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11/01/2018 | FRANCE | N°16/13807

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 11 janvier 2018, 16/13807


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 11 JANVIER 2018



N° 2018/ 002













Rôle N° 16/13807







CPAM DES ALPES DE HAUTE PROVENCE





C/



[G] [X]

[K] [B]

[J] [N] divorcée [L]

SA SWISS LIFE ASSURANCE DE BIENS

SA LA MEDICALE

SA HOPITAL PRIVE RESIDENCE DU PARC













Grosse délivrée

le :

à :

l'ASSOCIATION FAURE




SCP F. ROSENFELD



Me Florence RICHARD



SELARL BOULAN















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILE en date du 02 Juin 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 12/06915.





APPELANTE



CPAM DES ALPES DE HAUTE ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 11 JANVIER 2018

N° 2018/ 002

Rôle N° 16/13807

CPAM DES ALPES DE HAUTE PROVENCE

C/

[G] [X]

[K] [B]

[J] [N] divorcée [L]

SA SWISS LIFE ASSURANCE DE BIENS

SA LA MEDICALE

SA HOPITAL PRIVE RESIDENCE DU PARC

Grosse délivrée

le :

à :

l'ASSOCIATION FAURE

SCP F. ROSENFELD

Me Florence RICHARD

SELARL BOULAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILE en date du 02 Juin 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 12/06915.

APPELANTE

CPAM DES ALPES DE HAUTE PROVENCE,

dont le siège social est : [Adresse 1]

représentée par Me Ahmed-cherif HAMDI de l'ASSOCIATION FAURE & HAMDI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Ouarda MESELLEM, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [K] [B],

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Florence RICHARD, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [J] [N] divorcée [L]

née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1],

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me François ROSENFELD de la SCP F. ROSENFELD- G. ROSENFELD & V. ROSENFELD, avocat au barreau de MARSEILLE

SA SWISS LIFE ASSURANCE DE BIENS,

dont le siège social est : [Adresse 4]

représentée par Me Florence RICHARD, avocat au barreau de MARSEILLE

SA LA MEDICALE,

dont le siège social est : [Adresse 5]

représentée par Me François ROSENFELD de la SCP F. ROSENFELD- G. ROSENFELD & V. ROSENFELD, avocat au barreau de MARSEILLE

SA HOPITAL PRIVE RESIDENCE DU PARC,

dont le siège social est :[Adresse 6]

représentée par Me Patrick WILSON de l'ASSOCIATION WILSON/DAUMAS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Julien SUBE, avocat au barreau de MARSEILLE, Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

Madame [G] [X]

née le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 2],

demeurant [Adresse 7]

défaillante

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Novembre 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Anne VELLA, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier GOURSAUD, Président

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

Madame Anne VELLA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvaine MENGUY.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Janvier 2018

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Janvier 2018,

Signé par Monsieur Olivier GOURSAUD, Président et Madame Sylvaine MENGUY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

À la suite d'une défenestration, Mme [G] [X] a présenté une fracture des vertèbres, une section du nerf sciatique, un traumatisme crânien, ainsi qu'une fracture des deux calcanéums droit et gauche, cette dernière ayant été prise en charge le 24 avril 2001 par le docteur [B], chirurgien orthopédique à l'hôpital privé Résidence du Parc à Marseille. En décembre 2001 des signes d'infection du pied gauche sont apparus. Les prélèvements réalisés ont mis en évidence la présence d'un staphylocoque doré. Le docteur [J] [N] épouse [L], son médecin traitant, a mis en place des traitements antibiotiques, tandis que parallèlement, Mme [X] était toujours suivie par le docteur [B] à l'hôpital privé Résidence du Parc.

Confrontés à la persistance de l'infection, les deux médecins ont préconisé l'admission de la patiente à l'hôpital [Établissement 1] où le 21 août 2002 une amputation du pied a été réalisée. Un retard de cicatrisation et la persistance d'un écoulement ont nécessité une reprise chirurgicale réalisée le 20 septembre 2002.

Au mois de mars 2003 Mme [X] a présenté une récidive infectieuse affectant le moignon de la cheville qui a conduit à une amputation sous le genou gauche réalisé le 18 juin 2003.

Quelques jours auparavant et le 2 juin 2003, Mme [X] a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (Crci) qui a désigné le docteur [I] en qualité d'expert. Il a déposé son rapport le 17 juillet 2003 en concluant à l'existence d'une infection nosocomiale contractée dans les suites de l'intervention initiale du 24 avril 2001, réalisée par le docteur [B] et il a retenu un retard dans la mise en place d'un traitement antibiotique imputable à ce praticien.

Par décision du 13 novembre 2003, la Crci s'est déclarée incompétente pour connaître des actes réalisés et des infections qui se sont présentées avant le 5 septembre 2001. Le 28 novembre 2003 elle a ordonné un complément d'expertise visant les actes pratiqués postérieurement à cette date et confié à un collège d'experts composé des docteurs [S] et [H]. Dans leur rapport du 24 février 2004, ces experts ont estimé que la prise en charge médicale par les docteurs [B] et [N]-[L] aurait pu être plus rapide pour cette infection qui a été, selon eux la conséquence de la défenestration, et non pas de l'intervention. Ils ont cependant ajouté qu'il est peu probable que l'amputation ait pu être évitée.

Dans un avis du 27 mai 2004, la Crci a considéré que les fautes commises par les docteurs [B] et [N]-[L], dans le traitement de l'infection, avaient entraîné pour Mme [X], une perte de chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé correspondant à 50% des préjudices découlant de l'amputation, en retenant une responsabilité partagée à hauteur de 50% entre les deux médecins.

Mme [X] a accepté les propositions d'indemnisation des assureurs des deux médecins pour un montant total de 37'200€.

Par la suite et depuis 2006, Mme [X] a présenté de nouveaux épisodes infectieux du moignon de la jambe gauche. Par ordonnance de référé du 15 juillet 2009, elle a obtenu la désignation d'un nouvel expert en la personne du professeur [V], remplacé par le professeur [G] qui a déposé son rapport le 1er octobre 2011.

Selon ordonnance de référé du 9 mars 2012 une provision de 150'000€ a été allouée à Mme [X], décision toutefois réformée selon arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 24 janvier 2013 qui a débouté la requérante de ses demandes.

Par actes des 7,14 et 15 mai 2012, Mme [X] a fait assigner le docteur [B] et son assureur la société Swiss Life assurances, le docteur [N]-[L] et son assureur la Médicale de France et l'hôpital privé Résidence du Parc, devant le tribunal de grande instance de Marseille, pour les voir condamner à l'indemniser de ses préjudices corporels et ce, en présence de la Cpam des Alpes de Haute Provence.

Par jugement du 22 mai 2014, le tribunal de grande instance de Marseille a annulé l'expertise du professeur [G] et il a ordonné une nouvelle expertise confiée au docteur [M] qui a déposé son rapport le 9 avril 2015 en concluant à l'existence de manquements, entre le mois de septembre 2001 et le mois de juin 2002, entraînant un retard de diagnostic et par la suite un retard à la thérapeutique, mais il a aussi conclu à l'absence de manquement postérieurement au mois de juin 2002.

Par jugement du 2 juin 2016, cette juridiction a :

- constaté le désistement du docteur [N]-[L] et de la société la Médicale à l'encontre de Mme [X] ;

- déclaré ce désistement parfait entre elles ;

- condamné in solidum le docteur [B] et son assureur la Swiss Life assurances à payer à Mme [X] la somme de 11.025€ dont il convient de déduire la provision déjà versée ;

- débouté Mme [X] de ses demandes dirigées à l'encontre de l'hôpital privé la Résidence du Parc;

- débouté la Cpam des Hautes Alpes de ses demandes ;

- condamné in solidum le docteur [B] et son assureur la Swiss Life assurances aux entiers dépens, à l'exception des dépens ayant fait l'objet du protocole d'accord entre le docteur [N]-[L], la société la médical et Mme [X] ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Après avoir sollicité la restitution de la provision versée, le docteur [N]-[L] s'est désistée de ses demandes au regard du protocole conclu avec Mme [X], qui elle-même a indiqué accepter ce désistement comprenant les demandes relatives aux frais et aux dépens.

Pour retenir la responsabilité du docteur [B], le tribunal a estimé, conformément aux conclusions de l'expert [M], non contestées sur ce point, qu'il existe une relation de causalité entre l'état actuel de Mme [X] et le défaut de prise en charge de l'infection entre le mois de décembre 2001 et le mois de juin 2002. Il a procédé à l'indemnisation du préjudice de la victime en lui allouant la somme de 1050€ au titre du déficit fonctionnel temporaire total, outre la somme de 9975€ en réparation du déficit fonctionnel temporaire partiel soit au total la somme de 11'025€.

En revanche, il a considéré que la preuve qu'une infection nosocomiale aurait été contractée par Mme [X] dans l'établissement de santé la Résidence du Parc n'est pas établie et il l'a donc déboutée de ses demandes dirigées contre lui.

Pour statuer ainsi, après avoir rappelé que l'action est fondée sur l'article 1147 du code civil puisque le fait litigieux du 25 avril 2001 est antérieur à l'application de la loi du 4 mars 2002, il s'est appuyé sur l'expertise du docteur [M] qui a indiqué que le pied de Mme [X] présentait des troubles neurologiques sur lesquels se sont développées des troubles trophiques qui en ont affecté l'évolution, ainsi qu'une infection. L'expert ne fait donc pas état d'une infection de nature nosocomiale ni d'une infection survenue au cours de l'opération du 24 avril 2001. Si l'expert n'a pas pris position sur la nature nosocomiale ou non de l'infection, le rapport d'expertise conjoint des docteurs [S] et [H] indique que l'infection subie n'est pas une infection nosocomiale mais une infection sur pied neurologique, ce qu'ils déduisent de la distance avec l'opération, de l'histoire de la maladie et du germe ; l'infection étant la conséquence de la défenestration et non de l'intervention, en précisant que la cicatrisation se fait très mal sur les pieds présentant des troubles neurologiques et nécessite une prise en charge thérapeutique très rigoureuse qui n'a pas intégralement été respectée par la patiente.

En l'absence de ventilation par la caisse primaire d'assurance-maladie des Hautes-Alpes de ses débours ce qui ne permet pas de déterminer les frais médicaux dus aux manquements retenus à l'encontre des professionnels, le tribunal a rejeté les demandes au titre des frais médicaux et il a statué de la même manière pour les frais pharmaceutiques, de transport et de frais d'appareillages. S'agissant des indemnités journalières et du capital invalidité, l'expert n'a retenu aucune incidence professionnelle et il ressort des déclarations de la victime qu'elle était en arrêt de travail au moment de l'accident. La Cpam a été intégralement déboutée de ses demandes.

Par acte du 22 juillet 2016, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la Cpam des Alpes de Hautes Provence a interjeté appel général de cette décision.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses conclusions du 26 octobre 2017, la Cpam des Alpes de Hautes Provence demande à la cour de :

' constater que les différents experts désignés ont retenu les fautes conjointes des docteurs [B] et [N]-[L] entre le mois de décembre 2011 et le mois de juin 2002 ;

' constater que l'état actuel de Mme [X] est la conséquence directe du défaut de prise en charge de l'infection entre décembre 2001 et juin 2002 par les docteurs [B] et [N]-[L] ;

' constater puis juger que la responsabilité des docteurs [B] et [L] est engagée à parts égales, soit 50% chacun dans la réparation des conséquences dommageables de la perte de chance de se soustraire au risque de subir une amputation, risque qui s'est réalisé ;

' constater, puis juger que la perte de chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé doit être évaluée à une fraction correspondant à 50% des préjudices découlant de l'amputation ;

' juger qu'elle est fondée à exercer son recours sur les débours exposés à hauteur de 50%

' en conséquence réformer le jugement ;

' condamner in solidum le docteur [B], la société Swiss Life assurances, le docteur [N]-[L] et la Médicale de France à lui verser avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande soit le 19 juillet 2013 les sommes suivantes :

- 192'639,76€ au titre des prestations versées à l'assurée,

- 1055€ au titre de l'indemnité forfaitaire,

- 5000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

si par extraordinaire la cour devait estimer qu'elle n'est pas fondée à solliciter le remboursement des débours au titre des consultations en psychiatrie, il sera fait droit à sa demande subsidiaire de condamnation in solidum du docteur [B], de la société Swiss Life assurances, du docteur [N]-[L] et de la médicale de France à lui verser la somme de 191'688,56€, montant de ses débours à ce jour avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande soit le 19 juillet 2013 ;

' rejeter toute demande contraire ;

' condamner in solidum le docteur [B], la société Swiss Life assurances, le docteur [N]-[L] et la médicale de France aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle soutient qu'elle est fondée à solliciter à l'encontre des docteurs [B] et [N]-[L] la moitié des débours qu'elle a d'ores et déjà engagés pour son assuré, ainsi que la moitié des débours futurs. Elle fait valoir qu'à partir du mois de juin 2002, l'infection était au stade d'ostéite qui n'a pas été diagnostiquée antérieurement, en l'absence d'examen radiologique prescrit et qui a abouti à la prise en charge pour une ostéoarthrite suivie d'une amputation le 21 août 2002. Les fautes des docteurs [B] et [N]-[L] sont caractérisées et l'état actuel de Mme [X] est la conséquence directe du défaut de prise en charge de l'infection entre décembre 2001 et juin 2002. La perte de chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé est évaluée à une fraction correspondant à 50% des préjudices découlant de cette amputation et la responsabilité des deux médecins est engagée à parts égales soit 50% chacun dans la répartition des conséquences dommageables de la perte de chance.

Les transactions conclues par Mme [X], hors sa présence, ne lui sont pas opposables.

Elle verse aux débats une attestation d'imputabilité aux termes de laquelle seules les prestations liées à l'accident en cause ont été retenues. Elle expose que compte tenu de l'ancienneté des prestations réglées, elle n'est pas en mesure de produire le détail de celles versées à l'assurée antérieurement au 1er janvier 2006.

S'agissant des frais hospitaliers, il est impossible de ventiler les hospitalisations directement imputables aux manquements des médecins et celles liées à l'état antérieur de Mme [X]. Pour partie ses frais résultent de l'état dépressif antérieur de Mme [X], toutefois les hospitalisations en psychiatrie, les consultations et les soins prodigués par son médecin psychiatre sont également la conséquence probable, voire certaine et au moins partielle du défaut de soins consciencieux des docteurs [B] et [L]. Les experts ne se sont pas prononcés sur ce point, mais la cour ne peut faire abstraction de cette réalité. Elle a admis devoir déduire de ses débours les frais d'hospitalisation en psychiatrie soit au total une somme de 97'817,71€ dont les docteurs [B] et [N]-[L], avec leurs assureurs, sont redevables à hauteur de 50 % soit 48'908,85€.

S'agissant des frais médicaux, frais pharmaceutiques, frais d'appareillages et de transport, ils représentent la somme totale de 189'608,21€ dont elle demande le paiement à hauteur de 50% soit la somme de 94'804,10€ intégrant les consultations en psychiatrie. À titre subsidiaire c'est une somme de 93'852,90€ sous déduction de la somme de 951,20€ qu'il convient de lui allouer.

S'agissant des indemnités journalières et du capital invalidité versés, si l'expert a relevé que Mme [X] ne travaillait par à la date de sa tentative de suicide, elle a repris son activité professionnelle de 2007 à 2009. Dès lors le jugement qui a estimé que le lien entre les manquements des médecins et le versement de ces sommes à l'assuré n'était pas démontré est mal fondé, puisque Mme [X] a bien perçu ces indemnités et le capital invalidité pour un montant total de 84'478,06€ dont elle sollicite le remboursement à hauteur de 50% soit 42'239,53€.

S'agissant des frais futurs, elle les évalue à la somme totale de 13'375,55€ et donc la somme de 6687,77€ que les tiers responsables doivent prendre en charge.

Dans leurs conclusions du 27 octobre 2017, le docteur [B] et la société Swiss Life assurances de biens, venant aux droits de la société Suisse Accidents demandent à la cour de :

' confirmer le jugement ;

' débouter la Cpam des Alpes de Hautes Provence de l'ensemble de ses demandes dirigées à leur encontre ;

' statuer ce que de droit sur les frais exposés et les dépens.

Ils soutiennent que les fautes et les manquements ont été constatés entre septembre 2001 et juin 2002 et il n'y a pas eu de faute ultérieure jusqu'en 2014. Il existe une relation de causalité entre l'état actuel de Mme [X], les infections contractées et le défaut de prise en charge de l'infection entre décembre 2001 et juin 2002. L'expert a précisé qu'en l'absence de manquement au cours de cette période, l'évolution aurait été celle d'une fracture complexe de cheville opérée évoluant vers la réalisation d'une arthrodèse probable post-traumatique. Il s'agissait cependant d'un pied avec troubles neurologiques sur lequel se développent des troubles trophiques, là où une infection s'est développée. L'expert a rappelé chez Mme [X] la présence de facteurs à risque comme le tabagisme et un syndrome dépressif sévère.

Les demandes formulées par la Cpam ne peuvent prospérer tant qu'elles ne sont pas suffisamment détaillées et ventilées en fonction des divers postes de préjudice. Le jugement devra donc être confirmé. Ils soulignent que l'expert judiciaire n'a retenu aucune incidence professionnelle de telle sorte que les demandes au titre des indemnités journalières et du capital invalidité ne pourront prospérer.

Aux termes de leurs conclusions du 29 novembre 2016, le docteur [N] et la société La Médicale demandent à la cour de :

' confirmer le jugement qui a débouté la Cpam des Alpes de Hautes Provence de l'intégralité de ses demandes ;

à titre subsidiaire :

' juger que la Cpam des Alpes de Hautes Provence n'est fondée à exercer son recours que sur la moitié des débours qu'elle a exposés dans les suites de l'amputation de Mme [X] ;

' juger que le docteur [B] et la société Swiss Life devront les relever des condamnations prononcées à leur encontre à hauteur de 50 % ;

' rejeter les demandes de la Cpam des Alpes de Hautes Provence visant l'article 700 du code de procédure civile ;

' la condamner à leur verser la somme de 2000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel distrait au profit de leur conseil.

Même si la Cpam des Alpes de Hautes Provence produit désormais une attestation d'imputabilité, ce document ne peut suffire à clore le débat sur les débours. D'ailleurs elle admet elle-même ne pas être en mesure de ventiler les hospitalisations directement imputables aux manquements des médecins de celles liées à l'état antérieur de Mme [X]. Or les dommages dont elle a souffert, sont à l'origine corrélés à une tentative de suicide liée à un état antérieur significatif sur le plan psychiatrique. Les conséquences du suivi psychiatrique et orthopédique qui ressortent d'un état antérieur à la survenue de l'infection, ne peuvent faire l'objet d'une réclamation.

Au titre des frais médicaux, pharmaceutiques, frais d'appareillages de transport, la Cpam persiste à demander le remboursement de toutes les consultations neurologiques et ce en dépit de l'argumentation qu'elle a développée sur l'état antérieur de Mme [X]. Faute pour la Cpam de rapporter la preuve effective du lien existant entre ses débours et la faute commise elle doit être déboutée. Enfin s'agissant des indemnités journalières et du capital invalidité, l'imputabilité de l'arrêt de l'activité professionnelle au regard de la prise en charge n'est pas démontrée.

Ce n'est qu'à titre subsidiaire qu'elles soutiennent que la perte de chance a été évaluée à 50% et que la Cpam ne peut être fondée à exercer son recours que sur la moitié des débours qu'elle a exposés dans les suites de l'amputation.

Par conclusions du 21 novembre 2016, la société Hôpital privée Résidence du Parc demande à la cour de :

' donner acte à la Cpam des Alpes de Hautes Provence qu'elle ne conclut pas à son encontre ;

' la mettre purement et simplement hors de cause ;

' dire ce qu'il appartiendra, sur la demande formulée par la Cpam des Alpes de Hautes Provence à l'encontre du docteur [B], de la société Swiss Life assurances, du docteur [N] et de la médicale de France ;

' condamner tout succombant à lui payer la somme de 2000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de son conseil.

Mme [X], assignée par la Cpam des Alpes de Hautes Provence, par acte d'huissier du 27 octobre 2016, par remise de l'acte en l'étude de l'huissier, n'a pas constitué avocat.

L'arrêt sera rendu par défaut conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'appel porte sur le montant du recours que la Cpam des Alpes de Haute Provence réclame au titre de ses débours en l'état de la perte de chance évaluée à 50% et de l'absence d'infection nosocomiale retenue par le premier juge. Aucune des autres dispositions du jugement n'est discutée devant la cour.

La Cpam indique qu'elle limite sa réclamation aux seuls débours et indemnités servis à Mme [X] au titre de l'aggravation de son état de santé à compter du 1er janvier 2006, liée à la récidive d'infection du moignon de l'assurée. Par ailleurs elle précise qu'elle n'entend pas réclamer le remboursement des frais d'hospitalisation en psychiatrie qu'elle a pris soin d'exclure des débours dont elle demande le remboursement.

Pour évaluer le déficit fonctionnel permanent l'expert judiciaire indique qu'il est imputable à l'amputation et il le fixe à 30%, en précisant qu'il aurait été de 20% sur une arthrodèse. La dimension du suivi psychiatrique n'est pas expressément prise en compte. Toutefois dans le corps de son rapport, le docteur [M] a noté que Mme [X] présente des antécédents de dépression sévère depuis 1994 lors de son divorce, puis en 2000 lors de son inscription comme demandeur d'emploi, dépression facilitée par la mauvaise entente au sein du couple et expliquant le 22 avril 2001, son geste de défenestration du 3ème étage. En page 15 de son rapport il indique qu'à la date des réunions d'expertise, Mme [X] était suivie tous les mois par le docteur [Q], psychiatre au Centre hospitalier de Digne puis par le docteur [J], également psychiatre, et traitée par Lysanxia. Dans un courrier dont le contenu est relaté par le docteur [M], alors que l'infection par 'staphylocoque aureus metis' était déjà révélée, le docteur [A] écrivait le 8 janvier 2002 après avoir évoqué la présence d'une nécrose de l'astragale nécessitant selon lui une arthrodèse complète, que 'le contexte et la pathologie actuelle justifient toujours un suivi psychiatrique'.

Si l'état psychiatrique antérieur et contemporain de la défenestration de Mme [X] ne souffre aucune discussion, il ne peut être sérieusement soutenu que le suivi psychiatrique dont elle a fait l'objet à partir de décembre 2001, est sans lien avec les comportements fautifs retenus à l'encontre des docteurs [B] et [N]. En effet le suivi psychiatrique postérieur a été d'autant plus rendu nécessaire par l'infection à staphylocoque dont elle a souffert et révélée en décembre 2001, ayant conduit à une amputation puis à une aggravation de l'état de la victime en 2006. Cette analyse rejoint celle du docteur [C], médecin conseil de l'organisme social qui dans un document complémentaire et explicatif du 27 janvier 2017 indique que 'l'infection.... aura été un facteur aggravant de l'état psychiatrique antérieur', justifiant des frais pharmaceutiques spécifiques. En conséquence, il n'y a pas lieu de distinguer parmi les frais médicaux et pharmaceutiques, les prises en charge psychiatriques des autres prises en charge.

S'agissant des débours exposés, la Cpam présente, avant limitation du droit à indemnisation un décompte arrêté au 20 septembre 2016 pour 385.282,55€, et correspondant aux postes suivants :

- frais hospitaliers du 23 février 2008 au 1er janvier 2014 : 97.817,71€

- frais médicaux du 6 février 2006 au 4 octobre 214 : 31.405,71€

- frais pharmaceutiques du 6 avril 2007 au 26 septembre 2014 : 52.181,13€

- frais d'appareillage du 11 avril 2007 au 22 septembre 2014 : 50.457,82€

- frais de transport du 26 mars 2007 au 15 septembre 2014 : 55 563,55€

- indemnités journalières sur plusieurs périodes comprises entre le 6 février et le 8 septembre 2014 : 47.893,74€

- frais futurs : 13.378,55€

- arrérages échus de la pension d'invalidité du 1er octobre 2007 au 1er septembre 2015 : 20.804,93€

- capital représentatif de la pension d'invalidité au 2 septembre 2015 : 15.779,41€.

Elle verse une attestation d'imputabilité établie le 19 septembre 2016 par le docteur [C], médecin conseil du recours au titre de l'aggravation de l'état de santé de Mme [X] le 1er janvier 2006. Pour justifier de l'imputabilité du versement d'une pension d'invalidité, le docteur [C] a indiqué que le service médical a proposé un passage en invalidité catégorie 2 au 1er mars 2003, pension d'invalidité imputable à 50% à l'aggravation de l'état antérieur et à la complication sévère de l'infection nosocomiale ayant abouti à l'amputation. L'imputabilité du versement de la pension d'invalidité à l'infection qui a conduit à l'amputation ne peut être sérieusement combattue.

S'agissant des indemnités journalières, le rapport du docteur [M] établit que si l'origine des fractures remonte à la défenestration du mois d'avril 2001, la complication infectieuse, dont le diagnostic bactériologique a été authentifié le 28 décembre 2001, est apparue huit mois après soit le 21 décembre 2001. L'imputabilité des arrêts de travail et ses soins prescrits sont imputables à l'infection qui a conduit à l'amputation du 21 août 2002, acte qui se compliquera et qui nécessitera des reprises chirurgicales jusqu'à la consolidation du 21 août 2014.

