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26/01/2018 | FRANCE | N°16/01645

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 26 janvier 2018, 16/01645


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 26 JANVIER 2018



N° 2018/ 44













Rôle N° 16/01645





[E] [E] épouse [A]





C/



SA HSBC FRANCE

































Grosse délivrée le :



à :



-Me Carl-stéphane FREICHET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



- Me Pauli

ne DENTRAYGUES, avocat au barreau de PARIS









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 18 Décembre 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/1603.







APPELANTE



Madame [E] [E] épouse [A], demeurant [Adresse 1]



repr...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 26 JANVIER 2018

N° 2018/ 44

Rôle N° 16/01645

[E] [E] épouse [A]

C/

SA HSBC FRANCE

Grosse délivrée le :

à :

-Me Carl-stéphane FREICHET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Pauline DENTRAYGUES, avocat au barreau de PARIS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 18 Décembre 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/1603.

APPELANTE

Madame [E] [E] épouse [A], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Carl-stéphane FREICHET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 288

INTIMEE

SA HSBC FRANCE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Pauline DENTRAYGUES, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 05 Décembre 2017 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre qui a rapporté

Madame Hélène FILLIOL, Conseiller

Madame Virginie PARENT, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2018.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2018.

Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

[E] [E]-[A] a été engagée suivant contrat à durée indéterminée en date du 19 juin 2006 par la SA HSBC FRANCE en qualité de sous-directrice d'agence ; le 1er juin 2009, elle a été nommée aux fonctions de directrice de l'agence de Saint Ferréol ;

Elle a été victime d'un accident du travail le 28 août 2012 ; à la reprise de ses fonctions, en mai 2013, elle a été affectée à la direction de l'agence de Saint Barnabé courant juin 2013 puis en janvier 2014 a été nommée chargée de prospection ;

[E] [E]-[A] a été en arrêt de maladie à compter de mai 2014 ; le 3 juin 2014, elle a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

Le 4 novembre 2014, le médecin du travail l'a déclarée inapte à tous les postes de l'entreprise et elle a été licenciée le 16 février 2015 au motif d'un reclassement impossible ;

Le 19 février 2015, la CPAM a reconnu le caractère professionnel de la maladie ;

Saisi de ses demandes tendant à obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail ou subsidiairement la reconnaissance d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse outre divers dommages-intérêts pour violation par l'employeur de ses obligations, le conseil de prud'hommes de [Localité 1], par jugement du 18 décembre 2015 a :

- ' USANT de son pouvoir d' appréciation résultant des dispositions de l' article 12 du code de procédure civile, après avoir examiné les pièces produites de part et d'autre au débat et recherché la réalité, la consistance et le caractère de harcèlement moral ou de discrimination attaché aux griefs adressés par Madame [E] [E], Epouse [A] tant à sa hiérarchie directe qu'à son employeur,

-ESTIME au visa d'une absence récurrente de preuves et des répliques étayées de la SA HSBC FRANCE, que Madame [E] [E] Epouse [A] n'a été ni la victime de faits de harcèlement moral tels qu'ils sont définis aux articles L 1152-1 et du code du travail, ni de discrimination portés à l'article L 1132-1 du même code, dont les faits ne sont pas constitués, qu'ils proviennent du management du Directeur du Groupe HSBC Provence, ou du comportement de la SA HSBC FRANCE prise dans la globalité de son organisation et de ses règles internes,

- DEBOUTE Madame [E] [E], Epouse [A] de ses demandes de ce chef

- DIT n'y avoir lieu à Résiliation Judiciaire dn contrat de travail de Moderne [E] [E], Epouse [A] réclamée sur le fondement d'un harcèlement moral dont les faits ne sont pas constitués, et en conséquence, non retenus.

- REJETE les incidences financières en dommages intérêts formulées de ce chef.

- ECARTE la notion de modification unilatérale par l'employeur, d'un élément essentiel du contrat de travail soulevée par Madame [E] [E], Epouse [A] en l'état du libre consentement donné à sa hiérarchie lors de ses changements de poste ou d'activité, intervenus après sa reprise de travail,

- DEBOUTE Madame [E] [E] épouse [A] de sa réclamation correspondante.

- CONSTATE que la consultation des Délégués du Personnel a été régulièrement organisée en date du 9 janvier 2015, malgré l'absence d'avis au terme de 4 abstentions, dans leur vote sur l'impossibilité de reclassement de Madame [E] [E], Epouse [A], convoquée ensuite le 12 janvier 2015 à un entretien préalable fixé au 2 février suivant, et licenciée par lettre du 16 février 2015, pour inaptitude physique définitive sans alternative de reclassement

- EXCLU dans ces conditions, le défaut de procédure soulevé par Madame [E] [E] Epouse [A], qui sera déboutée de sa prétention incidente à des dommages intérêts.

- EXERCANT le pouvoir d'appréciation résultant des articles 12 dn code de procédure civile, et L 1235-1 du code du travail,

- CONSIDÉRANT l'importance attachée par la jurisprudence et le législateur à la poursuite de la relation du travail en privilégiant le reclassement en toutes circonstances dans le contexte de la pathologie touchant le salarié, qu'elle ait ou non une origine professionnelle, après avoir examiné les pièces qui lui ont été soumises, et analysé en conformité avec son obligation renforcée de moyens, la recherche loyale, élargie et active à la hauteur des moyens diversifiés et importants de la SA HSBC FRANCE, d'une solution adaptée de reclassement qui demeure également acceptable pour Madame [E] [E] Epouse [A], et validée par le Médecin du Travail,

- ESTIME que la SA HSBC FRANCE n'a pas fait preuve d'un comportement précisément approprié à la mesure de ses moyens, et que ce faisant, elle n'a pas correctement satisfait à son obligation de reclassement, et privé le licenciement entrepris dU motif réel et sérieux exigé par les dispositions de l'article L 1232-1 du code du travail,

- ATTRIBUE avec intérêt au taux légal à compter de la date du jugement, des dommages-intérêts à Madame [E] [E] Epouse [A], qui a défaut d'être rapportés à hauteur du montant allégué, seront évalués en rapport avec l'ancienneté et le dernier salaire brut mensuel moyen, à la somme brute de 80 000,00 €,

- ALLOUE à Madame [E] [E], Epouse [A] en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2 000,00 € à verser par la SA HSBC France qui succombe partiellement, et sera déboutée de sa demande reconventionnelle du même chef.

- DEBOUTE Madame [E] [E], Epouse [A] de ses demandes autres, ou plus amples.

- N'A RETENU aucun motif particulier d'urgence justifiant d'assortir la décision de l'exécution provisoire lorsqu'elle n'est pas de droit.

- ORDONNE en application des dispositions de l'article .L 1235-4 du code du travail, le remboursement par la SA HSBC FRANCE aux organismes intéressés rendus destinataires d'une copie certifiée conforme du jugement, des indemnités de chômage versées a Madame [E] [E], Epouse [A], et dans la limite de quinze jours.

- MIS les dépens s'il y a lieu, à la charge de la SA HSBC FRANCE

- PRECISE que les Parties ont été informées à l'issue des débats, de la date du prononcé public du jugement le 18 décembre 2015 à 9 heures, par mise a disposition au Secrétariat Greffe du Conseil de Prud'hommes de [Localité 1], ainsi qu'il est dit à l'article 450 du code de procédure civile'.

[E] [E]-[A] a relevé appel de la décision le 27 janvier 2016 ;

Aux termes de ses conclusions oralement reprises à l'audience collégiale du 5 décembre 2017, [E] [E]-[A] demande à la cour de :

A titre principal,

- dire et juger que Madame [A] a été victime d'un harcèlement moral caractérisé, à différentes étapes de la relation contractuelle et jusqu'à son licenciement pour inaptitude,

- dire et juger que Le Groupe HSBC a manqué à son obligation de sécurité et de prévention du harcèlement moral, le tout en violation des dispositions des articles L1226-8, L1152-1, L1132-1, L1152-4 et L4121 du Code du Travail,

- dire et juger que le groupe HSBC a fait preuve d'une particulière mauvaise foi dans l'exécution de la relation de travail, notamment à l'issue du premier arrêt de travail de Madame [A],

- dire et juger le Groupe HSBC a procédé à une modification unilatérale du contrat de travail de Madame [A] portant sur un élément essentiel du contrat (modification des fonctions et de la rémunération),

- dire et juger que Madame [A] a fait l'objet de mesures parfaitement discriminatoires à la suite de sa reprise d'activité ayant impacté ses fonctions, sa progression au sein du groupe et sa rémunération.

