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15/03/2018 | FRANCE | N°16/22299

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 15 mars 2018, 16/22299


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 15 MARS 2018



N° 2018/ 126













Rôle N° 16/22299







[O] [V] épouse [N]

[Z] [N]





C/



[N] [J]

ONIAM

MSA PROVENCE-AZUR

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR





















Grosse délivrée

le :

à :



Me Jean-louis BONAN



Me Yves SO

ULAS



SCP JOURDAN













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 03 Novembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n°11-02201.





APPELANTS



Madame [O] [V] épouse [N]

née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 1] - de nationalité Fran...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 15 MARS 2018

N° 2018/ 126

Rôle N° 16/22299

[O] [V] épouse [N]

[Z] [N]

C/

[N] [J]

ONIAM

MSA PROVENCE-AZUR

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR

Grosse délivrée

le :

à :

Me Jean-louis BONAN

Me Yves SOULAS

SCP JOURDAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 03 Novembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n°11-02201.

APPELANTS

Madame [O] [V] épouse [N]

née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 1] - de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean-louis BONAN, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Elisabeth DEBROSSIAN, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

Monsieur [Z] [N]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Jean-louis BONAN, avocat au barreau de MARSEILLE

substitué par Me Elisabeth DEBROSSIAN, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

INTIMES

Monsieur [N] [J],

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Yves SOULAS de l'ASSOCIATION GASPARRI-LOMBARD-BOUSQUET-SOULAS, avocat au barreau de MARSEILLE

ONIAM,

dont le siège social est [Adresse 3]

représentée par Me Jean-françois JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Patrick DE LA GRANGE de la SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

MSA PROVENCE-AZUR,

dont le siège social est [Adresse 4]

défaillante

CPAM DU VAR,

dont le siège social est [Adresse 5]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 31 Janvier 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Anne VELLA, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier GOURSAUD, Président

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

Madame Anne VELLA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvaine MENGUY.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Mars 2018

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Mars 2018,

Signé par Monsieur Olivier GOURSAUD, Président et Madame Sylvaine MENGUY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE

Le 23 juillet 2004, Mme [O] [V] épouse [N] a subi une tumorectomie-exérèse du sein droit, réalisée par le docteur [J]. Le 12 août 2004, le chirurgien est à nouveau intervenu pour réaliser un curage ganglionnaire axillaire, intervention à la suite de laquelle, Mme [N] a ressenti des douleurs au niveau de son membre supérieur droit.

Le 17 décembre 2005, le docteur [S], rhumatologue a diagnostiqué une capsulite rétractile de l'épaule accompagnée d'une algodystrophie.

Mme [N], droitière et exerçant un métier manuel, a été licenciée en raison des troubles qu'elle présentait au niveau de son bras droit et elle a été placée en position de retraite anticipée.

Par ordonnance du 23 mai 2007, le juge des référés a ordonné une expertise en désignant le docteur [X], qui a été remplacé par le professeur [L] qui a sollicité l'avis d'un sapiteur en la personne du professeur [W]. L'expert a déposé son rapport le 13 mai 2008.

Le 11 septembre 2009 Mme [N] a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (Crci) qui a désigné le 15 septembre 2009, le docteur [C] en qualité d'expert. Le rapport a été déposé le 11 décembre 2009. Selon avis du 18 février 2010 la Crci a mis à la charge de l'Oniam l'indemnisation des conséquences dommageables en lien avec l'intervention du 12 août 2004. Une offre d'indemnisation transactionnelle a été adressée à Mme [N] pour un montant de 7375€, mais qu'elle a refusée.

Par actes des 22 février, 14 mars, 10 juin 2011, Mme [N] a fait assigner l'Oniam devant le tribunal de grande instance de Draguignan pour obtenir l'indemnisation de son préjudice et ce, en présence de la MSA du Var et de la Cpam du Var.

Par acte du 12 janvier 2012, l'Oniam a appelé en la cause le docteur [J].

Aux termes d'une ordonnance du 2 octobre 2012, le juge de la mise en état a ordonné une nouvelle expertise médicale confiée aux professeurs [J] [R] et [D] [D]. Ils ont déposé leur rapport le 12 juin 2015.

Selon jugement du 3 novembre 2016, le tribunal a :

- donné acte à M. [N] de son intervention ;

- débouté Mme [N] et M. [N] de leurs demandes ;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [N] et M. [N] aux dépens de l'instance avec distraction.

Cette juridiction a retenu que le dommage que présente Mme [N] est la conséquence d'un aléa thérapeutique qui exclut une faute du docteur [J], mais elle l'a déboutée en considérant que ce dommage ne constitue pas une conséquence anormale de l'acte de soins, aux motifs que :

- l'enraidissement de l'épaule est qualifiée de modéré par l'expert et qu'il doit régresser dans le temps,

- la section des branches sensitives des nerfs intercostaux est inévitable dans le cadre d'un curage ganglionnaire,

- la fréquence et la survenance obligatoire de ce type de lésions à la suite de la mise en 'uvre de l'acte de soins pour éviter le décès est importante.

Il a rappelé qu'aux termes de l'article L 1142-1 II du code de la santé publique, seule la victime d'un accident médical non fautif lorsqu'elle est vivante peut être indemnisée au titre de la solidarité nationale et elle a rejeté la demande formulée par M. [N].

Par déclaration du 14 décembre 2016, dont la régularité et la recevabilité, ne sont pas contestées Mme [N] et M. [N] ont relevé appel général de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Selon leurs conclusions du 5 janvier 2018, Mme [N] et M. [N] demandent à la cour de:

' réformer le jugement ;

' débouter l'Oniam et le docteur [J] de toutes leurs demandes, fins et conclusions;

' juger que l'offre transactionnelle d'indemnisation de l'Oniam vaut reconnaissance d'indemnisation ;

' juger en tout état de cause, que Mme [N] a droit à l'indemnisation de son préjudice au motif qu'elle remplit les critères d'anormalité et de gravité prévus par les textes pour être indemnisée par l'Oniam ;

' en conséquence condamner l'Oniam à payer à Mme [N] la somme de 102'661,48€ en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'intervention du docteur [J] ainsi que la somme de 5000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamner l'Oniam à payer à M. [N] la somme de 20'000€ en réparation de tous les préjudices, tant matériel que sexuel et moral qu'il a subis en raison des conséquences sur son épouse de l'intervention du 12 août 2004 ainsi que la somme de 2000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamner l'Oniam aux entiers dépens distraits au profit de leur conseil.

Ils soutiennent que l'Oniam après avoir proposé une transaction sur la base du rapport du docteur [C], désigné par la Crci, est venu contester le droit à indemnisation de Mme [N] devant le tribunal. C'est dans ces conditions qu'ils ont sollicité la désignation d'un nouvel expert. Les professeurs [R] et [D] ont déposé leur rapport le 12 juin 2015 en concluant à un aléa thérapeutique qui a eu pour conséquence un déficit sensitif localisé au niveau de la face interne du membre supérieur droit, un enraidissement modéré de l'épaule droite et des algodystrophies sans état antérieur ni vulnérabilité susceptible d'avoir une incidence sur le dommage. Ils ont retenu la même date de consolidation que celle fixée par le docteur [C] au 1er janvier 2006.

Les conditions relatives à l'aléa thérapeutique et à l'anormalité des conséquences sont remplies. Ils estiment que Mme [N] réunit les caractères de gravité visés par l'article L.1142-1 II du code de la santé publique. Le décret d'application de cet article prévoit qu'exceptionnellement le caractère de gravité qui ouvre droit à l'indemnisation par la solidarité nationale est également admis dans deux hypothèses :

- lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle avait avant la survenue de l'accident médical, hypothèse qui s'est produite puisque Mme [N] a été licenciée en raison du handicap consécutif à l'accident,

- lorsque l'accident médical a occasionné des troubles particulièrement graves y compris d'ordre économique dans les conditions d'existence de la victime.

Il est inexact de dire que si l'opération en litige n'avait pas eu lieu, Mme [N] n'aurait pas survécu. En effet cette intervention a eu pour visée de retirer, à titre de précaution, six ganglions qui se sont révélés indemnes.

Ils critiquent également l'argument soutenu par l'Oniam tendant à dire que cette complication est fréquente alors que les experts exposent que ces troubles ne sont pas exceptionnels mais que normalement ils sont bien moins aigus et ils sont éphémères, ce qui n'est pas le cas de Mme [N]. La condition d'anormalité est remplie et elle est parfaitement décrite par le rapport des experts.

Mme [N] demande l'indemnisation de son préjudice de la façon suivante :

- déficit fonctionnel temporaire total de 6 mois : 6000€

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % du 22 janvier 2005 au 23 juillet 2005 : 3000€

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % du 24 juillet 2005 au 31 décembre 2005: 1400€

- souffrances endurées 2,5/7 : 5000€

- déficit fonctionnel permanent 6 % : 12'000€

- perte de gains professionnels actuels :

' en 2004 : 4584,38€ dont 2064,40€ pris en charge par la Cpam au titre des indemnités journalières soit une somme de 2519,98€ lui revenant,

' en 2005 : 9823,68€ dont 5967,75€ pris en charge par la Cpam au titre des indemnités journalières soit une somme de 3859,93€ lui revenant,

- perte de gains professionnels futurs

' en 2006 : elle a été licenciée et a retrouvé une activité à temps partiel auprès d'une association d'aide à domicile, elle a perçu au titre de ses salaires 3077,60€ outre des indemnités de chômage pour 6849€,

' en 2007 : elle a perçu au titre de ses salaires la somme de 6366,57€ outre les indemnités de chômage de 4173€

' en 2008 : elle a perçu au titre de ses salaires la somme de 4415,86€ outre les indemnités de chômage de 3454,21€ soit une perte de 1953,61€ par rapport au salaire versé en 2005,

' en 2009 : elle a été licenciée le 20 avril 2009 pour inaptitude physique constatée par le médecin du travail et elle invoque une perte de salaire de 358,68€

' du 17 août 2010 au 13 décembre 2014 elle a subi une perte de salaire de 818,64€ par mois, soit sur 59 mois la somme de 42'569,28€

- perte de retraite : sur une base mensuelle de 100€ soit 1240€ pendant 20 ans correspondant à son espérance de vie : 24'000€.

Ils maintiennent la demande d'indemnisation formulée par M. [N].

Par conclusions du 11 janvier 2018, l'Oniam demande à la cour, de :

' juger que les conditions de son intervention ne sont pas réunies en l'absence d'anormalité du dommage au sens de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique et en conséquence le mettre hors de cause ;

à titre subsidiaire

' déclarer irrecevable la demande l'indemnisation de M. [N] en sa qualité de victime par ricochet ;

' réduire les demandes de Mme [N] à de plus justes proportions et dans la limite de :

- déficit fonctionnel temporaire : 1410,50€

- souffrances endurées : 2126€

- déficit fonctionnel permanent 5523€,

' débouter Mme [N] de sa demande au titre des pertes de gains professionnels actuels, perte de gains professionnels futurs et perte de retraite ;

' la condamner à lui verser la somme de 2500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de leur conseil.

Il soutient que les conditions d'anormalité ne sont pas réunies en l'espèce. En effet l'état de santé de Mme [N] aurait conduit à son décès en l'absence de traitement, excluant le caractère anormal du dommage en son premier critère. Malgré l'intervention du 23 juillet 2004,1e carcinome lobulaire infiltrant a persisté dans le sein droit de la patiente. Il est constant que l'évolution d'un cancer du sein même de grade I, s'il n'est pas traité est le décès. En l'absence de curage ganglionnaire, Mme [N] qui était âgée de 52 ans au moment des faits serait décédée au terme de l'évolution du carcinome lobulaire. Le déficit sensitif du membre supérieur droit associé à une raideur dans l'épaule ne sont pas notablement plus graves que le risque de décès auquel elle était exposée en l'absence de traitement.

Le risque de complication invoqué est d'une fréquence élevée faisant obstacle au second critère de l'anormalité du dommage. Les professeurs [D] et [R] confirment que l'enraidissement de l'épaule n'est pas une complication exceptionnelle. Les experts ont écrit dans leur rapport que ce phénomène est une conséquence naturelle de l'immobilité du membre supérieur droit et la suite du traitement subi par Mme [N] et elle n'est donc pas exceptionnelle. S'agissant du déficit sensitif du bras droit, les experts ont été unanimes pour dire qu'il s'agit d'une lésion des nerfs costaux. La survenue d'une hypoesthésie à la suite d'un curage ganglionnaire est une complication quasi systématique qui ne présente donc pas une probabilité faible de se réaliser.

A titre subsidiaire il soutient sur l'indemnisation du préjudice corporel, que la demande formulée au titre de la perte de gains professionnels actuels doit être rejetée puisque Mme [N] se borne à fournir ses bulletins de salaire mensuel des six derniers mois précédant l'accident alors qu'il convient de se référer au revenu moyen perçu les trois années précédant celui-ci. Il en est de même de l'évaluation de la perte de gains professionnels futurs ou encore de la perte de retraite. Sur l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire, il soutient que la période du 22 juillet 2004 au 22 janvier 2005 correspond à la période normale de déficit en raison de l'intervention chirurgicale et des soins qui ont suivi. Le taux de 50 % n'est donc pas justifié et il convient de le remplacer par un taux de 25 %. L'indemnisation interviendra sur une base mensuelle de 500€.

La demande formulée par M. [N] est irrecevable, seuls les préjudices subis par le patient à la suite de l'acte dommageable étant indemnisés au titre de la solidarité nationale par application de l'article L. 1142-1-II du code de la santé publique.

Selon conclusions du 4 avril 2017, le docteur [J] demande à la cour de :

' constater qu'aucune demande de condamnation n'est formulée à son encontre ;

' confirmer le jugement qui a débouté les époux [N] de toutes leurs demandes ;

' les condamner à lui payer la somme de 2000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de leur conseil.

La Cpam du Var, assignée par les époux [N], par acte d'huissier du 7 mars 2017, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat. Par courrier du 13 mars 2017 adressé au greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, elle a produit ses débours définitifs pour un montant de 10'198,64€ correspondant à des prestations en nature pour 2223,16€ et à des indemnités journalières versées du 26 août 2004 au 31 décembre 2005 pour 7975,48€.

La MSA, assignée par les époux [N], par acte d'huissier du 8 mars 2017, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat.

L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le protocole d'indemnisation transactionnelle partielle présentée par l'Oniam à Mme [N] à la suite de la décision rendue le 18 février 2010 par le président de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, en se fondant sur les conclusions du docteur [C] qui a estimé qu'elle présentait des conséquences anormales au regard de son état de santé initial comme de l'évolution prévisible de celui-ci, s'inscrit dans le cadre légal prévu par l'article L. 1142-7 du code de la santé publique et ne saurait emporter reconnaissance du droit à indemnisation de la requérante.

Aux termes du rapport d'expertise des docters [R] et [D], Mme [N], qui est droitière se plaint de douleurs non systématisées, affectant l'ensemble du membre supérieur droit, augmentées par la mobilisation avec hypoesthésie de la face médiane et elle allègue une impotence fonctionnelle de ce membre qui l'empêcherait d'effectuer la plupart des activités ménagères de la vie quotidienne, de conduire et d'avoir des activités sportives.

Ils ont rappelé les motifs et circonstances de la survenue du dommage en indiquant que Mme [N] a présenté une tumeur du sein droit, opérée le 23 juillet 2004 par le docteur [J] qui a réalisé une biopsie extemporanée associée à une tumorectomie. L'examen anatomopathologique extemporané faisait état d'une mastose qualifiée de complexe. Cet examen a rapporté la présence d'un petit foyer de carcinome lobulaire. Après avis oncologique, la décision a été prise de procéder le 13 août 2004 à une recoupe mammaire et à un curage ganglionnaire qui a ramené six ganglions indemnes de toute localisation métastatique. Dès sa sortie de la clinique, Mme [N] a allégué une douleur importante de l'épaule et du bras droits. Elle a bénéficié d'un traitement radiothérapique et d'une rééducation mise en 'uvre à compter du 17 décembre 2004.

En résumé les experts ont estimé qu'elle présente :

- sur le plan neurologique... aucun signe clinique évocateur d'une atteinte du plexus brachial droit... confirmé par les EMG réalisées. La seule anomalie neurologique objective est une zone d'hypoesthésie limitée au niveau de la face interne du bras droit. Cette zone peut correspondre soit au territoire cutané de la branche accessoire du nerf brachial cutané interne droit, soit au territoire des branches sensitives des nerfs intercostaux,

- sur le plan articulaire... une limitation antalgique des mouvements de l'épaule sans documentation objective d'une atteinte lésionnelle notamment de type neuroalgodystrophique.

Sur consultation des documents d'imagerie de contrôle du suivi mamaire, attestant de l'absence de récidive ou de complication significative durant toute la période de suivi jusqu'en 2014, ils ont estimé que l'efficacité de la prise en charge thérapeutique dont Mme [N] a bénéficié pour le cancer mammaire était démontrée.

En application des articles L.1142-1 et 1142-1-1 du code de la santé publique lorsque la responsabilité d'un professionnel, n'est pas engagée, un accident médical ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par l'article D.1142-1 du même code à 24%.

L'indemnisation d'un accident médical, au titre de la solidarité nationale est ainsi subordonnée à la réunion de quatre conditions cumulatives que sont :

- un accident médical non-fautif,

- directement imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins,

- qui a pour le patient des conséquences anormales au regard de son état comme de l'évolution prévisible de celui-ci,

- occasionnant des séquelles d'une certaine gravité.

En l'espèce l'aléa médical imputable au curage ganglionnaire axillaire dont Mme [N] a fait l'objet lui laissant des séquelles d'une certaine gravité, n'est pas contesté. Seule reste en discussion le caractère anormal des conséquences au regard de son état comme de l'évolution prévisible de celui-ci.

La condition d'anormalité du dommage prévue par les dispositions légales précitées doit être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Dans le cas contraire les conséquences de l'acte médical ne peuvent être considérées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible.

Mme [N] présentait un cancer du sein qui a nécessité une exérèse, et elle a été soumise à un curage ganglionnaire axillaire. À ce titre les experts ont indiqué en page 15 de leur rapport qu'il importait de souligner que 'le cancer lobulaire infiltrant justifiait une évaluation ganglionnaire car il ne s'agissait pas d'un simple cancer in situ.... La réalisation du curage était donc logique'. Ils ont argumenté le recours à ce geste en indiquant que la technique du 'ganglion sentinelle' qui n'était pas en 2004 un standard, ne pouvait être proposée en raison de l'antécédent chirurgical récent mettant en défaut cette technique par les modifications du système lymphatique engendrées par celui-ci. Le geste pratiqué le 13 août 2004, qui a eu pour objectif de rechercher la présence de cellules malignes dans la chaîne ganglionnaire était indispensable compte tenu de la pathologie en présence et donc peu importe de s'attacher aux résultats qui, en l'espèce n'ont heureusement pas révélé la présence de telles cellules. Les conséquences de l'acte médical en cause ne sont donc pas notablement plus graves que l'évolution prévisible de l'état de santé de Mme [N] en l'absence de cette mise en oeuvre thérapeutique. En effet en s'abstenant de s'y soumettre elle s'exposait à un risque de voir sa pathologie s'étendre, obérant son pronostic vital.

La condition d'anormalité étant exclue, il convient de s'attacher à la fréquence de la survenue d'une telle complication, seule la réalisation d'un risque de faible probabilité permettant de caractériser un dommage anormal, ouvrant droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale.

Les experts ont retrouvé à l'examen clinique :

- un déficit sensitif localisé au niveau de la face interne du membre supérieur droit,

- un enraidissement modéré de l'épaule droite.

Ils ont indiqué que la zone d'insensibilité correspond à une atteinte des nerfs sensitifs issus des nerfs costaux en raison d'une part, de l'impossibilité technique d'une lésion radiculaire ou plexulaire par un mécanisme direct ou indirect et, d'autre part qu'il est habituel, voire obligatoire que soient sectionnées les branches sensitives des nerfs intercostaux dans le cadre d'un curage ganglionnaire et ce, en dépit des efforts de préservation du chirurgien. Ils ont précisé que la section de quelques fibres sensitives issues des nerfs intercostaux est quasi inévitable, du fait même que ces fibres traversent les structures qui font l'objet de l'exérèse.

Ils ont écrit que l'enraidissement observé au niveau de l'épaule droite s'explique probablement par la réduction forcée de la mobilisation du membre supérieur droit, démontrée par le sujet dans les suites d'une intervention chirurgicale portant sur une région adjacente de l'épaule et ils ont ajouté qu'il n'est pas rare d'observer au decours d'intervention de ce type une recrudescence symptomatique douloureuse de phénomènes rhumatismaux pré opératoires latents patents, tout en précisant que cette symptomatologie douloureuse régresse.

Il est donc démontré, par l'emploi des termes 'habituel', 'voire obligatoire' et 'quasi inévitable' pour le déficit sensitif, et des termes 'il n'est pas rare d'observer' pour l'enraidissement au niveau de l'épaule droite et les douleurs ressenties, que la survenance de ces complications ne constituent pas un risque de faible probabilité.

En conséquence, Mme [N] est déboutée de sa demande tendant à voir prendre en charge ses préjudices par la solidarité nationale.

Sur les demandes de M. [N]

En vertu des dispositions de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique, seule la victime peut être indemnisée, en présence d'un accident médical non fautif, par la solidarité nationale. Qu'outre l'action successorale, ce n'est qu'en cas de décès de ce dernier que ses ayants droits peuvent solliciter l'indemnisation de leur préjudice propre. La demande présentée à l'encontre de l'Oniam, par M. [N], en qualité de victime indirecte, est donc irrecevable.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles sont confirmées.

M. [N] et Mme [N] qui succombent dans leurs prétentions supporteront la charge des entiers dépens d'appel. L'équité ne justifie pas de leur allouer une somme sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité ne commande pas plus d'allouer à l'Oniam ou encore au docteur [J] une indemnité au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Confirme le jugement,

et y ajoutant,

- Déboute M et Mme [N], l'Oniam et le docteur [J] de leur demande au titre de leurs propres frais irrépétibles exposés en appel ;

- Condamne in solidum M et Mme [N] aux entiers dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 16/22299
Date de la décision : 15/03/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°16/22299 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-15;16.22299 ?
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