COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
4e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 18 JANVIER 2018
lb
N° 2018/ 54
Rôle N° 16/08263
[V] [S]
SA AXA FRANCE IARD
SARL BET INGEBAT
C/
[K] [B] épouse [T]
[T] [R]
[N] [Y]
SA SMABTP ET DES TRAVAUX PUBLICS)
SCI SMV
SA ALLIANZ
Société SMA SA (ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE SAGENA)
SAS LA SELVA
Grosse délivrée
le :
à :
Me Jean baptiste TAILLAN
SELARL BOULAN
SCP BADIE
SELARL LIBERAS FICI
SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD
SCP ROBERT
SCP AZE BOZZI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 29 Mars 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 15/09521.
APPELANTS
Monsieur [V] [S]
appelant et intimé
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Jean Baptiste TAILLAN de la SELAS LLC & ASSOCIÉS, avocat au barreau de TOULON substituée par Me Dorothée BRUNET, avocat au barreau de TOULON
SA AXA FRANCE IARD
dont le siège social est [Adresse 2]
représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Stella BEN ZENOU, avocat au barreau de PARIS
SARL BET INGEBAT
dont le siège social est : [Adresse 3]
représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Stella BEN ZENOU, avocat au barreau de PARIS
INTIMES
Madame [K] [B] épouse [T]
demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Armelle BOUTY de la SCP BOUTY & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [N] [Y],
demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Armelle BOUTY de la SCP BOUTY & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
SCI SMV
dont le siège social est [Adresse 5]
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Armelle BOUTY de la SCP BOUTY & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
SA SMABTP
dont le siège social est [Adresse 6]
représentée par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Paul GUILLET de la SELARL PROVANSAL-D'JOURNO-GUILLET & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
SAS LA SELVA
dont le siège social est [Adresse 7]
représentée par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Paul GUILLET de la SELARL PROVANSAL-D'JOURNO-GUILLET & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
SA ALLIANZ
dont le siège social est [Adresse 8]
représentée par Me Danielle ROBERT de la SCP ROBERT & FAIN-ROBERT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, assistée de Me Paul BUISSON, avocat au barreau du VAL D'OISE
Société SMA SA
dont le siège social est : [Adresse 9]
représentée par Me Frantz AZE de la SCP AZE BOZZI & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
Madame [T] [R],
demeurant [Adresse 10]
représentée par Me Isabelle FICI de la SELARL LIBERAS FICI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Marie-Joëlle DESVAUX RAIMOND, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 16 Novembre 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, M. Luc BRIAND, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre
Madame Hélène GIAMI, Conseiller
Monsieur Luc BRIAND, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvaine MENGUY.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Janvier 2018
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Janvier 2018,
Signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :
Madame [K] [T] est gérante de la SCI SMV, laquelle est propriétaire d'un terrain et d'une villa situés au [Adresse 11] (Var).
Madame [T] [R] est propriétaire du terrain voisin situé en contrebas, au 59 de la même voie, sur lequel sont édifiés une villa et une maison de gardien.
Les deux propriétés sont séparées notamment par un mur de soutènement en pierres situé sur la propriété de la SCI SMV.
Madame [R] a souhaité faire édifier un nouveau mur sur sa propriété entre la maison de gardien et le mur de soutènement en pierres appartenant à la SCI SMV. Elle en a confié la maîtrise d'oeuvre à Monsieur [V] [S]. Le bureau d'études techniques (BET) INGEBAT a été chargé d'une mission d'étude. L'entreprise LA SELVA a été chargée des travaux.
Le 10 février 2015, dès le début des travaux entrepris sur la propriété [R], le mur de soutènement s'est effondré après que l'entreprise eut procédé à l'enlèvement des contreforts et à la réalisation de l'affouillement en pied du mur de soutènement en pierres, privant ainsi la propriété de la SCI SMV de tout accès à la voie publique.
A la suite de ce sinistre, une expertise amiable a été organisée au contradictoire des assureurs de mesdames [T] et [R] ainsi que des constructeurs mandatés par cette dernière.