En conséquence,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts du groupe HSBC

- condamner le Groupe HSBC France au paiement des sommes suivantes :

59.855 euros (1 an de salaire) à titre de dommages et intérêts pour le harcèlement moral subi,

59.855 euros (1 an de salaire) à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

119.710 euros (2 ans de salaire) à titre de dommages et intérêts pour l'exécution lourdement fautive du contrat de travail, en réparation des préjudices moral et professionnel,

29.927 euros pour modification unilatérale du contrat de travail portant sur un élément essentiel du contrat,

29.927 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination,80.000 euros à titre de dommages et intérêts à raison de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur s'analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

4.000 euros au titre de l'article 700 CODE DE PROCÉDURE CIVILE,

A titre subsidiaire :

- dire et juger que le licenciement intervenu à l'encontre de Madame [A] est sans cause réelle et sérieuse pour non-respect de l'obligation de reclassement et de consultation des délégués du personnel,

En conséquence,

- confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de MARSEILLE du 18 décembre 2015

- condamner le Groupe HSBC France au paiement des sommes suivantes :

-80.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-4.000 euros au titre de l'article 700 CODE DE PROCÉDURE CIVILE,

En tout état de cause :

- ordonner la capitalisation des intérêts à compter du jour de la demande

- condamner la Société défenderesse aux éventuels dépens.

Selon ses conclusions, plaidées, la SA HSBC FRANCE sollicite de la cour qu'elle :

1) Confirme le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de [Localité 1] le 18 décembre 2015 en ce qu'il a débouté Madame [A] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de HSBC France, et notamment :

A titre liminaire

- Constater que les demandes formulées au titre de l'obligation de sécurité de résultat ne relèvent pas de la compétence de la Cour d'appel de céans,

En conséquence,

- Dire que ces demandes relèvent de la compétence du Tribunal des affaires de la sécurité sociale d'ores et déjà saisi de ce litige,

- Se déclare incompétent pour statuer sur l'ensemble des demandes formulées à ce titre,

- Déboute Madame [A] de l'intégralité de ses demandes à ce titre.

À titre principal

- Constate que les demandes relatives au non-respect de l'obligation de réintégration du salarié au terme de son arrêt de travail suite à un accident professionnel sont infondées ;

- Constate que Madame [A] n'a été victime d'aucune discrimination en matière de reclassement, d'affectation et de rémunération depuis son retour d'arrêt maladie au mois de mai 2013 ;

En conséquence

- Déboute Madame [A] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre ;

- Constate l'absence de harcèlement moral à l'égard de Madame [A] et, le respect par la Société HSBC France de son obligation de prévention en matière de harcèlement moral;

En conséquence,

- Déboute Madame [A] de sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral;

- Constate l'absence de manquement à l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail ;

En conséquence,

- La déboute de sa demande indemnitaire à ce titre.

- Constate l'absence de modification unilatérale du contrat de travail de Madame [A]

En conséquence,

- La déboute de sa demande à ce titre.

Après avoir constaté que l'ensemble des griefs ci avant rappelés son infondés,

- Constate l'absence de manquements justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [A] aux torts de la Société HSBC France ;

En conséquence,

- Déboute Madame [A] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et de l'ensemble de ses demandes indemnitaires à ce titre.

2) Infirme le jugement du Conseil de prud'hommes de [Localité 1] en date du 18 décembre 2015 en ce qu'il a condamné HSBC au titre d'un prétendu non-respect de ses obligations en matière de reclassement

Et ainsi, jugeant à nouveau :

- Constate la régularité de la procédure de licenciement de Madame [A],

- Constate le respect par HSBC France de son obligation de reclassement.

En conséquence,

- Dise et juge que le licenciement pour inaptitude de Madame [A] est parfaitement fondé,

En conséquence,

- La déboute de ses demandes à ce titre.

À titre subsidiaire

Dans l'hypothèse où la Cour prononcerait la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [A] aux torts de la Société HSBC France :

- Dise que cette résiliation ne peut produire que les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de l'absence d'éléments de nature à caractériser une situation de discrimination lié à l'état de santé et de harcèlement moral à l'encontre de Madame [A] ;

En conséquence :

- Déboute Madame [A] de sa demande de « nullité » formulée

- Ramène à de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alloués Madame [A].

En tout état de cause

- Déboute Madame [A] du surplus de ses demandes ;

- Dise et juge que les éventuels dommages et intérêts alloués à ce titre s'entendent comme des sommes brutes avant déduction des éventuelles cotisations et contributions sociales ;

- Déboute Madame [A] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamne Madame [A] à payer la somme de 2000 € à la société HSBC sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamne Madame [A] aux entiers dépens.

MOTIFS

I. SUR LES DEMANDES PRÉLIMINAIRES

A/ sur la demande de l'appelante visant à écarter des pièces de l'intimée

Attendu que [E] [E]-[A] sollicite que soient écartées des débats des pièces que la SA HSBC FRANCE lui a communiquées le 30 novembre 2017, soit 4 jours avant l'audience, faisant valoir la déloyauté de l'employeur ;

Attendu que ce problème a été évoqué à l'audience, et que le renvoi de la procédure a été envisagé par le président d'audience, pour permettre à l'appelante de se mettre en état, proposition qui n'a finalement pas été retenue par celle-ci ; que dans ces conditions, en l'état de l'oralité des débats, il n'y a pas lieu d'écarter les pièces produites au dernier moment par l'employeur ;

B/ sur l'exception d'incompétence soulevée par la SA HSBC FRANCE

Attendu que la SA HSBC FRANCE soutient que [E] [E]-[A] ne peut invoquer le manquement lié à l'obligation de sécurité résultat, fondé sur l'article L 1152-4 du code du travail, aux termes duquel 'l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral', au motif que le conseil de prud'hommes n'est pas compétent pour connaître les litiges attribués à une autre juridiction en vertu de l'article L 1411-4 du code du travail ; qu'elle estime en effet que seul le tribunal des affaires de sécurité sociale est compétent pour connaître éventuellement de ce manquement dans la mesure où l'article 451-1 du code de la sécurité sociale dispose qu'aucune action en réparation des accidents et maladie mentionnés par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun par la victime ou ses ayants droit ; qu'elle conclut que la juridiction prud'homale est donc incompétente dès lors que sous couvert d'une action en responsabilité à l'encontre de l'employeur pour manquement à son obligation de sécurité en matière de santé au travail, le salarié demande en réalité la réparation du préjudice résultant de l'accident dont il se dit victime ;

Attendu que la SA HSBC FRANCE précise qu'elle a contesté la décision de la CPAM reconnaissant l'origine professionnelle de la maladie de [E] [E]-[A] et qu'à la suite du rejet de sa demande par la commission de recours amiable, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, la procédure étant pendante ; qu'elle ajoute que la salariée a de son côté saisi en juin 2016, la CPAM dans le cadre d'une procédure de reconnaissance de faute inexcusable en lien avec la maladie professionnelle que lui a reconnue cet organisme ;

Attendu que [E] [E]-[A] remarque que sa saisine du TASS n'a eu lieu que le 2 octobre 2016 et qu'aucune indemnisation relative à son entier préjudice n'a été sollicitée ;

Attendu que la SA HSBC FRANCE a communiqué son acte de saisine du TASS en date du 12 août 2015, aux fins de contestation de la reconnaissance de maladie professionnelle sans toutefois joindre les conclusions qui avaient été établies à cette date ; que pour sa part, [E] [E]-[A] ne communique pas davantage les termes de ses demandes soumises au TASS le 2 octobre 2016 que la cour ne peut donc vérifier ;

Attendu que le conseil de prud'hommes ne s'est pas prononcé sur cette demande dont il avait été régulièrement saisi ;

Attendu que dans la présente procédure [E] [E]-[A] sollicite une indemnisation à hauteur d'un an de salaire, reprochant à la direction de la société, en la personne de [U] [W], directeur RH du groupe, informé en juillet 2013, des difficultés qu'elle rencontrait avec [Z] [L], son supérieur hiérarchique, 'de ne pas lui avoir apporté de soutien, d'avoir conforté les agissements de son harceleur, de n'avoir pris aucune mesure pour faire cesser ce harcèlement, son préjudice distinct de celui réclamé au titre de la réparation du harcèlement, étant constitué 'par une situation de total abandon et la mise en échec de sa carrière professionnelle qui s'annonçait pourtant prometteuse ' ;

Attendu qu'il en résulte que c'est à bon droit que la SA HSBC FRANCE constate que la demande en dommages-intérêts a pour objet la réparation du préjudice né de la violation de l'obligation de sécurité dont [E] [E]-[A] indique qu'elle est à l'origine selon elle de la maladie dont elle est atteinte et dont le caractère professionnel est soumis à l'examen pendant du tribunal des affaires de sécurité sociale, de sorte que la juridiction prud'homale est effectivement incompétente pour en connaître par application de l'article L 451-1 du code de la sécurité sociale;

II. SUR LE FOND

Attendu que le salarié peut demander en justice la résiliation judiciaire du contrat de travail par application des articles L 1222-1 du code du travail, 1134 et 1184 du code civil dans leur rédaction applicable à l'époque des faits ;

Attendu que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée ; que c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur ;

Attendu qu'en conséquence, il convient d'examiner les faits allégués par [E] [E]-[A] pour justifier la rupture du contrat de travail aux torts de la SA HSBC FRANCE

§ Sur la résiliation judiciaire

Attendu que [E] [E]-[A] invoque au titre des manquements justifiant la résiliation judiciaire aux torts de son employeur

A/ un harcèlement moral

B/ un manquement à l'obligation de sécurité résultat

C/ une exécution déloyale du contrat de travail

D/ une modification unilatérale du contrat de travail

E/ une discrimination à raison de son état de santé ;

A/ sur le harcèlement moral

Attendu qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel;

Attendu qu'en application de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque le salarié établit la matérialité des faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement ;

Attendu qu'à ce titre, [E] [E]-[A] fait état de 2 éléments :

1) une politique managériale et des méthodes de gestion fondées sur la culture du résultat

2) le comportement inadapté de son nouveau supérieur [Z] [L], directeur de groupe Provence;

Attendu qu'elle verse aux débats :

1) sur la politique managériale

- des articles de journaux courant 2011 faisant état que la SA HSBC FRANCE avait décidé de sabrer leurs effectifs pour préserver et augmenter leurs bénéfices

- de mails qu'elle a adressés en 2009, 2010, à sa direction pour signaler l'épuisement psychologique et physique de ses collaborateurs à l'agence de Saint Ferréol, entraînant de nombreux arrêts de maladie, résultant de la charge quotidienne de travail et le retard accumulé depuis plusieurs mois

- des courriers et des attestations de membres du CHSCT, délégués syndicaux, anciens salariés ayant signalé la situation alarmante de l'agence de Saint Ferréol, en 2009, 2010, 2011,2012, les absences étant compensées par le recours à du personnel inexpérimenté en contrat à durée déterminée ou en contrat intérimaire et faisant état de conditions de travail dégradées

- le courrier de la CARSAT demandant en décembre 2011 à la direction du groupe Marseille Provence d'affecter des ressources compétentes à la gestion et à l'animation de la prévention durable des risques professionnels

- le courrier du président de la CARSAT en janvier 2012 alertant la médecine du travail sur la situation préoccupante de l'agence de Saint Ferréol, la grande fatigue mentale de certaines personnes, un stress inhabituel, une altération progressive de leur santé mentale et physique généralement dus au manque de moyens, ( sous-effectif, pas de remplacements, objectifs inadaptés, sentiment d'abandon)

- les courriers du médecin du travail en janvier et mars 2012, s'étant déplacé à l'agence et signalant à la direction la nécessité de s'interroger sur l'organisation du travail qui génère les risques psycho-sociaux

- le rapport du CHSCT en janvier 2012 alertant la direction sur l'augmentation très significative des risques psycho-sociaux alors que cette situation avait été dénoncée dès 2009 par la médecine du travail qui évoquait déjà les risques psycho-sociaux en augmentation (80% de turn-over, diminution de l'effectif des salariés)

- l'attestation du délégué syndical régional, membre du CHSCT de la région 'sud Rhône Alpes', qui indique ' je me suis rendu à l'agence de [Localité 1] Saint Ferreol, le 24 janvier 2012 : lors de ma visite...j'ai constaté une lassitude, un mal-être et une grande fatigue mentale de certains salariés de cette agence ; j'ai été reçu par la directrice de cette agence, Mme [E] [A], qui m'a apparue également dans un état de stress élevé, la larme à l'oeil, une grande fatigue mentale et un mal-être évident ; elle m'a relaté son inquiétude sur l'évolution de sa santé mentale et physique du fait de la dégradation progressive des conditions de travail dans son agence (turn-over important, sous-effectif, charges anormales de travail etc..), du manque de mise en place de moyens par l'employeur pour pallier à cette situation, ainsi que le maintien de la pression commerciale par la direction malgré cette situation critique ;

Mme [A] m'a également précisé qu'elle avait alerté sa hiérarchise à plusieurs reprises mais ceux-ci étant restés sans effets correctifs ni adaptés à cette situation, constat que j'ai fait lors de ma visite ;

Le cas de Mme [A] n'est malheureusement pas unique, j'ai vu des directeurs de directions d'agence et des commerciaux, eux aussi dans cette situation mentale dégradée, mais contrairement à Mme [A] et par peur de 'représailles' de leur hiérarchie, ils n'ont pas voulu donner suite à leur souffrance au travail ; donc face à cette situation, j'ai décidé d'alerter la médecine du travail le 27 janvier 2012 ...'

- le rapport d'un cabinet d'expertise sur la situation de l'agence en mai 2012 relatant un turn-over important depuis 2009 et indiquant que 'la directrice d'agence qui aurait souhaité un soutien plus affirmé de sa hiérarchie, bénéficie d'un soutien important de son équipe, certains salariés formulant quelques craintes liées au sur-engagement et un risque de burn-out'

- une attestation d'une salariée, chargée de mission, Mme [Q], ayant constaté chez l'appelante, en mars 2012, un état de fatigue intense du à la surcharge de travail et aux menaces de [Z] [L]

- l'audit commandé par la SA HSBC FRANCE à la suite de ces alertes concluant en mai 2014 'les indicateurs du niveau de risque psycho-social sont dégradés, particulièrement en sud Rhône Alpes' en raison des réorganisations successives et de l'augmentation de la charge de travail, du manque de soutien RH, de suivi individuel et personnalisé ;

2) sur le comportement de son nouveau supérieur, [Z] [L]

Attendu que [E] [E]-[A] relate que depuis 2009, ses compétences et son investissement dans ses fonctions, ont été consacrées par la SA HSBC FRANCE qui lui a réservé une ascension professionnelle incontestable, son salaire ayant presque doublé en 5 années, les choses s'étant brutalement dégradées avec son supérieur en mars 2012 suite à la réception par la banque des courriers d'alerte du médecin du travail ; qu'elle indique que dans un entretien le 29 mars 2012, elle a été qualifié de 'mauvais manager' et menacée de rétrogradation ;

Attendu qu'elle communique :

- l'attestation de Mme [Q] à laquelle l'appelante a confié les propos et les menaces reçues, de même que la pression insupportable, les humiliations lors des entretiens d'évaluation de juillet 2012

- un témoignage d'un employé de la banque, M. [J], qui atteste que dans un entretien de juillet 2012, [E] [E]-[A] lui a indiqué 'que [Z] [L] lui reprochait de mettre ses collaborateurs en risques psychologiques de par son management'

- un témoignage d'un ancien sous-directeur de l'agence, M. [O], affirmant 'avoir en avril 2012, assisté à une réunion, sous la supervision d'un personne déléguée par la direction, avec tous les collaborateurs, et au cours de laquelle, [E] [E]-[A] 'a dû se mettre à nu' sur ses capacités de management, jugeant cette méthode dévalorisant la fonction managériale et infantilisant la direction et ce d'autant que tous les collaborateurs avaient été vus également individuellement afin de trouver des éléments à charge contre [E] [E]-[A] au cours du deuxième trimestre' ;

- le témoignage de M. [J], qui atteste avoir vu en avril 2012, [E] [E]-[A] en larmes sortant d'un rendez-vous avec [Z] [L] lequel lui avait indiqué qu'elle était 'un mauvais manager' et en juillet 2012, à la sortie d'un entretien d'évaluation au cours duquel [Z] [L] l'avait considérée responsable des arrêts de travail des collaborateurs de l'agence ; qu'il indique avoir vu également [E] [E]-[A] en pleurs, en mai 2013, après un entretien avec [Z] [L] lequel avait refusé de lui donner des informations sur sa nouvelle affectation et avoir été présent lors du malaise fait le même jour, par la salariée, les pompiers n'ayant pas été avertis en violation des règles internes et l'incident n'ayant pas été non plus acté

- le témoignage d'un client chez lequel elle s'était rendue le 28 août 2012, et qui a été témoin de son malaise ayant entraîné une chute dans les escaliers, [E] [E]-[A] ' d'une pâleur extrême', venant de lui confier que malgré ses congés elle était toujours très fatiguée et que son patron lui mettait une forte pression, lequel lorsqu'il a été averti de sa chute s'est borné à lui demander 'si elle venait demain'

- le courrier du 24 janvier 2013 de la direction des ressources humaines l'avisant alors qu'elle était en arrêt de travail depuis août 2012, qu'elle était remplacée à son poste de manière pérenne,

- une attestation d'un ancien collègue de formation, M. [G], qui témoigne qu'en avril 2013, alors que sa reprise de fonctions était actée, il a été témoin d'une conversation téléphonique avec [Z] [L] lequel avait éludé toutes les questions que lui posait [E] [E]-[A] sur sa nouvelle affectation

- un extrait non daté d'un rapport d'audits des crédits 2013 montrant qu'en réalité, dès février 2013, la direction avait prévu d'affecter [E] [E]-[A] sur la fonction de direction de l'agence de Saint Barnabé, correspondant à un poste 'fantôme' ;

- la transmission le 25 juin 2013 au matin par [Z] [L] d'une demande de rapport dans le cadre d'un contrôle anti-blanchiment, à faire sur les comptes d'un client à réaliser le matin même, date butoir, alors que la direection avait été saisie de la demande depuis le 13 juin précédent

- son mail adressé le 5 juillet 2013 à un délégué du personnel, dans lequel elle indique que la situation continue à se dégrader avec [Z] [L] qui ne répond pas à ses questions, ne communique pas,

- ses mails du 6 juillet 2013, 9 janvier 2014 adressés à [Z] [L] demandant des précisions sur le contenu de sa mission, que le destinataire a laissés sans réponse ;

- l'attestation de M. [J] qui certifie avoir entendu une conversation entre [Z] [L] et [E] [E]-[A], en janvier 2014, qui avait l'air tendue, avec des échos de voix, même porte fermée, et avoir vu [E] [E]-[A] sortir, en larmes et dans un état de choc émotionnel important

- le mail de [Z] [L] en date du 27 janvier 2014 précisant que la création d'un partenariat avec de nouvelles agences 'meilleur taux' lui sera confié, l'appelante apprenant le 18 février que cette mission a été finalement confiée à un autre salarié

- un courrier du 30 janvier 2014 du directeur des ressources humaines, qui relayant les propos oraux de [Z] [L] selon lesquels, ' on ne vous aime pas, vous n'êtes pas ce que vous pensez, vous avez une trop haute opinion de vous, vous n'avez pas les épaules assez larges' lui reprochait ' vos pratiques managériales, et notamment votre trop faible disponibilité, les dérives de vos horaires de présence, votre relationnel trop autoritaire' et ajoutait : '[Z] [L] a été le vecteur d'un message, qui était non le sien propre mais la recommandation de la DRH'

- un courrier du 18 avril 2014 de la direction dans lequel il lui est indiqué qu'elle n'aurait pas de pouvoirs de délégations en matière de crédits, ce qui constituait selon elle une rétrogradation et un déclassement professionnel

- des certificats médicaux faisant état qu'à partir de mars 2012, elle a du prendre des anxiolytiques et des anti-dépresseurs, qu'à partir d'octobre 2012, elle a développé un syndrome d' Effluvium télogène aigu (chute importante de cheveux provoquée par un choc psychologique) pour lequel elle a du subir de nombreuses séance de mésothérapie et plusieurs traitements toujours en cours, qu'elle a dû être suivie par un psychothérapeute en 2012, un psychologue en 2013, un psychiatre ensuite

- une attestation d'une psychologue de l'institut d'accompagnement psychotique et de ressources en liaison avec HSBC ayant eu 5 entretiens avec [E] [E]-[A] entre mai et septembre 2013

- un arrêt de travail initial en date du 17 août 2014 faisant état 'd'anxiété et troubles du sommeil avec sensation d'être disqualifiée de son activité professionnelle depuis novembre 2012 ; l'évolution depuis laisse la place à un sentiment d'humiliation et de culpabilité, avec appréhension de se rendre au travail, l'ensemble de ces symptômes doivent être discutés et en faveur d'une souffrance au travail'

- le courrier de la CPAM des Bouches du Rhône en date du 19 février 2015 l'avisant que sa maladie était reconnue comme ayant une origine professionnelle ;

Attendu que [E] [E]-[A] présente ainsi des éléments, qui pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ;

Attendu que l'employeur pour sa part, objecte de façon globale sur les deux moyens :

- que lors de la réunion du CHSCT du 25 juin 2011, le procès-verbal fait état que les lampes ont été changées dans l'agence Saint Ferréol et qu'un chargé de clientèle a rejoint l'agence de sorte que selon son président 'les conditions de travail sont désormais optimales'

- que lors de la réunion du CHSCT du 25 novembre 2011, son président a indiqué que l'effectif était complet et même en sureffectif par rapport à la cible 2011

- que l'évaluation de [E] [E]-[A] en février 2012 fait état que les effectifs sont complets même si des membres du CHSCT avaient pu constater en janvier que ce n'était effectivement pas le cas

- que la société a pris en compte les alertes émises dans la mesure où elle a en 2012, sollicité une expertise confiée au cabinet PREVENTIS pour examiner la situation de l'agence Saint Ferréol

- que [E] [E]-[A] n'a jamais fait part à la direction des difficultés de communication qu'elle rencontrait avec [Z] [L]

- qu'il était normal que lors de son entretien avec chacun des collaborateurs, lors de sa prise de fonction, ce nouveau directeur de groupe ait fait part à [E] [E]-[A] des 'remontées' qu'il avait eues concernant son management de la part de deux collaboratrices en 'situation de dépression'

- que deux salariés, dont l'un est délégué syndical, ont témoigné avoir entendu des hurlements de [E] [E]-[A] lors d'entretiens avec [Z] [L] sans que ce dernier hausse le ton

- que l'autre salariée, Mme [R], a été arrêtée pendant un an lorsqu'elle était sous la subordination de [E] [E]-[A] laquelle ne répondait jamais à ses saluts, une autre salariée (Mme [Y]) ayant rencontré des difficultés également avec l'appelante

- que le compte-rendu d'entretien d'évaluation tenu en juillet 2013, afférent à l'année 2012, établi par [Z] [L] mentionne des appréciations élogieuses sur la direction et les résultats de l'agence par [E] [E]-[A]

- que dans une attestation [Z] [L] a témoigné qu'il appréhendait les entretiens [E] [E]-[A] laquelle déformait ses propos

- que les attestations communiquées par [E] [E]-[A] ne font que relater ses doléances ou interpréter les propos tenus

- que c'est parce qu'elle n'avait aucune visibilité sur la durée de l'absence de [E] [E]-[A] qu'elle a dû, après plusieurs mois, pourvoir l'agence Saint Ferréol pour garantir son bon fonctionnement, d'une nouvelle directrice

- qu'en mai 2013, [E] [E]-[A] a été déclarée consolidée sans séquelles suite à la chute d'août 2012

- que la circonstance que [E] [E]-[A] ait consulté des psychologues entre mai et septembre 2013 n'a rien de surprenant dans la mesure où elle reprenait une activité après une longue absence

- qu'en février 2014, le médecin du travail l'a déclarée apte sans commentaire particulier

- que dans l'attestation établie le 31 janvier 2013 par le Dr [X], selon lequel ' suite à l'altercation du 29 mars 2012 avec son responsable hiérarchique et du retentissement sur elle, tant physique (dont importante chute de cheveux) émotionnel que psychologique, Mme [E] [E]-[A] a eu effectivement besoin d'un soutien psychologique', le médecin dépasse les devoirs qui sont les siens, en attestant d'une relation causale entre les difficultés professionnelles et l'état de santé présenté par le patient

- que les mêmes observations peuvent être faites s'agissant d'arrêts de travail ou d'attestations délivrés par d'autres praticiens ;

Attendu qu'il résulte de l'examen des pièces :

- qu'il est d'évidence que l'agence de Saint Férréol présentait un dysfonctionnement constant depuis 2009, la direction ne mettant en place qu'avec retard des situations palliatives de remplacement des agents par du personnel sans expérience

- qu'il est inédit de constater que de multiples alertes ont été adressées à la direction d'organismes différents (CHSCT, médecin du travail, CARSAT) relatant tous les risques majeurs psycho-sociaux qui existaient précisément dans cette agence

- que plus particulièrement le CHSCT dans le compte-rendu faisant suite à sa visite de janvier 2012 qui déplorait que son précédent rapport de 2010 soit resté sans effet, constatait à nouveau :

* des conditions de travail totalement inadaptées et dégradées quant aux locaux

* une surcharge accrue de travail au niveau du directeur de l'agence qui outre ses fonctions RH assure la gestion à plein temps du portefeuille du RM premier en arrêt de maladie

* une rotation du personnel anormalement élevée, situation constatée depuis 3 ans avec un changement complet de chargés de clientèle, de la ligne d'accueil

* des changements fréquents de personnel (voire le manque de personnel) qui engendrent des retards dans l'accomplissement des tâches

* une amplitude horaire de certains collaborateurs dépassant bien souvent 10 h journaliers

* une surcharge de travail notoirement constatée depuis 2009

* la conjonction de ces éléments qui ont contribué à la dégradation 'très nette' des conditions de travail avec pour impact un stress chronique avec en arrière-plan l'augmentation significative des risques psycho-sociaux

* nous le répétons une dernière fois : la direction du groupe, alertée par cette situation, ne semble pas avoir pris de mesures correctives et efficaces pour régler cette situation qui perdure

* bonnes relations entre les différents collaborateurs avec une excellente implication managériale de la direction de l'agence

- que la banque ne peut se satisfaire de la seule circonstance d'avoir confié en 2012, une mission au cabinet d'expertise PREVENTIS, dont elle ne communique d'ailleurs pas elle-même les résultats, sans indiquer au surplus les mesures qu'elle a mis en oeuvre pour remédier aux dysfonctionnements, (à part avoir changé les luminaires) pour prétendre avoir assumé ses obligations en la matière

- que le rapport de ce cabinet, produit par la salariée, conclut à 'l'absence de difficultés particulières concernant les relations d'équipe ou le management opérationnel, à l'absence de contestation sur le leadership de la directrice d'agence qui bénéficie d'un soutien important auprès de l'équipe ;tous soulignent son implication et son engagement ; certains formulent néanmoins quelques craintes liées au sur engagement et au risque de burnout ;

cette dernière observation est confirmée par le psychologue qui formulera des recommandations auprès de la directrice ; les coordonnées d'une psychologue spécialiste dans le traitement des pathologies liées au stress au travail lui ont été remises ' ;

Attendu qu'il est ainsi acté que [E] [E]-[A] exerçait ses fonctions depuis plusieurs années dans un contexte très dégradé, manifestement non perçu comme tel par la direction en dépit des alertes reçues de toutes parts ; qu'il convient de constater que les évaluations de [E] [E]-[A] étaient effectivement élogieuses quant à ses résultats personnels, ce qui prouve son implication et son investissement en dépit des difficultés quotidiennes auxquelles elle était confrontée ;

Attendu que par ailleurs les conclusions du CHSCT sur le comportement managérial de [E] [E]-[A] ne font pas l'objet d'une quelconque restriction sur ses capacités et qualités managériales ce qui rejoint les appréciations du cabinet PREVENTIS ; que dès lors les attestations versées par l'employeur de salariés dénigrant [E] [E]-[A] dans ses fonctions, ne sont pas considérées comme fiables, dans la mesure où l'appelante avait dû mettre en cause Mme [R] s'agissant de frais de déplacement abusivement sollicités, et que M. [Z], délégué syndical, a défendu cette dernière ; qu'il résulte également d'autres attestations, que ce dernier était animé de la volonté de 'bouffer du directeur' ainsi qu'en témoigne une autre salariée Mme [B] qui relate que l'arrêt de travail d'une autre personne, Mme [Y], sanctionnée par la banque, mais néanmoins citée par elle, était sans rapport avec [E] [E]-[A]; que Mme [B] précise dans son attestation : 'M. [Z] s'est servi des problèmes de [A] [R] et [S] [Y] sans rapport avec le management de Mme [A] pour l'enfoncer personnellement auprès du nouveau directeur du groupe';

Attendu qu'à cet égard, la cour observe que antérieurement à l'arrivée de [Z] [L] , aucun grief n'avait jamais été formulé à [E] [E]-[A] sur ses qualités managériales, bien au contraire ; que les premiers reproches ont été émis avec l'arrivée de [Z] [L], fin mars 2012, nouveau directeur du groupe Provence, à une période où la banque était mise en cause de façon directe sur ses carences par des intervenants extérieurs et notamment le CHSCT ; qu'on ne peut que déduire de la concomitance des événements, que face à la pression qui pesait sur elle, la direction a chargé le nouveau directeur de groupe, (là aussi [Z] [L] a été le vecteur d'un message qui était, non le sien propre mais la recommandation de la DRH) qui n'avait aucun recul sur les situations individuelles, de délibérément et soudainement mettre en cause [E] [E]-[A] dans l'exercice de ses fonctions, en lui reprochant une situation dont elle n'était absolument pas à l'origine, alors que depuis des années, elle avait assuré en dépit des difficultés une direction estimable et estimée de la part de ses collaborateurs;

Attendu qu'au retour de son accident de travail, en mai 2013, la cour constate qu'en dépit des interrogations de la salariée, le premier courrier produit lui faisant état de son affectation à Saint Barnabé est du 12 juin 2013 avec effet au 19 juin 2013 alors que la salariée avait été programmée sur ce poste dès février 2013 ; que les parties ne font pas état de la situation de [E] [E]-[A] pendant le mois de mai ; que son mail du 6 juillet 2013 à [Z] [L] mentionne ses interrogations sur la définition même de ce poste et qu'il n'est pas justifié de réponse par la banque ;

Attendu que la situation s'est reproduite lors de sa nomination en janvier 2014 en tant que chargée de prospection, à la lecture de son mail demandant des clarifications sur le périmètre de ses fonctions ; que par ailleurs, l'appelante établit par des pièces, non remises en cause par la SA HSBC FRANCE, que [Z] [L] n'a manifestement pas été clair dans le cadre de nouvelles fonctions données à [E] [E]-[A], une autre personne ayant été désignée pour assurer une part des fonctions qui avaient été antérieurement affectées par écrit à la salariée, celle-ci ayant dû faire respecter ses droits ;

Attendu par ailleurs que la banque ne peut sérieusement soutenir que [E] [E]-[A] ne lui a jamais fait part de ses plaintes relatives au comportement de [Z] [L] alors que dans un courrier de janvier 2014, [U] [W], DRH, en fait expressément état dans le cadre d'entretiens s'étant tenus à l'été 2013:

Attendu que la banque n'a pris que très tardivement en compte les doléances de [E] [E]-[A], ne pouvant qu'avoir laissé volontairement la situation se dégrader, le changement de supérieur hiérarchique n'étant intervenu qu'en avril 2014 ;

Attendu que dans ces conditions, la cour estime que l'employeur ne rapporte pas la preuve que les faits matériellement établis par [E] [E]-[A] sont étrangers à tout harcèlement moral et retient notamment :

- que l'épuisement physique et psychologique de [E] [E]-[A] constaté médicalement, est patent en 2012 et peut effectivement être relié d'une part à une surcharge de travail importante depuis plusieurs années non prise en compte et d'autre part à une déstabilisation personnelle et professionnelle indûment et brutalement provoquée ;

- qu'au retour de l'intéressée, en mai 2013, la banque n'a absolument pas favorisé la reprise du travail, et que depuis cette date, [E] [E]-[A] a été d'une part laissée dans un flou professionnel, d'autre part exposée à un supérieur hiérarchique aux méthodes managériales pour le moins sans nuances, la circonstance qu'il n'élève pas la voix lors d'entretiens n'étant pas propre à enlever toute rudesse à des propos tenus, le malaise de la salariée au sortir d'un entretien en date du 13 mai 2013 n'étant pas contesté

- que sans être tenue par la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie retenue par la sécurité sociale, la cour constate que les certificats médicaux produits attestent d'une chute progressive, inexorable et inéluctable de [E] [E]-[A] vers une grave dépression

- qu'il importe peu devant cette juridiction, que les médecins aient dépassé ou non le cadre de leurs missions, la cour relevant le nombre de certificats émanant de praticiens sans rapport entre eux, et corellant l'état de santé aux conditions professionnelles ;

Attendu que dans ces conditions, et contrairement au conseil de prud'hommes, la cour retient l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L 1152-1 du code du travail ;

B/ sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Attendu que cette demande n' a pas été présentée en ces termes devant le conseil de prud'hommes;

Attendu que [E] [E]-[A] reproche à la SA HSBC FRANCE d'avoir manqué à son obligation de bonne foi dans l'exécution du contrat de travail, prévue à l'article L 1222-1 du code du travail aux motifs :

- qu'à sa reprise de fonctions après son accident du travail, en mai 2013, il ne lui a pas été confié la direction d'une agence aussi importante que celle de Saint Ferréol alors qu'était vacante la direction de la succursale de [Localité 1] Prado, comparable en termes d'effectifs et au surplus déjà envisagée pour elle en août 2011

- que les fonctions de direction d'agence ou de succursale sont considérées comme identiques dans le plan stratégique 2014

- qu'à supposer que la succursale de [Localité 1] Prado soit considérée comme supérieure en termes de produit net bancaire ou de nombre de clients, il appartenait à l'employeur de s'attacher à favoriser les opportunités de progression de carrière

- qu'au contraire, elle a en mai 2013 été affectée par [Z] [L] sur l'agence de Saint Barnabé, les éléments de comparaison avec les autres agences faisant apparaître :

PNB 2012 : Saint Barnabé : 496 ; Saint Ferréol : 2692 ; Prado : 3631

Nombres de clients : avril 2012 : Saint Barnabé : 754 ; Saint Férréol : 3112 ; Prado : 4182

Collaborateurs : saint Barnabé 0 : saint Férreol : 12 ; Prado : 10

- que sa fiche de poste faisait apparaître qu'elle n'avait ni collaborateurs, ni mission, ni responsabilités

- que cette situation était due au fait que la société avait entrepris une démarche de mutualisation des agences et qu'en janvier 2013, la fiche de poste de [L] [S] révèle que celui-ci était déjà directeur des agences [Localité 1] 5 avenues et [Localité 1] Saint Barnabé ce que confirme un article de mai 2013 annonçant que dans la cadre du plan stratégique 2014, les deux agences ont une direction mutualisée en la personne de [L] [S] s'affichant d'ailleurs dans ses mails comme directeur des deux agences (juillet 2013)

- qu'en octobre 2013, le CHSCT relevait que [E] [E]-[A] n'exerçait plus réellement ses fonctions de manager du fait de la mutualisation des agences puisqu'elle exerçait un poste qui avait été supprimé depuis la mutualisation avec [Localité 1] cinq-avenues

- que c'est dans ces conditions, la situation ne pouvant durer, que [U] [W], directeur DRH à [Localité 2], a proposé à [E] [E]-[A] en septembre 2013, un poste de chargé de mission 'dans l'attente d'une opportunité de poste correspondant à votre fonction (directeur d'agence ou directeur adjoint de succursale) dans le bassin d'emploi de [Localité 1]'

- que le dit poste s'est révélé une coquille vide, sans moyens, sans pouvoirs de crédit, et voué à l'échec en raison d'objectifs inatteignables et de la politique de la banque qui dans le plan stratégique de 2014 prévoyait l'abandon à hauteur de 40 % de cette activité

- que dans son courrier de mars 2014 à [U] [W], elle faisait état de cette situation : 'mon positionnement actuel reste obscur et mal défini dans l'organisation, étant en sur-effectif par rapport avec l'effectif cible et avec des attributions de tâches relevant déjà du périmètre d'une autre personne ; dans cette configuration, il est difficile de trouver sa juste place dans l'organisation ; après 10 mois écoulés depuis mon retour, je reste dans l'attente d'une proposition de poste équivalent et pérenne ; j'ai un besoin de visibilité et de stabilité concernant mon avenir professionnel ; les carences à ce niveau provoquent chez moi une forte anxiété et un stress permanent qui m'épuisent'; ;

- que de même en 2014, alors qu'elle n'est toujours pas reclassée, la succursale d'[Localité 3] en Provence était vacante, la société a préféré l'attribuer à un nouveau directeur en juillet 2014 ;

Attendu que la SA HSBC FRANCE fait valoir en réponse :

- que [E] [E]-[A] ne peut se plaindre de son affectation à l'agence Saint Barnabé dans la mesure où elle a bien été affectée à un poste de direction d'agence dans son bassin d'emploi, avec une rémunération identique et ce, après approbation du médecin du travail

- qu'il lui a été indiqué en janvier 2014, que même si l'agence était plus petite, le rôle de directeur y était le même et qu'en toute hypothèse il n'existait pas d'autre solution

- qu'elle ne pouvait prétendre à être nommée au sein de [Localité 1] Prado car il s'agissait d'une succursale et non d'une agence et que le critère de succursale est attaché au PNB plus important, à la complexité managériale basée sur le nombre total d'employés dans l'agence pondérée par la part de personnel administratif et au nombre de clients

- qu'il en était ainsi des succursales de [Localité 1] Prado et de [Localité 3] en Provence ( PNB 2012 : 4203 PNB 2013: 4145 )

- que les fiches de poste communiquées illustrent d'ailleurs ces différences en ce que le directeur doit 'assurer la représentation du groupe et véhiculer son image au niveau local ' dans une succursale, mention qui ne figure pas pour un poste de direction d'agence

- que la rémunération n'est pas la même, le directeur de succursale étant placé dans un groupe supérieur

- que la nomination du directeur de [Localité 1] Prado a été annoncée le 23 mai 2013 et a fait l'objet d'un processus de recrutement antérieur au terme de l'arrêt de travail de [E] [E]-[A] (7 mai) et avant l'avis d'aptitude du 17 mai

- que la nomination du directeur de la succursale d'[Localité 3] en Provence a été officialisée le 7 mai 2014, la personne choisie ayant une expérience soutenue de direction de succursale

- que lors de son évaluation au 22 janvier 2014, au titre de l'année 2013, [E] [E]-[A] avait elle-même admis que son repositionnement passait par une direction d'agence ou une direction adjointe de succursale

- que [E] [E]-[A] ne peut se plaindre du défaut de renseignements de sa fiche dans l'annuaire du groupe, la mise à jour relevant de chaque collaborateur

- que la société a agi avec transparence avec [E] [E]-[A], l'informant dans un courrier de juin 2013 'que conformément à la mise en oeuvre de notre plan stratégique 2014, nous vous confirmons qu'à l'issue de celui-ci, l'agence de Saint Barnabé sera rattachée à l'agence de [Localité 1] 5 avenues, et que vous serez dès lors affectée sur un autre poste équivalent dans votre bassin d'emploi' et qu'au moment de la nomination, le poste de directeur de l'agence de Saint Barnabé n'était pas supprimé, la mutualisation étant intervenue en juin 2014 par la fermeture de l'agence [Localité 1] 5 avenues ;

- que le directeur de l'agence de [Localité 1] 5 avenues n'a été chargé de l'agence de Saint Barnabé que parce que le poste de directeur de Saint Barnabé était vacant ;

- qu'à la nomination de [E] [E]-[A], le directeur de [Localité 1] 5 avenues s'est effacé et lui a laissé la direction de l'agence de Saint Barnabé en toute autonomie

- que l'article de journal cité par [E] [E]-[A] en mai 2013, a été établi alors que le retour de [E] [E]-[A] était alors inconnu ;

- que c'est parce que le prédécesseur de [E] [E]-[A] en qualité de chargé de mission n'avait pas rempli son office, que cette fonction a été confiée à l'appelante qui a été remplacée lors de son arrêt de maladie en mai 2014, son successeur ayant d'ailleurs réussi dans cette fonction ;

Attendu qu'il résulte de la confrontation des pièces communiquées par les parties que tant en 2013 qu'en 2014, [E] [E]-[A] n'avait pas de droits acquis à prétendre aux fonctions de directeur de succursales, dans la mesure où leurs titulaires relèvent d'une échelle différente que les directeurs d'agences et que la salariée ne peut critiquer utilement cette hiérarchisation interne, et ce d'autant qu'effectivement dans son entretien d'évaluation, elle admettait elle-même que la progression de carrière passe une nomination préalable d'adjoint de succursale ;

Attendu que pour autant, la SA HSBC FRANCE n'est pas convaincante dans ses explications tendant à prouver que [E] [E]-[A] ne pouvait se plaindre de sa nomination dans l'agence de Saint Barnabé ; qu'en effet :

- la banque reconnaît elle-même qu'il existe une graduation entre les agences et qu'à l'évidence l'agence de Saint Barnabé était une petite agence sans rapport avec celle de Saint Ferréol de sorte que les fonctions du directeur ont immanquablement un niveau de responsabilité multiplié avec la taille de l'agence, le nombre de colloborateurs, la fréquence et la variété d'opérations sollicitées par les clients corellées à leur nombre

- elle a d'ailleurs préféré nommer la titulaire de Saint Barnabé de manière pérenne en janvier 2013 au poste de l'appelante à Saint Ferréol, et confié au directeur de [Localité 1] 5 avenues la direction conjointe de Saint Barnabé ce qui traduisait bien pour la remplaçante de la salariée une progression de carrière en terme de taille d'agence, l'inverse n'étant pas établi

- elle ne peut davantage être suivie dans son raisonnement consistant à soutenir qu'à partir du moment où la rémunération, le titre et la situation géographique étaient les mêmes, [E] [E]-[A] n'était pas fondée à se plaindre, sauf à méconnaître un élément essentiel de la qualité de la vie professionnelle, consistant à trouver un intérêt à se rendre à son travail ;

- que la banque ne justifie aucunement avoir en mai et juin 2013 pris soin de déminer la situation avec le directeur de [Localité 1] 5 avenues qui assurait la direction des deux agences depuis janvier 2013 et qui se présentait toujours comme tel en juillet 2013 alors que [E] [E]-[A] avait été nommée et que manifestement tel était toujours le cas en octobre 2013, selon les déclarations du CHSCT qu'il n'y a pas lieu de mettre en cause ; qu'elle ne justifie d'aucune annonce interne au personnel ou de courriers délimitant les fonctions respectives ;

- qu'il est évident que le retour de [E] [E]-[A] a posé des problèmes à la direction qui a recouru à des expédients afin de la faire patienter par cette nomination à Saint Barnabé puis dans le cadre d'une proposition d'une création de poste de chargé de mission lequel devait être un poste à durée temporaire ; que ce faisant, la société reconnaissait implicitement mais nécessairement que les conditions d'exercice de la direction de l'agence de Saint Barnabé ne correspondaient pas aux fonctions précédemment exercées par [E] [E]-[A] ; que faute de poste équivalent disponible, la direction a alors proposé à [E] [E]-[A] une solution temporaire que celle-ci a acceptée ;

Attendu qu'il en ressort qu'en 2013, l'employeur qui a pris l'initiative de remplacer définitivement [E] [E]-[A] à son poste de Saint Ferreol, après 4 mois d'arrêt de travail, n'a pas respecté les prescriptions de l'article L 1226-8 du code du travail, aux termes desquelles, il avait l'obligation de lui assurer le retour dans son poste initial, ou dans un emploi similaire ; qu'il existe donc bien une exécution de mauvaise foi du contrat de travail, la SA HSBC FRANCE compte-tenu de ses moyens et notamment d'un service spécialisé de ressources humaines, ne pouvant méconnaître les impératifs qui étaient les siens;

C/ sur la modification unilatérale du contrat de travail

Attendu qu'au visa de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, [E] [E]-[A] fait état de la modification de ses fonctions que lui a imposée l'employeur en la nommant chargée de prospection, consistant en un appauvrissement de ses responsabilités, par rapport à celles occupées antérieurement ; qu'elle indique que sa signature sur le courrier du 3 janvier 2014 a été obtenue sous une 'forte pression' et fait référence aux échanges intervenus à ce titre ; qu'elle ajoute que ses pouvoirs de crédit lui ont été retirés ;

Attendu que [E] [E]-[A] fait également état de la diminution de sa rémunération variable à laquelle elle n'a jamais consenti et qui n'a cessé de diminuer : 9.000 € au titre de l'année 2011, 4335 € au titre de l'année 2012 et 3800 € au titre de l'année 2013 ;

Attendu que la SA HSBC FRANCE rappelle que c'est au cours d'un entretien du 24 juillet 2013 que [E] [E]-[A] a émis le souhait de ne plus exercer ses fonctions de directrice d'agence de Saint Barnabé mais de se voir confier une mission transverse ainsi que le rappelle son entretien d'évaluation tenu en janvier 2014 et relatif à l'année 2013 ; que le déjeuner du 18 septembre 2013 a notamment porté sur cette évolution et a été concrétisé par un courrier en date du 26 septembre : 'conformément à notre accord, nous vous confierons à partir du 1er janvier 2014 jusqu'au 31 décembre 2014, une mission de développement de nos affaires' ; que la lettre de mission en date du 3 janvier 2014 n'a fait qu'officialiser les accords pris, la salariée les ayant d'ailleurs approuvés et signés le 16 janvier 2014 ;

Attendu que s'agissant de la rémunération variable, la SA HSBC FRANCE fait référence au contrat de travail de [E] [E]-[A] qui prévoyait que 'toute prime ou gratification éventuellement allouée ne fera pas partie de la rémunération et conservera son caractère de libéralité toujours révocable' et qu'en conséquence, [E] [E]-[A] est mal fondée à invoquer une modification unilatérale de son contrat de travail;

Attendu que la cour observe que sous un fondement juridique différent, mais qui fait référence à la même notion de bonne foi dans les rapports contractuels, que [E] [E]-[A] fait état des mêmes faits concernant ' l'appauvrissement de ses fonctions' quant à l'affectation à l'agence de Saint Barnabé ; que si effectivement 'les pouvoirs de crédits' lui ont été supprimés, [E] [E]-[A] n'établit pas en quoi ils étaient nécessaires à sa nouvelle fonction, ceux-ci apparaissant rattachés à la direction d'une agence ;

Attendu que même si l'appelante n'a accepté ces nouvelles fonctions que parce qu'elle ne voulait plus exercer à Saint Barnabé et qu'il est évident qu'elle n'avait jamais renoncé à retrouver la direction d'une agence conformément à ses fonctions antérieures, il ne ressort pas du dossier l'existence d'une contrainte l'ayant forcée à accepter la mission proposée ;

Attendu que par ailleurs [E] [E]-[A] n'est pas fondée à ériger en modification unilatérale contractuelle, les montants reçus au titre de la rémunération variable, celle-ci constituant aux termes contractuels, effectivement une libéralité, et ne créant donc pas de droits acquis pour leur bénéficiaires, ni en leur principe, ni en leur montant ;

Attendu que dans ces conditions, la cour considère que c'est à tort que [E] [E]-[A] fait état d'une modification unilatérale de son contrat et la déboute de toute de demande de ce chef ;

D/ sur la discrimination

Attendu que le conseil de prud'hommes ne s'est pas prononcé expressément sur ce chef de demande qui lui avait été soumis ;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa version applicable, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation, en raison de...son état de santé ou de son handicap ;

Attendu que l'article L. 1134-1 du même code dispose qu'en cas de litige relatif à l'application du texte précédent, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Attendu qu'à ce titre, [E] [E]-[A] considère que la volonté manifeste de l'employeur de ne pas la reclasser conformément à ses fonctions après un accident du travail constitue une mesure de discrimination qui peut être relevée également dans la diminution de la rémunération variable depuis cet accident ;qu'elle cite également comme mesure discriminatoire le fait de ne pas avoir été reçue en entretien pour un poste de reclassement alors qu'en 2014, elle n'était toujours pas reclassée et que le poste de directeur de la succursale d'[Localité 3] en Provence était disponible ou qu'elle aurait pu occuper le poste de responsable des experts ; qu'enfin elle n'a pas reçu la prime de mobilité de 3.500 € prévue en cas de suppression de poste et que tel a été le cas lorsque le poste de directeur de l'agence de Saint Barnabé a été supprimé ;

Attendu que l'appelante présente ainsi des éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte que l'employeur peut discuter et à partir desquels il peut justifier que les décisions prises ont été motivées par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination ;

Attendu que la cour considère que la diminution de la rémunération variable, n'est pas rattachable, compte-tenu de sa nature, à un acte procédant d'une discrimination à raison de l'état de santé, la salariée n'ayant d'ailleurs pas, usé des moyens de recours prévus en la matière, comme le fait observer la banque ; qu'il a été jugé que [E] [E]-[A] ne pouvait prétendre du seul fait de son accident du travail à l'accession à un poste de direction en succursale ; que ses observations relatives à sa candidature au poste de responsable de l'animation des experts, sont, comme le fait, observer la banque peu pertinentes, dans la mesure où les candidatures pour ce poste, basé en Ile de France, ont été ouvertes en décembre 2013 et closes en février 2014 ; que s'il apparaît que [E] [E]-[A] a postulé le 27 janvier 2014, soit moins d'une quinzaine de jours après avoir accepté le poste de chargé de prospection, elle ne peut faire état, que la banque n'ait pas donné suite à cette candidature, en raison de son état de santé, aucun élément corroborant les faits n'étant produit en ce sens ;

Attendu enfin que [E] [E]-[A] n'établit en rien que l'absence de perception de la prime de mobilité, à supposer qu'elle ait réuni les conditions pour y prétendre, ce qui n'est pas établi, la salariée ne formulant d'ailleurs aucune revendication salariale à cet égard, ainsi que le souligne l'employeur, procède d'un comportement discriminatoire de ce dernier à raison de l'état de santé ;

Attendu qu'en conclusion, la cour déboute [E] [E]-[A] de sa demande en dommages-intérêts au titre de la discrimination prétendument subie ;

Attendu que la cour retenant le harcèlement moral, l'exécution déloyale du contrat de travail, considère que ces manquements étaient suffisamment graves pour empêcher le maintien des relations contractuelles et rendre fondée la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail; qu'elle infirme en conséquence la décision de première instance ;

§ sur les conséquences et l'indemnisation

Attendu que lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement; qu'en l'espèce [E] [E]-[A] ayant été licenciée par courrier du 16 février 2015, la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée à cette date ;

Attendu que la résiliation judiciaire en raison d'un harcèlement moral reconnu a les effets d'un licenciement nul ;

Attendu que le salarié qui a fait l'objet d'un licenciement reconnu nul et qui ne demande pas sa réintégration a droit à des dommages-intérêts représentant au moins 6 mois de salaire ;

Attendu qu'au titre du préjudice subi, [E] [E]-[A] fait valoir les traitements médicaux qu'elle a du suivre, et les séquelles psychologiques, physiques qu'elle connaît toujours; qu'elle explique ne pas avoir retrouvé d'emploi, être dans une situation financière précaire, n'étant plus bénéficiaire de l'allocation d'aide de retour à l'emploi et avoir dû mettre en vente sa maison; qu'il est produit effectivement un mandat de vente à l'été 2015, la cour notant que [E] [E]-[A] apparaît toutefois toujours domiciliée à cette adresse pour cette instance et que ne sont pas produits d'éléments relatifs à une recherche d'emploi ;

Attendu que compte-tenu de l'ancienneté de [E] [E]-[A] (9 ans), de son âge au moment du licenciement (41 ans), de son salaire (de l'ordre de 5000 €), de l'étendue de son préjudice, caractérisé notamment par les éléments médicaux produits au débat, la cour condamne la SA HSBC FRANCE à payer à [E] [E]-[A] la somme de 60.000 € au titre du préjudice résultant de la perte de l'emploi;

Attendu que [E] [E]-[A] formule également une demande de dommages-intérêts au titre de la réparation du préjudice résultant du harcèlement moral, et au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail ;

Attendu que ces préjudices sont isolément indemnisables dès lors qu'ils sont distincts ; qu'au titre du harcèlement, [E] [E]-[A] fait valoir un préjudice constitué par 'la création de conditions de travail insupportables ayant généré pour elle de l'isolement, une mauvaise image d'elle-même, une perte de confiance en ses capacités'; qu'au titre de la violation de l'exécution de bonne foi dans le contrat de travail, [E] [E]-[A] invoque 'un préjudice moral et professionnel';

Attendu que la cour reconnaît l'existence d'un préjudice distinct tel que qualifié par la salariée au titre du harcèlement moral qu'elle indemnise par l'allocation d'une somme de 20.000 € ; qu'en revanche, le préjudice invoqué au titre de la violation de l'exécution de bonne foi dans le contrat de travail n'est pas spécialement qualifié et est pris en compte par la cour au titre de la somme allouée pour réparer la rupture abusive ;

§ sur les autres demandes

Attendu que les intérêts au taux légal pour les créances de nature indemnitaire courent non pas à compter de la demande comme le soutient la salariée mais à partir de leur fixation judiciaire ; qu'il n'y a donc pas lieu d'ordonner leur capitalisation ;

Attendu que antérieurement à la loi du 8 août 2016, la condamnation de l'employeur à rembourser les indemnités chômage perçues par le salarié n'était pas prévue en cas de licenciement nul ; que la résiliation judiciaire étant prononcée en l'espèce, à la date du 16 février 2015, il y a lieu d'infirmer les dispositions du jugement portant condamnation de ce chef en application de l'article L 1235-4 dans sa version applicable de l'époque ;

Attendu que les dispositions du jugement sont confirmées s'agissant des frais irrépétibles et des dépens ;

Attendu qu'en cause d'appel, la cour alloue à [E] [E]-[A] la somme de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, déboute la SA HSBC FRANCE de sa demande reconventionnelle de ce chef et condamne cette dernière aux dépens;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement sauf en qui concerne les frais irrépétibles et les dépens

Statuant à nouveau

Dit n'y avoir lieu à écarter des débats les pièces versées par la SA HSBC FRANCE

Reçoit l'exception d'incompétence de la juridiction prud'homale soulevée par la SA HSBC FRANCE relative à la violation de l'obligation de sécurité invoquée en l'état de la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale ;

Prononce la résiliation judiciaire aux torts de la SA HSBC FRANCE à la date du 16 février 2015;

Juge que la résiliation judiciaire a les effets d'un licenciement nul ;

Condamne la SA HSBC FRANCE à payer à [E] [E]-[A] :

- la somme de 60.000 € à titre de dommages-intérêts au titre de la rupture abusive du contrat de travail

- la somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral

Déboute [E] [E]-[A] de ses demandes en dommages-intérêts au titre de la violation de l'exécution de bonne foi du contrat de travail, de la modification unilatérale du contrat de travail et de la discrimination

Dit n'y avoir lieu à condamnation de la SA HSBC FRANCE à rembourser les indemnités chômage versées par Pôle emploi à [E] [E]-[A]

Condamne la SA HSBC FRANCE à payer à [E] [E]-[A] la somme de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Déboute la SA HSBC FRANCE de sa demande de ce chef

Condamne la SA HSBC FRANCE aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 16/01645
Date de la décision : 26/01/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°16/01645 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-26;16.01645 ?
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