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29/03/2018 | FRANCE | N°16/17882

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 4e chambre a, 29 mars 2018, 16/17882


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

4e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 29 MARS 2018

jlp

N°2018/ 320













Rôle N° RG 16/17882



N° Portalis DBVB-V-B7A-7K34







[C] [Q]

[P] [M] épouse [Q]





C/



[M] [Y]

[L] [P]-[Y]































Grosse délivrée

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à :

Me Laurane FREGOSI


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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 09 Juin 2016 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 14/05144.





APPELANTS



Monsieur [C] [Q]

demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Laurane FREGOSI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidan...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

4e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 29 MARS 2018

jlp

N°2018/ 320

Rôle N° RG 16/17882

N° Portalis DBVB-V-B7A-7K34

[C] [Q]

[P] [M] épouse [Q]

C/

[M] [Y]

[L] [P]-[Y]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Laurane FREGOSI

Me Gaëtan DI MARINO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 09 Juin 2016 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 14/05144.

APPELANTS

Monsieur [C] [Q]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Laurane FREGOSI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

Madame [P] [M] épouse [Q]

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Laurane FREGOSI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

INTIMES

Monsieur [M] [Y]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Gaëtan DI MARINO de l'ASSOCIATION DI MARINO GAETAN HELENE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

Monsieur [L] [P]-[Y]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Gaëtan DI MARINO de l'ASSOCIATION DI MARINO GAETAN HELENE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Février 2018 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et M. Luc BRIAND, Conseiller, chargés du rapport.

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Monsieur Luc BRIAND, Conseiller

Madame Sophie LEONARDI, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Mars 2018.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Mars 2018.

Signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

[M] [Y] est propriétaire de diverses parcelles situées sur le territoire de la commune de [Localité 1] (Var), quartier [Localité 2] et la [Localité 3], cadastrées section A n° [Cadastre 1] (aujourd'hui [Cadastre 2] et [Cadastre 3]), [Cadastre 4], [Cadastre 5] (aujourd'hui [Cadastre 6] et [Cadastre 7]), [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12] (aujourd'hui [Cadastre 13] et [Cadastre 14]), [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 17] à [Cadastre 18], [Cadastre 19] et [Cadastre 20], formant le domaine de [Localité 4].

[C] [Q] et [P] [M] son épouse sont propriétaires sur la même commune des parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 21], [Cadastre 22], [Cadastre 23], [Cadastre 24] et [Cadastre 25].

À l'origine du litige, la propriété de M. [Y] était alimentée en eau par une source située en amont sur la parcelle A n° [Cadastre 22] appartenant à M. et Mme [Q], le captage de cette source et l'amenée d'eau au domaine de [Localité 4] étant, selon M [Y], réglés par un acte notarié établi le 18 février 1888, publié au bureau des hypothèques de Brignoles le 8 janvier 1889, intervenu entre M. [B], aux droits duquel il se trouverait aujourd'hui.

Aux termes de cet acte, Monsieur [H] [S], propriétaire (') a vendu sans aucune garantie de sa part, aux risques et périls de l'acquéreur, à Monsieur [B] [T], [K], fabricant potier (') le droit et la faculté de faire et d'exécuter tout le long de la parcelle de terre que ledit M. [S] possède au quartier de [Localité 5] et qu'il a acquis de la dame [J] épouse [A] par acte du 28 septembre 1886 reçu par le notaire soussigné qui se trouve du côté du levant et qui se trouve sur le ruisseau de [Localité 6], des fouilles et travaux pour la découverte des eaux que Monsieur. [B] voudrait amener à la propriété de [Localité 4] » ; il est également indiqué dans cet acte qu'à cet effet, ledit Monsieur [S] donne audit Monsieur [B] la faculté de faire tout le long dudit ruisseau de [Localité 6] et jusqu'à une hauteur de 50 mètres dans sa dite propriété tous travaux que ledit Monsieur [B] jugera nécessaires pour découvrir et amener les eaux qui seraient trouvées dans cette partie de la propriété [S] dans la propriété [B], qu'il sera libre à celui-ci de faire tel drainage ou conduite d'eaux qu'il y jugera nécessaire mais à ses risques et périls et que la présente vente a été faite et consentie moyennant la somme de cinquante francs que ledit Monsieur [S] reconnaît et déclare avoir reçu avant les présentes dudit Monsieur [B] à son entière satisfaction.

En mai 2013, la conduite d'amenée d'eau au domaine de [Localité 4], alimentant la maison et un bassin situé devant le corps de ferme, a été sectionnée, un procès-verbal de constat établi le 27 mai 2013 par Me [O], huissier de justice, relevant en particulier que l'eau continuait à couler dans la conduite d'amenée d'eau au domaine, mais qu'elle se trouvait captée par un tuyau « pirate » ; après réparation de la conduite d'amenée d'eau, qui avait été sectionnée, l'alimentation en eau du domaine a été rétablie mais, dans le courant du mois de juillet 2013, la conduite située dans le lit du ruisseau de [Localité 6] à proximité du GR 9, devait être à nouveau vandalisée (tuyau sectionné en trois endroits, parties de tuyaux retirées, extrémité coupée, remplie de terre et ligaturée avec un sac plastique), comme l'a constaté Me [O], huissier de justice, dans un nouveau procès-verbal de constat dressé le 6 août 2013.

Reprochant à M. et Mme [Q] une atteinte à la servitude de puisage et d'amenée d'eau de la source située sur la parcelle A n° [Cadastre 22], M. [Y], ainsi que [L] [P]-[Y], exploitant du domaine, les ont fait assigner, par exploit du 2 juin 2014, devant le tribunal de grande instance de Draguignan pour qu'il soit jugé qu'ils sont bénéficiaires d'une telle servitude leur conférant le droit d'user à titre exclusif de l'eau de la source, qu'il soit fait interdiction aux défendeurs d'en user sous astreinte et que ceux-ci soient condamnés à leur payer des dommages et intérêts en réparation de leur préjudice d'agrément, des frais de remise en état de la conduite d'amenée d'eau et de sécurisation du site de captage et des pertes de culture subies.

Le tribunal, par jugement du 9 juin 2016, a notamment :

'dit que les parcelles cadastrées à [Localité 1], quartier [Localité 2] et la [Localité 3], section A n° [Cadastre 1], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 17] à [Cadastre 18], [Cadastre 19] et [Cadastre 20] constituant le domaine de [Localité 4] bénéficient d'une servitude de puisage et d'amenée d'eau de la source sise sur la parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 22],

'fait défense à M. et Mme [Q] et à toute personne de leur chef de faire usage de cette eau sous quelque forme que ce soit et de faire obstacle à l'usage de l'eau par les consorts [Y] ou leurs ayant droits, sous astreinte de 2000 € par infraction constatée,

'rejeté les demandes de dommages et intérêts d'[M] [Y] et de [L] [P]-[Y],

'condamné M. et Mme [Q] in solidum à payer aux consorts [Y] la somme de 3000 € au titre des frais irrépétibles de procédure,

'condamné les mêmes in solidum aux dépens.

M. et Mme [Q] ont régulièrement relevé appel, le 5 octobre 2016, de ce jugement en vue de sa réformation.

En l'état des conclusions qu'ils ont déposées le 4 janvier 2017 par le RPVA, ils demandent à la cour de :

Vu les articles 637, 642 et 686 du code civil,

' réformer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu l'existence d'une s ervitude de puisage à la charge de la parcelle sise commune de [Localité 1], lieu-dit « [Localité 5]», section A n° [Cadastre 22] et au bénéfice des parcelles A n° [Cadastre 1], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 17] à [Cadastre 18], [Cadastre 19] et [Cadastre 20],

- dire et juger qu'[M] [Y] ne bénéficie d'aucun titre constitutif de servitude qui leur soit opposable,

'dire et juger que les consorts [Y] ne peuvent bénéficier du droit de puisage instauré par l'article 642 du code civil en l'absence de preuve des conditions requises,

'dire n'y avoir lieu à dommages et intérêts au bénéfice des intimés et confirmer le jugement entrepris sur ce point,

'condamner solidairement les intimés au paiement d'une somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice par eux subi du fait de l'utilisation frauduleuse de la source,

'les condamner, avec la même solidarité, au paiement d'une somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [Y] sollicitent de voir, aux termes des conclusions qu'ils ont déposées le 27 juin 2017 :

Vu les articles 637, 642, 686, 690, 691 et 1382 du code civil,

'confirmer le jugement rendu le 9 juin 2016 par le tribunal de grande instance de Draguignan en ce qu'il a :

' dit que les parcelles cadastrées à [Localité 1], quartier [Localité 2] et [Localité 3], section A n° [Cadastre 1], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 17] à [Cadastre 18], [Cadastre 19] et [Cadastre 20] constituant le domaine de [Localité 4] bénéficient d'une servitude de puisage et d'amenée d'eau de la source sise sur la parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 22],

' fait défense à M. et Mme [Q] et à toute personne de leur chef de faire usage de cette eau sous quelque forme que ce soit et de faire obstacle à l'usage de l'eau par les consorts [Y] ou leurs ayant droits, sous astreinte de 2000 € par infraction constatée,

'débouter M. et Mme [Q] de leur appel, ainsi que de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

'les condamner à leur payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 23 janvier 2018.

MOTIFS de la DECISION :

La parcelle A n° [Cadastre 22], d'une contenance cadastrale de 61 a 90 ca, sur laquelle jaillit la source, a été acquise avec d'autres parcelles par M. et Mme [Q] auprès des époux [T]-[K] suivant un acte reçu le 27 septembre 2005 par Me [Z], notaire associé à [Localité 7], et il y est indiqué que la parcelle appartenait en propre à [F] [K] pour l'avoir recueillie dans la succession de [U] [B] [J] [K] veuve de [O] [G], décédée le [Date décès 1] 1959.

Aux termes d'un acte de partage des biens des époux [K]-[C] établi le 4 janvier 1935 par Me [X], notaire à [Localité 8], il avait été attribué à Mme [K] épouse [G] 2° une partie de la propriété rurale située au quartier de [Localité 5], inculte, d'une superficie de 6000 m² environ, cadastrée section A n° [Cadastre 26] et [Cadastre 27], confrontant (') au midi et à l'ouest la société des Tuileries, tandis qu'il était attribué à [F] [K], copartageant, 3° l'autre partie de la propriété rurale avec cabanon en ruines, au quartier de [Localité 5], inculte, d'une superficie de 6000 m² environ, cadastrée section A n° [Cadastre 28], [Cadastre 29] et [Cadastre 27] confrontant (') à l'ouest la société des Tuileries ; il est précisé dans cet acte que la propriété désignée sous l'article 3 de la masse à partager (la propriété rurale située au quartier de [Localité 5]) dépend de la succession d'[A] [K] décédé en 1889 ou 1890 (sic).

L'acte de partage [K] du 4 janvier 1935 vise les parcelles anciennement cadastrées section A n° [Cadastre 26] à [Cadastre 30], dont la consultation de M. [L], géomètre-expert, faite par M. [Y] lui-même, enseigne qu'elles correspondent aux parcelles du cadastre actuel section A n° [Cadastre 31] à [Cadastre 32], [Cadastre 33] partie, [Cadastre 34] partie, [Cadastre 35] partie et [Cadastre 36] ; la parcelle A n° [Cadastre 22] n'est donc pas apparemment concernée par le partage [K] de 1935 et rien ne permet d'affirmer qu'elle corresponde à la parcelle ayant fait l'objet de l'acte du 18 février 1888, dont M [S] était alors propriétaire.

En effet, la parcelle sur laquelle M. [B] a acquis le droit d'effectuer des fouilles pour la découverte d'eau, qu'il a été autorisé (en cas de découverte) à amener, par tel drainage ou conduite qu'il estimera nécessaire, sur sa propriété de [Localité 4], est simplement décrite comme se situant au levant (à l'est) du quartier de [Localité 5] et sur le ruisseau de [Localité 6] ; l'acte de 1888 se réfère à l'acte d'acquisition de cette parcelle intervenu entre M. [S] et Mme [J] épouse [A], le 28 septembre 1886, décrivant la parcelle vendue comme une colline sise à [Localité 1], quartier de [Localité 5], confrontant du levant le chemin, du midi [U], du couchant [N] et du nord l'acquéreur ; comme l'indiquent M. et Mme [Q], il existait une autre source que celle jaillissant sur leur parcelle A n° [Cadastre 22], également située en bordure du ruisseau de [Localité 6] et du chemin (l'actuel GR 9) et mentionnée sous l'intitulé « source A » sur un extrait de plan cadastral joint un courrier de M. [R], géomètre expert, adressé le 4 mai 1990 à M. [Y] ([V]) ; un procès-verbal de constat établi le 26 octobre 1990 par Me [L], huissier de justice, décrit d'ailleurs à cet emplacement un ancien édifice de captage en pierres muni d'une porte métallique rouillée, l'huissier instrumentaire indiquant que la source est tarie visiblement depuis plusieurs années et que, le long de cet édifice, se trouve une canalisation métallique totalement rouillée doublée de deux Plymouth d'un diamètre d'environ 60 à 80.

Il n'est pas dès lors possible de considérer que l'acte du 18 février 1888, compte tenu de ses imprécisions, est le titre constitutif une servitude conventionnelle de puisage grevant la parcelle A n° [Cadastre 22] au profit des parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 1], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 17] à [Cadastre 18], [Cadastre 19] et [Cadastre 20], formant le domaine de [Localité 4] ; de plus, contrairement à ce que soutiennent les consorts [Y] les servitudes continues et apparentes, susceptibles de s'acquérir par la possession de trente ans, sont celles qui résultent du fait de l'homme, ce qui n'est pas le cas de la servitude d'usage de l'eau de source résultant de l'application de l'article 642 du code civil, qui est une servitude légale dérivant de la situation des lieux.

Aux termes de l'article 642 susvisée, celui qui a une source dans son fonds peut toujours user des eaux à sa volonté dans les limites et pour les besoins de son héritage, mais le propriétaire d'une source ne peut plus en user au préjudice des propriétaires des fonds inférieurs qui, depuis plus de trente ans, ont fait et terminé, sur le fonds où jaillit la source, des ouvrages apparents et permanents destinés à utiliser les eaux ou à en faciliter le passage dans leur propriété.

En l'occurrence, il est constant que le domaine de [Localité 4] est alimenté en eau par une fontaine datant de 1852 se déversant dans un bassin, l'eau étant canalisée par un tuyau en Plymouth longeant le chemin (l'actuel GR 9), traversant le ruisseau de [Localité 6] et captant la source jaillissant sur la parcelle A n° [Cadastre 22] ; intervenu pour le compte de la société des Tuileries de [Localité 9], propriétaire du domaine avant que celui-ci ne soit acquis par la famille [Y], M. [I], géologue et hydraulicien, atteste qu'en 1975, l'ouvrage de captage, proche d'un chemin au fond d'un vallon, était constitué d'un petit bassin en ciment et la conduite de tuyaux en fonte du type de ceux que l'on posait dans les années 1900 (sic), qui a été remplacé par un tuyau en Plymouth posé en surface ; un autre témoin, M. [W], indique avoir constaté en 1989 la présence d'un bassin en parpaings et d'une dalle de fermeture en béton et de tuyaux de sortie, le tout bien apparent et construit intentionnellement pour utiliser l'eau, le bassin ayant comme dimensions 50 cm x 50 cm et une profondeur de 30 cm environ et deux tuyaux de sortie de type Plymouth étant visibles sur une dizaine de mètres ; M. [H], alors technicien au service de M. [R], géomètre expert, atteste avoir, en juillet 1991, procéder à un relevé de l'état des lieux, du point de captage au bassin, et indique que le tuyau sortait d'un petit bâtiment en maçonnerie, une crépine étant placée en hauteur pour permettre la décantation ; un autre témoin, M. [F], affirme avoir constaté, au cours de l'été 2008, que le bassin en ciment d'où sortait deux tuyaux apparents en Plymouth d'un diamètre de 32 mm, présentait une fuite, le fond du bassin étant fissuré, et que la crépine en laiton était mal fixée.

Le 27 mai 2013, Mme [E], géomètre expert, a effectué une visite des lieux en vue de l'établissement d'un plan de repérage de la source et des tuyaux d'alimentation, plan mentionnant un tuyau apparent sur la parcelle A n° [Cadastre 22] (entre les points 2 et 3) traversant le ruisseau, l'ouvrage de captage (au point 17) n'ayant pu alors être retrouvé, mais se situant, d'après ce plan, à 7,50 m environ en amont de la résurgence ; le procès-verbal de constat établi le 27 mai 2013 par Me [O], huissier de justice, confirme que le tuyau est visible dans l'axe du ruisseau (entre les points 2 et 3 du plan établi par le géomètre expert), qu'après la traversée du GR 9, le tuyau ressort (au niveau des points 4, 5 et 6), qu'ensuite, il est enterré puis ressort à nouveau un peu plus loin (au niveau du. 7).

Il résulte de ce qui précède qu'à tout le moins, entre 1975 et 2013, soit depuis plus de trente ans, des ouvrages permanents et apparents avaient été réalisés sur la parcelle A n° [Cadastre 22] destinés à capter la source jaillissant sur cette parcelle, qu'il s'agisse du bassin en maçonnerie munie d'une crépine ou du tuyau d'amenée d'eau en fonte remplacé en 1975 par un tuyau en Plymouth posé en surface ; M. et Mme [Q] produisent diverses attestations, notamment celles de MM. [D] et [V], datées du 28 août et du 1er septembre 2014, dont il ressort qu'un coffret fait de boisseaux fraîchement collés duquel partait un tuyau enterré, était enfoui sous des pierres et de la terre, à l'endroit où l'un des deux témoins avait vu des ouvriers s'affairaient ; pour autant, la date de l'événement ainsi relaté n'est pas précisée, alors qu'il ressort de deux autres témoignages (M. [M] et Mme [SS]) qu'au printemps 2009, le terrain situé en bordure du GR 9, à proximité du lieu de captage de la source, a été remblayé, ce qui ressort également d'un courriel adressé le 30 janvier 2014 par Mme [E], géomètre expert, à M. [Y] (indiquant que les mesures prises depuis le chemin existant définissent une altimétrie du terrain supérieure de 2 m par rapport aux mesures enregistrées en 1991 par M. [R]) ; il ne peut, par ailleurs, être tenu aucun compte de l'attestation établie par M. et Mme [T], précédents propriétaires de la parcelle A n° [Cadastre 22], affirmant n'avoir jamais eu connaissance de l'existence d'une source (sic) car, outre le fait que cette attestation n'est pas rédigée en conformité de l'article 202 du code de procédure civile, ses auteurs, héritiers de [F] [K] décédé le [Date décès 1] 1991, ne s'étaient jamais rendus sur la parcelle avant 2005, époque à laquelle ils l'ont visité pour la première fois avant de la vendre à M. et Mme [Q] (qui l'occupaient alors sans titre) en compagnie d'un cousin (M. [NN]), dont l'attestation est versée aux débats.

Il ne peut être fait grief aux consorts [Y] de produire aux débats des attestations, des constats d'huissier ou un plan d'état des lieux établi par un géomètre expert, faisant état de constatations faites sur la parcelle A n° [Cadastre 22], alors que certains éléments de preuve ont été établis avant qu'ils ne deviennent propriétaires de la parcelle en septembre 2005, que nombre de constatations a pu être effectué du GR 9 et qu'en toute hypothèse, le droit d'usage de la source jaillissant sur la parcelle, reconnu à M. [Y], l'autorisait à pénétrer sur celle-ci, non seulement pour assurer l'entretien des ouvrages de captage, mais aussi en vue de la conservation de son droit d'usage, après que le tuyau d'amenée d'eau en Plymouth eut été sectionné, en mai 2013.

Le jugement entrepris doit en conséquence être réformé, mais seulement en ce qu'il a dit que les parcelles constituant le domaine de [Localité 4] bénéficient d'une servitude conventionnelle de puisage, dont le titre constitutif est un acte du 18 février 1888 ; il convient, en effet, de reconnaître à M. [Y], propriétaire desdites parcelles, un droit d'usage exclusif de la source jaillissant sur la parcelle A n° [Cadastre 22] en vertu de l'article 642, alinéa 2, du code civil.

Il convient de confirmer le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions, notamment en ce qu'il a débouté M. et Mme [Q] de leur demande en paiement de dommages et intérêts pour le prétendu préjudice, qu'ils auraient subi du fait de l'utilisation frauduleuse de la source.

Succombant sur leur appel, M. et Mme [Q] doivent être condamnés aux dépens, ainsi qu'à payer aux consorts [Y] la somme de 2000 € au titre des frais non taxables qu'ils ont dus exposer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; le coût des constats d'huissier des 27 mai 2013 et 6 août 2013 n'entre pas dans les dépens, mais dans les prévisions de l'article 700 susvisé.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Réforme le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan en date du 9 juin 2016, mais seulement en ce qu'il a dit que les parcelles constituant le domaine de [Localité 4] bénéficient d'une servitude conventionnelle de puisage, dont le titre constitutif est un acte du 18 février 1888,

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit que [M] [Y], propriétaire des parcelles situées sur le territoire de la commune de [Localité 1] (Var), quartier [Localité 2] et la [Localité 3], cadastrées section A n° [Cadastre 1] (aujourd'hui [Cadastre 2] et [Cadastre 3]), [Cadastre 4], [Cadastre 5] (aujourd'hui [Cadastre 6] et [Cadastre 7]), [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12] (aujourd'hui [Cadastre 13] et [Cadastre 14]), [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 17] à 2024, [Cadastre 19] et [Cadastre 20] constituant le domaine de [Localité 4], bénéficie d'un droit d'usage exclusif sur la source jaillissant sur la parcelle cadastrée lieu-dit « [Localité 5] », section A n° [Cadastre 22], appartenant à [C] [Q] et [P] [M] son épouse, en vertu de l'article 642, alinéa 2, du code civil,

Confirme le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions,

Condamne M. et Mme [Q] aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer aux consorts [Y] la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code,

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 4e chambre a
Numéro d'arrêt : 16/17882
Date de la décision : 29/03/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 4A, arrêt n°16/17882 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-29;16.17882 ?
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