des normes comptables françaises et donnent/donneront une image fidèle du résultat des opérations, de la situation et du patrimoine de la société ».
Les consorts [L] se sont contractuellement engagés à garantir vis-à -vis de la société cessionnaire toute perte subie par la société Partners Export sur les éléments d'actif figurant sur la situation bilantielle arrêtée au 30 septembre 2008 et sur celle arrêtée au 30 septembre 2009, ainsi que sur le bilan arrêté au jour de la cession et qui se trouverait ou s'avérerait avoir été sous estimée.
Condamnés à payer diverses sommes après la mise en 'uvre par la cessionnaire de la clause de garantie d'actif et de passif, les consorts [L] reprochent à la SA CPECF des fautes délictuelles ayant abouti à une surévaluation des stocks et à une insuffisance de capitaux propres de la SARL Partners Export.
Sur la surévaluation des stocks :
Il n'est pas discuté que lors de la cession des parts de la SARL Partners Export le 9 février 2010, aucun inventaire n'avait été établi et que le bilan du 31 décembre 2009 n'avait pas encore été dressé.
Les appelants reprochent à la société CPECF d'avoir, pour établir le bilan du 31 décembre 2009, retenu un stock de 197.558 euros avancé par la cessionnaire « sous réserve d'inventaire » au lieu de prendre en compte celui de 77.557,84 euros annoncé le 30 mars 2010 par [Q] [L], et d'être à l'origine directe de leur condamnation définitive à payer à la SARL Tesak Holding la somme de 120.000 euros au titre de la surévaluation des stocks.
L'intimée répond que n'ayant en charge ni l'évaluation ni la vérification du stock, elle ne peut avoir surévalué celui-ci, que le chiffre donné par l'ancien gérant était incohérent et que le retenir aurait exposé la SARL Partners Export à des difficultés avec ses partenaires financiers. Elle souligne qu'en tout état de cause, les condamnations ne résultent pas d'une faute de sa part mais de la mise en jeu de la garantie d'actif et de passif qu'elle n'a de surcroît pas rédigée.
Si la SA CPECF n'a pas rédigé l'acte de cession et les clauses qu'il contient, il n'empêche qu'elle n'ignorait pas la cession intervenue le 9 février 2010 et par conséquent l'importance du bilan du 31 décembre 2009 qu'il lui incombait d'établir et qui devait immanquablement servir de référence mais aussi d'élément de comparaison avec les bilans antérieurs dans le cadre d'une clause de garantie d'actif et de passif classiquement prévue lors des cessions de parts sociales.
Par ailleurs, quand bien même l'établissement du stock ne lui revenait pas, sa mission, réglementée, lui imposait de contrôler la tenue des écritures comptables, de s'assurer de la sincérité et de la régularité des comptes annuels, en rapprochant les différents postes du compte de résultat et du bilan et en demandant tous renseignements et documents utiles de nature à établir la concordance, la cohérence et la vraisemblance entre les différentes déclarations.
Pourtant, malgré les informations contradictoires de M. [L] et de Mme [I] et l'absence d'inventaire venant conforter l'une des deux thèses, l'intimée a, de son propre chef, retenu le stock avancé par la nouvelle gérante, sans en référer à l'ancien gérant et sans avoir préalablement provoqué la discussion des intéressés sur la divergence des évaluations fournies.
Elle ne peut se contenter d'opposer l'incohérence du stock énoncé par l'ancien gérant, laquelle devait au contraire la pousser à contacter M. [L] et à l'inviter à fournir les explications et documents utiles pour, le cas échéant, procéder aux corrections nécessaires. Or, il n'est même pas établi qu'elle a averti l'ancien gérant qu'elle avait écarté sa déclaration au profit de celle de Mme [I] ni même qu'elle lui a donné connaissance du résultat fiscal et de la liasse fiscale du 31 décembre 2009.
En s'abstenant d'agir de la sorte, au motif notamment que la situation de la SARL Partners Export aurait été catastrophique pour continuer à pouvoir bénéficier d'un soutien bancaire, et en reportant un stock de 197.558 euros non vérifié et tout aussi peu crédible au regard de l'inventaire physique du stock effectué en juillet 2010 et s'élevant à 10.926 euros, elle a manqué à sa mission d'établir un bilan sincère.
Contrairement à ce qu'elle allègue, sa faute est à l'origine directe de la perte de chance subie par les consorts [L] de ne pas voir la garantie d'actif et de passif mise en jeu dès lors que les cédants ont été condamnés à payer la somme de 120.000 euros correspondant à l'écart entre le stock de 77.557,84 euros qu'ils avaient avancé et celui de 197.558 euros retenu unilatéralement par la société CPECF.
En effet, quand bien même l'expert judiciaire a reconnu l'incohérence du stock de 77.557,84 euros énoncé par les appelants, c'est précisément ce montant qu'il a retenu comme valeur de stock pour rectifier le bilan faussé par les écritures de l'intimée.
Cependant, force est de relever que cette valeur a été reprise par l'expert faute d'avoir reçu des cédants les éléments permettant de déterminer le montant du stock et faute d'établissement d'un inventaire lors de la cession.
Il en résulte que les consorts [L] ont eux-mêmes contribué au préjudice qu'ils ont subi, à proportion de 30%.
La SA CPECF, dont la responsabilité doit par conséquent être retenue, sera condamnée à leur payer la somme de 84.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Sur l'insuffisance des capitaux propres :
L'acte de cession stipule que « les capitaux ne devront pas être inférieurs de 30.000 euros à ceux stipulés au bilan au 31 décembre 2008 ; au delà l'excédent, ainsi que le montant du redressement éventuel de la société suite au contrôle fiscal de la société seront pris en charge personnellement par les cédants dans les mêmes conditions prévues que dans la garantie de passif ci dessous ».
