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08/03/2018 | FRANCE | N°16/05321

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre b, 08 mars 2018, 16/05321


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 08 MARS 2018



N° 2018/121













Rôle N° 16/05321







[Z] [U]





C/



SA BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE





















Grosse délivrée

le :

à :

Me SPADOLA

Me DURAND













Décision déférée à la Cour :



Jugement

du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 07 Décembre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 2015F00317.





APPELANT



Monsieur [Z] [U]

né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 1] (91)

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me René SPADOLA, avocat au barreau de MARSEILLE,

assisté de Me ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 08 MARS 2018

N° 2018/121

Rôle N° 16/05321

[Z] [U]

C/

SA BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE

Grosse délivrée

le :

à :

Me SPADOLA

Me DURAND

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 07 Décembre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 2015F00317.

APPELANT

Monsieur [Z] [U]

né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 1] (91)

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me René SPADOLA, avocat au barreau de MARSEILLE,

assisté de Me Evelyne GRASSIN DELYLE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SA BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE, venant aux droits de la SA BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR, prise en la personne de son Directeur Général,

dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Régis DURAND de l'AARPI DDA & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON

assistée de Me Jean-Baptiste DURAND, avocat au barreau de TOULON, substituant Me Régis DURAND

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 19 Décembre 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Mme PETEL, conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Valérie GERARD, Président de chambre

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Anne DUBOIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Mars 2018

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Mars 2018,

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par acte sous seing privé du 12 février 2014, la SARL BBM, représentée par son gérant, M. [Z] [U], a acquis un fonds de commerce de restaurant situé à [Localité 2] moyennant le prix de 230.000 euros.

Cette acquisition a été financée, à hauteur de 175.000 euros, au moyen d'un prêt professionnel que la Banque Populaire Côte d'Azur, intervenante à l'acte, a consenti à la SARL BBM, au taux de 4,25%, remboursable en 84 mensualités.

En garantie de ce prêt, M. [Z] [U], notamment, s'est porté caution solidaire des engagements de la SARL BBM envers la banque, dans la limite de 210.000 euros et pour une durée de 108 mois.

Par jugement du 14 octobre 2014, le tribunal de commerce de Toulon a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la SARL BBM, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 2 avril 2015.

La Banque Populaire Côte d'Azur a déclaré sa créance au passif de la procédure collective pour, au titre du prêt, les sommes de 9.823,96 euros et 160.481,46 euros.

Elle a mis en demeure M. [Z] [U], en sa qualité de caution solidaire, de lui payer les sommes dues.

Par acte du 22 juin 2015, la SA Banque Populaire Côte d'Azur a fait assigner M. [Z] [U] en paiement devant le tribunal de commerce de Toulon.

Par jugement réputé contradictoire du 7 décembre 2015, ce tribunal a :

- reçu la SA Banque Populaire Côte d'Azur en son action et l'a déclarée bien fondée,

- dit que les actes de cautionnement sont opposables à M. [Z] [U],

- condamné M. [Z] [U], en sa qualité de caution personnelle et solidaire, à payer à la SA Banque Populaire Côte d'Azur la somme de 185.136 euros au titre du solde du prêt et des échéances impayées au taux contractuel de 7,25 % l'an à compter du 1er avril 2015 et jusqu'à parfait paiement et anatocisme annuel,

- condamné M. [Z] [U] à payer à la SA Banque Populaire Côte d'Azur la somme de 700 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné M. [Z] [U] aux entiers dépens.

Suivant déclaration du 23 mars 2016, M. [Z] [U] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées et déposées le 9 octobre 2017, auxquelles il convient de se reporter par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, l'appelant demande à la cour de :

à titre principal,

- réformer le jugement entrepris,

et statuant à nouveau,

- déclarer que le jugement dont appel a été rendu en l'absence de tout débat contradictoire et de tout procès équitable,

- dire que l'acte de caution est nul et de nul effet,

à titre subsidiaire,

- dire que le jugement à l'égard de l'autre caution n'a pas autorité de la chose jugée à son égard,

- dire qu'il n'était pas une caution avertie,

- dire que la banque a failli à son devoir de mise en garde,

- dire que la Banque Populaire Méditerranée a fait contracter un engagement disproportionné,

- dire que la Banque Populaire Méditerranée a commis une faute et lui a fait perdre une chance de ne pas contracter,

- dire que la Banque Populaire Méditerranée est déchue de ses droits à pénalités et intérêts,

en conséquence,

- infirmer le jugement rendu le 7 décembre 2015 par le tribunal de commerce de Toulon,

statuant à nouveau,

- déclarer nul et de nul effet le cautionnement accordé par lui,

- dire que la Banque Populaire Méditerranée est déchue de son droit à créance,

- débouter la Banque Populaire Méditerranée de sa demande en paiement de la somme de 185.136 euros outre les intérêts,

- débouter la Banque Populaire Méditerranée de ses demandes, fins et conclusions,

à titre infiniment subsidiaire,

si la cour devait prononcer sa condamnation,

- dire que la Banque Populaire Méditerranée a failli à son devoir de mise en garde,

en conséquence,

- la condamner à lui payer la somme en principal de 210.000 euros à titre de dommages et intérêts à raison de sa faute et de perte d'une chance qu'elle lui a fait courir,

- ordonner la compensation avec la condamnation mise à sa charge,

- dire que la Banque Populaire a failli à son devoir d'information de la caution au titre des incidents de paiement et a commis une faute entraînant la déchéance de ses droits à intérêts échus, pénalités et intérêts de retard,

en conséquence,

- la débouter de sa demande à ce titre,

en tout état de cause,

- condamner en outre la Banque Populaire Méditerranée à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens étant mis à la charge du défendeur qui succombe et recouvrés par Me Spadola, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives notifiées et déposées le 17 novembre 2017, auxquelles il y a lieu de se référer en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la SA Banque Populaire Méditerranée, venant aux droits de la SA Banque Populaire Côte d'Azur, demande à la cour de :

' lui donner acte de ce qu'elle vient aux droits de la Banque Populaire Côte d'Azur dans le cadre de la présente instance,

' débouter M. [Z] [U] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, comme étant, en premier lieu, irrecevables, en l'état du prononcé du jugement du tribunal de grande instance de Toulon du 17 mai 2016 ayant autorité de chose jugée, et en second lieu, infondées et injustifiées,

' confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Toulon le 7 décembre 2015,

' condamner M. [Z] [U] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens,

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 novembre 2017.

MOTIFS

Il n'est pas discuté que la Banque Populaire Méditerranée vient aux droits de la Banque Populaire Côte d'Azur par l'effet d'une fusion-absorption du 22 novembre 2016.

Sur l'autorité de chose jugée attachée à un jugement du 17 mai 2016 :

L'intimée soutient que les demandes de M. [Z] [U] sont irrecevables au regard de l'autorité de la chose jugée qui s'attache à un jugement, devenu définitif, rendu par le tribunal de grande instance de Toulon le 17 mai 2016 ayant condamné M. [N] [X], seconde caution solidaire, à lui payer la somme de 185.136 euros, outre intérêts.

Elle fait valoir que le principe de représentation mutuelle des coobligés implique que la chose jugée pour ou contre l'un des débiteurs solidaires profite ou est opposable aux autres.

Mais, étant en outre observé que le caractère solidaire du cautionnement ne saurait être de nature à priver la caution des moyens de défense qui lui sont personnels, la Banque Populaire Méditerranée n'est pas fondée à soulever l'exception tirée de l'autorité de chose jugée dès lors que l'instance ayant abouti au jugement du 17 mai 2016, qui n'a d'ailleurs pas prononcé de condamnation solidaire, n'opposait pas les mêmes parties.

Sur l'absence de défense et le non-respect du contradictoire :

L'appelant fait valoir qu'il n'a pu présenter sa défense en première instance et a été condamné sur les seuls moyens formulés par la banque, que son absence de comparution résulte de ce qu'il n'a pas eu connaissance de la procédure, l'intimée n'ayant pas fait délivrer l'assignation à sa nouvelle adresse dont elle était pourtant informée, que le principe fondamental du contradictoire n'a ainsi pas pu être respecté.

Cependant, outre le fait que M. [Z] [U] ne démontre aucunement le bien fondé de ses allégations quant à la connaissance que pouvait avoir l'établissement bancaire de son changement d'adresse à la date de l'assignation introductive d'instance, il ne peut qu'être constaté qu'il ne tire aucune conséquence juridique de la prétendue irrégularité dudit acte.

Le moyen, inopérant, est écarté.

Sur la nullité du cautionnement :

L'appelant sollicite la nullité de l'acte de caution qu'il a signé au motif que son consentement a été vicié du fait d'une erreur due au comportement de la banque.

Il expose qu'il était, en raison de son âge, de son défaut de qualification professionnelle et de l'absence d'un conseil, en état de vulnérabilité et a été victime d'une erreur au sens des articles 1109 et 1110 du code civil, qu'il n'a été qu'un « gérant de paille », le gérant de fait du restaurant l'ayant utilisé comme prête-nom, qu'il s'est laissé abuser par un conseil en entreprises, M. [X] [S], intermédiaire dans les cessions de fonds de commerce bien connu du prêteur.

Toutefois, l'abus de faiblesse, qui correspond d'ailleurs à une qualification pénale, dont M. [Z] [U], né en 1986, se prétend victime, n'est par lui aucunement établi.

Par ailleurs, l'erreur dont il se prévaut, mais qu'il a aux termes de son argumentation sciemment commise, n'est pas davantage susceptible de constituer le vice du consentement allégué, et l'appelant, qui fait ici état d'une qualité de caution non avertie qui ne peut être invoquée qu'au soutien d'une action en responsabilité, doit être débouté de sa demande en nullité de l'acte de caution.

Sur le caractère disproportionné de l'engagement de caution :

Invoquant les dispositions de l'article L341-4 du code de la consommation, l'appelant demande à être déchargé de son engagement.

Il expose que la Banque Populaire Méditerranée n'a procédé à aucune analyse de sa situation bancaire, ce qui lui aurait permis de réaliser qu'il n'avait pas de revenus permanents et fixes, qu'en effet, il n'avait alors pas de patrimoine et un revenu aléatoire de serveur de bar ou de chômeur.

Aux termes du texte précité, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Pour l'application de ces dispositions, c'est à la caution, comme le rappelle à juste titre l'intimée, qu'il incombe de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle allègue, et au créancier qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné d'établir qu'au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

Le caractère manifestement disproportionné du cautionnement s'apprécie au regard, d'un côté, de l'ensemble des engagements souscrits par la caution, d'un autre côté, de ses biens et revenus, sans tenir compte des revenus escomptés de l'opération garantie.

En l'espèce, si M. [Z] [U] est fondé dans sa prétention à voir pris en compte le second cautionnement qu'il a souscrit dans l'acte du 12 février 2014 au profit de Heineken Entreprise dans la limite de 39.780 euros, il ne peut qu'être constaté qu'il ne justifie aucunement de sa situation financière et patrimoniale à la date de conclusion dudit contrat.

En effet, il ne verse pas même aux débats son avis d'imposition sur les revenus de 2013, et, s'agissant de l'avis sur ceux de 2014, la copie qu'il produit ne comporte que la première page où ne figure pas l'indication de ses ressources.

Ceci étant, la Banque Populaire Méditerranée, qui fait état dans ses écritures de ce que les revenus de l'appelant pour l'année considérée étaient de 28.233 euros, produit pour sa part un « relevé situation client » qui fait apparaître qu'à la date du 29 novembre 2013, M. [Z] [U], titulaire de différents comptes et livrets, disposait d'une épargne d'un montant total de plus de 222.000 euros.

Ainsi, si l'argumentation de l'intimée selon laquelle les autres garanties qu'elle avait pris soin de se constituer doivent venir en déduction de l'engagement de l'appelant ne saurait être retenue, il reste que ce dernier n'établit nullement que le cautionnement souscrit le 12 février 2014 dans la limite de 210.000 euros, portant alors le montant total de ses engagements à la somme de 249.780 euros, était manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

Dès lors, et sans qu'il y ait donc lieu d'examiner la situation de la caution au moment où elle a été appelée, le moyen tiré de l'application des dispositions de l'article L341-4, devenu L332-1, du code de la consommation est écarté.

Sur l'information de la caution :

Faisant valoir que la Banque Populaire Méditerranée ne justifie pas l'avoir informé, en contradiction avec les dispositions de l'article L313-9 du code de la consommation, du premier incident de paiement non régularisé de l'emprunteur, ni avoir respecté l'obligation d'information annuelle de la caution que lui imposent les dispositions des articles L341-6 du code de la consommation et L313-22 du code monétaire et financier, M. [Z] [U] demande que l'intimée soit déchue de ses droits à pénalités et intérêts échus.

Au vu des pièces versées aux débats, il apparaît que la première échéance du prêt demeurée impayée est celle du 11 juillet 2014, ce dont l'appelant n'a, en sa qualité de caution de la SARL BBM, été informé par le créancier que selon courrier du 28 novembre 2014 l'avisant de ce qu'une procédure de redressement judiciaire de ladite SARL avait été ouverte par un jugement du tribunal de commerce de Toulon du 14 octobre 2014.

Dès lors, en application du texte susvisé, M. [Z] [U] ne sera pas tenu au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus entre le 11 juillet et le 28 novembre 2014.

Par ailleurs, l'intimée ne justifie pas, contrairement à ce qu'elle soutient, s'être conformée à l'obligation d'information annuelle de la caution que mettent à sa charge les dispositions d'ordre public des articles L341-6 du code de la consommation et L313-22 du code monétaire et financier, les courriers du 28 novembre 2014 déjà cité et de mise en demeure du 20 mai 2015, ou la signification du jugement dont appel, qu'elle invoque à cet égard ne pouvant, au regard des textes précités, être valablement retenus.

En conséquence, par application des dits articles, dans ses rapports avec la caution, la Banque Populaire Méditerranée est déchue des pénalités et intérêts échus depuis le 31 mars 2015, date avant laquelle l'information devait être donnée pour la première fois, les paiements effectués par le débiteur principal étant à compter de cette date réputés affectés prioritairement au principal de la dette.

La créance de l'intimée à l'égard de l'appelant, expurgée ainsi qu'il vient d'être dit, s'élève donc, au vu des documents produits, contrat de prêt, tableau d'amortissement, déclaration de créance et décompte, à la somme, au titre des échéances impayées et capital restant dû au 11 octobre 2014, de 170.305,42 euros, laquelle porte intérêts au taux contractuel du 29 novembre 2014 au 31 mars 2015, puis intérêts au taux légal à compter du 20 mai 2015, date de mise en demeure de la caution, se capitalisant dans les termes de l'ancien article 1154 du code civil.

Sur la responsabilité de la banque :

M. [Z] [U] reproche à la Banque Populaire Méditerranée tout à la fois un manquement à son devoir de mise en garde, sa négligence et un soutien abusif apporté au débiteur principal.

S'agissant du soutien abusif, l'intimée rappelle à juste titre les dispositions de l'article L 650-1 du code de commerce aux termes duquel, lorsqu'une procédure collective est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.

Au regard de ces dispositions, il appartient à l'appelant d'établir, outre le caractère fautif du prêt consenti, l'existence en l'espèce de l'un des cas susceptibles de voir la responsabilité du prêteur engagée.

Or, aucune de ces hypothèses n'est ici démontrée, M. [Z] [U] faisant au contraire par ailleurs grief à la banque de n'avoir pas pris suffisamment de garanties, notamment en n'opérant pas de blocage sur ses fonds ou en ne prenant pas d'hypothèque sur le bien immobilier de M. [X], et de ne pas s'être impliquée dans le fonctionnement de la SARL BBM.

A cet égard, l'appelant reproche à la Banque Populaire Méditerranée sa négligence au motif que, ayant connaissance de ce qu'il avait cédé la totalité de ses parts dans ladite société le 30 juin 2014 et de ce qu'il avait démissionné de ses fonctions de gérant à compter de cette date, elle aurait dû, dès lors qu'il n'avait plus aucune maîtrise de l'utilisation par la société des fonds perçus, prendre des mesures en exigeant de la nouvelle gérante une substitution de garantie par le recueil de la caution personnelle et solidaire de cette dernière aux lieu et place de la sienne dont mainlevée aurait dû être donnée.

Mais, une telle argumentation ne saurait prospérer au regard du devoir de non immixtion du banquier dans les affaires de son client, quand au surplus il ressort des termes de l'acte de cession de parts dont il se prévaut que l'attention de M. [Z] [U] a alors été « expressément attirée sur le risque de défaillance de la société et des conséquences éventuelles de sa qualité de caution personnelle et solidaire auprès des établissements bancaires Banque Populaire et prêt brasseur Heineken-CIC. »

Comme le fait valoir l'intimée, l'éventuelle mise en place d'une substitution de caution ne pouvait intervenir qu'à l'initiative de l'appelant, étant encore observé que l'acte de cautionnement signé par ce dernier le 12 février 2014 prévoit que « la modification ou la disparition des liens ou des rapports de fait ou de droit susceptibles d'exister entre la caution et l'emprunteur ainsi que le changement de forme juridique de l'emprunteur ou du prêteur n'emportera pas la libération de la caution ».

En ce qui concerne le manquement invoqué à son devoir de mise en garde, le banquier dispensateur de crédit est tenu envers l'emprunteur, ou la caution, lors de la conclusion du contrat, d'une obligation de mise en garde, à la double condition qu'il s'agisse d'un emprunteur, ou d'une caution, non averti et qu'il existe, au regard de ses capacités financières, un risque d'endettement né de l'octroi du prêt.

Contrairement à ce que soutient la Banque Populaire Méditerranée, les qualités de gérant et associé de la SARL BBM et la solide expérience dans le domaine de la restauration dont il se prévalait alors ne suffisaient pas en l'espèce à conférer à M. [Z] [U] le caractère de caution avertie.

Il était donc une caution non avertie.

Mais, au regard de sa situation financière et patrimoniale telle que, ainsi que sus évoquée, elle se présentait à la date de souscription de l'engagement litigieux, il n'existait pas, pour ce qui le concerne, de risque particulier d'endettement de nature à justifier l'obligation de mise en garde qu'aurait eue à son égard l'intimée.

S'agissant de la débitrice principale, l'appelant ne démontre pas davantage que, lorsqu'elle a acquis le 12 février 2014 le fonds de commerce de restauration, dont le chiffre d'affaires et les bénéfices commerciaux des exercices précédents tels qu'ils figurent dans l'acte laissent supposer que l'opération financée était viable, la SARL BBM n'était pas en mesure de faire face au remboursement du prêt que lui a alors consenti la Banque Populaire Méditerranée.

En revanche, cette dernière produit quant à elle aux débats, outre les bilans et comptes de résultat du cédant concernant l'année 2012 et sa situation au 30 septembre 2013, un compte de résultat prévisionnel de la société BBM établi par une société d'expertise comptable dont il ressort qu'il n'existait pas, compte tenu des capacités financières de l'emprunteur telles qu'alors envisagées, de risque d'endettement né de l'octroi du crédit.

Et M. [Z] [U], qui au moment de la souscription des contrats en cause représentait en sa qualité de gérant la débitrice principale et était ainsi l'interlocuteur de l'établissement prêteur, apparaît pour le moins mal fondé à affirmer désormais que le prévisionnel qu'il a communiqué était fantaisiste et surévalué, purement utopique, et que par ailleurs le restaurant repris n'était pas viable et que son bilan avait été falsifié pour la cession, ce que la banque se devait selon lui de savoir.

En considération des éléments précités, il doit être constaté que la Banque Populaire Méditerranée n'était pas tenue envers la SARL BBM d'un devoir de mise en garde dont pourrait se prévaloir une caution non avertie.

Dès lors, les demandes de l'appelant tendant notamment au paiement d'une somme de 210.000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais irrépétibles :

En l'espèce, il n'y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Condamne M. [Z] [U], en sa qualité de caution solidaire de la SARL BBM, à payer à la Banque Populaire Méditerranée la somme de 170.305,42 euros, avec intérêts au taux contractuel du 29 novembre 2014 au 31 mars 2015, puis intérêts au taux légal à compter du 20 mai 2015, lesdits intérêts se capitalisant dans les termes de l'ancien article 1154 du code civil.

Rejette toutes autres demandes,

Condamne M. [Z] [U] aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre b
Numéro d'arrêt : 16/05321
Date de la décision : 08/03/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8B, arrêt n°16/05321 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-08;16.05321 ?
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