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15/02/2018 | FRANCE | N°14/18251

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre a, 15 février 2018, 14/18251


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 15 FEVRIER 2018



N° 2018/49













Rôle N° 14/18251







[B] [Q]

[J] [S]

SAS AVA DEVELOPPEMENT





C/



[W] [C]

[I] [W]

[R] [B]

















Grosse délivrée

le :

à :



Me Gilles MATHIEU de la SELARL MATHIEU-DABOT-BONFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

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Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 01 Septembre 2014 enregistré(e) au répertoire général sous le n°...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 15 FEVRIER 2018

N° 2018/49

Rôle N° 14/18251

[B] [Q]

[J] [S]

SAS AVA DEVELOPPEMENT

C/

[W] [C]

[I] [W]

[R] [B]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Gilles MATHIEU de la SELARL MATHIEU-DABOT-BONFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 01 Septembre 2014 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2014 00492.

APPELANTS

SAS AVA DEVELOPPEMENT,

dont le siège social est [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège

représentée par Me Gilles MATHIEU de la SELARL MATHIEU-DABOT-BONFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

INTIMES

Monsieur [W] [C]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1],

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Catherine marie DARBIER, avocat au barreau de [Localité 2], plaidant

Monsieur [I] [W]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 2],

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Catherine marie DARBIER, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

Madame [R] [B],

demeurant [Adresse 4]

non représentée

PARTIES INTERVENANTES

Maître [B] [Q]

associé de la SCP [I] [Q]

pris en qualité d'administrateur judiciaire à la sauvegarde de la société AVA DEVELOPPEMENT,désigné par jugement du tribunal de commerce d'Aix en Provence du 15 octobre 2015,

demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Gilles MATHIEU de la SELARL MATHIEU-DABOT-BONFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

Maître [J] [S]

pris en qualité de mandataire judiciaire à la sauvegarde de la SAS AVA DEVELOPPEMENT

né le [Date naissance 2] 1975 à , demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Gilles MATHIEU de la SELARL MATHIEU-DABOT-BONFILS, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Décembre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine DURAND, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bernard MESSIAS, Président de chambre

Madame Catherine DURAND, Conseiller

Madame Anne CHALBOS, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Février 2018

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Février 2018

Signé par M. Bernard MESSIAS, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La société Avantages, créée en 1992 par Monsieur [C], a pour activité l'étude, la conception, la fabrication, la réalisation, l'installation, la maintenance, le dépannage, la mise en service d'installations de contrôle d'accès physique, de trafic, de détection d'intrusion, de télésurveillance, de gestion technique centralisée, de protection périphérique et périmétrique, de télégestion, de gestion horaire, et plus généralement les interventions sur les systèmes électrotechniques, électroniques ou autres, ainsi que toute opération connexe.

Par protocole en date du 23 juillet 2012 Monsieur [C], et les deux associés minoritaires de la société Avantages dont il se portait fort, Madame [B] et Monsieur [W], ont promis de céder à la société BE Participation avec faculté de substitution, ayant Monsieur [H] pour dirigeant, l'intégralité des 4237 actions de la société Avantages sous différentes conditions suspensives : obtention d'un accord de financement de 750.000 €, réalisation d'un audit d'acquisition par le bénéficiaire, présence à la date de réalisation de la cession dans la société des salariés clés, à l'exception des quatre précisés dans l'acte, ces conditions devant être levées au 22 septembre 2012.

Le prix de base de cette vente était fixé à 1.250.000 €, deux autres compléments de prix étant stipulés, le premier étant égal au résultat net généré au cours des neuf premiers mois de l'exercice 2012 tel que constaté au vu d'une situation comptable arrêtée au 30 septembre 2012, estimé à 100.000 €, le second étant soumis à la constatation, au 31 décembre 2012, de la réalisation d'un résultat d'exploitation, hors rémunération de l'équipe dirigeante, d'un minimum de 450.000 € ou d'un résultat net de 190.000 €, étant précisé que les éléments exceptionnels liés à l'opération de cession seraient retraités dans le cadre du calcul du résultat d'exploitation et du résultat net.

Les parties convenaient que dans l'hypothèse où le total du prix de base augmenté du premier complément de prix n'atteindrait pas la somme de 1.350.000 €, où le bénéficiaire - lequel se réservait le droit de payer le prix de 1.350.000 € et de réaliser la cession alors même que le prix global de 1.350.000 € ne serait pas atteint -, déciderait de ne pas user de cette faculté, la cession de 100 % du capital social de la société Avantages serait résolue de plein droit, au plus tard à la date de l'arrêté du complément de prix, soit le 30 septembre 2012.

Par un premier avenant en date du 21 septembre 2012 les parties ont prorogé la date de levée des conditions suspensives au 16 octobre 2012, celle de réalisation de la cession des titres au 19 octobre 2012, puis, dans un second avenant en date du 22 octobre 2012, après avoir pris acte de la levée des conditions suspensives, ont fixé la date de réalisation de la cession au 31 octobre 2012 au plus tard.

La cession des titres est intervenue le 31 octobre 2012 au bénéfice de la société AVA Développement, substituée à la société BE Participations, qui a versé au total les sommes de 1.042.461 € à Monsieur [C] détenteur de 1837 actions, de 127.683 € à Madame [B] détentrice de 225 actions et de 212.805 € à Monsieur [W] détenteur de 375 actions.

Depuis 1997 la société Avantages entretenait des relations commerciales avec la Délégation Immobilière Région Méditerrannée (DIRM) d'EDF, portant sur la maintenance et l'installation de matériels de sécurité au sein des établissements exploités par EDF.

Selon le rapport établi par Monsieur [F] le 26 mars 2014 ces relations ont représenté 54,8 % du chiffre d'affaires réalisé par la société Avantages en 2009, 52 % en 2010, 69,2 % en 2011, 50,2 % en 2012 et 30,7 % en 2013, (rupture des relations commerciales avec EDF intervenues à l'issue du premier semestre), la société Avantages ayant dégagé une marge brute de 62,2 % en 2009, de 65,5 % en 2010, de 56 % en 2011, de 65,9 % en 2012 et de 60,3 % en 2013.

Le dernier contrat intervenu avec EDF, en cours au jour de la cession, était un marché n°KC5SU11010 conclu au bénéfice du groupement constitué entre la société Avantages et la société RCF d'un montant annuel global de 103.201,24 € HT, relatif à la maintenance des installations de sûreté des sites gérés par la Délégation Immobilière Méditerranée (DIR), signé le 21 juillet 2011, d'une durée ferme de 24 mois à compter du 1er juillet 2011 prenant fin le 30 juin 2013, les parties étant à cette date libérées de leurs obligations.

Par courriel du 13 novembre 2012 Monsieur [M], de la DIR d'EDF, a avisé la société Avantages, que 'dans le cadre du programme annuel d'audit du groupe EDF', un contrôle interne était actuellement en cours au sein du département FR de la DIR Méditerranée, portant sur la vérification des dispositions contractuelles pour un échantillon de commandes 2011 2012, précisant que ces contrôles s'appuyaient conformément aux méthodes usuelles en matière d'audit sur des vérifications documentaires et in-situ ainsi que des entretiens, lui demandant de bien vouloir lui adresser les factures de ses fournisseurs pour différentes pièces remplacées correspondant à 27 interventions listées, indiquant par ailleurs programmer une rencontre sur le site de Calanques le 20 novembre 2012 avec les techniciens intervenus.

Par lettre RAR du 12 mars 2013 Madame [P] d'EDF a informé la société Avantages 'qu'EDF a mis en place une politique qui se traduit par la mutualisation de ses achats et la mise en concurrence systématique des fournisseurs' et qu' 'En raison de cette politique d'achat vous ne pouvez être assuré de la reconduction des marchés ou commandes en cours d'exécution avec EDF ou de l'attribution de nouveaux marchés ou de nouvelles commandes', l'invitant 'vivement' à diversifier sa clientèle 'dans les meilleurs délais' afin que la situation de l'entreprise ne soit pas tributaire de la reconduction ou non des marchés et commandes.

Par ordonnance du président du Tribunal de commerce d'Aix en Provence en date du 26 mars 2013 la SCP [K] [Q] a été désignée en qualité de mandataire ad hoc des sociétés Avantages, AVA Développement et BE Participations, en application de l'article L 611-3 du code de commerce, pour les assister dans les négociations à mener avec leurs partenaires, principaux créanciers et cocontractants habituels et dans la recherche de solutions aux difficultés rencontrées.

Par lettre RAR du 14 juin 2013, en réponse au courriel adressé le 28 mai 2013 par Monsieur [H] président de la SAS Avantages, Monsieur [T], délégué immobilier Régional d'EDF, rappelait à ce dernier que les marchés étaient désormais attribués après une mise en concurrence, que la société Avantages ne faisait pas partie des entreprises consultées pour le nouveau marché, décision prise à la suite de la connaissance par EDF 'très récemment dans le cadre d'un audit technique effectué ces derniers mois' des différents manquements substantiels d'Avantages dans le cadre de l'exécution du contrat sur les 9 sites audités, tels qu'inexécution de prestations intégrées dans la facturation forfaitaire, facturation d'interventions intégrées au contrat, écarts sur les prix unitaires avec le BPU, factures à des prix différents pour des prestations identiques, manque de professionnalisme. Il ajoutait que la société Avantages n'étant pas en mesure de satisfaire sur le plan technique et qualitatif aux besoins d'EDF elle ne serait acceptée ni comme entreprise principale ni comme sous traitant.

Un protocole d'accord est toutefois intervenu les 28 et 30 juillet 2013, d'une part, entre EDF représentée par Madame [G], et les sociétés Avantages, AVA Développement et BE Participations, d'autre part, EDF acceptant de verser à titre forfaitaire et définitif à la société Avantages une indemnité d'un montant de 500.000 € pour solde de tout compte, ainsi qu'à agréer pendant trois ans à compter de la signature de l'acte, la société Avantages en qualité de sous traitant de toute entreprise principale qui en formerait la demande régulière pour des prestations relevant de son objet social dans la limite du montant annuel moyen des prestations réalisées par la société Avantages pour le compte d'EDF sur les trois dernières années, et sous réserve du respect de la réglementation applicable en matière de sous traitance.

EDF précisait dans cet acte avoir porté plainte contre X... au motif que les faits dénoncés dans son courrier du 14 juin 2013 pouvaient être qualifiés d'infractions pénales.

Les parties se sont par ailleurs engagées à se soumettre à la procédure de conciliation régie par les articles L 611-4 et suivants du code de commerce, acceptant que Me [Q] soit désigné en qualité de conciliateur. Cette procédure a été ouverte le 26 septembre 2013.

Ce protocole transactionnel intervenu entre EDF et la société Avantages a été homologué par jugement du tribunal de commerce d'Aix en Provence du 29 avril 2014.

La convention de cession d'actions contenant une clause de médiation dont l'organisation était confiée au Centre de Médiation et d'Arbitrage de Paris (CMAP) de la CCI de Paris, cette procédure a été mise en oeuvre par les parties et Monsieur [O], désigné en qualité de médiateur le 5 juillet 2013, a rapidement constaté que les parties n'étaient pas parvenues à trouver un accord mettant définitivement fin au litige.

Par exploit du 28 mai 2014 la SAS AVA Développement a assigné Monsieur [C], Madame [B] et Monsieur [W] devant le tribunal de commerce d'Aix en Provence, au visa des articles 1108,1109, 1116 et 1382 du code civil, pour entendre dire que la cessionnaire avait été surprise par le dol des cédants au moment de la cession des actions de la société Avantages, de prononcer la nullité de la cession et la restitution des sommes versées par AVA Développement aux cédants, de condamner Monsieur [C] à lui régler les sommes de 1.042.461 €, de 127.683 € solidairement avec Madame [B] et de 212.805 € solidairement avec Monsieur [W], de condamner solidairement Madame [B] avec Monsieur [C] au paiement de la somme de 127.683 €, Monsieur [W] solidairement avec Monsieur [C] la somme de 212.805 €, de condamner solidairement Monsieur [C], Monsieur [W] et Madame [B] au paiement de la somme de 569.336,17 € en réparation du préjudice subi par la société AVA Développement en raison du dol subi, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation, de dire que la nullité ne sera effective qu'une fois le prix d'acquisition restitué à la société AVA Développement et les indemnités payées, les condamner solidairement au paiement de la somme de 15.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société AVA Développement soutenait que la relation commerciale privilégiée avec EDF n'avait été entretenue que par des pratiques douteuses connues des cédants et non révélées à la cessionnaire, à l'origine de la non reconduction du contrat par EDF.

Par jugement réputé contradictoire, en date du 1er septembre 2014 le tribunal de commerce d'Aix en Provence a débouté la société AVA Développement de ses demandes et ordonné la mainlevée de l'inscription d'hypothèque autorisée par ordonnance du 29 mai 2014 sur les immeubles de Monsieur [C], rejeté la demande de dommages et intérêts de Messieurs [C] et [W], condamné la société AVA Développement à payer tant à Monsieur [C] qu'à Monsieur [W] une indemnité de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Les premiers juges ont considéré que la société AVA Développement ne rapportait pas la preuve de manoeuvres dolosives des cédants.

Par acte du 23 septembre 2014 la SAS AVA Développement a interjeté appel de cette décision. 15 octobre 2015.

Par décision du 15 octobre 2015 une procédure de sauvegarde a été ouverte au bénéfice de la SAS AVA Développement sur sa demande.

Interrogé à l'audience le conseil de la société AVA Développement a indiqué que celle-ci bénéficiait à ce jour d'un plan de sauvegarde.

Par conclusions récapitulatives et d'intervention volontaire déposées et notifiées le 30 octobre 2017, tenues pour intégralement reprises, la SAS AVA Développement, Me [Q], associé de la SCP [K] [Q], intervenant en qualité d'administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société AVA Développement, ainsi que Me [J] [S], intervenant en qualité de mandataire judiciaire à la sauvegarde, demandent à la Cour de :

Vu les articles 1108,1109, 1116 et 1382 du code civil,

A titre principal,

Infirmer le jugement attaqué sauf en ce qu'il a débouté Messieurs [C] et [W] de leurs demandes de dommages et intérêts,

Donner acte à Me [Q] et à Me [S], ès qualités, qu'ils se joignent aux demandes de l'appelante,

Constater que Monsieur [C] s'est porté fort pour Monsieur [W] et Madame [B] de la ratification par ces derniers de l'engagement de cession des actions de la société AVA Developpement,

Dire que la cessionnaire a été surprise par le dol des cédants au moment de la cession des actions de la société Avantages,

En conséquence,

Prononcer la nullité de la cession et la restitution des sommes versées par AVA Developpement aux cédants,

Condamner Monsieur [C] à lui régler les sommes de 1.042.461 €, de 127.683 € solidairement avec Madame [B] et de 212.805 € solidairement avec Monsieur [W], le tout avec intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2012,

Condamner solidairement Madame [B] avec Monsieur [C] au paiement de la somme de 127.683 €,

Condamner Monsieur [W] solidairement avec Monsieur [C] au paiement de la somme de 212.805 €,

Condamner solidairement monsieur [C], Monsieur [W] et Madame [B] au paiement de la somme de 569.336,17 € en réparation du préjudice subi par la société AVA Developpement en raison du dol subi, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

Dire que la nullité ne sera effective qu'une fois le prix d'acquisition restitué à la société AVA Developpement et les indemnités payées,

A titre subsidiaire,

Constater que les cédants n'ont pas informé la cessionnaire des informations suivantes déterminantes de son consentement :

- Le maintien des relations commerciales avec EDF reposait sur des actes illicites,

- La société Avantages avait commis plusieurs manquements contractuels à l'égard d'EDF, reconnus par cette dernière pour justifier la rupture des relations commerciales,

Dire que les consorts [C], [W] et [B] ont manqué à leur devoir d'information précontractuelle,

Condamne les consorts [C], [W] et [B] à payer à la société AVA Développement de la somme de 1.506.798 € en réparation de son préjudice financier,

Les condamner in solidum au paiement de la somme de 15.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par conclusions récapitulatives et responsives n° 2 déposées et notifiées le 30 novembre 2017, tenues pour intégralement reprises, Messieurs [W] [C] et [I] [W] demandent à la Cour de :

Confirmer le jugement attaqué purement et simplement,

Débouter purement et simplement la société AVA Développement de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner la société AVA Développement au paiement d'une somme de 50.000 € de dommages et intérêts pour harcèlement judiciaire et préjudice moral,

La condamner au paiement d'une somme de 30.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

Confirmer la mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire prise sur les biens de Monsieur [C].

Madame [R] [B], assignée le 3 novembre 2014 par procès-verbal de recherches, n'a pas constitué avocat. L'arrêt sera rendu par défaut.

L'affaire a été clôturée en l'état le 7 décembre 2017.

MOTIFS

Sur le dol :

Attendu qu'en vertu de l'ancien article 1116 du code civil 'le dol est une cause de la nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans ces manoeuvres l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.' ;

Attendu que la validité du consentement s'apprécie au moment de la formation du contrat ;

Attendu que le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait, qui s'il avait connu de lui l'aurait empêché de contracter ;

Attendu que les conditions suspensives étant levées au 22 octobre 2012, la cession des actions est intervenue le 31 octobre 2012, étant rappelé que le dernier contrat conclu entre EDF et la société Avantages était alors en cours, prenant fin au 30 juin 2013 ;

Attendu qu'au terme du dernier contrat EDF a décidé de ne plus confier de marché à la société Avantages en qualité d'entreprise principale invoquant une mauvaise exécution des contrats ;

Attendu que les appelantes reprochent aux cédants de leur avoir dolosivement dissimulé que le maintien des relations commerciales avec EDF reposaient sur des pratiques frauduleuses, à savoir le versement de pots de vins, et que par ailleurs Avantages avait commis plusieurs manquements  contractuels tels que surfacturation, lourds de conséquences ;

Sur les manquements dans l'exécution du contrat :

Attendu que les cédants contestent ces assertions précisant que jamais, avant la cession des titres et pendant toute la durée des relations commerciales, EDF n'a adressé des courriers de mises en demeures ou de récriminations à la société Avantages relativement à la conclusion ou à l'exécution des contrats ;

Attendu que Monsieur [C] fait valoir avoir dans son courrier 25 juin 2013 avoir contesté point par point les dires de Monsieur [T] sans qu'aucune contradiction n'y soit apportée ;

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats par les appelantes que Monsieur [H], leur président, a interrogé à plusieurs reprises Monsieur [T], délégué immobilier régional d'EDF, de manière insistante sur les raisons de l'éviction d'Avantages ; que son courriel du 28 mai 2013 débute ainsi 'Je m'adresse à vous, excédé par les réponses inexistantes ou convenues fournies par EDF, non étayées par des faits auxquels je puisse apporter la contradiction et qui se contentent de généralités. Votre discours décale en permanence notre différent vers le manquement au contrat. Comment de tels manquements aussi marquant et voyants ont-ils pu se perpétrer chez EDF pendant des années (voire 10 ans '''); Il me semble que si les manquements étaient si significatifs et qu'ils ont perduré on est dans un autre ordre que celui de la coupable négligence. Je me sens victime d'une escroquerie sur fond de malversations ou de présomptions de malversations impliquant des personnels d'EDF...' et poursuit en interrogeant Monsieur [T] sur l'existence de procédure disciplinaire à l'encontre des deux agents, sur l'identification par EDF de malversations, de pratiques commerciales douteuses dont Avantages, ou son dirigeant, aurait pu être l'auteur ou l'initiateur, de mises en demeure et constats s'agissant de l'exécution du contrat en cours ;

Attendu qu'EDF a répondu le 14 juin 2013 lui rappelant veiller désormais à ce que ses marchés soient attribués, notamment lors de leur renouvellement, à l'issue d'une mise en concurrence, qu'Avantages ne faisait pas partie des entreprises consultées pour le nouveau marché, décision prise à la suite de sa connaissance 'très récemment dans le cadre d'un audit technique effectué ces derniers mois de différents manquements substantiels d'Avantages dans le cadre de l'exécution du contrat' sur les 9 sites audités ; qu'il précisait s'agissant des questions sur les mesures disciplinaires envers des agents EDF, des malversations ou des surfacturations dont EDF aurait pu être victime de la part de certaines sociétés, que celles-ci ayant trait à son organisation interne et à ses rapports avec les tiers, ce type d'information n'était pas communiqué à ses fournisseurs ;

Attendu qu'EDF indique bien n'avoir eu connaissance des manquements reprochés à Avantages dans l'exécution du contrat n°KC5SU11010 que dans le cadre de l'audit réalisé à partir du 13 novembre 2012 et admet ne pas lui avoir adressé antérieurement de mises en demeure ni réclamé le paiement de pénalités pour inexécution ;

Attendu qu'il sera par ailleurs relevé que la convention de cession disposait en son article 5.5 que le bénéficiaire avait la faculté, une fois les conditions suspensives levées, de vérifier auprès des 5 premiers clients de la société Avantages, à savoir EDF, GDF/COFELY, GEODIS, SEMEPA et ADOMA, leur intention de maintenir le niveau de commande confié à Avantages pour l'exercice 2013, les promettants prenant acte que cette condition était une condition déterminante pour le bénéficiaire sans laquelle il n'aurait pas conclu le protocole ; que l'intervention de la cession des titres le 31 octobre 2012 établit que la cessionnaire, qui avait la faculté d'interroger EDF sur son intention de poursuivre leurs relations, a alors reçu toute satisfaction ;

Attendu qu'il ne peut donc être utilement soutenu par la société Ava Developpement que les cédants ont commis un dol par réticence en ne l'informant pas le 31 octobre 2012 de l'existence de manquements commis par la société Avantages dans l'exécution du contrat EDF de nature à faire obstacle à la poursuite des relations commerciales, aucun manquement ne lui ayant été reproché antérieurement à la cession par EDF ;

Sur le maintien des relations commerciales par versements de pots de vin :

Attendu que la société Ava Developpement soutient que les relations contractuelles avec EDF reposent sur le versement de pots de vin et que les cédants savaient, qu'en raison de ces pratiques illégales délibérément entretenues dans le cadre de leurs relations commerciales, EDF était sur le point de rompre toute collaboration avec eux ;

Attendu en premier lieu qu'aucune des pièces produites ne démontre que les cédants ont eu connaissance avant le 31 octobre 2012, date de la cession, de l'intention d'EDF de procéder à un audit et de cesser toute relation commerciale ;

Attendu en second lieu qu'il incombe à la société Ava Developpement de prouver l'existence des agissements frauduleux qu'elle reproche aux cédants, en lien avec certains salariés d'EDF, aux fins d'assurer la poursuite des relations commerciales d'Avantages avec EDF ;

Attendu qu'à l'appui de ses dires elle produit aux débats différentes pièces datant de fin 1997, début 1998, relatant l'incarcération et la mise en examen de trois cadres de la direction des opérations techniques de France Telecom Marseille pour abus de biens sociaux, recel d'abus de biens sociaux et corruption passive, et la rupture par France Telecom à la même époque du contrat en cours avec la société Avantages ;

Attendu que s'il résulte des conclusions de partie civile de France Telecom en date du 10 février 2004 que Monsieur [W] [C] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de Marseille pour corruption active, outre que l'issue de cette procédure n'est pas précisée, cette affaire ne concernant pas EDF il ne saurait en être déduit une similitude de comportement de Monsieur [C] dans les relations commerciales d'Avantages avec EDF ;

Attendu que pour étayer ses affirmations la société Ava Developpement verse encore aux débats une 'lettre d'affirmation' adressée à 'Monsieur le juge' en date du 30 mars 2017 établie par Monsieur [H], son président, visant des pièces retrouvées dans les archives de la société Avantages, Monsieur [H] affirmant que des annotations manuscrites y figurant, émanant selon lui de Monsieur [C], démontreraient l'existence de pratiques anticoncurrentielles mises en oeuvre par ce dernier aux fins de se faire attribuer des marchés publics de la société EDF ;

Attendu que cette lettre, ainsi que le procès verbal de constat en date du 2 mars 2017 listant différents documents présentés à l'huissier de justice par Monsieur [H], comportant pour certains des mentions manuscrites attribuées par ce dernier à Monsieur [C], émanant d'une partie au litige ne peuvent suffire à établir la réalité des accusations y figurant portées à l'encontre de Monsieur [C], étant relevé que ces archives en sa possession depuis la cession en 2012 n'ont été produites qu'en 2017 ;

Attendu enfin qu'elle verse aux débats un courrier adressé le 22 juin 2017 à son conseil par le Vice Président chargé de l'instruction au TGI d'Aix en Provence ainsi libellé : 'Je fais suite à notre entretien relatif à l'information judiciaire dans laquelle vous êtes partie civile. Je vous confirme avoir pu procéder à l'audition, en qualité de témoin, de Madame [G], signataire du protocole d'accord entre la SA EDF et la SAS Avantages le 30 juillet 2013. Elle m'a confirmé que l'audit mis en oeuvre par EDF avait permis de recueillir un faisceau d'indices suggérant des dysfonctionnements imputables à une 'forte proximité' du chef de secteur d'EDF avec certains fournisseurs. Une procédure disciplinaire a été mise en oeuvre à cette occasion. Dans le même temps Madame [G] a déposé courant juillet 2013, pour le compte d'EDF, une plainte auprès du procureur de la République de Marseille des chefs de favoritisme, recel de favoritisme, faux et usage, abus de confiance. Une enquête préliminaire, confiée à la Section de Recherches de la Gendarmerie de Marseille, est toujours en cours. Au regard de la connexité vraisemblable entre les procédures, une rencontre avec le service saisi est prévue le 3 juillet 2017. Je suggérerai à cette occasion que me soit transmise une copie des investigations menées....' ;

Attendu que les termes de ce courrier, qui ne précisent pas l'auteur ni l'objet de l'information ouverte auprès de ce juge d'instruction, relatent les dires imprécis du témoin Madame [G] visant 'certains fournisseurs', et font état d'une 'connexité vraisemblable entre les procédures', ne démontrent pas la réalité de la thèse développée par la société Ava Developpement, alors que Monsieur [C] indique, sans être contredit, ne pas avoir été entendu en qualité de témoin ni mis en examen dans aucune information judiciaire ;

Attendu que les seuls soupçons développés par la cessionnaire ne peuvent en tout état de cause établir la réalité du versement de pots de vins et de l'existence des malversations alléguées par les cédants ;

Attendu que le dol par réticence invoqué de ce chef n'est pas caractérisé par la société Ava Developpement ;

Attendu que la société Ava Developpement est par conséquent déboutée de sa demande de nullité du protocole d'accord de cession des titres et de condamnation des cédants à lui restituer le prix versé à chacun d'eux ainsi que la somme de 559.336,17 € à titre de dommages et intérêts;

Sur le manquement de Messieurs [C], [W] et Madame [B] au devoir de loyauté dans les négociations précontractuelles :

Attendu que là encore la société Ava Developpement soutient que les cédants lors des négociations précontractuelles ne l'ont pas informée de ce que le maintien des relations commerciales avec EDF reposait sur des actes illicites, que la société Avantages avaient commis plusieurs manquements contractuels à l'égard d'EDF, reconnus par cette dernière pour justifier la rupture des relations commerciales, alors que ces informations étaient déterminantes de son consentement ;

Attendu cependant que pour les motifs déjà développés ci-dessus, le manquement au devoir de loyauté invoqué n'est pas établi ;

Attendu que la société Ava Developpement est par suite déboutée de sa demande de condamnation des cédants à lui régler la somme de 1.506.798 € en réparation de son préjudice financier ;

Attendu qu'il s'ensuit que le jugement querellé ayant débouté la société Ava Developpement de l'intégralité de ses demandes et ordonné la main levée de l'inscription d'hypothèque autorisée le 29 mai 2014 est confirmé ;

Sur la demande reconventionnelle de Monsieur [C] :

Attendu que l'action engagée par la société Ava Developpement à l'encontre des trois cédants dont Monsieur [C] n'a pas dégénéré en abus du droit d'ester en l'absence de malice ou de mauvaise foi démontrée de sa part ;

Attendu que si Monsieur [C] soutient que Monsieur [H] a colporté sur son compte des informations diffamatoires dans tout le microcosme où il est connu, ce reproche ne concerne pas la société Ava Developpement, et Monsieur [H] n'est pas partie au litige ;

Attendu que par conséquent Monsieur [C] sera débouté de sa demande de condamnation de la société Ava Developpement au paiement de la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts sollicitée en réparation du préjudice moral qu'il dit avoir subi ;

Attendu que le jugement est dès lors confirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu que la société Ava Développement sera condamnée à verser une indemnité globale de 2.000 euros à Messieurs [C] et [W] concluant ensemble ;

Attendu que la société Ava Développement, partie succombante au principal, est condamnée aux entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par mise à disposition au greffe, par défaut, publiquement,

Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la société Ava Développement de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

Déboute Monsieur [C] de sa demande de condamnation de la société Ava Développement au paiement de la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Condamne la société Ava Développement au paiement d'une indemnité globale de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en compensation des frais irrépétibles d'appel,

Condamne la société Ava Développement aux entiers dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre a
Numéro d'arrêt : 14/18251
Date de la décision : 15/02/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8A, arrêt n°14/18251 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-15;14.18251 ?
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