COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 09 MARS 2018
N°2018/ 138
RG N°16/08208
[S] [K]
C/
SAS CLINIQUE BOUCHARD
Grosse délivrée le :
à :
- Me Juliette GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE
- Me Benjamin DUFFOUR, avocat au barreau de PARIS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section AD - en date du 26 Avril 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 15/00683.
APPELANTE
Madame [S] [K], demeurant [Adresse 1]
comparante en personne, assistée de Me Juliette GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Cedric HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SAS CLINIQUE BOUCHARD, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Benjamin DUFFOUR, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Valérie VALADAS-BATIFOIS, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 25 Janvier 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Hélène FILLIOL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre
Madame Hélène FILLIOL, Conseiller
Madame Virginie PARENT, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2018
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2018
Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Mme Pascale ROCK, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*-*-*-*-*
RAPPEL DE LA PROCEDURE
Madame [S] [K] est régulièrement appelante d'un jugement en date du 26 avril 2016 du conseil de prud'hommes de [Localité 1] lequel a notamment :
- confirmé le licenciement sans cause réelle et sérieuse de Madame [S] [K],
- débouté Madame [S] [K] de sa demande de nullité du licenciement,
- ordonné la rectification du certificat de travail qui doit mentionner la date d'embauche initiale de Madame [S] [K] du 15 février 1993,
- condamné la SAS CLINIQUE BOUCHARD à payer à Madame [S] [K] une somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné le défendeur aux dépens.
A l'audience rapporteur du 25 janvier 2018, à laquelle l'affaire a été appelée, Madame [S] [K] demande à la cour :
'Vu les articles L. 1132-1, 'L. 1132-4, L. 1134-1 L. 2141-5, R. 2421-10, L. 2141-8 du Code du Travail,
Vu les articles L. 3122-2, D 3122-7-1, L. 3132-38 et L. 4612-8 du Code du Travail,
Vu les articles L. 1232-3, L. 1235-2, L. 1235-3 du Code du Travail,
Vu la convention collective de l'hospitalisation privée à but lucratif,
Vu les jurisprudences précitées et notamment celle du Conseil d'Etat du 23 novembre 2016
Vu les explications qui précèdent et les pièces versées aux débats,
Vu la discrimination syndicale à l'encontre de Madame [K],
Vu la décision de refus d'autoriser le licenciement de l'Inspecteur du Travail en date du 21 novembre 2014,
Vu l'obligation de réintégrer la salariée à son poste de travail, avec maintien de ses conditions de travail antérieures, à la suite du refus d'une autorisation administrative de licenciement,
Vu la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige,
Vu l'absence d'une impossibilité absolue de l'employeur de réintégrer la salariée à son poste de travail, avec maintien de ses conditions de travail antérieures, à la suite du refus d'une autorisation administrative de licenciement,
Vu l'absence d'autorisation de licenciement par l'Inspecteur du Travail préalablement à la notification du licenciement,
Vu le refus légitime de Madame [K] de voir modifier son lieu de travail ainsi que l'aménagement de son temps de travail,
Il est demandé à la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence de :
DIRE Madame [K] bien fondée dans son action
INFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de [Localité 1] sauf en ce qu'il a ordonné la rectification du certificat de travail et condamné la SAS CLINIQUE BOUCHARD au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
STATUER A NOUVEAU
A TITRE PRINCIPAL
DIRE ET JUGER le licenciement frappé de nullité.
EN CONSEQUENCE
CONDAMNER la SAS CLINIQUE BOUCHARD au paiement de Dommages et intérêt pour licenciement frappé de nullité ''.''..'''''.....62 425,35 €
A TITRE SUBSIDIAIRE
DIRE ET JUGER le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
EN CONSEQUENCE
CONDAMNER la SAS CLINIQUE BOUCHARD au paiement de dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse''...'..'......62 425,35 €
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE
DIRE ET JUGER que la procédure de licenciement est irrégulière à raison de l'absence d'énonciation des motifs du licenciement lors de l'entretien préalable au licenciement
EN CONSEQUENCE
CONDAMNER la SAS CLINIQUE BOUCHARD au paiement d'une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, soit à la somme de...... 2 601,05 €
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
ORDONNER la délivrance, sous astreinte de 100,00 € par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, le Certificat de travail rectifié en mentionnant la bonne date d'embauche soit le 17 février 1993
Condamner la SAS CLINIQUE BOUCHARD à payer à Madame [K] la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure civile.
Condamner la SAS CLINIQUE BOUCHARD aux entiers dépens.
L'employeur demande à la cour de :
' DIRE et JUGER que Madame [K] est irrecevable à contesterla décision de l'inspecteur du travail devant la chambre sociale,
CONFIRMER la décision dont appel,
En conséquence,
DIRE et JUGER que le licenciement de Madame [K] est parfaitement fondé,
En conséquence, DEBOUTER Madame [K] de toutes ses demandes,
DIRE et JUGER que la procédure de licenciement a été respectée,
A titre subsidiaire,
DIRE et JUGER que la demande formulée au titre de la nullité du licenciement ou du licenciement sans cause réelle et sérieuse est injustifiée en son quantum et la réduire à 6 mois de salaire, soit 15.606 €.
A titre incident,
CONSTATER que la Clinique Bouchard a spontanément rectifié le certificat de travail le 26 janvier 2016.
INFIRMER la décision dont appel lorsqu'elle a condamné la Clinique Bouchard à verser à Madame [K] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC.
CONDAMNER Madame [K] à verser à la Clinique Bouchard la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.'
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu qu'il est établi par les éléments de la cause :
- que Madame [S] [K] a été embauchée par la Clinique WULFRAN PUGET, établissement secondaire de la SAS CLINIQUE BOUCHARD, à compter du 15 février 1993, en qualité d'agent de service, coefficient 195 dans le cadre d'un contrat à durée déterminée ;
- que les relations contractuelles se sont poursuivies à durée indéterminée ;
- que par avenant en date du 21 octobre 2010, suite à l'obtention du diplôme d'aide soignante qualifiée, Madame [S] [K] a été affectée à la clinique BOUCHARD au service médecine de jour, en qualité d'aide soignante qualifiée, coefficient 221 de la convention collective FHP, filière personnel soignant.
- qu'à compter du 1er octobre 2013, elle a travaillé de nuit ;
- que par courrier du 21 mai 2014, le syndicat SUD Santé-Sociaux a informé l'employeur de la candidature de Madame [S] [K] aux élections professionnelles des 11 et 25 juin 2014 ;
- que Mme [X] [T], directrice du personnel de la clinique BOUCHARD, lors de la réunion du CHSCT du 19 juin 2014 a communiqué aux membres du comité un courrier dactylographié de Mme [Q], 'IDE de nuit en médecine' non daté, non signé ainsi rédigé :
' Je n'aime pas l'idée de devoir écrire une lettre pour parler d'une collègue de travail mais j'en suis arrivée à une situation où je n'en peux plus. Cela peut être considéré comme une délation mais pour moi c'est un exutoire. Je viens au travail à reculons avec la boule au ventre, la nausée et un stress constant. J'en arrive à pleurer tellement ça me stresse et j'inquiète les gens autour de moi.
« Elle profite de mon manque de confiance en moi pour me manipuler, me faire croire des choses qui ne sont pas vraies. »
'
« J'écoute, j'essaie de ne pas tenir compte mais c'est une pression constante. Je ne sais jamais comment elle va être, comment ça va être. Alors oui, le service est nouveau pour moi, j'ai bien compris que le stress que j'avais ne venait pas de ce nouveau service. Depuis l'obtention de mon DE, oui j'ai été stressée car je veux bien faire, aussi bien en chirurgie qu'au pôle de la femme, je n'ai jamais éprouvé ce sentiment intense de peur, de stress et d'infériorité. Je fais au mieux de mes capacités, et jamais les AS avec qui j'ai tourné ne m'ont perturbé au point d'en être affecté dans mon travail et ma vie privée.
'
« Je ne peux travailler dans ces conditions et je ne peux rester dans un service où je ne suis pas bien.
J'ai peur que par la suite, si elle apprend que j'ai écrit une lettre à son sujet sans que quelque chose soit fait en retour, j'ai peur qu'elle fasse de ma vie au travail un enfer.
J'ai peur des retombées car je sais que cela retombera sur moi. » ;
que sur la base de ce courrier, les membres du CHSCT ont décidé d'engager une procédure d'enquête laquelle a été confiée à Monsieur [N] [N], membre du CHSCT et Monsieur [O] [D], délégué du personnel ;
- que par courrier du 30 juillet 2014 adressé à son employeur, Madame [K] a notamment sollicité des explications sur l'objet de sa convocation par le secrétariat de la directrice du personnel par téléphone pour le 4 août 2014 (' vous m'avez convoquée à deux reprises depuis le mois de mai dans votre bureau pour me faire part que des collègues de travail se seraient plaints de moi alors que je n'ai jamais eu aucun problème avec aucun de mes collègues de travail depuis mon entrée dans la clinique en 1993, soit il y a donc plus de 20 ans. Certain collègue de travail m'ont au contraire fait part de ce qu'il leur était demandé de fournir des attestations contre moi. J'espère que ma candidature aux prochaines élections professionnelles n'est pas sans lien avec ces différentes convocations'. Sans convocation écrite, vous comprendrez que je ne peux me rendre à un entretien dont je ne connais pas la nature ni l'objet. Je ne vous cache pas que cette situation commence à me perturber psychologiquement..') ;
- que suite à un report des élections professionnelles, la salariée s'est à nouveau portée candidate le 13 août 2014 ;
Première procédure de licenciement :
- que Madame [S] [K] a été convoquée par courriers recommandés du 7 et 18 août 2014 à un entretien préalable fixé au 18 août et reporté à sa demande au 12 septembre 2014, en vue d'une éventuelle sanction disciplinaire ; que cette procédure n'a pas été poursuivie par l'employeur ;
- par courrier du 8 septembre 2014, la directrice du personnel a indiqué à Madame [S] [K] qu'elle l'affectait temporairement dans une autre équipe dans l'attente des résultats de l'enquête du CHSCT ;
- que par courrier du 11 septembre 2014, rédigé par son avocat, Monsieur [W], 'en arrêt maladie pour dépression réactionnelle depuis fin février 2014 à la suite d'une mise en garde formelle reçue le 21 février 2014" a informé la direction qu'il refusait de reprendre son travail en binôme avec Madame [S] [K], précisant dans une attestation du 12 octobre 2014 qu'il avait rencontré des difficultés pour travailler avec cette salariée de septembre 2013 à février 2014 ('cette aide soignante n'est pas faite pour le travail de nuit, cette personne a un caractère difficile et ne met pas de bonnes volontés dans ses relations humaines, réfractaires aux ordres simples, conteste tout, pas de volontarisme dans le travail') ;
Procédure de licenciement pour faute grave :
- que par courrier du 1er octobre 2014, Madame [K] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 13 octobre 2014 à un éventuel licenciement pour faute grave avec mise à pied conservatoire ;
- que Madame [S] [K] n'a pas été élue aux élections du 7 octobre 2014 ;
- que par courrier du 8 octobre 2014 elle a été convoquée devant le comité d'entreprise ;
- que le CHSCT a rendu son rapport d'enquête le 10 octobre 2014 dont les conclusions faisaient état notamment d'une incompatibilité relationnelle entre Madame [C] [Q] et Madame [S] [K] et pointaient une organisation du travail de nuit génératrice de tensions entre services et personnel (' tout d'abord l'ensemble de ces auditions ne démontre pas le caractère de harcèlement de la relation de Madame [S] [K] à l'encontre de Mme [Q]. Et cela nous a été confirmé par l'intéressée elle même lors de son entretien. La relation reste toutefois conflictuelle.. Les deux protagonistes présentent une incompatibilité de travail.. Suite aux auditions des éléments ont été apportées à la connaissance du CHSCT.. Ces éléments ont été donnés dans le cadre d'une procédure pour faute grave de Madame [S] [K]. Ces attestations n'apportent pas la preuve de harcèlement .. Ces deux attestations sont à prendre avec précaution car elles émanent de salariés se présentant contre elle aux dernières élections professionnelles de l'établissement. Conclusion : la séparation des deux salariés semble une option des plus probables et cela dans un but d'apaisement. Une ultime confrontation pourrrait peut être faire émerger une solution..') ;
- que par courrier du 13 octobre 2014, la salariée déplorait le déroulé de l'entretien préalable et informait son employeur qu'elle ne se rendrait pas à la convocation du comité d'entreprise au regard des irrégularités de la procédure et demandait à l'employeur de mettre un terme à cette procédure et 'comme à toute action frisant le harcèlement moral à son endroit' ;
- qu'en l'état de son statut protecteur, l'employeur sollicitait auprès de l'autorité administrative, le 16 octobre 2014, l'autorisation de la licencier ;
- que par courrier du 17 octobre 2014 en réponse au courrier de la salarié du 13 octobre, l'employeur contestait toute irrégularité de procédure ;
- que par décision du 21 novembre 2014, l'inspecteur du travail refusait l'autorisation de licenciement sollicitée en ces termes :
'Considérant que l'employeur a convoqué Madame [S] [K] à un entretien préalable concernant ces faits le 1er octobre 2014 soit plus de deux mois après qu'il ait eu connaissance des faits remontés par Madame [C] [Q] ;
Que les délais de prescription peuvent donc lui être opposés concernant ces reproches ;
Qu'en tout état de cause, ce témoignage, bien qu'attestant d'un rapport conflictuel entre les deux salariés, manque de précisions et d'événements datés pour pouvoir établir la matérialité d'une faute ;
Que concernant les autres témoignages écrits à charge, ceux-ci manquent également de faits datés pour pouvoir être vérifiés, que les allégations concernant des plaintes et reproches oraux demeurant invérifiables ;
Considérant de surcroît qu'à l'appui de sa défense, la salariée produit 29 témoignages dont 15 peuvent être retenus émanant principalement d'anciens collègues de travail et datés d'octobre 2014 qui vantent son professionnalisme et lui dénie toute agressivité que par conséquent la contradiction et les témoignages recueillis et leur imprécision ne permettent pas d'établir la matérialité des faits reprochés, qu'en tout état de cause, le doute doit profiter au salarié ;
Considérant enfin que le 19 juin 2014, le CHSCT a décidé de mener une enquête sur saisine de l'employeur qui a communiqué à l'instance le courrier de Madame [C] [Q], infirmière, remis à la direction le 10 juin 2014, que dans son rapport d'enquête, le CHSCT conclut à une incompatibilité relationnelle entre Madame [C] [Q] et Madame [S] [K] et pointe une organisation du travail de nuit génératrice de tensions entre services et personnel, que le comité d'entreprise a rendu un avis défavorable sur le projet de licenciement ».
- que par courrier du 25 novembre 2014, l'employeur informait Madame [S] [K] de sa réintégration en qualité d'aide soignante, et de son affectation en médecine de nuit 'sur un roulement similaire au votre dans notre établissement WULFRAN PUGET au sein duquel vous avez travaillé durant plusieurs années' au motif 'de l'incompatibilité relationnelle et du rapport conflictuel avec votre binôme infirmier, Mlle [C] [Q]'.
- que par courrier du 2 décembre 2014, la SAS CLINIQUE BOUCHARD informait Madame [K] de la régularisation de son salaire pendant la mise à pied et la mettait en demeure de justifier de son absence depuis le 28 novembre 2014 ;
- que par courrier daté du même jour Madame [K] refusait sa réintégration sur l'établissement de WULFRAN PUGET en indiquant notamment que cette nouvelle affectation n'était pas « compatible avec ses (mes) contraintes de vie personnelle par rapport au rythme de travail au sein de la clinique Bouchard ou vous m'avez muté avec mon accord à compter du 21/10/2010 soit près de 4 années. » ; qu'elle confirmait vouloir reprendre son poste de travail initial au sein de la Clinique BOUCHARD ;
Attendu qu'il est également établi par les pièces communiquées aux débats :
Nouvelle procédure de licenciement :
- que par courrier recommandé du 10 décembre 2014, Madame [K] a été à nouveau convoquée à un entretien préalable fixé au 22 décembre 2014 en vue d'une mesure de licenciement ;
- que par courriers du 17 et 22 décembre 2014, l'employeur a formulé une nouvelle proposition d'affectation à Madame [K] au sein de la clinique BOUCHARD ;
- que par courrier du 30 décembre 2014, Madame [K] a refusé les propositions de l'employeur, considérant que la proposition 'constitue encore une sanction à mon encontre alors que l'inspectrice du travail et le CHSCT n'ont retenu aucune faute de ma part, ni aucune responsabilité dans les actes dénoncés de façon mensongère par l'infirmière' ;
- que par courrier du 14 janvier 2015 elle a été convoquée devant le comité d'entreprise pour une réunion fixée au 22 janvier 2015 ;
- que le comité d'entreprise émettait le 22 janvier 2015 un avis défavorable à la mesure de licenciement envisagée à l'encontre de Madame [S] [K] (4 voix contre/1 voix pour) après avoir proposé que Madame [S] [K] passe sur un roulement de jour 'ce qui a été préconisé par le médecin du travail', solution refusée par la DRH';
- qu'en l'état de son statut protecteur, l'employeur sollicitait à nouveau auprès de l'autorité administrative, par courrier réceptionné le 10 février 2015 l'autorisation de la licencier 'en raison de son refus d'accepter son affectation en qualité d'aide soignante de nuit en médecine chirurgie et surveillance continue au sein de la Clinique BOUCHARD.. ce refus rendant impossible la poursuite de son contrat de travail' ;
- que Madame [S] [K] était licenciée par la Clinique BOUCHARD par lettre recommandée du 17 février 2015 en ces termes exactement reproduits :
«Refus d'accepter votre affectation au poste d'aide soignante de nuit en médecine chirurgie conformément à notre lettre du 17 décembre 2014 et des aménagements de plannings possibles formulés le 22 décembre 2014.
En effet, vous êtes aide soignante depuis octobre 2010 et à ce titre vous pouvez être amenée à travailler dans tous les services de la clinique dans la mesure où votre affectation contractuelle est rattachée à l'ensemble de l'établissement.
Vous percevez d'ailleurs une prime de polyvalence.
Vous n'êtes donc pas fondée à refuser d'effectuer les tâches relevant de votre emploi d'aide soignante et ce d'autant plus que nous vous avons informée du maintien de votre salaire nonobstant la suppression de sujétion du dimanche.
Votre refus rend impossible la poursuite de votre contrat de travail pour lequel de nombreux aménagements vous ont été proposés.
Votre licenciement sera effectif à la date de la première présentation du présent courrier ».
- que par décision du 25 février 2015, l'inspecteur du travail s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande, au motif que la période de protection de 6 mois dont bénéficiait Madame [S] [K] depuis le 13 août 2014 s'était achevée le 13 février 2015 de sorte qu'au jour de sa décision Madame [K] n'était plus protégée ;
- que c'est dans ces circonstances que Madame [K] a saisi le 11 mars 2015 la juridiction prud'homale de demandes tendant à l'allocation de dommages et intérêts pour licenciement nul et qu'a ensuite été rendu le 26 avril 2016 le jugement du conseil de prud'hommes ;
Sur la nullité du licenciement :
Attendu que la salariée invoque trois moyens à l'appui de sa demande de nullité du licenciement ;
Sur l'absence d'autorisation de licenciement :
Attendu pour la première fois en cause d'appel, que la salariée invoque 'l'absence d'autorisation de licenciement' et la violation par l'employeur de son statut protecteur, en se prévalant de la décision du conseil d'Etat du 23 novembre 2016 selon laquelle l'autorité administrative doit se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement même si le salarié n'est plus protégé quand elle se prononce, le statut du salarié protégé s'appréciant à la date d'envoi de la convocation du salarié à l'entretien préalable et non à la date à laquelle l'inspecteur du travail rend sa décision.
("qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que cette autorisation est requise si le salarié bénéficie de la protection attachée à son mandat à la date de l'envoi par l'employeur de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement" (CE 23 novembre 2016, n° 392059)')
Attendu que l'employeur réplique notamment que la salariée n'ayant exercé aucun recours à l'encontre de la décision d'incompétence de l'inspecteur du travail, cette décision définitive s'impose au juge judiciaire en raison du principe de la séparation des pouvoirs ;
*
Attendu que le juge judiciaire ne peut prononcer la nullité du licenciement intervenu sans autorisation alors que l'inspecteur du travail saisi a indiqué ne pas avoir à se prononcer sur la demande d'autorisation de l'employeur en raison de l'expiration de la période de protection ; que dans ce cas l'administration a bien pris une décision dont la légalité ne peut être appréciée que par le juge administratif ;
*
Attendu qu'il ressort des éléments de la cause tels que ci-dessus rappelés que Madame [S] [K] a été licenciée le 17 février 2015 sans autorisation de licenciement alors que l'inspecteur du travail saisi le 10 février 2015 a indiqué par décision 25 février 2015 être incompétent au motif qu'à la date de sa décision, Madame [S] [K] n'était plus protégée ;
Attendu que la salariée ne peut valablement soutenir qu'elle ne conteste pas la décision de l'inspecteur du travail tout en soutenant que l'autorité administrative aurait dû en application de l'arrêt du conseil d'Etat précité, se prononcer sur sa demande d'autorisation de licenciement même si elle n'était plus protégée quand elle s'est prononcée, le statut du salarié protégé s'appréciant non comme l'a retenu l'inspecteur du travail, à la date à laquelle il a rendu sa décision, mais à la date d'envoi de la convocation du salarié à l'entretien préalable, cette argumentation visant à remettre en cause le bien fondé de la décision de l'inspecteur du travail ;
Qu'il importe peu que le licenciement soit intervenu le 17 février 2015, soit en l'absence à cette date de toute décision de l'inspecteur du travail, dès lors que ce dernier par décision définitive du 25 février 2015 s'est déclaré incompétent au motif que la période de protection de 6 mois dont bénéficiait Madame [S] [K] depuis le 13 août 2014 s'était achevée le 13 février 2015 ;
Que la question de savoir si l'autorité administrative était ou non encore compétente à la date du 25 février 2015 pour autoriser ou refuser le licenciement et ce faisant si Madame [S] [K] devait encore au moment de son licenciement intervenu le 17 février 2015 bénéficier d'une protection, a été tranchée par l'inspecteur du travail aux termes de sa décision du 25 février 2015 précitée ;
Qu'au regard de ce qui précède que la salariée ne peut valablement soutenir 'que l'effet de cette décision administrative ne pouvait avoir pour effet rétroactif de délier l'employeur de ses obligations en matière de règles protectrices' ou que le licenciement a été prononcé en violation du statut protecteur alors qu'en exécution de la décision du 25 février 2015 l'employeur avait retrouvé à la date du licenciement le droit de la licencier sans autorisation de l'autorité administrative ;
Que c'est en conséquence à bon droit que l'employeur fait valoir que la salariée n'ayant exercé aucun recours à l'encontre de la décision d'incompétence de l'inspecteur du travail, cette décision définitive s'impose au juge judiciaire en raison du principe de la séparation des pouvoirs ;
Que le moyen tiré de l'absence d'autorisation doit en conséquence être rejeté ;
Sur la discrimination syndicale :
Attendu qu'il résulte des dispositions des articles L.1132-1 et L.2141-5 du code du travail qu'il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, d'avancement, de rémunération, de conduite et de répartition du travail,
Attendu que selon l'article L.1134-1 du code du travail, en cas de litige le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;
*
Attendu que la salariée invoque à l'appui de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale plusieurs faits :
- 'l'acharnement de l'employeur à son égard après le dépôt de sa candidature aux élections professionnelles' alors qu'elle exerçait ses fonctions depuis 20 ans sans aucune difficulté ;
- l'absence de proposition faite à son bînome, Mlle [C] [Q] de modification de son lieu de travail ou de son temps de travail, après le rapport du CHSCT ;
- le fait que l'employeur a volontairement retardé la procédure de licenciement pour que l'inspecteur du travail ne puisse se prononcer sur la légalité de celui-ci en vertu de la jurisprudence de l'époque ;
Attendu que les éléments de la cause tels que ci-dessus évoqués et les pièces produites par la salariée ci-dessous énumérées laissent supposer l'existence d'un lien entre sa candidature aux élections professionnelles annoncée le 21 mai 2014 et 'l'acharnement de l'employeur' à son encontre, acharnement qui s'est manifesté notamment par :
- une procédure d'enquête sollicitée par l'employeur le 19 juin 2014 auprès des membres du CHSCT,
- une première procédure disciplinaire lancée en août 2014 et abandonnée,
- une seconde procédure disciplinaire lancée en octobre 2014 pour faute grave, poursuivie le 16 octobre 2014 par la saisine de l'inspecteur du travail nonobstant les conclusions du CHSTC en date du 10 octobre 2014 susvisées qui concluait en particulier ' à l'absence de démonstration du caractère de harcèlement de la relation de Madame [S] [K] à l'encontre de Mme [Q]' et qui s'est achevée par un refus d'autorisation de l'inspecteur du travail pour les motifs ci-dessus rappelés ;
- une troisième procédure de licenciement engagée en décembre 2014 qui s'est achevée par le licenciement prononcé le 17 février 2015 au motif d'un refus d'affectation au poste d'aide soignante de nuit et des aménagements de planning possibles alors que d'une part le comité d'entreprise le 22 janvier 2015 avait voté contre le licenciement à 4 voix contre 1 et avait proposé que Madame [S] [K] passe sur un roulement de jour comme préconisé par le médecin du travail, ce que la directrice du personnel avait refusé et que d'autre part Mme [Q], son binôme ne s'est vue proposer aucune modification de son lieu de travail ou de son temps de travail suite au rapport du CHSTC alors que ce dernier n'avait pas relevé de faits de harcèlement moral de Mme [K] à l'encontre de cette salariée mais une incompatibilité relationnelle entre ces deux femmes ;
Attendu que la salariée produit plusieurs témoignages émanant d'anciens collègues de travail, de supérieurs hiérarchiques, de médecins ayant travaillé avec elle datés d'octobre 2014 qui font état de son professionnalisme, de sa conscience professionnelle, de son esprit d'équipe et de ses qualités humaines ; que l'un des médecins souligne notamment son courage lors d'un incident l'été 2012 ' par une famille de patients qui nous a portée des coups..Madame [S] [K] n'a pas hésité une seconde à s'interposer pour nous aider';
Qu'elle produit en outre :
- les attestations de Monsieur [Y] Syndicat SUD santé sociaux ainsi rédigées ' atteste que depuis qu'elle a été candidate sur les listes de notre syndicat à l'occasion des récentes élections professionelles, Madame [S] [K] est victime de pressions multiples et graves de la part de la direction de l'établissement pour des motifs incompréhensibles au regard du bon sens, pressions dont la répétition frôle le harcèlement,..... à l'occasion de la connaissance que j'ai pu avoir du dossier concernant Madame [S] [K].. Me sont apparus les éléments suivants : consignes de la DRH à la médecine du travail pour que celle-ci ne reçoive pas Madame [S] [K] qui souhaitait un rendez vous suite à des accusations sur le danger que représentait cette personne...' ;
- sa plainte déposée auprès du procureur de la République de [Localité 1] du 17 décembre 2014 contre Mme [X] et Monsieur [W] pour fausses attestations ;
- une attestation de Mme [H], auxiliaire péricultrice présente lors du CE du 22 janvier 2015 qui témoigne avoir fait à la directrice du personnel la proposition préconisée par l'inspecteur du travail ' une table ronde avec les délégués du personnel et le CHSCT afin de trouver une solution d'apaisement au conflit LB et CR' Le DRH a réfusé catégoriquement.. J'ai réitéré cette proposition qui a été refusée' ;
- une attestation de Monsieur [W] du 1er février 2016 qui déclare notamment 'pendant la période du 1er octobre 2013 au 17 février 2014 Madame [S] [K] et moi faisions équipe de nuit, le management nous a manipulé afin de pouvoir nous licencier tous les deux' ;
Attendu qu'il résulte également des éléments de la cause que l'employeur en violation de l'article R.2421-10 du code du travail qui prévoit que la demande d'autorisation du licenciement est adressée à l'inspecteur du travail dans les 15 jours suivant la date à laquelle l'avis du comité d'entreprise a été rendu, a saisi ce dernier le 10 février 2015 soit plus de 15 jours après l'avis du comité d'entreprise rendu le 22 janvier 2015 ; que la salariée produit en outre un courrier électronique du 18 janvier 2015 de Mme [B], déléguée du personnel, adressé à l'inspecteur du travail rapportant les propos de la directrice du personnel prononcés lors de l'entretien du 22 décembre 2014 'de toute façon après le 14 février 2015 on fera ce que l'on voudra' ;
Attendu concernant son état de santé que la salariée justifie notamment avoir été absente de l'entreprise pour cause de maladie du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 ; que les certificats médicaux produits portent mention de troubles psychologiques et du sommeil et de troubles dépressifs nécessitant un arrêt de travail depuis le 1er janvier 2015..' [Localité 2] état actuel est incompatible avec la reprise de son activité professionnelle';
Attendu que la salariée établit ainsi la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale au sens des textes précités ;
Attendu que l'employeur fait valoir que la première procédure de licenciement a été engagée en raison des accusations portées à l'encontre de Madame [S] [K] par Mme [Q] ; qu'il produit les témoignages de Mme [X], de Mme [A], de Mme [M] et de Monsieur [W] dont la valeur probante est remise en question par les multiples attestations versées aux débats par la salariée, sa plainte devant le procureur de la République et le témoignage de Monsieur [W] susvisé ;
Attendu que l'employeur conteste avoir manipulé Monsieur [W], sans toutefois produire aucun élément sur ce point ;
Attendu qu'il se contente d'affirmer sans en justifier que c'est 'Madame [S] [K] qui a cherché à obtenir une protection dès qu'elle a eu connaissance de la plainte de sa coéquipière' ; que contrairement à ses allégations, il ressort de la chronologie des événements que cette plainte non datée, non signée, a été présentée aux membres du CHSCT en juin 2014 par la directrice du personnel après l'annonce de la candidature de Madame [S] [K] faite en mai 2014 ;
Attendu qu'il produit ses échanges avec l'inspecteur du travail du 22 décembre 2014 et du 7 janvier 2015 l'informant notamment du déroulement de l'entretien préalable et du refus de la salariée des propositions de réintégration ;
Attendu qu'il conteste la valeur probante des attestations de Monsieur [Y] et du courrier électronique de Mme [B] du 21 janvier adressé à Mme [U], inspecteur du travail à l'adresse paca-ut13.uc4@direccte.gouv.fr sans toutefois produire aucun élément de nature à remettre en cause la valeur probante du contenu de ces pièces ; que la seule attestation de Mme [T], directrice du personnel, qui nie avoir tenu les propos rapportés par Mme [B] n'est pas de nature à douter de la réalité de ceux-ci ; qu'il en est de même du fait que le courrier électronique contienne une mention manuscrite ;
Attendu que l'employeur fait valoir qu'il n'a pas volontairement retardé la procédure de licenciement mais qu'il a respecté les délais légaux et a tenu compte des contraintes de calendriers ;
Attendu qu'aucun élément n'est produit démontrant que les faits matériellement établis par la salariée sont justifiés par des éléments objectif étrangers à toute discrimination ;
Attendu qu'en application de l'article L.1132-4 du code du travail le licenciement intervenu dans ce contexte est nul ;
Attendu que la victime d'un licenciement nul qui ne demande pas sa réintégration a droit notamment à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L.1235-3 du code du travail ;
Attendu compte-tenu des circonstances de cette discrimination syndicale, de sa durée, du salaire mensuel brut de 2 602 €, de son ancienneté (22 ans), de son âge (Elle est née en [Date naissance 1]) et des conséquences dommageables qu'elle a eues pour Madame [S] [K] telles qu'elles ressortent des pièces et explications fournies, le préjudice en résultant doit être réparé par l'allocation d'une somme de 60.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
Attendu que les parties n'ont pas discuté sérieusement les dispositions du jugement relatives à la remise d'un certificat de travail rectifié mentionnant comme date d'embauche le 15 février 1993, l'employeur précisant l'avoir adressé à la salarié le 26 janvier 2016 ; que le jugement est confirmé sur ce point ;
Attendu que les dispositions du jugement relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens doivent être confirmées ;
Attendu que l'employeur doit être condamné à payer à Madame [S] [K] la somme de 1 500 € supplémentaire en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que les dépens d'appel resteront à la charge de la SAS CLINIQUE BOUCHARD ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,
Confirme le jugement en ses dispositions relatives au certificat de travail rectifié, à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau
Condamne la SAS CLINIQUE BOUCHARD à payer à Madame [S] [K] la somme de 60.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement illicite ;
Condamne la SAS CLINIQUE BOUCHARD à payer à Madame [S] [K] la somme de 1 500 € en application de l'article l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SAS CLINIQUE BOUCHARD aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT