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08/02/2018 | FRANCE | N°058

France | France, Cour d'appel d'aix-en-provence, Ct0024, 08 février 2018, 058


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre C

ARRÊT AU FOND
DU 08 FEVRIER 2018

No 2018/058

Rôle No 15/16291

X... Y...

C/

Georges D... Y...
Gérard Georges Y...
Nathalie Z... épouse Y...
SA SOCIETE INTERNATIONALE DE TRANSIT

Grosse délivrée
le :
à : Me Paul-Victor BONAN
Me Christian LESTOURNELLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 03 Septembre 2015 enregistré au répertoire général sous le no 2014F02790.

APPELANT

Monsieur X... Y...

né le [...] à CASABLANCA (MAROC),
demeurant [...] - [...]
représenté par Me Paul-victor BONAN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur Georges D.....

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre C

ARRÊT AU FOND
DU 08 FEVRIER 2018

No 2018/058

Rôle No 15/16291

X... Y...

C/

Georges D... Y...
Gérard Georges Y...
Nathalie Z... épouse Y...
SA SOCIETE INTERNATIONALE DE TRANSIT

Grosse délivrée
le :
à : Me Paul-Victor BONAN
Me Christian LESTOURNELLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 03 Septembre 2015 enregistré au répertoire général sous le no 2014F02790.

APPELANT

Monsieur X... Y...
né le [...] à CASABLANCA (MAROC),
demeurant [...] - [...]
représenté par Me Paul-victor BONAN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur Georges D... Y...
né le [...] à RELIZANE (Alger),
Demeurant [...]
représenté par Me Christian LESTOURNELLE de la SCP LESTOURNELLE , avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur Gérard Georges Y...
né le [...] à CASABLANCA (20100),
Demeurant [...]
représenté par Me Christian LESTOURNELLE de la SCP LESTOURNELLE , avocat au barreau de MARSEILLE

Madame Nathalie Z... épouse Y...
née le [...] à CASABLANCA,
Demeurant [...]
représentée par Me Christian LESTOURNELLE de la SCP LESTOURNELLE , avocat au barreau de MARSEILLE

SA SOCIETE INTERNATIONALE DE TRANSIT,
Dont le siège social est [...]
représentée par Me Christian LESTOURNELLE de la SCP LESTOURNELLE , avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Décembre 2017 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Dominique PONSOT, Président, et Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller.

Monsieur Dominique PONSOT, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Dominique PONSOT, Président
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller
Madame Claudine PHILIPPE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Rime GHORZI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Février 2018

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Février 2018,

Signé par Monsieur Dominique PONSOT, Président et Mme Rime GHORZI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******

Vu le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 3 septembre 2015 ayant,
notamment :
- constaté son incompétence matérielle pour qualifier les relations successorales existant entre, M. Georges Y..., d'une part, et ses enfants X... Y..., Gérard Y... et Nathalie Y... épouse Z... et ce au profit du tribunal de grande instance de Marseille,
- donné acte à la Société Internationale de transit (SIT) S.A. de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur les questions relatives au conflit entre ses associés,
- débouté M X... Y... de ses demande fins et conclusions relatives à l'affectation des bénéfices de la Société Internationale de transit (SIT) S.A.,
- condamné M. X... Y... à payer à M. Georges D... Y... , M. Gérard Georges Y..., Mme Nathalie Y... épouse Z..., la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts,
- condamné M. X... Y... à payer à M. Georges D... Y... , M. Gérard Georges Y..., Mme Nathalie Y... épouse Z... et à la Société Internationale de transit (SIT) S.A.,
la somme de 1.200 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. X... Y... aux dépens,
- rejeté, pour le surplus, toutes autres demandes, fins et conclusions contraires ;

Vu la déclaration du 10 septembre 2017, par laquelle M. X... Y... a relevé
appel de cette décision ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 8 août 2017, aux termes desquelles M. X... Y... demande à la cour de :
- constater la recevabilité de son appel en vue de l'infirmation de la décision en toutes ses dispositions,
- infirmer la décision dont appel en toutes ses dispositions,
- dire et juger que le tribunal de commerce était compétent pour statuer sur toutes les demandes,

- débouter M. Georges Y..., M. Gérard Y..., Mme Nathalie Y... épouse Z... et la
société Internationale de transit (SIT) de toutes leurs demandes,
- annuler l'intégralité des assemblées générales des 25 juin 2013 et 26 juin 2014 pour abus de
majorité,
Sur l'affectation des bénéfices,
- annuler pour abus de majorité la troisième résolution de l'assemblée générale du 26 juin 2014
ayant décidé l'affectation de 550.346 euros aux réserves,
- condamner la SIT à lui verser une provision de 500.000 euros à valoir sur sa participation aux
bénéfices,
Subsidiairement
- condamner sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard M. Georges Y...,
M. Gérard Y..., Mme Nathalie Y... épouse Z... à faire verser par la SIT à M. X...
Y... (qui détient 43,36 % du capital) une provision de 500.000 euros à valoir sur sa participation aux bénéfices,
A titre infiniment subsidiaire
- condamner M. Georges Y..., M. Gérard Y..., Mme Nathalie Y... épouse Z... verser à M. X... Y... une provision de 500.000 euros au titre de sa participation aux bénéfices dont il est actuellement privé,
Sur la détention des actions
- annuler pour abus de majorité la première résolution des assemblées générales du 25 juin 2013
ayant approuvé le rapport de gestion en ce qu'il affirme que les actions détenues par M. X...

Y..., M. Gérard Y... et Mme Nathalie Y... épouse Z... leurs ont été confiées par M.
Georges Y... en avancement d'hoirie,
- annuler pour abus de majorité la première résolution de l'assemblée générale du 26 juin 2014
ayant approuvé le rapport de gestion en ce qu'il affirme que les actions détenues par M. X...
Y..., M. Gérard Y... et Mme Nathalie Y... épouse Z... leurs ont été confiées par M.
Georges Y... en avancement d"hoirie,
- dire et juger que M. X... Y... ne détient pas ses actions dans la SIT à la suite d'une donation,
En outre
- condamner solidairement M. Georges Y..., M. Gérard Y..., Mme Nathalie Y... épouse
Z... et la Société Internationale de transit (SIT) à lui verser la somme de 50.000 euros à titre
de dommages-intérêts,
- condamner solidairement M. Georges Y..., M. Gérard Y..., Mme Nathalie Y... épouse
Z... et la Société Internationale de transit (SIT) à verser à M. X... Y... la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner solidairement aux dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 6 avril 2016, aux termes desquelles M. Georges Y..., M. Gérard Y..., Mme Nathalie Y... épouse Z... et la Société Internationale de transit (SIT) demandent à la cour de :
In limine Iitis,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Marseille pour qualifier les relations successorales existant entre M. Georges
Y..., d'une part, et ses enfants X... Y..., Gérard Y... et Nathalie Y... épouse Z...,
Sur l'abus de majorité,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille le 3 septembre 2015,
- débouter en conséquence purement et simplement M. X... Y... de toutes ses demandes
fins et conclusions à1'encontre de M. Georges Y..., de M. Gérard Y... et de Mme Nathalie
Y... épouse Z...,
- le débouter également de toutes ses demandes de condamnation à l'encontre de la Société Internationale de transit,
- donner acte à la Société Internationale de transit qu'elle se rapporte à justice sur les questions relatives au conflit entre ses associés,
Ajoutant au jugement entrepris,
- condamner M. X... Y... au paiement d'une somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive au profit de M. Georges Y..., de M. Gérard Y... et de Mme Nathalie Y... épouse Z...,

- condamner M. X... Y... au paiement d'une somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de chacun des défendeurs à l'instance, en ce y compris la Sté SIT,
- le condamner aux entiers dépens dont distraction ;

SUR CE, LA COUR,

Attendu que la société anonyme SIT a été créée en 1963 par M. Georges Y..., ayant à l'origine pour objet social des activités de transport et de transit ;

Que le capital de la société SIT est actuellement réparti entre M. Georges Y... et ses enfants de la manière suivante :
- M. Georges Y... : 2.700 actions, soit 54 % du capital
- M. X... Y... : 2.168 actions, soir 43,36 % du capital
- M. Gérard Y... : 126 actions, soit 2,52 % du capital
- Mme Nathalie Y... épouse Z... : 6 actions soit 0,12 % du capital ;

Qu'aux termes de la troisième résolution adoptée par l'assemblée générale mixte des actionnaires de la société SIT du 26 juin 2014, le groupe d'actionnaire majoritaire constitué de M. Georges Y..., de M. Gérard Y... et de Mme Nathalie Y... épouse Z... (les consorts Y...) ont décidé l'affectation de 550.346 euros aux réserves ;

Que s'estimant victime d'un abus de majorité, M. Y... a, par acte du 13 octobre 2014, fait assigner les consorts Y... et la Société Internationale de transit (SIT) devant le tribunal de commerce de Marseille demandant notamment l'annulation des assemblées générales des 23 juin 2013 et 26 juin 2014, et la condamnation de la société SIT à lui verser une provision de 500.000 euros à valoir sur sa participation aux bénéfices ;

Qu'il en a été débouté par le jugement entrepris, le tribunal s'étant par ailleurs déclaré incompétent pour connaître d'une demande par laquelle M. X... Y... l'invitait à se prononcer sur une question relevant du droit des successions ;

Sur la compétence du tribunal de commerce pour connaître de la nature de la donation faite à M. X... Y...

Attendu qu'en cause d'appel, M. X... Y... demande à nouveau à la cour de se prononcer sur la nature de la donation en vertu de laquelle les actions qu'il détient lui ont été transmises par son père ; qu'il soutient que cette donation ne lui aurait pas été faite en avancement d'hoirie, contrairement à ce qui est notamment mentionné dans les rapports de gestion présentés aux assemblées générales de 2011 et 2012 et lors de l'assemblée générale du 23 juin 2013 ; que selon lui, cette affirmation erronée procède d'une stratégie visant à l'évincer de ses droits ;

Mais attendu que la question de savoir si la donation dont a bénéficié M. X... Y... est une donation hors part successorale (préciputaire) ou en avancement de part (en avancement d'hoirie) relève de la compétence exclusive des juridictions civiles ; qu'elle n'est au demeurant pas déterminante de la solution à donner au litige, dans lequel le droit de propriété de M. X... Y... sur les actions qu'il détient n'est pas contesté, pas plus que les prérogatives qui sont attachées à sa qualité d'actionnaire, qu'il s'agisse du droit de vote ou du droit aux dividendes ;

Que le jugement sera confirmé de ce chef et M. X... Y... invité à mieux se pourvoir ;

Sur l'abus de majorité

Attendu que M. X... Y... rappelle qu'il détient 43,36 % des actions de la société SIT, le reste étant détenu par le groupe majoritaire constitué de son père et de ses frère et sœur ; qu'il rappelle également qu'aucune distribution de dividende n'a été effectuée depuis de nombreuses années ; qu'il constate que n'exerçant plus aucune fonction au sein de la société, il ne retire aucun bénéfice de sa participation, au contraire de ses co-actionnaires ; qu'ainsi M. Georges Y..., administrateur, occupe une vaste villa avec piscine à Marseille, appartenant à la société ; que sa sœur, administratrice et présidente du conseil d'administration, a perçu en 2013 une rémunération de 58.766 euros outre 7.367 euros de remboursements de frais ; que son frère, administrateur et salarié, a reçu une rémunération de 45.522 euros, outre 9.440 euros de remboursement de frais ;

Qu'il estime que les choix opérés dans la gestion de la société conduisent à un appauvrissement de la société au bénéfice de trois associés et au détriment d'un quatrième ; qu'il constate que la société génère des produits financiers importants notamment au travers des 80 % de parts qu'il détient dans la SCI Les Mûriers ; que la société, qui n'a aucun emprunt à rembourser, a pour principales charges les salaires qu'elle verse à Mme Nathalie Y... et M. Gérard Y..., ainsi qu'à deux salariés ; qu'à des charges externes incontestables (travaux, assurances...), représentant environ 200.000 euros, s'ajoutent 60.000 euros de dépenses de pure convenance, selon lui, au profit des actionnaires du groupe majoritaire ; qu'il note que l'objet social de la société SIT étant désormais de gérer un patrimoine immobilier, cette gestion pourrait être externalisée à moindre coût, lui-même ayant fait des propositions à cet effet ;

Qu'en outre, la politique de mise en réserve systématique des bénéfices de la société n'a plus aucune justification, la société n'ayant plus, depuis le courant des années 2000, d'activité de transport ou de transit ; qu'il s'agit d'une simple société foncière percevant des loyers de son patrimoine immobilier et n'ayant aucun projet d'investissement, ce que confirme le rapport de gestion présenté à l'assemblée générale du 26 juin 2014 ;

Qu'il convient que, dans le passé, c'est à dire à une époque où il dirigeait lui-même la société, une politique de mise en réserve systématique avait été suivie ; que, cependant, cette politique s'inscrivait dans un contexte différent, où la société avait encore des emprunts à rembourser ; qu'en outre, les sommes mises en réserve étaient d'un montant limité, entre 26.416 euro et 1.574,05 euros, à comparer avec les 687.511 euros de bénéfices distribuables au 31 décembre 2013, dont 137.165 euros ont été affectés en report à nouveau et 550.346 euros aux réserves, portant celles-ci à 1.174.630 euros ; qu'il ajoute que cette politique s'est poursuivie lors de l'assemblée générale des 25 juin 2015 et 24 juin 2016, où l'intégralité des bénéfices distribuables, soit, respectivement, les sommes de 139.839 euros et 168.590 euros, ont été affectés aux réserves, lesquelles se montent actuellement à 1.314.469 euros ;

Qu'en réponse, les consorts Y..., après un certain nombre de rappels sur le contexte familial du litige, et les modifications intervenues en 2011 dans la gouvernance de la société en raison de la limite d'âge atteinte par M. Georges Y..., font valoir que si M. X... Y... n'occupe plus de fonction d'administration ou de direction au sein de la société, c'est faute pour lui de s'être présenté aux élections ayant conduit à la désignation de sa soeœur Nathalie à la présidence de la société ; que s'agissant de la rémunération et des avantages dont ils disposent actuellement en tant que dirigeants, ils estiment que ceux-ci sont équivalents à ceux dont bénéficiait M. X... Y... lorsqu'il exerçait les fonctions de directeur général de la société ;

Qu'ils soutiennent que la décision prise par l'assemblée générale du 26 juin 2014 statuant sur les comptes de l'exercice 2013 d'affecter 137.165 euros en report à nouveau et 550.346 aux réserves ne caractérise aucun abus de majorité, cette décision n'étant pas contraire à l'intérêt social et n'ayant pas été prise dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de l'actionnaire minoritaire ; qu'ils estiment, en effet que, dans une période extrêmement difficile sur le plan économique pour le secteur de l'immobilier, il est de saine gestion de ne pas distribuer les bénéfices afin de constituer des réserves qui pourront servir

dans l'avenir ; qu'ils exposent, en effet, que personne ne peut être certain qu'il relouera un bien immobilier à vocation industrielle ou commerciale, si son locataire actuel décide d'arrêter son activité ou de déposer son bilan ; qu'ils rappellent que M. X... Y... avait lui-même consenti entre 2007 et 2010 aux résolutions adoptées, celle-ci l'ayant été à l'unanimité, décidant l'affectation des bénéfices en réserves ;

Attendu, qu'en ce qui concerne tout d'abord l'assemblée générale du 25 juin 2013, M. X... Y... ne démontre pas en quoi la résolution adoptée, ayant consisté à affecter en report à nouveau une perte de 137.165 euros, caractériserait un abus de majorité ; qu'il indique lui-même que ce déficit est dû à une modification de la date de clôture de l'exercice de la SCI les Mûriers, dont l'effet est que les revenus fonciers de cette société n'avaient été intégralement reversés à la SIT à la date de clôture de son propre exercice ; que, pour le reste, le simple fait que ladite résolution ait mentionné, fût-ce à tort, que M. X... Y... détiendrait ses actions au titre d'une donation en avancement d'hoirie ne suffit pas à caractériser l'abus de majorité invoqué ;

Attendu, en revanche, qu'en ce qui concerne l'assemblée générale du 26 juin 2014, il sera rappelé que la mise en réserve systématique, pendant de nombreuses années et sans projet d'investissement ou nécessité de gestion, des bénéfices de la société est susceptible de caractériser un abus de majorité, lorsqu'elle a pour effet de priver les actionnaires minoritaires de leur droit aux dividendes ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que la société SIT, qui n'exerce plus d'activité industrielle ou de services, a pour activité la gestion d'un patrimoine immobilier, directement ou par l'intermédiaire de sa filiale à 80 %, la SCI Les Mûriers ;

Qu'il n'est pas contesté que la vocation d'une société ayant une activité foncière est, en principe, de procurer à ses actionnaires un revenu périodique ; qu'il est par ailleurs constant que la société n'a actuellement aucun endettement et qu'elle n'a pas de projet d'investissement ;

Que si une gestion prudente peut justifier la constitution de réserves confortables, au regard de l'éventualité d'une vacance prolongée des locaux et de la nécessité de faire face, en l'absence de ressources correspondantes, à des charges d'entretien, d'assurance ou de gardiennage, les justifications avancées à cet égard par les consorts Y... en des termes très généraux et exempts de tout chiffrage, ne permettent pas de rendre compte de la légitimité d'une mise en réserve de 550.000 euros environ, alors que les réserves de la société s'élevaient déjà à 624.284 euros ; qu'à cet égard, les documents produits aux débats permettent de constater, en ce qui concerne les biens immobiliers appartenant en direct à la SIT, que ceux-ci sont loués ou susceptibles de l'être par une vingtaine de locataires différents ; qu'en ce qui concerne la SCI Les Mûriers, celle-ci ne détient, certes, que deux locaux, mais le plus important d'entre eux est loué au service des archives du Conseil régional ; qu'ainsi la nécessité de se prémunir contre un risque de vacance massif et subit doit être fortement relativisée, et ne peut justifier la constitution de réserves représentant plus de cinq fois le montant des charges externes de la société, constatées au cours de l'exercice concerné ; que la cour constate, en outre, à la lecture du bilan de l'exercice clos au 31 décembre 2013, que les disponibilités s'élèvent à 744.249 euros, à rapprocher du montant des valeurs mobilières de placement, qui n'est que de 6.106 euros ; qu'il apparaît ainsi que la politique de mise en réserve suivie est une politique de pure thésaurisation, non productive de revenus, et donc contraire à l'intérêt social ;

Que l'absence d'opposition manifestée par M. X... Y... dans le passé à la mise en réserve des bénéfices de la société ne saurait constituer une adhésion sans limite de sa part à la poursuite de cette politique, les mises en réserve auxquelles il a consenti ayant été d'une ampleur très limitée et étant intervenues à un moment où la société supportait encore un endettement ;

Qu'ainsi, en privant M. X... Y... sans justification au regard de l'intérêt social de son droit au bénéfice, et alors qu'aucun dividende n'avait été distribué depuis de nombreuses années, les actionnaires constituant le groupe majoritaire de la société SIT ont commis à l'encontre de M. X... Y..., actionnaire minoritaire détenant 43,36 % des actions, un abus de majorité ;

Qu'il convient d'infirmer le jugement et de prononcer la nullité de la troisième résolution adoptée lors de l'assemblée générale mixte du 26 juin 2014 ;

Attendu, en revanche, que la cour ne saurait, sans s'immiscer dans la gestion de la société, décider aux lieu et place de l'assemblée générale de la société l'affectation du résultat ; qu'il sera observé que M. X... Y... ne sollicite pas de dommages-intérêts ; qu'en conséquence, la demande de M. X... Y... tendant à ce que lui soit octroyée une provision de 500.000 euros à valoir sur la répartition des bénéfice sera rejetée ;

Sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive

Attendu que les consorts Y... sollicitent l'octroi d'une somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ; qu'il font valoir que M. X... Y..., qui tient des propos désobligeants sur son père et estime que ses frère et sœur ne sont pas aptes à diriger les entreprises familiales, conteste absolument toutes les décisions prises dans le cadre de la société SIT et des autres sociétés du groupe ; que la présente procédure est, selon eux, manifestement abusive et justifie sa condamnation à des dommages-intérêts ;

Mais attendu qu'abstraction faite du grief inopérant de nouveauté de la demande, opposé par M. X... Y..., les consorts Y... ne démontrent pas que celui-ci aurait abusé du droit d'agir en justice, la cour ayant accueilli sa demande tendant à voir constater un abus de majorité à leur encontre ;

Que le jugement sera infirmé en ce qu'il a octroyé à ce titre une somme de 30.000 euros et les intimés déboutés du surplus de leur demandes ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que chaque partie succombant partiellement dans ses prétentions, chacune conservera la charge de ses propres dépens ;

Attendu qu'aucune considération d'équité ne justifie de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement rendu entrepris, sauf en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître du litige successoral opposant les parties et en ce qu'il a débouté M. X... Y... de sa demande d'annulation de l'assemblée générale du 23 juin 2013 ;

STATUANT à nouveau,

- ANNULE pour abus de majorité la troisième résolution de l'assemblée générale des actionnaires de la société SIT du 26 juin 2014 ayant décidé l'affectation de 550.346 euros aux réserves ;

Y AJOUTANT

- REJETTE la demande de provision à valoir sur sa participation aux bénéfices et les demandes subsidiaires tendant aux même fins ;

REJETTE toute autre demande des parties, et notamment celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'aix-en-provence
Formation : Ct0024
Numéro d'arrêt : 058
Date de la décision : 08/02/2018

Analyses

La mise en réserve systématique, pendant de nombreuses années et sans projet d'investissement ou nécessité de gestion, des bénéfices de la société est susceptible de caractériser un abus de majorité lorsqu'elle a pour effet de priver les actionnaires minoritaires de leur droit aux dividendes. Le consentement donné dans le passé par un actionnaire minoritaire à la mise en réserve des bénéfices de la société, d'une ampleur très limitée et à un moment où la société supportait encore un endettement, ne saurait constituer une adhésion sans limite de sa part à la poursuite de cette politique.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Marseille, 30 septembre 2015


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.aix-en-provence;arret;2018-02-08;058 ?
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