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15/02/2018 | FRANCE | N°16/01455

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11e chambre b, 15 février 2018, 16/01455


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

11e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 15 FEVRIER 2018



N° 2018/ 44













Rôle N° 16/01455







[H] [M]





C/



[X]-[W] [N]



























Grosse délivrée

le :

à :





Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY







Me Charles TOLLINCHI















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal d'Instance de [Localité 1] en date du 06 Janvier 2016 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 1115000203.





APPELANT



Monsieur [H] [M], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

11e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 15 FEVRIER 2018

N° 2018/ 44

Rôle N° 16/01455

[H] [M]

C/

[X]-[W] [N]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY

Me Charles TOLLINCHI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d'Instance de [Localité 1] en date du 06 Janvier 2016 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 1115000203.

APPELANT

Monsieur [H] [M], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [X]-[W] [N]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Charles TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785,786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Décembre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente

Mme Brigitte PELTIER, Conseiller

Mme Françoise FILLIOUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Agnès SOULIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Février 2018

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Février 2018

Signé par Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente et Mme Agnès SOULIER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits et Prétentions :

Par acte du 31 décembre 1998 intitulé ' bail d'habitation' Monsieur [X] [W] [N] a loué à Monsieur [M] [H] des parcelles sur lesquelles était édifiée une maison d'habitation surélevée d'un étage sis à [Localité 2] pour une durée de 20 ans et moyennant un loyer de 762€ par mois.

Le bail contient une clause d'exonération du loyer pendant 5 ans en contrepartie de l'exécution de travaux de restauration de la maison.

Par acte du 29 août 2013, Monsieur [X] [W] [N] a saisi le tribunal d'instance de Nice qui par jugement du 7 juillet 2014 s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de grande instance de Nice, au motif que le bail s'analysait en un bail à construire.

Par arrêt du 22 janvier 2015, la présente cour a infirmé le jugement du 7 juillet 2014 en retenant que le bail ne pouvait s'analyser en un bail à construction, les travaux à entreprendre étant de rénovation sur un bâtiment déjà existant et non de travaux de construction et a renvoyé les parties devant le tribunal d'instance pour qu'il soit statué au fond.

Par jugement réputé contradictoire du 6 janvier 2016, le tribunal d'instance de Nice a prononcé la résiliation judiciaire du bail liant les parties à compter du jugement, ordonné expulsion de Monsieur [M] [H] des lieux loués et l'a condamné à payer à Monsieur [X] [W] [N] 45 720€ au titre des loyers impayés, compte arrêté en août 2013 et ce avec intérêt au taux légal à compter du 28 août 2013 et 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La juridiction a estimé que Monsieur [M] [H] n'avait pas exécuté les travaux de remise en état du logement qu'il s'était engagé à faire.

Le 26 janvier 2016, Monsieur [M] a interjeté appel de cette décision ;

Par conclusions du 25 juillet 2016, il demande à la cour de :

*infirmer la décision de première instance,

*renvoyer les parties devant le tribunal de grande instance de Nice pour qu'il soit dit si le contrat liant les parties constitue un contrat d'habitation ou bien un bail emphytéotique,

*dans l'affirmative, débouter Monsieur [X] [W] [N] de ses demandes,

*dans la négative, renvoyer les parties devant le tribunal de grande instance de Nice,

a titre subsidiaire : qualifier le contrat liant les parties de bail emphytéotique et renvoyer les parties devant le Tribunal de Grande Instance à moins que la cour ne déboute Monsieur [X] [W] [N] de ses demandes,

En tout état de cause : Dire que Monsieur [M] [H] a rempli ses obligations contractuelles,

Condamner Monsieur [X] [W] [N] à lui payer la somme de 15 000€ au titre de dommages et intérêts et 3 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens.

Il soutient que le contrat ne peut être qualifié de bail à loyer puisqu'il n'existe aucun loyer, que pèse sur le locataire une obligation de réaliser des travaux, que le contrat porte sur des parcelles de terrain bâti et non sur un local d'habitation qui n'était pas habitable lors de la conclusion du contrat, qu'il s'agit d'un bail emphytéotique qui donne à bail un bien immobilier à charge pour le preneur d'y effectuer des constructions, en l'espèce la rénovation de l'existant et la création d'une voie d'accès, qui porte sur une durée de plus de 18 ans et un bien situé en zone rurale, conformément aux dispositions de l'article L 451-1 du code rural, que le tribunal d'instance n'est compétent que pour statuer sur les litiges nés des baux d'habitation mais que seul le tribunal de grande instance est compétent en matière d'emphytéose.

Il fait valoir qu'il a édifié des constructions à partir de ruines puisqu'il ne restait que les murs, que le constat du 24 octobre 2013 dressé par Maître [Y], huissier de justice, établit que l'accès à la propriété a été crée, que la façade a été enduite et que l'intérieur de la maison a été entièrement aménagé, que les termes du contrat ont été parfaitement respectés ;

Il réplique aux conclusions adverses qu'il appartient au juge de donner la juste qualification au contrat, qu'il convient de réputer non écrites les clauses contraires au statut légal du bail emphytéotique et de réputer acquises celles qui se déduiraient du statut légal mais ne seraient pas écrites au contrat.

Par conclusions du 23 mai 2016, Monsieur [X] [W] [N] demande à la cour de confirmer le jugement du 6 janvier 2016 en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail et l'expulsion de Monsieur [M] [H] des lieux loués, de condamner le locataire à lui verser la somme de 762€ depuis le 1er mars 2009 jusqu'à complète libération des lieux loués et 3 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens et ce avec distraction au profit de Maître Tollinchi.

Il expose que le bail est un bail d'habitation ainsi qu'il a été qualifié par les parties dès lors que l'objet du bail est l'habitation par le locataire après avoir entrepris des travaux de rénovation, que le propre d'une emphytéose est de conférer à l'emphytéote des droits très larges sur le bien et qu'aucune destination précise ne peut lui être imposée, que l'affectation à l'habitation convenue dans le contrat est contraire à l'essence même de l'emphytéose, qu'en outre l'emphytéose confère au preneur des droits réels sur le bien et est donc exclusif d'une clause résolutoire de plein droit, que le présent bail comporte une double clause résolutoire, qu'enfin selon l'article L 451-8 du code rural, le preneur doit supporter les contributions et charges, qu'en l'espèce la taxe foncière est à la charge du bailleur.

Il fait valoir que le 23 novembre 2011 il a été établi par constat que les façades ne sont pas enduites mais sont brutes de béton et parpaing, qu'autour de la maison sont entreposés des gravats et des matériaux, que des fils électriques sous gaine sont apparents sur la façade, que les abords de la maison peuvent être considérés comme un taudis et que les barrières sont constituées d'arbres abattus alors qu'ils étaient plantés sur les parcelles attenantes, que les travaux, que Monsieur [M] [H] devaient mener à terme dans les 5 ans, n'ont pas été réalisés et qu'il a donc violé les termes du bail, que le constat qu'il produit est postérieur au délai de 5 ans imposé par le contrat, qu'il est donc redevable de la somme de 762€ par mois depuis le 1er mars 2009, la citation délivrée le 29 août 2013 ayant interrompu la prescription.

SUR CE :

Attendu que le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d'hypothèque, que ce droit peut être cédé et saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière, que le contrat d'emphytéose confère au locataire un droit susceptible d'hypothèque, qu'il peut se comporter comme le « propriétaire » du bien durant la durée de la location, que la contrepartie financière est en principe dérisoire, compte tenu des charges de gestion, que l'emphytéose est incompatible avec la présence dans le bail d'une clause réservant au bailleur un droit de résiliation unilatérale, une telle clause affectant les droits du preneur d'une précarité contraire à l'essence même de ce type de contrat ;

Attendu qu'en l'espèce, le bail a été qualifié de bail d'habitation par les parties, que la clause n°3 impose au preneur la remise en état de la 'maison d'habitation pour la rendre habitable ' prévoyant la destination du bien, qu'il n'est nullement contesté que le preneur réside dans les lieux loués ;

Attendu que le bail prévu pour une durée de 20 ans comporte le paiement d'un loyer de 5 000 francs, que les parties ont convenu que la contre partie à l'habitation par le preneur des locaux sera la remise en état de la maison dans un délai de 5 ans ;

Attendu que le bail ne confère au preneur aucun des droits prévus en cas d'emphytéose, le bail n'étant ni cessible ni hypothécable, qu'il n'a pas revêtu la forme authentique et n'a pas été publié au bureau des hypothèques, que la taxe foncière est laissée à la charge du bailleur et enfin que le contrat contient une clause résolutoire de plein droit ;

Attendu en conséquence qu'il convient de qualifier le contrat intervenu entre les parties de contrat d'habitation et non pas d'emphytéose, que le tribunal d'instance était parfaitement compétent pour en connaître et qu'il n'y a pas lieu de renvoyer les parties devant le tribunal de grande instance ;

Attendu que Monsieur [M] [H] avait l'obligation dans les 5 années suivant la prise d'effet du bail de procéder à ' 'la remise en état complète de la maison d'habitation pour la rendre habitable... tout le gros oeuvre est à reprendre, exception des murs d'enceinte de la maison, ainsi que tous les gros travaux (toiture, charpente, électricité, chauffage et eau ...)', que le constat établi le 23 novembre 2011 par Maître [B], huissier de justice, atteste que les clôtures de la propriété sont archaïques et inesthétiques, que les abords de la maison ne sont pas entretenus et que s'accumulent dans le jardin des matériaux divers et hétéroclites donnant un aspect délabré à l'ensemble, que l'huissier a constaté que la desserte exigée par le bail a bien été crée mais qu'elle est en terre battue et comporte des excavations, que les enduits de façade ne sont pas terminés et que des fils électriques sous gaines apparaissent en façade ;

Attendu que toutefois, Monsieur [M] [H] produit un constat dressé le 24 octobre 2013 par Maître [Y] qui établit que du ballast a été déposé sur la voie d'accès crée par le locataire, que la façade avant de la maison est enduite, que seule la façade nord est constituée de parpaing et de pierres maçonnées et reste dépourvu d'enduit, que le sol devant entrée de la maison est constitué de pierres et une partie est recouverte gazon synthétique avec la présence de mobiliers de jardins et de jeux d'enfants, que l'intérieure de la maison est en parfait état avec une cuisine équipée, une salle de bains et plusieurs chambres, que les sols et les revêtements muraux sont soit en bon état soit en état d'usage ; que l'ensemble est parfaitement décent et habitable ;

Attendu qu'il résulte du constat établi le 24 octobre 2013 que Monsieur [M] [H] a entrepris les travaux de nature à rendre la maison habitable et a procédé à la réfection de la toiture, la charpente, la plomberie et l'électricité conformément aux clauses du bail, qu'il a crée un chemin desservant le bien, le contrat n'exigeant nullement de goudronnée la dite desserte, que le constat du 23 novembre 2011 se limite à l'examen les alentours de la propriété qui étaient peu entretenus voir encombrés de matériaux hétéroclites que toutefois le contrat de bail n'imposait nullement à Monsieur [M] [H] de procéder à un entretien régulier et constant des alentours, que de surcroît, il a remédié à cette difficulté ainsi que l'huissier a pu le constater en 2013, que Monsieur [M] [H] a respecté les clauses du bail lui imposant de réaliser les travaux utiles et nécessaires pour rendre la maison habitable ;

Attendu que le droit d'agir en justice est ouvert à tout plaideur qui s'estime léser dans ses droits, son exercice ne dégénérant en abus qu'autant que les moyens qui ont été invoqués à l'appui de la demande sont d'une évidence telle qu'un plaideur, même profane, ne pourra pas ignorer le caractère abusif de sa démarche ou qu'il n'a exercé son action qu'à dessein de nuire en faisant un usage préjudiciable à autrui ; qu'en l'espèce, l'appréciation inexacte de ses droits par Monsieur [X] [W] [N] n'est pas constitutive d'une faute ; que s'estimant lésées dans leur droit, il a pu, sans abus, demander à ce qu'il soit statué sur ses demandes ; que la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive doit être rejetée ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à la disposition des parties au greffe de la Cour, conformément à l'article 450 al 2 du Code de procédure civile.

- INFIRME le jugement du 6 janvier 2016,

- Déboute Monsieur [X] [W] [N] de ses demandes,

- Déboute Monsieur [M] [H] de ses demandes,

- Condamne Monsieur [X] [W] [N] aux entiers dépens y compris ceux de première instance et ce avec distraction au profit de la SCP Ermeneux Levaique Arnaud et associés.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 11e chambre b
Numéro d'arrêt : 16/01455
Date de la décision : 15/02/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence B1, arrêt n°16/01455 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-15;16.01455 ?
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