Condamnés définitivement à payer à la SARL Partners Export la somme de 93.349 euros au titre de la surévaluation des capitaux propres, les appelants reprochent à l'intimée d'avoir, en juin 2010, enregistré tardivement une créance client S3A de 112.645 euros alors qu'elle aurait dû l'être en décembre 2007 et d'avoir ainsi généré une baisse de plus de 30.000 euros des capitaux propres provoquant le jeu de la garantie d'actif et de passif.
L'intimée explique cette irrégularité, d'une part, par le fait que lors de l'établissement du bilan 2007, [Q] [L] lui avait demandé de de comptabiliser le solde du client S3A en vente et, d'autre part, par les pratiques de la SARL Partners Export à cette époque, en vertu desquelles « lors de la livraison de la marchandise au client, les factures définitives étaient adressées au client (différentes de la proforma) et la facture proforma était annulée. Entre les deux opérations il se passait un certain temps et d'autre part, certains clients faisaient des avances à la SARL Partners Export... ».
Elle considère que sa responsabilité ne peut néanmoins être retenue puisque selon les conclusions de l'expert judiciaire :
1) le bilan du 31 décembre 2007 a été amélioré de 112.645 € correspondant à une régularisation du compte client créditeur S3A qui n'a été effectuée qu'au 8 février 2010
=$gt; si cette perte avait été comptabilisée au 31 décembre 2007 :
* le résultat de l'exercice serait une perte de 60.424 euros et non un profit de 40.401 euros
* le montant des capitaux propres aurait été de 137.489 euros au lieu de 197.913 euros
* la société bénéficierait d'un déficit reportable de 60.424 euros
2) le bilan du 31 décembre 2008 tenant compte du déficit reportable de 60.24 euros conduirait à une économie d'impôt de 20.140 euros (1/3 de 60.424)
=$gt; le résultat de l'exercice serait un profit de 113.044 euros au lieu de 92.904 euros
=$gt; les capitaux propres au 31 décembre 2008 s'élèveraient à 270.673 euros et non à 290.817 euros
3) le résultat de la situation bilantielle au 30 septembre 2009 demeurerait inchangé.
Cependant, si le défaut d'enregistrement de la perte de 112.645 euros au 31 décembre 2007 n'a pas eu de répercussion en 2009, elle a indubitablement eu des conséquences sur le bilan de 2008 et notamment sur les capitaux propres majorés de 20.000 euros à ce qu'ils auraient du être si l'irrégularité n'avait pas été commise.
Or, c'est l'insuffisance des capitaux propres de 2010 par rapport à ceux du 31 décembre 2008 et non ceux de 2009, qui a entraîné la mise en 'uvre de la garantie d'actif et de passif.
Toutefois, la comptabilisation en vente de l'encaissement de l'avance du client S3A, résulte des pratiques de l'ancien gérant de la SARL Partners Export.
De plus, [Q] [L] qui était destinataire des bilans de 2007 et 2008, est resté taisant sur l'inadéquation des écritures comptables de la SA CPECF dont il pouvait donc se rendre compte puisqu'il contrôlait quotidiennement toute la gestion de son entreprise, procédait aux paiements, contrôlait tous les comptes bancaires, s'occupait de la gestion des comptes clients et avait en amont le contrôle des pro formas, factures et avoirs.
Par conséquent, si en sa qualité de professionnelle, l'intimée se devait de dresser des bilans sincères, la perte de chance de ne pas voir mise en jeu la garantie qu'elle a fait subir aux appelants ne peut dépasser les 30% de l'insuffisance des capitaux propres, au surplus générée par d'autres éléments tels l'existence de créances litigieuses.
Elle sera par conséquent condamnée à payer la somme de 28.004,70 euros de ce chef aux consorts [L].
Sur les autres préjudices :
Les appelants soutiennent que pour faire face à leur condamnation, [Q] [L] a dû consentir à la vente amiable de sa maison d'habitation dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière engagée par le cessionnaire de la SARL Partners Export et subit une moins value de 33.000 euros dont ils demandent le paiement.
Ils ajoutent qu'en plus de leur condamnation à 10.000 euros au titre des frais de justice, ils ont dû engager des frais importants pour assurer la défense de leur droits et réclament de ce fait une indemnité de 51.786,90 euros en réparation de ce préjudice financier.
Ils invoquent enfin avoir subi un préjudice moral pour s'être retrouvés privés du prix de cession de leur société et du domicile de [Q] [L], pour avoir dû souscrire des emprunts pour rembourser leurs dettes et pour devoir faire face à l'ensemble de leurs charges et au stress générés par ce contentieux, devant être indemnisé à hauteur de 100.000 euros.
Cependant, ces préjudices procèdent de l'exécution de la clause de garantie et ne découlent pas directement des manquements de l'intimée.
Les consorts [L] seront donc déboutés de leurs demandes indemnitaires de ces chefs.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
L'intimée qui succombe, sera condamnée aux dépens et à payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition,
INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la SA CPECF aux dépens et à payer aux consorts [L] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la SA CPECF à payer à [Q] [L], [B] [L] et [S] [L], en réparation de leur perte de chance de ne pas voir mise en jeu la clause de garantie d'actif et de passif, les sommes de :
- 84.000 euros au titre de la surévaluation des stocks avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,
- 28.004,70 euros au titre de l'insuffisance des capitaux propres,
LA CONDAMNE à payer à [Q] [L], [B] [L] et [S] [L] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE les consorts [L] de leurs autres prétentions indemnitaires,
REJETTE le surplus des demandes,
CONDAMNE la SA CPECF aux dépens d'appel distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT