COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 05 AVRIL 2018
No 2018/151
Rôle No No RG 17/09571 - No Portalis DBVB-V-B7B-BAR6O
Rose-Marie Y... veuve Z...
SCI SAINT PONS LA TOUR
C/
Bruno XX... F... DE
V...
Véronique Y...
Virginie Y... épouse A...
Marie-Adeline Y... épouse B...
Grosse délivrée
le :
à :
Me Jérôme LATIL
Me Christian DUREUIL
Me PORTEU DE LA MORANDIERE
Me Caroline PAYEN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 04 Mai 2017 enregistré au répertoire général sous le no 15/03902.
APPELANTES
Madame Rose-Marie Y... veuve Z...
née le [...] à TOULON (83),
Demeurant [...]
représentée par Me Jérôme LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
SCI SAINT PONS LA TOUR
Prise en la personne de son représentant légal en exercice,
Demeurant [...]
représentée par Me Jérôme LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
Maître Bruno AA...
Pris en sa qualité d'administrateur judiciaire
Désigné par jugement du Tribunal de grande instance d'AIX-EN-PROVENCE du 04 mai 2017,
Demeurant [...]
représenté par Me Christian DUREUIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Maître F... V...
Pris en sa qualité de liquidateur judiciaire à la liquidation de Mme Marie G... veuve Y....
Demeurant [...] [...]
représenté par Me Benoît PORTEU DE LA MORANDIERE , avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Madame Véronique Y...
née le [...] à NICE (06),
Demeurant [...]
représentée par Me Caroline PAYEN de la SCP DRUJON D'ASTROS BALDO etamp; ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Madame Virginie Y... épouse A...
née le [...] à AIX EN PROVENCE (13),
Demeurant [...]
représentée par Me Caroline PAYEN de la SCP DRUJON D'ASTROS BALDO etamp; ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Madame Marie-Adeline Y... épouse B...
née le [...] à AIX EN PROVENCE (13),
Demeurant [...] LES MILLES
représentée par Me Caroline PAYEN de la SCP DRUJON D'ASTROS BALDO etamp; ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 20 Février 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Dominique PONSOT, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Dominique PONSOT, Président
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller
Madame Isabelle DEMARBAIX, Vice-président placé auprès du Premier Président
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Rime GHORZI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Avril 2018.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Avril 2018
Signé par Monsieur Dominique PONSOT, Président et Mme Rime GHORZI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******
Vu le jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 4 mai 2017 ayant, notamment :
- déclaré irrecevable l'action engagée par la SCI Saint Pons La Tour selon assignation des 4 et 12 juin 2015,
- annulé l'assemblée générale de la SCI Saint Pons Le Tour tenue le 24 janvier 2013 ayant décidé la dissolution anticipée de cette société et désigné Me K... en qualité de liquidateur amiable,
- prononcé la dissolution anticipée de la SCI Saint Pons La Tour,
- désigné Me K... en qualité d'administrateur de la SCI Saint Pons La Tour avec tout pouvoir pour procéder à la vente de l'actif, notamment immobilier, de la société, pour payer les dettes sociales, établir un projet de répartition du boni de liquidation entre associés et procéder aux formalités de dissolution de la SCI Saint Pons La Tour,
- débouté Me F... V... ès qualités de liquidateur judiciaire de feue Marie G... veuve Y..., Mme Virginie Y..., Mme Véronique Y... et Mme Marie-Adeline Y... B... de leurs demandes en paiement de dommages-intérêts,
- condamné Mme Rose-Marie Y... veuve Z... à payer à Me F... V... ès qualités la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme Rose-Marie Y... veuve Z... à payer à Mme Virginie Y..., Mme Véronique Y... et Mme Marie-Adeline Y... B... la somme globale de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toute autre demande,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné Mme Rose-Marie Y... veuve Z... aux dépens ;
Vu la déclaration du 18 mai 2017, par laquelle Mme Rose-Marie Y... veuve L... et la SCI Saint Pons La Tour ont formé, à l'encontre de cette décision, un appel limité aux dispositions du jugement portant sur la dissolution judiciaire de la SCI Saint Pons La Tour, sur l'article 700 et les dépens ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 18 janvier 2018, aux termes desquelles Mme Rose-Marie Y... veuve Z... et la SCI Saint Pons La Tour demandent à la cour de :
- les recevoir en leur appel limité,
- surseoir à statuer jusqu'au dépôt (du rapport) judiciaire de M. M...,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la dissolution judiciaire de la SCI Saint Pons La Tour, nommé, en qualité d'administrateur, M. BB... , ainsi que condamné Mme Rose-Marie Y... veuve Z... à verser un article 700 aux consorts Y... et à Me V... , ainsi que la condamnation aux dépens.
- dire et juger qu'en application de l'article 1860 du code civil et son interprétation jurisprudentielle, Me V... est irrecevable dans sa demande de dissolution anticipée de la SCI Saint Pons La Tour,
- dire et juger que depuis le 17 avril 2014, et en raison du legs dont elle a été bénéficiaire, Mme Rose-Marie Y... veuve Z... est gérante majoritaire pouvant ainsi gérer la SCI Saint Pons La Tour et trouver les ressources nécessaires à l'entretien des bâtiments litigieux par la vente parcellaire du domaine,
- dire et juger que cette gérance majoritaire empêche toute paralysie dans le fonctionnement de la SCI Saint Pons La Tour,
- dire et juger en l'espèce qu'il n'y a pas lieu à dissolution anticipée de la SCI Saint Pons La Tour ni à la nomination d'un quelconque administrateur judiciaire,
- débouter Me F... V... , Mme Virginie Y..., Mme Véronique Y... et Mme Adeline Y... B... de toutes leurs fins et demandes comme injustes et infondées,
- condamner conjointement et solidairement Mme Virginie Y..., Mme Véronique Y... et Mme Adeline Y... B... à lui verser la somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts en applications des articles 1153, § 4, et 1382 du code civil,
- condamner conjointement et solidairement Mme Virginie Y..., Mme Véronique Y... et Mme Adeline Y... B... à lui verser la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner conjointement et solidairement Me F... V... , Mme Virginie Y..., Mme Véronique Y... et Mme Adeline Y... B... aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 4 octobre 2017, aux termes desquelles Mme Virginie Y... épouse A..., Mme Véronique Y... et Mme Adeline Y... épouse B... demandent à la cour de :
- rejeter l'appel de Mme Z... comme mal fondé,
- dire et juger que l'appel interjeté par Mme Z... est particulièrement dilatoire voir abusif dans la mesure où la mésentente entre les associés de la SCI Saint Pons est incontestable et incontestée,
- dire et juger que le fonctionnement normal de la société est paralysé par les conflits entre associés et que cette paralysie met en péril un patrimoine que la SCI ne peut ni entretenir, ni protéger, au détriment même des intérêts des associés,
En conséquence,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
- condamner reconventionnellement Madame Z... au paiement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- condamner reconventionnellement Mme Z... au paiement de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens, dont distraction ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 6 octobre 2017, aux termes desquelles Me F... V... , ès qualités de liquidateur judiciaire de feue Marie G... veuve Y... demande à la cour de :
Sur la recevabilité
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de la SCI Saint Pons La Tour,
Sur le fond,
- dire et juger qu'en sa qualité de liquidateur judiciaire de feue Marie Y..., il avait toujours la qualité d'associé, le remboursement de ses parts sociales au capital de la SCI Saint Pons La Tour n'étant pas intervenu, et bénéficiaire, à ce titre, du droit de vote,
- constater que l'attitude de Mme Z..., qui n'a agi que dans son intérêt personnel au détriment des intérêts de la SCI Saint Pons La Tour et des autres associés, a totalement paralysé le fonctionnement de la société,
En conséquence,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- prononcé la dissolution anticipée de la SCI Saint Pons La Tour,
- désigné Me K... en qualité d'administrateur de la SCI avec tout pouvoir pour procéder à la vente de l'actif, notamment immobilier de la société, pour payer les dettes sociales, établir un projet de répartition du boni de liquidation entre associés et procéder aux formalités de dissolution de la SCI Saint Pons La Tour,
- constater que l'attitude de Mme Z... a empêché depuis 22 ans, le paiement des créanciers et la clôture de la liquidation judiciaire de feue Marie Y..., ce qui a créé un préjudice incontestable à ses créanciers,
En conséquence,
- condamner Mme Z... au paiement de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédures abusives, ce qui a nui à l'intérêt des créanciers de la procédure collective dont il a la charge,
- condamner Mme Z... aux entiers dépens de 1'instance et à la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 9 octobre 2017, aux termes desquelles Me Bruno K..., ès qualités d'administrateur judiciaire de la SCI Saint Pons La Tour demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- condamner les appelantes à lui payer ès qualités la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction ;
SUR CE, LA COUR,
Attendu qu'il sera rappelé que par acte du 28 mars 1956, a été créée la SA Saint Pons La Tour pour une durée de 50 ans, ayant pour objet objet, exploitation mise en valeur ou à la location/affermage d'un domaine situé aux Milles (13), comportant un château, des dépendances et, à l'origine, 258 hectares de terres ;
Que Alexandre Y... et Marie G..., son épouse, après s'être portés acquéreurs des 2.500 parts de la société, l'ont transformée en société civile immobilière, la SCI Saint Pons La Tour le 2 juin 1961 ; que la société, qui n'avait pas été immatriculée lors de sa transformation et avait le choix de ne pas requérir son immatriculation lors de l'entrée en vigueur de la loi no 78-9 du 5 janvier 1978, s'est, en définitive, immatriculée le 31 octobre 2002 pour une durée de 50 ans ;
Qu'il est acquis aux débats que, du vivant des époux Y..., ceux-ci détenaient 125 parts chacun, leurs enfants, Micheline, Gilbert et Rose-Marie en détenant chacun 750 ; qu'à la suite du décès successif d'Alexandre Y..., [...] , et de Marie G..., son épouse, en 1999, les parts se répartissaient de la manière suivante :
- Micheline Y... : 750 parts
- Gilbert Y... 750 parts
- Rose-Marie Y... : 750 parts
- hoirie d'Alexandre Y... 125 parts
- Me V... , ès qualités de liquidateur de Marie G... : 125 parts ;
Que de son vivant, en effet, Marie G... avait été placée, en 1991, en redressement judiciaire, puis, en 1994, en liquidation judiciaire ;
Que Gilbert Y..., qui avait assuré un temps la gérance de fait de la SCI avant la désignation, en novembre 2002, de sa sœur Mme Rose-Marie Y..., veuve Z... (Mme Z...), en qualité de gérante, est décédé [...] , laissant pour lui succéder ses trois filles, Mmes Virginie Y..., Véronique Y... et Marie-Adeline Y... B... ;
Qu'avant son décès, Mme Z... avait engagé à son encontre [...] une action en responsabilité liée à la vente, en 1999, d'une parcelle de plus de 100 hectares à la ville d'Aix-en-Provence à laquelle il avait irrégulièrement procédé ; que cette action a donné lieu à une condamnation au profit de Mme Z... de la quote-part lui revenant, somme fixée à 149.476,41 euros par arrêt de la cour du 29 septembre 2005 ; que cette condamnation, qui s'élèverait désormais à un montant considérable en raison du cours des intérêts, a donné lieu à la saisie des parts sociales des héritières de Gilbert Y..., Mmes Virginie Y..., Véronique Y... et Marie-Adeline Y... B..., à l'initiative de leur tante, Mme Rose-Marie Z... ;
Que le 4 janvier 2013, le tuteur de Micheline Y..., M. BB... , avait convoqué une assemblée générale extraordinaire ayant pour objet la dissolution volontaire de la SCI et la désignation d'un liquidateur amiable ; que Me V... a été autorisé à y participer ès qualités de liquidateur de Marie G..., par ordonnance du juge commissaire du 16 janvier 2013 ; que le 24 janvier 2013, l'assemblée générale s'est tenue et a décidé de la dissolution anticipée de la SCI et désigné Me K..., ès qualités de liquidateur amiable ;
Que le 11 juillet 2013, la SCI a été placée en redressement judiciaire sur assignation de deux occupants sans titre du domaine ayant fait valoir leur qualité de travailleurs dissimulés, MM. N... et O... ; que Me P... étant désigné en qualité d'administrateur judiciaire ; qu'il est acquis aux débats que la procédure a été clôturée ;
Que Micheline Y... est à son tour décédée [...] , laissant pour lui succéder sa sœoeur Rose-Marie, à qui elle a légué la totalité de ses parts dans la SCI ; qu'il en résulte que les parts se répartissent actuellement de la manière suivante :
- Mme Rose-Marie Z... : 1.500 parts, outre 2/3 de l'hoirie d'Alexandre Y... (125 parts x 2/3)
- Mmes Virginie Y..., Véronique Y... et Marie-Adeline Y... B... : 750 parts, outre 1/3 de l'hoirie d'Alexandre Y... (125 parts x 1/3)
- Me V... , ès qualités de liquidateur de Marie G... : 125 parts ;
Que par actes des 4 et 12 juin 2015 Mme Z..., à titre personnel et en sa qualité de gérante de la SCI, a fait assigner ses nièces et Me V... ès qualités devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en nullité de l'assemblée générale ;
Que le jugement entrepris a déclaré irrecevable l'action en nullité en tant qu'elle a été exercée par la SCI Saint Pons La Tour, au motif qu'à la date de l'assignation, Mme Z... n'avait plus la qualité de dirigeante, la société étant en liquidation amiable, et la SCI étant représentée par son liquidateur ;
Qu'en revanche, le tribunal a considéré que Mme Z..., en sa qualité de porteur de parts, avait qualité pour exercer cette action et y a fait droit, en considérant que M. BB... , qui n'avait pas été autorisé par le juge des tutelles, n'avait pas le pouvoir de convoquer une assemblée générale ;
Que, sur demande reconventionnelle de Me V... , le tribunal a prononcé la dissolution de la SCI pour juste motif, en raison de la mésentente entre les associés, paralysant le fonctionnement de celle-ci, et a désigné Me K... en qualité d'administrateur de la société dissoute ;
Attendu que Mme Z... a relevé appel de cette décision ; que, devant la cour, n'est plus en discussion l'annulation de la résolution de l'assemblée générale du 24 janvier 2013 ayant décidé de la dissolution amiable de la SCI ;
Sur la dissolution pour juste motifs
Attendu que Mme Z... rappelle que la mésentente entre associés ne suffit pas, selon la jurisprudence, et qu'il faut en outre caractériser la paralysie de la société ; qu'elle fait valoir qu'elle détient désormais plus des 2/3 des parts de la SCI, de sorte qu'il n'y a plus de risque de paralysie ;
Qu'ainsi, il suffit de la laisser procéder à la cession de divers actifs, qui permettront de dégager la trésorerie nécessaire pour faire face aux problèmes que rencontre la SCI ;
Qu'elle demande, à tout le moins, à la cour de surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport de M. M..., expert judiciaire désigné à la requête de Me K... en exécution du jugement querellé l'ayant désigné en qualité de liquidateur amiable, pour valoriser les biens immobiliers appartenant à la SCI Saint Pons La Tour ;
Qu'en réponse, les intimés soutiennent au contraire que depuis 20 ans, Mme Z... multiplie les procédures à l'encontre de ses co-associés, et qu'aucune décision n'est possible ; qu'ils rappellent que c'est en raison de cette situation qu'un administrateur provisoire a été nommé en la personne de Me P... ;
Qu'ils relèvent ainsi que lors de la gérance assurée par Mme Z..., aucune assemblée générale ne s'est tenue, que Mme Z... fait obstruction à la vente globale du domaine et donc obstacle au remboursement des droits sociaux de Marie G..., saisis à la requête de Mme Z... ;
Qu'ils notent également qu'aucune mesure n'a été prise pour que la SCI puisse générer des revenus, ni même pour conserver le patrimoine, l'un des biens immobiliers composant le domaine ayant même fait l'objet d'un arrêté de péril ;
Attendu, selon l'article 1844-7, 5o, du code civil, la société prend notamment fin par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ;
Attendu qu'il est constant qu'il existe entre les associés de la SCI Saint Pons La Tour une mésentente liée à un désaccord ancien et persistant quant à leurs objectifs respectifs ; que les associés minoritaires souhaitent la cession globale du domaine, qui, seule, permettra selon eux de liquider leurs droits et désintéresser les créanciers, ceux-ci se répartissant entre les créanciers de Marie G..., représentés depuis 1991 par un mandataire judiciaire, actuellement Me V... , et les créanciers de la succession de Gilbert Y..., à savoir Mme Z... elle-même, qui estime sa créance à près de 850.000 euros ; que, de son côté, Mme Z... souhaite ne céder que certaines parties du domaine, afin de régler les dettes et entreprendre les travaux nécessaires concernant les parties du domaine qui seraient conservées ;
Que, toutefois, et en application du texte susvisé, la mésentente entre les associés et la disparition de l'affectio societatis ne constituent un motif de dissolution judiciaire que pour autant qu'en résulte une paralysie dans le fonctionnement de la société ;
Attendu qu'il n'est pas sérieusement contesté que, aussi longtemps que Mme Z... était gérante minoritaire de la SCI, le désaccord existant entre les associés empêchait toute décision collective ; qu'à cet égard, si la gérance de la SCI par Mme Z... de 2002 à 2014 apparaît s'être traduite par une certaine passivité et un certain immobilisme, cette situation doit être appréciée au regard du contexte, en particulier du litige opposant Mme Z... à son frère Gilbert puis à ses héritières, lesquelles occupaient en outre sans titre une partie du domaine, de la présence d'un associé sous tutelle (Micheline Y...), des litiges opposant à la SCI à MM. N... et O... et, enfin, de l'ouverture d'une procédure collective désormais clôturée ;
Que toutefois, certains de ces facteurs de blocage ont disparu ; qu'en outre et surtout, depuis le décès de sa soeœur Micheline, Mme Z... dispose désormais, avec 1.500 parts sur 2.500, outre les parts devant lui revenir de la succession de son père, de la majorité du capital de la société ;
Que la cour constate que le 17 février 2017, Mme Z... a réuni une assemblée générale des associés, au cours de laquelle un certain nombre de décisions ont été prises, démontrant l'absence de paralysie de la société ;
Que s'agissant des perspectives de cession d'une partie des actifs dépendant de la SCI, il apparaît que M. Q..., architecte, qui avait fait une offre à hauteur de 1.650.000 euros pour une partie du domaine (relais de poste) en 2004, a, à la demande de Me P..., renouvelé son offre à hauteur de 1.850.000 euros moyennant l'octroi d'une petite bande de terrain supplémentaire, par lettre du 22 octobre 2015 adressée à Me DRUJON d'Astros, conseil de Mmes Virginie Y..., Véronique Y... et Marie-Adeline Y... B..., et produite aux débats par Mme Z... ; qu'il importe de souligner que l'offre initiale, à laquelle la SCI n'avait pu donner suite faute d'accord majoritaire, a été renouvelée en l'état de l'arrêté de péril pris par le maire de la commune, et dont Me P... précise, dans son rapport, avoir indiqué à M. Q... qu'il devrait désormais en faire son affaire ; qu'il sera également souligné que, à la requête de Me V... , l'ensemble immobilier concerné par cette offre avait été évalué en 2007 par un expert judiciaire, M. R..., dans une fourchette comprise entre 1.250.000 et 1.450.000 euros ;
Que, d'autre part, les époux S..., ont adressé à Mme Z... le 8 février 2017 une offre tendant à l'acquisition d'une parcelle de 3 hectares, comprenant des écuries et un manège, pour un montant de 370.000 euros ;
Qu'enfin, le rapport de Me P... du 24 mars 2014 mentionne une offre d'achat émise par la SAFER, portant sur une partie du domaine, comprenant des terres agricoles et boisées pour un prix de 434.000 euros, complétée éventuellement par des parcelles comprenant un bâti actuellement occupé par le gardien et un autre occupant, pour un prix complémentaire de 196.000 euros ; qu'il résulte du rapport de Me P... que Mme Z... serait favorable à l'offre principale mais non à l'offre complémentaire ; que la cour ignore toutefois si cette offre est toujours d'actualité, Mme Z... n'y faisant pas référence dans ses écritures ;
Qu'il apparaît, quoi qu'il en soit, qu'il existe au minimum deux propositions sérieuses de cession d'une partie du domaine qui pourraient générer des recettes supérieures à 2 millions d'euros, à comparer avec le passif de la SCI, lequel était évalué en 2014 par Me P... dans son rapport à 305.000 euros environ ; que ces cessions auraient en outre pour effet de transférer à un acquéreur la responsabilité des bâtiments jouxtant la voie publique, qui menacent ruine et font l'objet d'un arrêté de péril ;
Qu'il sera, enfin, relevé que la préoccupation qui est celle de Me V... , d'une part, et de Mmes Virginie Y..., Véronique Y... et Marie-Adeline Y... B..., d'autre part, de voir céder la totalité des actifs de la SCI de manière à leur permettre de désintéresser leurs propres créanciers ou ceux qu'ils représentent ne constitue pas un juste motif de dissolution de la société, mais pourrait, le cas échéant, motiver une demande de retrait pour juste motif ;
Qu'il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement et de rejeter la demande de dissolution pour juste motif ; que la demande de sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport de M. M... s'en trouve, par voie de conséquence, privée d'objet ;
Sur les demandes de dommages-intérêts
Sur la demande présentée par Mme Z...