Par ordonnance de référé du 27 mars 2015, un expert a été désigné à la demande Mme [R]. Celui-ci a déposé son rapport le 23 novembre 2015.
Sur assignation à jour fixe de Mme [T] et de la SCI SMV d'une part et de Mme [R] d'autre part, le tribunal a, par jugement du 29 mars 2016 et pour l'essentiel :
-retenu la seule responsabilité de Mme [R],
-constaté que le sinistre était imputable à M. [S], au BET INGEBAT et à l'entreprise LA SELVA et jugé que leur responsabilité était engagée envers Mme [T] et la SCI SMV sur le fondement du trouble anormal de voisinage.
-condamné, pour l'essentiel, in solidum Mme [R], M. [S] et le BET INGEBAT solidairement avec son assureur AXA France et l'entreprise LA SELVA solidairement avec son assureur la SMABTP:
* à verser à la SCI SMV les sommes de 137 580,80 euros au titre des travaux de reprise du mur et 5 000 euros en réparation de l'atteinte à la propriété ;
* à verser à Madame [T] les sommes de 20 000 euros en répération du préjudice de jouissance et 5 000 euros en réparation du préjudice moral.
-condamné in solidum M. [S] et le BET INGEBAT solidairement avec son assureur AXA France et l'entreprise LA SELVA solidairement avec son assureur la SMABTP à garantir Mme [R] de toute condamnation prononcée à l'encontre de cette dernière ainsi qu'à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice de jouissance.
-fixé comme suit la responsabilités: entreprise LA SELVA 45%, maître d'oeuvre [S] 30%, BET INGEBAT 25%.
Par acte du 3 mai 2016, la SA AXA France IARD, la SARL BET INGEBAT et M. [S] ont régulièrement relevé appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 6 septembre 2016, M. [S] demande à la cour de juger que l'expert ne pouvait lui attribuer 30% de responsabilité sur un plan technique et de condamner la SMA SA à le garantir de toute condamnation ainsi qu'à lui payer une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Il demande également à la cour de débouter Mme [T] de sa demande au titre du préjudice de jouissance et de réduire « à de plus justes proportions » les demandes indemnitaires de celle-ci et de la débouter de ses autres demandes.
Il soutient notamment que, n'étant chargé que d'une mission partielle de maîtrise d''uvre, sa responsabilité dans la survenance du sinistre ne peut, en tout état de cause, excéder une part résiduelle compte tenu des missions confiées aux autres intervenants.
Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 29 septembre 2016, la société SMA SA demande notamment à la cour de confirmer sa mise hors de cause et de condamner toute partie succombante à lui verser une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiés par RPVA le 11 octobre 2017, Mme [R] demande principalement à la cour, sur le fondement des articles 544, 1147, 1240, 1382, 1386 du code civil, 245 'ou' 256 du code de procédure civile, de réformer le jugement en ce qu'il n'a pas considéré la SCI SMV et Mme [T] comme partiellement responsables de leurs dommages.
Dans leurs conclusions du 9 février 2017, la SA SMABTP et la SAS LA SELVA demandent à la cour, réformant le jugement attaqué, de :
-donner acte à la SMABTP de ce qu'elle accepte de garantir son sociétaire, la SAS LA SELVA, pour sa part de responsabilité dans le sinistre survenu le 10 février 2015,
-faire application au profit de la SMABTP de la franchise contractuelle de 1 020 euros,
-infirmer le jugement en ce qu'il a imputé une part de responsabilité de 45% à la société LA SELVA,
-juger que la contribution de la société LA SELVA à la dette sera limitée à 20%,
-condamner in solidum M. [S] et son assureur, la société SMA SA, le bureau d'étude INGEBAT et son assureur AXA à relever et garantir l'entreprise la LA SELVA et son assureur la SMABTP à hauteur de 80% des condamnations qui pourront être prononcées à son encontre,
-limiter la somme allouée à Mme [R] à un maximum de 81 791,65 euros,
-débouter la SCI SMV de sa demande présentée au titre des travaux optionnels pour un montant de 9 328 euros,
-débouter la SCI SMV de ses demandes tendant à être indemnisée du fait de l'atteinte à sa propriété par la mise en place de tirants, clous et croix de Saint-André, en tréfonds sur sa propriété,
-dire que les frais de procès-verbal de constat à hauteur de 450 euros sollicités par Mme [T] suivront le sort des dépens,
-débouter Mme [T] de ses demandes formées à hauteur de 12 921,24 euros en remboursement des frais de véhicule,
-dire que les frais et honoraires de Monsieur [P] devront suivre le sort des frais irrépétibles,
-limiter à 5 000 euros le montant de l'indemnité allouée à Mme [T] en réparation de son préjudice de jouissance,
-limiter à 5 000 euros le montant de l'indemnité allouée à Mme [T] en réparation de son préjudice moral,
-condamner tout succombant au dépens, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître ERMENEUX.
