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15/03/2018 | FRANCE | N°15/09377

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 3e chambre b, 15 mars 2018, 15/09377


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

3e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 15 MARS 2018



N° 2018/076













Rôle N° 15/09377







SCI LES CHENES





C/



SAS CASTEL ET FROMAGET

SA ALLIANZ









Grosse délivrée

le :

à :



Me V. COSMANO

Me R. SARAGA BROSSAT

















Décision déférée à la Cour :



Jugem

ent du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 05 Mars 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/03217.





APPELANTE



SCI LES CHENES,

siège social [Adresse 1]

représentée et plaidant par Me Virginie COSMANO, avocate au barreau de TOULON, substituée par Me Peggy LIBERAS, avocate au barreau de ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

3e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 15 MARS 2018

N° 2018/076

Rôle N° 15/09377

SCI LES CHENES

C/

SAS CASTEL ET FROMAGET

SA ALLIANZ

Grosse délivrée

le :

à :

Me V. COSMANO

Me R. SARAGA BROSSAT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 05 Mars 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/03217.

APPELANTE

SCI LES CHENES,

siège social [Adresse 1]

représentée et plaidant par Me Virginie COSMANO, avocate au barreau de TOULON, substituée par Me Peggy LIBERAS, avocate au barreau de TOULON

INTIMEES

SAS CASTEL ET FROMAGET

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis[Adresse 2]

représentée par Me Rachel SARAGA-BROSSAT de la SELARL SARAGA-BROSSAT RACHEL, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Clara BOLAC de la SCP VAN HOVE-D'ARGAIGNON, avocate au barreau d'AUCH,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 24 Janvier 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Jean-François BANCAL, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Jean-François BANCAL, Président (rédacteur)

Mme Patricia TOURNIER, Conseillère

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Mars 2018

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Mars 2018,

Signé par M. Jean-François BANCAL, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu l'arrêt rendu le 7.9.2017 par la cour de ce siège, qui a notamment :

- confirmé le jugement déféré en ce que le premier juge a débouté la S.A.S. CASTEL & FROMAGET de ses demandes aux fins d'être relevée et garantie par la S.A. ALLIANZ IARD, assureur de la SARL ZIEDAL,

- confirmé partiellement le jugement déféré en ce que le premier juge a :

1°/ déclaré la S.A.S. CASTEL & FROMAGET responsable des désordres affectant le hangar construit par elle pour la S.C.I. les CHÊNES sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun,

2°/ condamné la S.C.I. les CHÊNES à payer à la S.A.S. CASTEL & FROMAGET la somme de 11'703,05 € TTC au titre du solde des travaux exécutés,

3°/ condamné la S.A.S. CASTEL & FROMAGET à payer à la S.C.I. les CHÊNES 5000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

4°/ rejeté la demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile formée par la S.A.S. CASTEL & FROMAGET,

AVANT DIRE DROIT AU FOND sur les autres demandes,

- invité la S.C.I. les CHÊNES et la S.A.S. CASTEL & FROMAGET à fournir toutes explications utiles sur :

1°/ l'absence de demande chiffrée de la S.C.I. les CHÊNES au titre des travaux de reprise,

2°/ la qualification à donner aux clauses 9.4 et 9.9 des conditions générales du devis de travaux accepté par la S.C.I. les CHÊNES le 8.11.2010 et sur les conséquences en résultant, notamment en cas de qualification de clause pénale susceptible de donner lieu à l'application de l'article 1152 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10.2.2016 applicable au litige, permettant au juge, même d'office, de modérer ou d'augmenter la peine convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire,

- ordonné une réouverture des débats à l'audience du 24.1.2018,

Vu les dernières conclusions de la S.C.I. les CHÊNES avec bordereau de communication de pièces notifiées par le R.P.V.A. le 3.1.2018,

Vu les dernières conclusions de la S.A.S. CASTEL & FROMAGET avec bordereau de communication de pièces notifiées par le R.P.V.A. le 8.1.2018,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 9.1.2018,

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur les clauses 9.4. et 9.9. des 'conditions générales de marché' :

Les conditions générales du devis de travaux accepté par la S.C.I. les CHÊNES énoncent à l'article 9 intitulé 'Garantie- responsabilité ' :

« 9.4 Il est expressément convenu que tout préjudice matériel, dommage à des biens distincts de l'objet du contrat, tout préjudice direct ou indirect, tout manque à gagner ou perte d'exploitation résultant de l'inexécution du contrat, d'un retard, d'un sinistre, de vices ou problèmes affectant le matériel, ne pourra donner lieu à aucune indemnisation par CASTEL et FROMAGET »

« 9.9 Dans le cas où la responsabilité contractuelle de la société CASTEL et FROMAGET serait établie dans l'exécution du contrat par la juridiction compétente, les parties conviennent expressément que le montant total des dommages ' intérêts auxquels pourrait être condamnée la société CASTEL et FROMAGET ne sauraient, en aucun cas, excéder 10 % du montant hors-taxes du contrat ».

La première disposition est une clause exonératoire de responsabilité.

Libellée en termes très généraux, cette clause 9.4. vise à exclure toute indemnisation d'un quelconque préjudice, fut-il matériel ou immatériel, contredit les clauses précédentes 9.1 à 9.3 par lesquelles le constructeur reconnaît devoir garantir ses travaux, et porte donc atteinte à une obligation essentielle du constructeur : celle d'être responsable des travaux réalisés et de devoir en conséquence indemniser son cocontractant pour ses manquements fautifs ou rendant l'ouvrage impropre à sa destination ou atteint dans sa solidité. En conséquence, elle doit être déclarée non écrite et ne peut être opposée utilement à l'appelante.

La clause 9.9 est une clause limitative de responsabilité prévoyant une indemnisation maximale de 10 % du montant hors-taxes du contrat , soit : 57000€ HT X 10% = 5700€.

En application de l'article 1150 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10.2.2016 applicable au litige, cette clause est licite.

Et s'il est exact que la SCI LES CHÊNES est une société civile ayant pour objet la location de biens immobiliers, elle n'est pas pour autant un 'non-professionnel' de la construction, puisque son gérant : [I] [A], qui fut l'interlocuteur de la S.A.S.CASTEL ET FROMAGET tout au long de cette opération de construction, est également le gérant de la SARL [A], société dont l'objet social est ' travaux de maçonnerie générale et gros oeuvre de bâtiments', qui a son siège social à la même adresse que celle du siège de la SCI.

N'ayant ni la qualité de consommateur, ni celle de non-professionnel de la construction, la SCI ne peut utilement se prévaloir des dispositions du code de la consommation qui permettraient d'écarter ladite clause au motif qu'elle serait abusive. Cette disposition contractuelle doit donc recevoir application.

Cependant, compte tenu de l'ensemble des dispositions figurant à l'article 9 des conditions générales sous le titre : Garantie - responsabilité, de la nécessité, en vertu de l'article 1161 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10.2.2016 applicable au litige, d'interpréter les clauses les unes par rapport aux autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier, sans s'arrêter au sens littéral des termes (article 1156 du même code), cette disposition doit être interprétée comme ne concernant que la seule indemnisation des préjudices autres que le coût des travaux de reprise.

Sur l'indemnisation de la SCI LES CHENES :

Par arrêt précité rendu le 7.9.2017, la cour de ce siège ayant déjà statué sur la responsabilité contractuelle de droit commun de la S.A.S. CASTEL & FROMAGET au titre des désordres affectant le hangar construit par elle pour la S.C.I. les CHÊNES, il n'y lieu désormais de ne statuer que sur les demandes d'indemnisation de la SCI.

Dans ses dernières conclusions, la S.C.I. les CHÊNES demande la condamnation de l'entreprise à lui payer :

' la somme de 18400€ HT au titre des travaux de reprise,

' la somme de 21828,70€ au titre du renchérissement du coût du second oeuvre,

' au titre de la perte de loyer, celle de 2000 € par mois à compter du 1er juillet 2011 jusqu'à la réparation des désordres, en sollicitant un montant provisionnel de 160000€,

' la somme de 20000 € à titre de dommages-intérêts au titre de la carence prolongée de l'entrepreneur dans la réalisation de ses obligations.

Après avoir décrit l'ensemble des désordres et non-conformités, l'expert commis, [L] [H], avait, dans son rapport du 3.12.2012, évalué à 18000€ le coût des travaux de 'reconstruction de l'ouvrage'.

S'il est exact que le rapport de [Y] [L], établi le 13.11.2017 à la demande de la S.C.I. LES CHENES, ne constitue pas un rapport d'expertise judiciaire, pour autant, alors qu'il a été régulièrement communiqué, qu'il a fait d'ailleurs l'objet d'un examen critique par la S.A.S. CASTEL ET FROMAGET, qu'il n'est pas la seule pièce produite par l'appelante à l'appui de sa demande d'indemnisation des travaux de reprise, puisqu'elle verse également, outre le rapport de l'expert [H], un procès-verbal de constat d'huissier du 9.6.2015 et un devis de travaux de la SARL ECCF du 21.11.2015, il constitue une pièce du débat soumise à la discussion contradictoire des parties pouvant donc être prise en considération.

En outre, si ce technicien évalue le coût des travaux de reprise à 18400€ , il le fait en reprenant le devis détaillé de travaux établi le 20.11.2017 par la société PHOCEA CONSTRUCTIONS METALLIQUES.

Compte tenu de la nature et de l'importance des désordres et non-conformités imputables au constructeur, de la nature et de l'importance des travaux de reprise à effectuer, alors que la S.A.S. CASTEL ET FROMAGET ne verse aucun document émanant d'un professionnel de la construction, venant critiquer de façon précise et circonstanciée chacun des postes examinés par l'expert [H] ou chaque rubrique figurant sur le devis de travaux établi le 20.11.2017 par la société PHOCEA CONSTRUCTIONS METALLIQUES, il convient de condamner la S.A.S. CASTEL ET FROMAGET à indemniser la S.C.I. LES CHENES pour les travaux de reprise à effectuer en lui allouant la somme de 18000€ H.T., le jugement déféré devant donc ici être partiellement réformé.

Lors de l'expertise judiciaire, il a été produit un contrat de location du hangar moyennant un loyer mensuel de 2000€ (page 23 du rapport).

En raison des non-conformités affectant ce hangar imputables à la S.A.S. CASTEL ET FROMAGET, de l'absence d'intervention ultérieure de l'entreprise pour y remédier, ce local n'a pas été aménagé, puisque les travaux de second oeuvre n'ont pas été entrepris.

Aucune location n'a pu intervenir.

Comme l'a indiqué avec raison le premier juge, la S.C.I. LES CHÊNES est donc fondée à invoquer une perte de revenus locatifs, limitée à juste titre à une durée de 13 mois à compter du mois de juillet 2011, compte tenu de la nécessité de faire d'abord procéder à l'examen des lieux lors de l'expertise, puis de la possibilité ultérieure de faire réaliser les travaux de second oeuvre à compter du 25.7.2012.

Par contre, si le préjudice financier subi en raison de la perte de revenus locatifs peut être fixé à 2000€ par mois, ce qui correspond à 26000€ pour 13 mois, compte tenu de la clause limitative de responsabilité, la S.C.I. LES CHÊNES ne peut obtenir à ce titre que la somme de 5700€ à titre de dommages et intérêts, le jugement déféré étant ici partiellement réformé.

Enfin, comme indiqué de façon pertinente par le premier juge, il ne peut être fait droit aux autres demandes d'indemnisation alors qu'est indemnisé le préjudice locatif résultant du retard dans l'exécution et l'achèvement des travaux, et qu'en outre, la S.C.I. LES CHÊNES fit le choix, une fois examiné l'ouvrage par l'expert judiciaire, de ne pas faire procéder aux travaux de reprise et d'exécution du second oeuvre.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :

Succombant, la S.A.S. CASTEL ET FROMAGET supportera les dépens qui, cependant, en application de l'article 695 du code de procédure civile qui énumère de façon limitative la liste des dépens, ne peuvent comprendre le coût de l'expertise privée de M. [Y] [L]. En effet, le coût de cette mesure, d'ailleurs non justifié, ne peut faire l'objet que d'une réclamation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Si, en première instance, l'équité commandait d'allouer à la S.C.I. LES CHÊNES une indemnité au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, il en est de même en appel et il convient de lui allouer une indemnité complémentaire de 2500€.

PAR CES MOTIFS

LA COUR :

Statuant publiquement,

Contradictoirement,

Vu l'arrêt mixte rendu le 7.9.2017 par la cour de ce siège,

Sur l'indemnisation sollicitée par la S.C.I. LES CHENES :

REFORME partiellement le jugement déféré en ce que le premier juge a condamné la S.A.S. CASTEL & FROMAGET à payer à la S.C.I. les CHÊNES :

** 6270 € au titre des moins-values,

** 1800 € hors-taxes, somme indexée sur l'indice du coût de la construction outre TVA au jour du jugement, au titre des travaux de reprise,

** 26'000 € en réparation du préjudice locatif pour la période allant du mois de juillet 2011 au mois de juillet 2012,

le tout avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

STATUANT À NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

DÉCLARE réputée non écrite et inopposable à la S.C.I. LES CHÊNES la clause exonératoire de responsabilité figurant sous le n° 9.4. des ' conditions générales de marché' du devis de travaux accepté par la S.C.I. les CHÊNES le 8.11.2010,

CONDAMNE la S.A.S. CASTEL ET FROMAGET à payer à la S.C.I. LES CHÊNES 18000€ H.T. au titre des travaux de reprise,

DIT que pour les autres préjudices, la S.A.S.CASTEL ET FROMAGET est fondée à opposer la clause limitative de responsabilité figurant sous le n° 9.9. des 'conditions générales de marché' du devis de travaux accepté par la S.C.I. les CHÊNES le 8.11.2010,

CONDAMNE la S.A.S. CASTEL ET FROMAGET à payer à la S.C.I. LES CHÊNES 5700€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice locatif,

Sur les autres demandes :

CONDAMNE la S.A.S. CASTEL ET FROMAGET à payer à la S.C.I. LES CHÊNES 2500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

DÉBOUTE la S.A.S.CASTEL ET FROMAGET de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,

DIT que le greffe communiquera à l'expert [L] [H] une copie du présent arrêt,

CONDAMNE la S.A.S. CASTEL ET FROMAGET aux dépens d'appel et en ordonne la distraction en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 3e chambre b
Numéro d'arrêt : 15/09377
Date de la décision : 15/03/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 3B, arrêt n°15/09377 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-15;15.09377 ?
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