COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
4e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 15 MARS 2018
jlp
N° 2018/ 267
Rôle N° 16/15659
SCI LOU CHICHOURLIE
C/
[H] [G]
[D] [O] épouse [G]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Serge BERTHELOT
Me Jean-Raphaël DEMARCHI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 11 Juillet 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 13/00031.
APPELANTE
SCI LOU CHICHOURLIE
dont le siège social est [Adresse 1]
représentée par Me Serge BERTHELOT de la SELARL LEGIS-CONSEILS, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
INTIMES
Monsieur [H] [G]
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Jean-Raphaël DEMARCHI de l'ASSOCIATION CABINET DEMARCHI AVOCATS, avocat au barreau de NICE
Madame [D] [O] épouse [G]
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Jean-Raphaël DEMARCHI de l'ASSOCIATION CABINET DEMARCHI AVOCATS, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 23 Janvier 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre
Madame Sophie LEONARDI, Conseiller
Monsieur Luc BRIAND, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Mars 2018
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Mars 2018,
Signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :
[H] [G] et [D] [O] son épouse ont fait l'acquisition (auprès d'une SCI CEMLE), par acte notarié du 13 juillet 2011, d'une maison d'habitation construite sur une parcelle cadastrée à [Adresse 3], section BC n° [Cadastre 1], ladite parcelle provenant de la division de la parcelle BC n° [Cadastre 2] ; il est indiqué dans l'acte que la parcelle BC n° [Cadastre 2] se trouve grevée au profit de la parcelle BC n° [Cadastre 3] d'une servitude de passage et d'aire de retournement aux termes d'un acte reçu par Me [V], notaire [Localité 1], en date du 15 décembre 1988, publié au deuxième bureau des hypothèques de [Localité 2] les 27 janvier et [Cadastre 4] avril 1989 volume89 P n° 3603, servitude libellée comme suit :
(')
Convention établissant une servitude de passage :
1ent - M. et Mme [U] (les anciens propriétaires de la parcelle BC n° [Cadastre 2]) d'une part et M. et Mme [D] (les anciens propriétaires de la parcelle BC n° [Cadastre 3]) d'autre part, conviennent de constituer sur l'immeuble de M. et Mme [U] qui sera le fonds servant :
Une servitude de passage perpétuel au profit des biens de M. et Mme [D] qui sera le fonds dominant.
Le passage s'exercera sur une bande de terrain appartenant à M. et Mme [U] et longeant l'immeuble cadastré section BC n° [Cadastre 4] sur une longueur de 44 m au nord-est de l'immeuble de M. et Mme [U] d'une superficie de 98,66 mètres carrés devant servir d'accès à l'appartement du premier étage de la copropriété cadastrée section BC n° [Cadastre 3].
M. et Mme [D] auront le droit d'utiliser cette servitude pour un passage à pied et avec tous véhicules de moins de 3,5 tonnes.
La servitude de passage ainsi établie s'exercera au gré de M. et Mme [D] par eux-mêmes ou les membres de leur famille, leur personnel, leurs amis et visiteurs ; elle s'exercera dans l'avenir au gré des propriétaires qui leur succéderont.
Les travaux d'entretien dudit passage seront à la charge conjointe de M. et Mme [D] et de M. et Mme [U], ainsi qu'ils s'y obligent.
Une servitude d'aire de man'uvre de 10 m sur 10, avec un rayon de 5 m au nord (comme indiquée au permis de construire n° D0344 du 7 janvier 1983).
Tout stationnement sera interdit sur la voie d'accès et l'aire de man'uvre.
Fonds servant : l'immeuble cadastré section BC n° [Cadastre 2].
Fonds dominant : lots n° [Cadastre 5] et [Cadastre 6] de l'immeuble cadastré section BC n° [Cadastre 3].
Dans l'acte du 13 juillet 2011, le vendeur a par ailleurs déclaré (page 19) :
'que le propriétaire de l'appartement sis au premier étage de l'immeuble en copropriété cadastrée section BC n° [Cadastre 3], bénéficiant de la servitude constituée aux termes de l'acte reçu par Me [G] [V], notaire [Localité 1], le 15 décembre 1988, empiète une partie de la parcelle présentement vendue pour s'y être octroyé un emplacement de parking d'une superficie d'environ 40 m², clôturée et fermée, au bas des escaliers d'accès à son appartement,
'que cette occupation est sans droit ni titre, et que les biens sont vendus en l'état de cette occupation dont l'acquéreur déclare avoir parfaitement connaissance dès la signature de l'avant contrat, et déclare vouloir faire son affaire personnelle sans recours ultérieur contre le vendeur ou le notaire soussigné.
Après avoir fait établir par M. [K], géomètre expert, un plan périmétrique des lieux reportant la servitude constituée aux termes de l'acte du 15 décembre 1988 et fait dresser, le 9 août 2012, un procès-verbal de constat par Me [F], huissier de justice, et mis en demeure en vain la société civile immobilière Lou Chichourlie, propriétaire des lots n° [Cadastre 5] et [Cadastre 6] de l'ensemble immobilier notamment édifié sur la parcelle BC n° [Cadastre 3], d'avoir à supprimer les empiètements irréguliers sur leur fonds M. et Mme [G] l'ont faite assigner, par exploit du 19 décembre 2012, devant le tribunal de grande instance de Grasse qui, par jugement du 11 juillet 2016 a notamment :
'débouté la SCI Lou Chichourlie de sa demande d'usucapion,
'condamné celle-ci à mettre fin aux empiètements et occupations irréguliers sur la parcelle cadastrée BC n° [Cadastre 1] appartenant à M. et Mme [G], tels que matérialisés sur le plan périmétrique dressé par M. [K], géomètre expert, le 13 janvier 2012, en faisant démolir toutes les constructions et aménagements qui y ont été réalisés et ce, dans le délai de six mois suivant la signification du jugement, sous astreinte de 100 € par jour de retard passé ce délai,
'débouté M. et Mme [G] de leur demande en dommages et intérêts,
'condamné la SCI Lou Chichourlie à payer à M. et Mme [G] la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
'condamné la même aux dépens de la procédure,
'dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
La SCI Lou Chichourlie a régulièrement relevé appel, le 25 août 2016, de ce jugement en vue de sa réformation.
En l'état des conclusions qu'elle a déposées le 31 août 2017 par le RPVA, elle demande à la cour de :
Vu les articles 9 du code de procédure civile et 545 du code civil,
'constater que les époux [G] ne rapportent pas la preuve de la consistance de la propriété,
Vu les articles 9 du code de procédure civile et 637 du code civil,
'constater que les époux [G] ne rapportent pas la preuve de ce que la servitude de passage qu'ils invoquent s'applique la portion de terrain occupée et clôturée par ses auteurs,
'réformer en conséquence en toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 juillet 2016 par le tribunal de grande instance de Grasse,
Vu les articles 2261, 2265 et 2272 du Code civil,
'dire et juger qu'elle est devenue propriétaire par usucapion de la parcelle de terrain litigieuse et de ses constructions,
'condamner les époux [G] à lui payer la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Formant appel incident, M. et Mme [G] sollicitent de voir, aux termes de leurs conclusions déposées le 30 octobre 2017 par le RPVA :
Vu notamment les articles 544 et suivants, 637 et suivants du code civil,
'confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Grasse le 11 juillet 2016 en ce qu'il déboute la SCI Lou Chichourlie de sa demande d'usucapion,
'infirmer le jugement pour le reste et statuant à nouveau,
'les déclarer recevables et bien-fondés en toutes leurs demandes, fins et conclusions et en conséquence y faire droit,
'débouter purement et simplement la SCI Lou Chichourlie de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
'condamner la SCI Lou Chichourlie à mettre fin aux empiètements et occupations irréguliers tels que matérialisé sur le plan dressé par le géomètre expert, M. [K], daté du 13 janvier 2012, et à démolir toutes les constructions et aménagements qui y ont été réalisés, le tout sous astreinte de 350 € par jour de retard passé un délai de deux mois après que la décision à intervenir soit devenue définitive,
En tout état de cause,
'condamner la SCI Lou Chichourlie à leur verser une somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et en réparation des préjudices par eux subis, ainsi qu'une somme de 9000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel,
'leur donner acte qu'ils sont disposés à rétablir le mur de clôture édifié par un de leurs prédécesseurs en respectant la servitude dont s'agit.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 9 janvier 2018.
La SCI Lou Chichourlie a déposé, le 18 janvier 2018, de nouvelles conclusions et de nouvelles pièces (16 à 19), sollicitant la révocation de l'ordonnance de clôture.
MOTIFS de la DECISION :
Il n'est justifié d'aucune cause grave au sens de l'article 784 du code de procédure civile, applicable par renvoi de l'article 907, de nature à justifier la révocation de l'ordonnance de clôture ; il y a donc lieu de déclarer irrecevables les conclusions nouvelles de la SCI Lou Chichourlie et ses pièces nouvelles (16 à 19) déposées le 18 janvier 2018, après clôture de l'instruction.
* *
*
Le litige porte sur l'occupation d'une bande de terrain comprenant un cabanon, matérialisée en teinte bleu sur le plan périmétrique établi le 12 janvier 2012 par M. [K], géomètre-expert, qui y a également fait figurer l'assiette de la servitude de passage et celle de la servitude d'aire de man'uvre constituées aux termes de l'acte de Me [V], notaire, du 15 décembre 1988 ; cette bande de terrain, selon les énonciation du procès-verbal de constat dressé le 26 octobre 2016 par Me [Y], clerc d'huissier habilité, est fermé par un portail et un portillon et séparé de la propriété de M. et Mme [G] par un mur bahut de 40 cm de haut surmonté d'un grillage ; le portail à double vantaux s'ouvre sur une surface gravillonnée servant au stationnement d'un véhicule automobile puis sur une terrasse carrelée avec au fond le cabanon, tandis que le portillon s'ouvre sur l'assiette de la servitude de passage qui aboutit à un escalier d'accès au lot n° [Cadastre 6] de la SCI Lou Chichourlie.
La maison d'habitation élevée d'un étage sur rez-de-chaussée construite sur la parcelle BC n° [Cadastre 3] a fait l'objet d'un état descriptif de division par acte de Me [V] du [Cadastre 4] décembre 1973 en quatre lots, les lots n° [Cadastre 5] (deux pièces situées au rez-de-chaussée à usage de buanderie et de chaufferie) et [Cadastre 6] (un appartement au 1er étage), alors propriété indivise des consorts [A]-[C], appartenant aujourd'hui à la SCI Lou Chichourlie ; un plan des locaux du rez-de-chaussée à l'échelle 1/100 établi le 20 juin 1973 par le cabinet de géomètres-experts A. et G. [L] fait clairement apparaître la limite de la copropriété qui coïncide à l'ouest avec la pièce à usage de buanderie, l'escalier d'accès à l'appartement du 1er étage, mais exclut la bande de terrain litigieuse, qui se trouve englobée dans la parcelle BC n° [Cadastre 2].
Le plan cadastral de 1973, que produit la SCI Lou Chichourlie en pièce 14, correspond très précisément au plan annexé à l'état descriptif de division du 21 décembre 1973 ; quant au plan cadastral produit en pièce 14 bis, qui daterait de 1981, il fait apparaître une construction (le cabanon) jouxtant la buanderie et un espace, défini en traits pointillés, englobant la bande de terrain litigieuse et une partie de l'assiette de la servitude de passage (entre l'escalier d'accès à l'appartement du 1er étage et le portillon existant actuellement) ; il montre également en traits pointillés ce qui correspond aujourd'hui à la partie du mur de clôture dans laquelle se trouvent le portail et le portillon d'entrée à la propriété de M. et Mme [G] ; ces traits pointillés sur le plan cadastral de 1981 n'entraînent cependant aucune modification aux limites entre l'actuelle parcelle BC n° [Cadastre 1] (issue de la division de la parcelle BC n° [Cadastre 2]) et la parcelle BC n° [Cadastre 3] et ne peuvent à eux-seuls permettre de caractériser des actes matériels de possession de la part de la SCI Lou Chichourlie ou de ses auteurs, les consorts [D], auxquels ils ont acheté, par acte notarié du 4 juin 2007, des lots n° [Cadastre 5] et [Cadastre 6], sachant que les époux [D]-[P] avaient eux-mêmes acquis ces lots des consorts [A]-[C] par acte du 25 juin 1974.
Pour prétendre qu'elle est propriétaire par usucapion de la bande de terrain litigieuse, la SCI Lou Chichourlie produit une attestation de [U] [D], affirmant que le portail et le portillon existaient avant même la vente à M. [U] (l'ancien propriétaire de la parcelle BC n° [Cadastre 3]), que le rez-de-jardin était occupé par sa famille comme terrasse d'été et que le cabanon servait à entreposer les outils ; elle communique également un plan établi par M. [I], architecte, déposé le 10 août 1982 à l'appui d'une demande de permis de construire sur la parcelle BC n° [Cadastre 2] et montrant les abords de la parcelle, deux photographies, non datées, de l'espace servant de terrasse et de lieu de stationnement pour véhicules, ainsi que les attestations de trois infirmières ayant prodigué des soins à Mme [D] et indiquant que les lieux sont inchangés depuis 2005.
La vente des parcelles BC n° [Cadastre 7] et [Cadastre 1] (anciennement BC n° [Cadastre 2]) par les époux [D]-[P], qui en étaient alors propriétaires, à M. et Mme [U] est intervenue par acte notarié du 3 février 1983 et ces derniers ont obtenu un permis de construire, le 7 janvier 1983, comme il est rappelé au chapitre « origine de propriété » de l'acte du 13 juillet 2011 constituant le titre de propriété de M. et Mme [G] ; jusqu'au 3 février 1983, les époux [D]-[P] étaient donc propriétaires, non seulement des lots n° [Cadastre 5] et [Cadastre 6] de l'état descriptif de division de la maison édifiée sur la parcelle BC n° [Cadastre 3] (vendus le 4 juin 1977) mais aussi des parcelles BC n° [Cadastre 7] et [Cadastre 1].
Les éléments, dont se prévaut la SCI Lou Chichourlie au soutien de sa demande d'usucapion apparaissent insuffisants à caractériser l'existence d'une possession remplissant les conditions de l'article 2261 du code civil et ayant duré trente ans lorsque M. et Mme [G] ont fait assigner celle-ci, par exploit du 19 décembre 2012, en suppression des empiètements sur leur fonds ; rien ne permet de déterminer avec certitude la date à laquelle ont été réalisés, sur l'emprise de la parcelle BC n° [Cadastre 1], les divers aménagements (cabanon, terrasse, mur de clôture, portail) profitant aux lots n° [Cadastre 5] et [Cadastre 6], dont les consorts [D]-[P] ont été propriétaires de 1974 à 2007, et à supposer que ces aménagements aient été faits par ces derniers, également propriétaires jusqu'en 1983 de la parcelle BC n° [Cadastre 1], ils ne pourraient alors être considérés comme possesseurs, puisqu'ils étaient les légitimes propriétaires de ladite parcelle, qui n'était pas construite avant sa vente, par acte du 3 février 1983, à M. et Mme [U].
Par ces motifs et ceux non contraires du premier juge, le jugement entrepris doit dès lors être confirmé dans toutes ses dispositions, y compris en ce qu'il déboute M. et Mme [G] de leur demande en paiement de dommages et intérêts notamment pour résistance abusive.
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Succombant sur son appel, la SCI Lou Chichourlie doit être condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à M. et Mme [G] la somme de 2000 € au titre des frais non taxables que ceux-ci ont dus exposer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Déclare irrecevables les conclusions de la SCI Lou Chichourlie et ses pièces (16 à 19) déposées le 18 janvier 2018,
Au fond, confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Grasse en date du 11 juillet 2016,
Y ajoutant,
Donne acte à M. et Mme [G] de ce qu'ils sont disposés à rétablir leur mur de clôture dans les conditions prévues par l'acte notarié du 15 décembre 1988,
Condamne la SCI Lou Chichourlie aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à M. et Mme [G] la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code,
Le greffier Le président