Attendu que Mme Z... fait valoir que les demandes de dissolution présentées par ses nièces et par Me V... ont causé à la SCI et elle-même un préjudice, en empêchant la vente de parcelles ; qu'elle en demande réparation à hauteur de 100.000 euros ;
Mais attendu qu'il ne peut être sérieusement contesté que jusqu'à ce qu'intervienne une nouvelle répartition des droits sociaux entre les groupes d'associés, consécutif au décès de Micheline Y..., la mésentente existant entre les associés en paralysait le fonctionnement ; que par suite, c'est sans abus du droit d'ester en justice que Mmes Virginie Y..., Véronique Y... et Marie-Adeline Y... B..., d'une part, et Me V... , d'autre part, qui défendaient à l'action en nullité de la délibération du 24 janvier 2014 initiée par Mme Z..., ont sollicité reconventionnellement, fût-ce à tort, la dissolution judiciaire de la société ;
Qu'au surplus, Mme Z..., qui a reçu une nouvelle offre d'achat du relais de poste supérieure à l'offre initiale, ne démontre pas la réalité du préjudice qu'elle invoque, elle-même s'étant, en son temps, opposée à l'offre de cession la plus étendue présentée par la SAFER ; qu'elle n'allègue ni ne démontre que l'offre des époux S... aurait été précédemment formulée et rejetée ;
Qu'elle sera déboutée de son action en réparation ;
Sur la demande en dommages-intérêts présentée par Mmes Virginie Y..., Véronique Y... et Marie-Adeline Y... B... et par Me V... , ès qualités
Attendu que les intimés sollicitent la condamnation de Mme Z... à la somme de 50.000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Mais attendu que les intimés succombant, en définitive, dans leur demande de dissolution judiciaire, ils échouent à démontrer que la défense opposée par Mme Z... présenterait un caractère abusif ;
Que leur demande en dommages-intérêts sera pareillement rejetée ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Attendu que Mmes Virginie Y..., Véronique Y... et Marie-Adeline Y... B... et par Me V... , ès qualités, qui succombent dans leurs prétentions, doivent supporter les dépens de première instance et d'appel à proportion de leurs droits respectifs dans la SCI, ceux incombant à Me V... , ès qualités, étant employés en frais privilégiés de procédure collective ;
Attendu que l'équité commande d'allouer à Mme Z... une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement rendu le 4 mai 2017 par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action engagée par la SCI Saint Pons La Tour, a annulé l'assemblée générale de la SCI Saint Pons L Tour tenue le 24 janvier 2013, et a rejeté les demandes de dommages-intérêts ;
STATUANT à nouveau des chefs d'infirmation,
- DÉBOUTE Mmes Virginie Y..., Véronique Y... et Marie-Adeline Y... B... et par Me V... , ès qualités, de leur demande de dissolution de la SCI Saint Pons La Tour pour juste motif, et de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNE Mmes Virginie Y..., Véronique Y... et Marie-Adeline Y... B... à payer à Mme Rose-Marie Y..., veuve Z..., la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- FIXE la créance de Mme Rose-Marie Y..., veuve Z..., dans la liquidation de Marie G..., veuve Y..., au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 3.000 euros ;
REJETTE toute autre demande des parties,
FAIT masse des dépens de première instance et d'appel ;
DIT qu'ils seront supportés par Mmes Virginie Y..., Véronique Y... et Marie-Adeline Y... B..., d'une part, et par Me V... , ès qualités de liquidateur de feue Marie G... veuve Y..., d'autre part, à concurrence de leurs droits respectifs dans la SCI Saint Pons La Tour ;
DIT que les dépens incombant à Mmes Virginie Y..., Véronique Y... et Marie-Adeline Y... B... pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
DIT que ceux incombant à Me V... , ès qualités de liquidateur de feue Marie G... veuve Y..., seront employés en frais privilégiés de procédure collective ;
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT