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16/02/2018 | FRANCE | N°16/03312

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 16 février 2018, 16/03312


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 16 FÉVRIER 2018



N° 2018/86





Rôle N° 16/03312





[W] [U] [R]





C/



SA ACG MANAGEMENT











Grosse délivrée

le :



à :



Me Jérôme FERRARO, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Alex BREA, avocat au barreau de MARSEILLE

















Décision déférée à la Cour

:



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section EN - en date du 06 Février 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 11/5548.





APPELANTE



Mademoiselle [W] [U] [R], demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Jérôme FERRARO, avocat au barreau de ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 16 FÉVRIER 2018

N° 2018/86

Rôle N° 16/03312

[W] [U] [R]

C/

SA ACG MANAGEMENT

Grosse délivrée

le :

à :

Me Jérôme FERRARO, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Alex BREA, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section EN - en date du 06 Février 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 11/5548.

APPELANTE

Mademoiselle [W] [U] [R], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jérôme FERRARO, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉE

ACG MANAGEMENT, anciennement dénommée VIVERIS MANAGEMENT, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Alex BREA, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 08 Janvier 2018 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur David MACOUIN, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Nathalie FRENOY, Conseiller

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Février 2018.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Février 2018.

Signé par Monsieur David MACOUIN, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame [D] [R] a été engagée à compter du 1er février 2001 par la société COFISMED GESTION suivant contrat à durée déterminée en qualité de Chargée d'affaires.

A compter du 22 février 2002, la relation s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée conclu avec la société VIVERIS MANAGEMENT, venant aux doits de la société COFISMED GESTION.

Madame [R] a été promue aux fonctions de Directeur d'investissement adjoint, coefficient 700 à compter du 1er juin 2006 puis aux fonctions de Directeur d'investissement, coefficient 700 à compter du 1er septembre 2008 et ce dans le cadre d'un temps partiel et sur la base d'un forfait annuel de 168 jours.

Madame [R] a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie à compter du 21 février 2011.

Par requête du 20 octobre 2011, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille notamment pour faire juger qu'elle avait fait l'objet d'une atteinte au principe de l'égalité de traitement et pour solliciter la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Par jugement du 6 février 2013, le conseil de prud'hommes l'a déboutée de ses demandes, a débouté la société VIVERIS MANAGEMENT de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts, a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné Madame [R] aux dépens.

Madame [R], qui a reçu notification du jugement le 12 février 2013, en a régulièrement interjeté appel par lettre expédiée le 20 février 2013.

A l'issue de l'arrêt de travail, Madame [R] a été déclarée, par le médecin du travail le 4 juin 2013, inapte définitif au poste de Directrice d'investissement et elle a été licenciée le 19 septembre 2013 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Suivant écritures soutenues et déposées à l'audience, elle demande à la cour de réformer le jugement en toutes ses dispositions et,

A titre principal, dire que les divers manquements de l'employeur justifiaient la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts exclusifs laquelle doit prendre effet à la date de l'envoi de la lettre de licenciement,

A titre subsidiaire, dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause, condamner l'intimée au paiement des sommes suivantes :

- à titre principal, 279 731 € à titre de rappel de salaire relatif à la reconnaissance de la classification de Directeur de participation sur la base de la rémunération de Monsieur [D], pour la période de 2008 à 2012 inclus et celle de 27 973,10 € au titre des congés payés afférents,

- à titre subsidiaire, 189 467 € à titre de rappel de salaire relatif à la reconnaissance de la classification de Directeur de participation sur la base de la rémunération moyenne de tous les Directeurs de participation pour la période 2008 à 2012 inclus et celle de 18 946,70 € au titre des congés payés afférents,

- à titre infiniment subsidiaire, 149 992 € à titre de rappel de salaire sur la base de la rémunération moyenne des trois Directeurs d'investissement les mieux rémunérés pour la période 2008 à 2012 inclus et celle de 14 999,20 € au titre des congés payés afférents,

- en tout état de cause, 105 488 € 105 488 € à titre de rappel de salaire sur la base de la rémunération moyenne de tous les Directeurs d'investissement pour la période 2008 à 2012 inclus et celle de 10 548,80 € au titre des congés payés afférents,

En tant que besoin, désigner un expert aux frais avancés par l'intimée afin de procéder au calcul exact du rappel de la rémunération dû à la salariée selon la qualification qui lui sera reconnue et selon le panel de comparaison qui sera adopté par la cour,

Condamner l'employeur au paiement des sommes de

* 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution gravement fautive du contrat de travail,

* 20 320,39 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 2 032,03 € au titre des congés payés y afférents,

* 150 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Enjoindre l'employeur, sous astreinte, d'avoir à établir et délivrer les bulletins de paie rectifiés et d'avoir à liquider ses droits au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement au regard du salaire 'reconstitué' qui sera issu du rappel de rémunération ci-dessus sollicité,

Se réserver la faculté de liquider les astreintes,

Ordonner la fixation des intérêts légaux à compter de la demande en justice avec capitalisation.

Suivant écritures soutenues et déposées à l'audience, la société ACG MANAGEMENT, venant aux droits de la société VIVERIS MANAGEMENT, demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de :

- dire qu'elle a parfaitement respecté le principe 'à travail égal, salaire égal' à l'égard de Madame [R],

- dire que celle-ci n'a fait l'objet d'aucune discrimination,

- en conséquence, rejeter toutes les demandes de Madame [R] relatives à la résiliation judiciaire du contrat de travail,

Subsidiairement, constater que les parts de 'carried' constitue un avantage attribué au salarié et rejeter toutes les demandes de Madame [R] relatives à la résiliation judiciaire du contrat de travail,

A titre infiniment subsidiaire, dire que le licenciement de Madame [R] est fondé sur une cause réelle et sérieuse et en conséquence, rejeter les demandes formulées à ce titre,

Encore plus subsidiairement, constater l'absence de préjudice, l'impossibilité pour l'appelante d'effectuer son préavis, estimer son préjudice à hauteur de 6 mois de salaire, soit la somme de 30 000 € et refuser sa demande d'indemnité compensatrice de préavis,

A titre reconventionnel, condamner Madame [R] à lui payer la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de loyauté et la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des faits et moyens des parties, il est renvoyé aux écritures déposées et réitérées oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

Il est de principe qu'en cas d'action en résiliation judiciaire suivie, avant qu'il ait été définitivement statué, d'un licenciement, il appartient au juge d'abord de rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée et seulement ensuite le cas échéant de se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Par application des articles 1224 et 1227 du code civil, le salarié est admis à demander la résiliation judiciaire du contrat de travail en cas d'inexécution par l'employeur des obligations découlant du contrat.

Les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être établis par le salarié et d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Pour apprécier la gravité des faits reprochés, le juge n'a pas à se placer à la date d'introduction de la demande de résiliation judiciaire et doit tenir compte de leur persistance jusqu'au jour du licenciement et des circonstances intervenues jusqu'alors.

Au soutien de sa demande, Madame [R] invoque les manquements suivants : les fonctions qu'elle a réellement exercées ne correspondaient pas à celles de Directrice d'investissement mais à celles de Directrice de participation et le non-respect du principe de l'égalité de traitement.

Sur les fonctions exercées par Madame [R]

Madame [R] soutient démontrer, au vu des fiches de poste dont elle avait eu connaissance - qu'elle produit et sur lesquelles elle demande de se référer à l'exclusion de celles communiquées par l'employeur qui auraient été selon elle modifiées en cours de procédure - qu'elle occupait les fonctions de Directrice de participation qui se distinguent de celles de Directrice d'investissement par le fait que la première, en plus de la seconde, participe à la vie sociale des société affiliées et représente l'employeur au sein des instances dirigeantes des dites sociétés et ce dès lors qu'elle prétend justifier avoir représenté l'employeur lors de réunions des conseils d'administration de diverses sociétés en 2006 et 2007 et avoir assuré en direct le suivi de participations entre 2006 et 2010.

La société ACG MANAGEMENT fait valoir que Madame [R] n'était que directrice d'investissement et qu'elle représentait à ce titre son employeur dans plusieurs sociétés, ce dernier cherchant également à évaluer sa capacité à évoluer vers des fonctions supérieures. Or, il s'est avéré que Madame [R] n'a pas démontré les capacités requises pour évoluer, qu'elle ne gérait pas de façon autonome les participations dont elle avait la charge et qu'elle accompagnait régulièrement son supérieur hiérarchique dans les conseils d'administration.

Il résulte de ces explications que Madame [R] sollicite une reclassification de son emploi.

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure, de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

Déterminer la classification dont relève un salarié suppose l'analyse de la réalité des fonctions par lui exercées, au vu des éléments qu'il produit et de ceux produits par l'employeur, et leur comparaison avec la classification de la convention collective nationale applicable.

Il ressort de la 'grille' de classification de la convention collective des société financières, applicable au cas d'espèce, que les coefficients du personnel d'encadrement sont les suivants :

- 300 : cadre débutant,

- 360-400 : cadre,

- 450-850 (niveau A, B et C) : cadre confirmé,

- 900 : cadre supérieur.

Le coefficient 700 niveau B correspond au 'cadre choisi pour exercer des fonctions dans lesquelles il met en oeuvre non seulement des connaissances équivalentes sanctionnées par un diplôme mais aussi des connaissances pratiques étendues sous les directives d'un cadre, d'un repère ou d'une position supérieurs, qui, dans certaines entreprises, peut être le chef même de l'entreprise'.

Le coefficient 850 niveau C correspond au 'cadre disposant de toutes les connaissances et qualités exigées par ses fonctions et appelé à prendre dans l'accomplissement de celle-ci, les initiatives et responsabilités qui en découlent. Sa place dans la hiérarchie lui donne généralement le commandement sur un ou plusieurs cadres, des repères ou positions précédents'.

La convention collective ne donne pas de liste des emplois correspondant à ces coefficients notamment ceux exercés au sein de la société ACG MANAGEMENT à savoir les emplois de Chargé d'affaires (poste occupé par Madame [R] jusqu'en 2002), de Directeur d'investissement adjoint (poste occupé par Madame [R] de 2002 à 2006), de Directeur d'investissement (poste occupé par Madame [R] à compter de 2006, coefficient 700, niveau B), de directeur de participation (poste revendiqué par Madame [R]) et de directeur exécutif.

Néanmoins, il sera noté qu'au sein de la société ACG MANAGEMENT, les Directeurs d'investissement sont au coefficient 700 et les Directeurs de participation sont au coefficient 850 niveau C.

Madame [R] pour justifier de sa prétention produit les fiches des postes du Directeur d'investissement et de Directeur de participation, les procès-verbaux de réunions de conseil d'administration, une publication au Bodacc et invoque ses comptes-rendus d'entretiens individuels d'évaluations professionnelles des années 2008 à 2010.

Il ressort à la fois des fiches du poste de Directeur d'investissement produites par Madame [R] et par la société ACG MANAGEMENT que celui-ci comprend l'activité liée à la participation à la vie sociale des sociétés l'affiliées (AG, CA...) qui n'est donc pas un critère de distinction avec le poste de Directeur de participation. Ainsi, le fait que Madame [R] ait pu représenter l'employeur au sein des instances dirigeantes des dites sociétés se rattachait bien aux attributions de Directrice d'investissement.

Par ailleurs, s'il ressort des entretiens d'évaluation professionnels de Madame [R] pour les années 2009 et 2010 qu'elle assurait le suivi de participations, elle ne justifie pas avoir pris concrètement et de façon permanente dans l'accomplissement de cette fonction, les initiatives et les responsabilités qui en découlent ni avoir exercé un commandement sur un ou plusieurs cadres, éléments qui caractérisent les fonctions de Directeur de participation telles qu'exercées au sein de la société ACG MANAGEMENT classées au coefficient 850, niveau C de la convention collective.

Dans ces conditions, dès lors que Madame [R] exerçait bien au sein de la société les fonctions de Directrice d'investissement et non celles de Directrice de participation, aucun manquement de l'employeur ne peut être retenu.

Sur l'égalité de traitement

Il résulte du principe " à travail égal, salaire égal" que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

Il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

En l'espèce, Madame [R] soutient :

- sur la base d'un tableau comparatif qu'elle a réalisé à partir des fonctions, coefficients, anciennetés dans les fonctions, rémunérations et diplômes des salariés occupant des postes de Directeurs d'investissement (à savoir Monsieur [F], Monsieur [N], Monsieur [E], Monsieur [T], Monsieur [H]), qu'elle se classait en 5ème position pour l'année 2009 et en 6ème position pour l'année 2010 alors que ces salariés, qui avaient une ancienneté inférieure à la sienne et percevaient un salaire très supérieur au sien, parfois le double du sien.

- l'inégalité de traitement serait encore plus importante lors de la comparaison avec les Directeurs de participation.

- l'employeur ne rapporte pas la preuve d'éléments objectifs pertinents justifiant cette différence de traitement.

- qu'il ne faut pas inclure dans 'l'assiette' de la rémunération à prendre en compte les 'dividendes ECP' ni les parts de 'Carried Interest' qui sont une plus-value dégagée sur un investissement individuel, volontaire et à risque en parts de 'fonds communs de placement dans l'innovation' (FCPI) et qui ne peuvent pas être assimilables à un salaire ou à une rémunération.

La société ACG MANAGEMENT conclut :

- qu'il n'est pas interdit à un employeur d'individualiser les salaires.

- qu'au sein de la société un système qualité ISO 9001 a été mis en place pour évaluer l'évolution de ses collaborateurs.

- que seuls Monsieur [T] et Monsieur [H] se trouvaient dans une situation comparable à celle de Madame [R] mais pour lesquels les diplômes et les expériences professionnelles justifiaient objectivement l'écart des salaires.

- qu'il n'existe en fait pas d'écart de salaire dès lors qu'on inclut dans la base de comparaison les dividendes ECP, l'intéressement et les parts de 'Carried Interest', lesquels constituent un avantage réservé aux membres des équipes de gestion, comparable au plan d'épargne salariale dès lors qu'il s'agit d'un système d'épargne collectif ouvrant au personnel la faculté de participer, avec l'aide de l'entreprise, à la constitution d'un portefeuille de valeurs immobilières.

En droit, la règle d'égalité de rémunération s'applique au salaire ou traitement ordinaire brut de base ou minimum et à tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier et englobe donc l'ensemble des droits individuels et collectifs qu'ils soient financiers ou non, accordés aux salariés en raison de leur appartenance à l'entreprise.

Dès lors qu'il s'agit d'un avantage réservé aux membres des équipes de gestion de la société ACG MANAGEMENT sur un mode d'actionnariat salarié consistant en des titres attribués, en plus de la rémunération, aux salariés et aux dirigeants, afin de les intéresser à la réussite des investissements et dont la société CASEIS n'est que le dépositaire, les parts de 'Carried Interest' doivent à ce titre être prises en compte pour évaluer la situation d'inégalité de traitement.

Or, il ressort des éléments de comparaison produit s par l'employeur que, si on additionne le salaire, les dividendes ECP, l'intéressement et les parts de 'Carried Interest' dans des conditions identiques, pour la période 2008 à 2010 inclus telle visée par la salariée, puis si on compare les rémunérations ainsi obtenues qui ont été versées aux Directeurs d'investissement, Madame [R] a perçu une rémunération annuelle moyenne brute de 123 741 €, qui la positionne en second, juste derrière Monsieur [F] qui a perçu une rémunération annuelle moyenne brute de 139 847 €, le moins bien rémunéré étant Monsieur [E] à hauteur de 79 926 € par an.

Elle a également été mieux payée que Monsieur [K] et Monsieur [W], Directeurs de participation et elle se positionne en second derrière Monsieur [D], également Directeur de Participation et ce alors même qu'elle n'avait pas la classification de Directrice de participation.

Il en résulte qu'aucune situation d'inégalité de traitement n'est caractérisée à l'encontre de Madame [R] et aucun manquement de l'employeur ne peut être relevé sur ce point.

La demande de résiliation judiciaire doit être rejetée ainsi que celles relatives aux rappels de salaire sollicités au titre d'une reclassification de son emploi ou d'une inégalité de traitement.

Il en est de même des demandes présentées au titre d'une exécution gravement fautive du contrat de travail que Madame [R] fonde sur les manquements de l'employeur en relation avec sa rémunération, de la délivrance de bulletins de salaire rectifiés portant la mention de la fonction de 'Directeur de participation' et de l'actualisation de l'indemnité conventionnelle de licenciement au regard du salaire 'reconstitué'.

Le jugement sera confirmé sur l'ensemble de ces points.

II. Sur le licenciement (demande nouvelle)

Madame [R] demande de reconnaître que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse au motif que l'employeur, qui ne lui a présenté aucune proposition de reclassement, a méconnu son obligation de recherche de reclassement alors que le représentant légal à la société ACG MANAGEMENT est également représentant légal ou a des intérêts dans plus d'une trentaine d'entreprises et que la société ACG MANAGEMENT est une filiale du groupe 'ACG Private Equity', fonds d'investissement qui emploie plus de 80 collaborateurs et du groupe Caisse d'Epargne. Elle souligne que le périmètre du groupe reste flou et que les recherches de la société ACG MANAGEMENT semblent s'être limitées à de petites sociétés ayant une activité similaire et uniquement susceptibles de proposer des emplois identiques à celui pour lequel elle venait d'être déclarée inapte, d'autant que l'examen des registres du personnel produits indique quelques embauches au sein de la société 'AGC Capital' durant la période contemporaine au licenciement.

La société ACG MANAGEMENT fait valoir qu'aucun poste n'était disponible en son sein; que le périmètre du groupe est celui des sociétés appartenant au groupe ACG tel qu'il ressort de l'organigramme qu'elle verse au débat; qu'elle a interrogé l'ensemble des sociétés du groupe de façon loyale et sérieuse en y joignant un curriculum vitae de Madame [R]; qu'elle verse les registres du personnel des entités relevant du droit français qui indiquent qu'aucun poste n'était disponible pendant la période de reclassement.

Aux termes de l'article L 1226-2 du code du travail, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu de travail permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

La recherche de reclassement doit être réelle, sérieuse et loyale. Elle s'apprécie au regard de la taille de l'entreprise ou du groupe auquel elle appartient et de la position prise par le salarié déclaré inapte par le médecin du travail.

C'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens, et de rapporter la preuve de l'impossibilité de reclassement qu'il allègue.

En l'espèce, Madame [R] a été licenciée par lettre du 19 septembre 2013 pour inaptitude et impossibilité de reclassement au sein de l'entreprise et des entreprises du groupe.

Notamment, il ressort de l'avis rendu par le médecin du travail le 4 juin 2013 à l'issue de le seconde visite médicale de reprise que Madame [R] a été déclarée 'inapte définitif au poste de Directrice d'investissement. Pas de reclassement de poste proposé dans l'entreprise'.

Par courrier du 19 juin 2013, la société ACG MANAGEMENT a informé le médecin du travail du fait qu'elle ne disposait pas de poste disponible autre que celui de Directeur d'investissement et qu'elle n'envisageait pas de créer d'autres postes dans les six prochains mois. La société joignait à son courrier un descriptif du poste et demandait au médecin du travail s'il souhaitait émettre des propositions de reclassement notamment en matière de mutation, transformation du poste, aménagement du temps de travail, de suspension du contrat de travail en vue d'un stage de reclassement professionnel ou si elle devait considérer que les observations du médecin étaient définitives.

Par courrier en réponse du 24 juin 2013, le médecin du travail indiquait à l'employeur que 'le poste proposé au sein de la même structure n'était pas compatible avec son état de santé et ne correspond pas à mes préconisations'.

Il en résulte donc pour l'employeur, au vu des préconisations du médecin, une impossibilité de reclasser Madame [R] au sein de la société elle-même.

Celle-ci produit un organigramme du groupe ACG auquelle elle appartient (pièce 79) ainsi que les pièces 84 à 96 desquelles il résulte qu'elle a adressé à chacune des entités figurant sur l'organigramme une lettre recommandée en vue de solliciter une proposition de reclassement de Madame [R].

Il ressort de l'examen de ces lettres qu'y sont indiqués le libellé de l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail, le détail des tâches liées au poste occupé par Madame [R] au sein de la société ACG MANAGEMENT, sa rémunération, son coefficient, sa date d'entrée dans la société, la durée du travail (forfait) qui lui est applicable ainsi que le curriculum vitae complet de la salariée. Ces indications apparaissent suffisamment précises et détaillées pour permettre aux sociétés sollicitées d'y répondre utilement.

La société ACG MANAGEMENT produit les réponses de toutes les sociétés du groupe qui font état d'une absence de poste vacant au sein de leur structure.

Madame [R] affirme que la société ACG MANAGEMENT ferait également partie du groupe 'Caisse d'Epargne'. Or, la société ACG MANAGEMENT démontre que la société CEPAC INVESTISSEMENT, qui est en lien avec le groupe Caisse d'Epargne et qui détient 21 % des parts de la société VIVERIS HOLDING, appartenant au groupe ACG, n'a qu'un rôle d'investisseur au sein de cette dernière. Dès lors qu'il s'agit d'une société financière gérant des fonds de placement et d'une société dans laquelle ces fonds sont investis, il ne peut s'agir de sociétés dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société ACG MANAGEMENT démontre qu'elle s'est acquittée de son obligation de reclassement par des recherches réelles, sérieuses et loyales et qu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité de reclasser Madame [R] du fait de l'absence de poste disponible conforme aux préconisations du médecin du travail, tant au sein de la société elle-même qu'au sein des sociétés du groupe.

Le licenciement de Madame [R] repose donc sur une cause réelle et sérieuse.

Madame [R] sera déboutée de ses demandes présentées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande reconventionnelle de la société ACG MANAGEMENT

Celui qui réclame l'indemnisation d'un manquement doit prouver cumulativement l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

La société ACG MANAGEMENT demande la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts pour manquement par Madame [R] à son obligation de loyauté au motif que la salariée :

- a produit une attestation rédigée par Monsieur [G], ancien salarié, qui contiendrait des propos mensongers,

- a proféré des dénonciations mensongères et des accusations graves, notamment en soutenant que la société a établi de faux bulletins de paie ou a falsifié des pièces produites devant la cour

- a créé sa propre société dans le mois suivant sa déclaration d'inaptitude alors qu'elle continuait à être payée par son employeur qui tentait vainement de procéder à son reclassement.

Or, la société ACG MANAGEMENT qui n'a engagé aucune action pénale à l'encontre de Monsieur [G] ou de Madame [R] de nature à permettre d'établir les propos diffamatoires de ceux-ci, ne justifie pas davantage que la société créée par Madame [R] a eu une activité ayant généré un revenu pendant la période de reclassement de sorte qu'elle ne démontre ni la faute de Madame [R] ni le préjudice qu'elle aurait subi.

Il convient donc de rejeter la demande et de confirmer le jugement sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées et il est équitable de condamner Madame [R] à payer à la société ACG MANAGEMENT la somme de 800 € au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés en cause d'appel.

Les dépens d'appel seront à la charge de Madame [R], partie succombante par application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit que le licenciement de Madame [D] [R] repose sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute Madame [D] [R] de ses demandes présentées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne Madame [D] [R] à payer à la société ACG MANAGEMENT la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Madame [D] [R] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

David MACOUIN faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 16/03312
Date de la décision : 16/02/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°16/03312 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-16;16.03312 ?
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