A l'appui de leurs demandes, la SA SMABTP et la SAS LA SELVA soutiennent notamment que le sinistre est survenu essentiellement en raison d'une insuffisance manifeste de conception de l'architecte et du bureau d'étude, qui n'ont pas réalisé d'investigations géotechniques, et que les demandes indemnitaires de la SCI SMV et de Mme [T] sont excessives, voire infondées.
Dans ses dernières conclusions déposées le 10 février 2017 par RPVA, la société ALLIANZ demande à la cour de :
-infirmer le jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée à garantir Mme [R] de toutes condamnations prononcées à l'encontre de la SCI SMV et de Mme [T],
-dire que la garantie due par elle à Mme [R] sera limitée à la somme de 50 311,28 euros, au titre des travaux de reprise du mur de soutènement et du chemin d'accès,
-confirmer le jugement entrepris en tant qu'il a condamné la SAS LA SELVA, son assureur la SMABTP, M. [S], le BET INGEBAT, son assureur AXA France IARD à garantir la société ALLIANZ de toutes sommes et condamnations prononcées contre ALLIANZ,
-y ajoutant et à titre principal, condamner in solidum la société LA SELVA, son assureur SMABTP, M. [S], le BET INGEBAT, son assureur AXA à garantir la société ALLIANZ de toutes sommes et condamnations prononcées contre cette dernière société.
-à titre subsidiaire, dire que les constructeurs désignés comme responsables et leurs assureurs respectifs garantiront ALLIANZ de toutes les condamnations prononcées contre elle,
-débouter Mme [R] de l'ensemble de ses demandes,
-condamner la partie succombante à lui verser une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner la partie succombante aux dépens.
Elle soutient notamment que les travaux de reprise ont été chiffrés par l'expert à la somme de 50 311,28 euros et qu'elle-même n'est tenue de couvrir que les conséquences du sinistre, non la cause du sinistre, à savoir le budget initial des travaux.
Dans ses dernières conclusions notifiés du 18 mai 2017, Mme [R] demande notamment à la cour, sur le fondement des articles 544, 1147, 1240, 1382, 1386 du code civil, de:
-déclarer irrecevables les demandes de M. [Y],
-limiter le montant de la réclamation globale de la SCI SMV à la somme de 124 086, 80 euros ou 126 086,80 euros, selon les hypothèses,
-débouter la SCI SMV de sa demande formée à hauteur de 20 000 euros et, à titre subsidiaire, la limiter à la somme de 5 000 euros,
-débouter Mme [T] de sa demande formée à hauteur de 20 000 euros au titre du préjudice de jouissance et, à titre subsidiaire, la limiter à la somme de 5 000 euros,
-débouter Mme [T] de sa demande formée à hauteur de 20 000 euros au titre du préjudice moral et, à titre subsidiaire, la limiter à la somme de 5 000 euros,
-débouter Mme [T] de sa demande formée à hauteur de 22 485,03 euros au titre des frais de location d'un véhicule,
-débouter Mme [T] de ses demandes à hauteur de 2 992 euros au titre des frais d'expertise pour M. [P] et à hauteur de 450 euros pour les frais d'huissier,
-débouter la société ALLIANZ de ses demandes de limitation de garantie,
-condamner la société ALLIANZ à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre,
-condamner la société ALLIANZ à la garantir à hauteur de 15 924,27 euros au titre des études préalables aux travaux de réfection, aux travaux provisoires et à la location de la passerelle,
-dire que cette condamnation pourra être prononcée in solidum avec la SAS LA SELVA, la SMABTP, M. [S], le BET INGEBAT et AXA France IARD,
-condamner la société ALLIANZ à lui payer la somme de 24 050 euros au titre de sa protection juridique,
-à titre subsidiaire, condamner la société ALLIANZ à lui payer la somme de 24 050 euros à titre de dommages et intérêts,
-condamner la société ALLIANZ à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral.
Dans leurs conclusions du 27 octobre 2017, M. [Y], Mme [T] et la SCI SMV demandent notamment à la cour de réformer le jugement en ce qu'il a déclaré l'intervention de M. [Y] irrecevable et en ce qu'il a estimé que l'actualisation des demandes indemnitaires de la SCI SMV et de Mme [T] étaient des prétentions nouvelles.
Ils demandent également à la cour de condamner in solidum :
- Mme [R], M. [S] et son assureur la SMA SA, le BET INGEBAT et son assureur AXA FRANCE IARD, la société LA SELVA et son assureur la SMABTP à verser à la SCI SMV la somme de 145 070,60 euros au titre des travaux de reprise du mur de soutènement et du chemin d'accès à la propriété ainsi que 20 000 euros en indemnisation de l'atteinte portée à sa propriété par les travaux de confortement (réalisation de tirants),
- Mme [R], M. [S] et son assureur la SMA SA, le BET INGEBAT et son assureur AXA FRANCE IARD, la société LA SELVA et son assureur la SMABTP à verser à Mme [T] et M. [Y] la somme de 28 241,64 euros au titre de la location d'un véhicule.
- Mme [R], M. [S] et son assureur la SMA SA, le BET INGEBAT et son assureur AXA FRANCE IARD, la société LA SELVA et son assureur la SMABTP à verser à Mme [T] diverses sommes au titre des frais d'assistance technique, du constat d'huissier; du préjudice de jouissance et des préjudices moraux.
Dans ses conclusions du 30 octobre 2017, la SA AXA demande, à titre principal, à la cour d'exonérer INGEBAT de toute responsabilité.
Elle soutient que le tribunal n'a pas caractérisé de lien de causalité entre l'effondrement du mur et la misson d'INGEBAT et que LA SELVA et M. [S] sont seuls à l'origine du sinistre.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 31 octobre 2017.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture :
Il n'est justifié d'aucune cause grave au sens de l'article 784 du code de procédure civile, applicable par renvoi de l'article 907, de nature à justifier la révocation de l'ordonnance de clôture ; il y a donc lieu de déclarer irrecevables les conclusions nouvelles de Mme [R] déposées le 10 novembre 2017, après clôture de l'instruction.
Sur l'intervention volontaire de M. [Y] et la recevabilité de ses demandes :
En vertu des articles 788 à 792 du code de procédure civile, toute nouvelle partie qui souhaite présenter ses demandes dans le cadre d'une procédure à jour fixe déjà autorisée doit se conformer aux dispositions de l'article 788 précité en présentant une requête, ses conclusions et en visant les pièces justificatives.
Aux termes de l'article 329 du code de procédure civile: 'L'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme'. Aux termes de l'article 330 du même code: 'L'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie'.
En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. [Y] est intervenu par des conclusions par lesquelles il élève des prétentions à son profit, notamment en ce qu'il sollicite l'indemnisation d'un préjudice matériel causé à un véhicule dont il est l'unique propriétaire, de sorte que son intervention volontaire a été formée à titre principal.
Par suite, M. [Y] n'ayant pas sollicité l'autorisation d'assigner à jour fixe, c'est à juste titre que le premier juge a déclaré son intervention irrecevable.
1. Sur les responsabilités :
1.1 Sur la responsabilité de Mme [T] et de la SCI SMV :
Aux termes de l'article 1386 du code civil dans sa rédaction alors en vigueur: 'Le propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu'elle est arrivée par une suite du défaut d'entretien ou par le vice de sa construction.'
En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport d'expertise judiciaire, que l'effondrement du mur ne trouve pas sa cause dans un défaut d'entretien, cet effondrement ayant été causé principalement par l'affouillement de la fondation de ce mur sur un linéaire important et, secondairement, par un défaut d'étaiement, l'enlèvement des butons et de récentes intempéries.
Par suite, les demandes formées à ce titre contre Mme [T] et la SCI SMV ne peuvent qu'être rejetées.
1.2 Sur la responsabilité de Mme [R] :
Nul ne doit causer à autrui un trouble anormal du voisinage.
Mme [T] était, en sa qualité de gérante majoritaire de la SCI SMV, en droit d'occuper le bien à titre personnel, occupation dont elle justifie d'ailleurs par la production de témoignages, de sorte qu'elle était, ainsi que l'a jugé le tribunal, recevable à agir à titre personnel contre Mme [R].
Il ressort des pièces du dossier que le dommage, qui n'a pas été causé par un défaut d'entretien du mur, trouve son origine dans les travaux entrepris par Mme [R] et a entraîné l'effondrement de ce mur et la clôture du chemin d'accès.
Ces dommages excèdent manifestement les inconvénents normaux de voisinage, de sorte que la responsabilité de Mme [R] est engagée.
1.3 Sur la responsabilité des intervenants aux travaux :
Sont responsables de plein droit vis-à-vis des voisins victimes sur le fondement de la prohibition du trouble anormal de voisinage, le propriétaire de l'immeuble auteur des nuisances et les constructeurs à l'origine de celles-ci, dès lors que les troubles subis sont en relation de cause directe avec la réalisation des missions confiés à ce constructeurs, qui ont la qualité de voisins occasionnels des propriétaires lésés. La circonstance que la mission de certains des intervenants aurait été purement intellectuelle et que ceux-ci n'auraient pas été présents physiquement présents sur les lieux est, à cet égard, indifférente.
En l'espèce, la convention d'études conclue entre Mme [R] et le BET INGEBAT l'a été pour « la mission étude », comprenant « 2 études : 1. L'avant projet (section de l'ouvrage, ratio d'acier) / 2. Plan des coffrage et armatures ». Or, il ressort des pièces du dossier, et en particulier du rapport d'expertise, que le BET a fourni des plans sans commentaires et sans méthodologie d'exécution, alors même que l'ouvrage présentait une complexité particulière pour une entreprise non spécialisée, et préconisé une solution inadaptée. La faiblesse de l'étude ainsi réalisée, qui ne tenait pas sufisamment compte de l'environnement de l'ouvrage et notamment du sol et, ainsi, ne se préocupait pas de l'efficacité de l'ouvrage en projet, est en relation directe avec le dommage causé.
En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier en date du 10 octobre 2014 adressé à Mme [R] par M. [S], que ce dernier était chargé d'une mission consistant en un avant projet, un appel d'offres et la passation des marchés, mais aussi en la direction des travaux et la réception des ouvrages. Le travail ainsi réalisé est en relation directe avec le dommage causé.
Enfin, il n'est pas contesté que l'entreprise LA SELVA a réalisé les travaux d'édification du nouveau mur, et réalisé en particulier le creusement de la fouille le 10 février 2015, ayant entraîné la chute du mur, de sorte que ces travaux sont, de même, en relation directe avec le dommage causé.
Par suite et sans qu'il soit besoin de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, la responsabilité de l'entreprise LA SELVA, de M. [S] et du BET INGEBAT est engagée, ceux-ci n'étant, ainsi qu'il a été dit, pas fondés à opposer l'existence d'un défaut d'entretien du mur.
2. Sur le quantum des préjudices :
2.1 Sur la demande formée par Mme [R] au titre des travaux rendus nécessaires 'après le nettoyage du chantier' :
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile: 'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'
En application de ce texte, la demande formée pour la première fois devant la cour par Mme [R] et dirigée contre les constructeurs et leurs assurances, pour un montant de 9 157,70 euros, est irrecevable.
2.2 Sur les autres demandes:
Le jugement déféré repose sur des motifs exacts et pertinents que la cour adopte. La décision entreprise sera donc confirmée de ce chef.
3. Sur la garantie des assureurs :
Le jugement déféré repose, là encore, sur des motifs exacts et pertinents que la cour adopte. La décision entreprise sera donc confirmée de ce chef, à l'exception des demandes formées par les compagnies AXA et SMABTP au titre de leurs franchises contractuelles.
En effet, la société AXA justifie en appel, ce qu'elle n'avait pas fait devant le premier juge, de l'existence et du montant de la franchise contractuelle, fixé à 1 000 euros. De même, la compagnie SMABTP justifie de l'existence et du montant de la franchise contractuelle, fixé à 1 020 euros.
4. Sur les condamnations :
Au vu des éléments qui précèdent, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en tant qu'il a condamné in solidum Mme [R], M. [S], le BET INGEBAT solidairement avec son assureur AXA FRANCE IARD, la société LA SELVA solidairement avec son assureur la SMABTP, à verser à la SCI SMV les sommes suivantes:
- 137 580,80 euros TTC au titre des travaux de reprise du mur de soutènement et du chemin d'accès,
- 5 000 euros en réparation de l'atteinte à la propriété portée par les travaux de confortement concernant la mise en place de tirants.
Le jugement déféré sera également confirmé en tant qu'il a condamné in solidum Mme [R], M. [S], le BET INGEBAT solidairement avec son assureur AXA FRANCE IARD, la société LA SELVA solidairement avec son assureur la SMABTP, à verser à Mme [T] les sommes suivantes:
- 20 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance,
- 5 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Sur la garantie due par la compagnie ALLIANZ à Mme [R], le jugement déféré reposant sur des motifs exacts et pertinents que la cour adopte. La décision entreprise sera donc confirmée de ce chef.
5. Sur les demandes de Mme [R] à l'encontre des intervenants à la construction :
5.1 Sur le recours de Mme [R] à l'encontre des intervenants à la construction:
C'est à juste titre que le premier juge, ayant relevé que Mme [R] n'avait aucune connaissance en matière de construction et qu'elle s'était entourée de professionnels, n'avait commis aucune faute, sans qu'il puisse lui être reproché de ne pas avoir souscrit d'assurance dommage ouvrage ou de ne pas avoir fait appel à un contrôleur technique, actions qui ne sont pas à l'origine du sinistre, ni d'avoir bénéficié d'une enrichissement sans cause au motif qu'elle aurait fait l'économie de la construction du reste de son ouvrage.
Par suite, le jugement ne peut qu'être confirmé en tant qu'il condamne in solidum la société LA SELVA, son assureur la SMABTP, M. [S], le BET INGEBAT, son assureur AXA FRANCE IARD à garantir intégralement Mme [R] de toutes condamnations prononcées à son encontre
De même, le jugement, qui se prononce par motifs pertinents que la cour adopte, sera confirmé en ce qu'il condamne in solidum la société LA SELVA, son assureur la SMABTP, M. [S], le BET INGEBAT, son assureur AXA FRANCE IARD à rembourser à Mme [R] la somme de 12 752,29 euros dont elle a fait l'avance au titre du préfinancement de travaux provisoires.
5.2 Sur les demandes de dommages et intérêts formées par Mme [R] à l'encontre des constructeurs et de leurs assureurs :
Le jugement déféré reposant sur des motifs exacts et pertinents que la cour adopte. La décision entreprise sera donc confirmée de ce chef.
6. Sur le partage des responsabilités :
En leur qualité de coauteurs, obligés solidairement à la réparation du même dommage, les constructeurs ne peuvent être tenus entre eux que chacun pour sa part déterminée à proportion du degré de gravité des fautes respectives.
Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport d'expertise, que la cause principale et fondamentale du dommage est l'affouillement de la fondation du mur sur un linéaire important, de l'ordre de 5 à 6 mètres, les causes secondaires étant le défaut d'étaiement, l'enlèvement des butons et les intempéries récentes.
Or, en premier lieu, le maître d'oeuvre, M.[S], dont la mission ne se limitait pas au seul établissement d'un 'avant projet' mais qui était tenu d'évaluer la complexité des travaux à mener au regard notamment de la nature du sol, le cas échéant en recourant aux services d'un géotechnicien lorsque, comme en l'espèce, une telle mesure était nécessaire, de préparer la réalisation de ces travaux, notamment par l'élaboration d'un phasage adapté et plus généralement à la préparation d'une méthodologie d'exécution, n'a pas procédé à ces opérations, de sorte que sa responsabilité sera retenue à hauteur de 30%.
En deuxième lieu, la société INGEBAT a, ainsi que le relève le rapport d'expertise, fourni des plans sans commentaires et sans méthodologie d'exécution, alors même que l'ouvrage présentait une complexité particulière pour une entreprise non spécialisée, et a préconisé une solution inadaptée. Sa responsabilité sera retenue à hauteur de 25%.
En dernier lieu, il ressort également des pièces du dossier, en particulier du rapport d'expertise, que l'entreprise LA SELVA, qui n'était pourtant pas spécialisée dans les travaux de confortement ou les travaux de reprise en sous oeuvre, a exécuté les travaux sans prendre les précautions élémentaires, mettant en place des étais sous dimensionnés tant en nombre qu'en résistance et sans élément de répartition contre le mur en maçonnerie. Elle a, en outre et ainsi que l'a relevé le premier juge, terrassé en pied en dessous du niveau de la fondation du mur, sur plusieurs mètres linéaires. La survenance du sinistre lui est donc imputable à hauteur de 45%.
Le jugement du tribunal de grande instance sera donc également confirmé sur ce point.
7. Sur les demandes de dommages et intérêts formées par Mme [R] contre la compagnie ALLIANZ :
Le jugement déféré repose, en son point 12, sur des motifs exacts et pertinents que la cour adopte. La décision entreprise sera donc confirmée de ce chef.
8. Sur le recours subrogatoire de la société ALLIANZ:
Le jugement déféré repose là encore, en son point 13, sur des motifs exacts et pertinents que la cour adopte. La décision entreprise sera donc confirmée de ce chef.
9. Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile:
Il ya lieu de condamner la société LA SELVA, son assureur la SMABTP, M. [S], le BET INGEBAT, son assureur la compagnie AXA IARD à payer à la SCI SMV la somme de 4 000 euros, ainsi que la même somme à Mme [T].
Aucune considération d'équité ne justifie l'octroi d'une indemnité de ce chef au profit des autres parties, au regard de la mise en oeuvre de l'assurance, de leur succombance ou de leur situation économique respective.
10. Sur les dépens :
Il sera fait masse des dépens d'appel, qui seront supportés par la société LA SELVA, son assureur SMABTP, M. [S], le BET INGEBAT, son assureur AFA FRANCE IARD, à proportion de sa part de responsabilité ou de celle de son assuré.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
DECLARE IRRECEVABLE les conclusions de Mme [R] déposées le 10 novembre 2017;
REJETTE les demandes formées par Mme [R] au titre des travaux rendus nécessaires 'après le nettoyage du chantier' ;
REFORME le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan en date du 29 mars 2016, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes formées par les compagnies AXA et SMABTP au titre de leurs franchises contractuelles;
Statuant à nouveau de ces chefs:
DIT que la compagnie AXA FRANCE IARD est fondée à opposer à la société BET INGEBAT la franchise contractuelle d'un montant de 1 000 euros ;
DIT que la compagnie SMABTP est fondée à opposer à l'entreprise LA SELVA la franchise contractuelle d'un montant de 1 020 euros ;
CONFIRME le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions,
FAIT MASSE des dépens d'appel et condamne la société LA SELVA, son assureur SMABTP, M. [S], le BET INGEBAT, son assureur AFA FRANCE IARD à en assumer la charge à proportion de leur part de responsabilité ou de celle de leur assuré.
DIT que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société LA SELVA, son assureur la SMABTP, M. [S], le BET INGEBAT, son assureur la compagnie AXA IARD à payer à la SCI SMV la somme de 4 000 euros, ainsi que la même somme à Mme [T].
LE GREFFIERLE PRESIDENT