En conséquence, compte tenu de ces données, en l'absence de tous éléments fournis sur l'indemnisation individualisée des différents postes de préjudices au profit de Mme [X] et des conclusions des parties qui limitent leurs argumentations au remboursement des débours exposés par la Cpam, les autres dispositions du jugement étant définitives et le droit de priorité de la victime étant matériellement inapplicable, il convient de faire droit à la demande de l'organisme social à hauteur de 50% des sommes et dans les termes suivants :

- frais hospitaliers du 23 février 2008 au 1er janvier 2014, dont sont exclues les hospitalisations psychiatriques : 97.817,71€, soit la somme de 48.908,86€ indemnisable par les tiers responsables,

- frais médicaux du 6 février 2006 au 4 octobre 214 : 31.405,71€ soit la somme de 15.702,86€ indemnisable par les tiers responsables,

- frais pharmaceutiques du 6 avril 2007 au 26 septembre 2014 : 52.181,13€ soit la somme de 26.090,57€ indemnisable par les tiers responsables,

- frais d'appareillage du 11 avril 2007 au 22 septembre 2014 : 50.457,82€ soit la somme de 25.228,91€ indemnisable par les tiers responsables,

- frais de transport du 26 mars 2007 au 15 septembre 2014 : 55 563,55€ soit la somme de 27.781,78€ indemnisable par les tiers responsables,

- indemnités journalières sur plusieurs périodes comprises entre le 6 février et le 8 septembre 2014 : 47.893,74€ soit la somme de 23.946,86€ indemnisable par les tiers responsables,

- frais futurs : 13.375,55€ soit la somme de 6.687,76€ indemnisable par les tiers responsables,

- les arrérages échus de la pension d'invalidité du 1er octobre 2007 au 1er septembre 2015: 20.804,93€ soit la somme de 10.402,46€ indemnisable par les tiers responsables,

- le capital représentatif de la pension d'invalidité au 2 septembre 2015 : 15.779,41€ soit la somme de 7.889,70€ indemnisable par les tiers responsables.

Et au total la somme de 192.639,76€, somme répartie à hauteur de 50% entre le docteur [B] et le docteur [N] soit une somme de 96.319,88€ incombant à chacun.

Il est fait droit à la demande formulée par le docteur [N] et son assureur La Médicale, tendant à être relevés et garantis par le docteur [B] et son assureur des condamnations prononcées à leur encontre à hauteur de 50%, soit 96.319,88€.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens doivent être confirmées.

Le docteur [B] et son assureur la Swiss Life Assurances, le docteur [N] et son assureur La Médicale qui succombent dans leurs prétentions et qui sont tenues à indemnisation supporteront la charge des entiers dépens d'appel. L'équité ne commande pas d'allouer au docteur [N] et à son assureur La Médicale une somme au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le docteur [B] et son assureur la Swiss Life Assurances, le docteur [N] et son assureur La Médicale devront verser à la Cpam des Alpes de Haute Provence, l'indemnité forfaitaire de 1055€ en application de l'article l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, complété par l'ordonnance 96-51 du 24 janvier, outre la somme de 2.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et devant la cour.

L'équité justifie d'allouer à la société Hôpital privé Résidence du Parc, une indemnité de 1000€ au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Par ces motifs

La Cour,

- Confirme le jugement,

hormis sur les sommes revenant à la Cpam des Alpes de Hautes Provence,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Condamne in solidum le docteur [B] et son assureur la Swiss Life Assurances, le docteur [N] et son assureur La Médicale à payer à la Cpam des Alpes de Haute Provence les sommes de

* 192.639,76€, avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande, soit le 19 juillet 2013,

* 1055€ en application de l'article l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, complété par l'ordonnance 96-51 du 24 janvier,

* 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel ;

- Condamne in solidum le docteur [B] et son assureur la Swiss Life Assurances, le docteur [N] et son assureur La Médicale à payer à la société Hôpital privé Résidence du Parc, une indemnité de 1000€ au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour ;

- Condamne in solidum le docteur [B] et son assureur la Swiss Life Assurances à relever et garantir le docteur [N] et La Médicale des condamnations prononcées à leur encontre à hauteur de 50%, soit 96.319,88€ ;

- Déboute le docteur [N] et son assureur La Médicale de leur demande au titre de leurs propres frais irrépétibles exposés en appel ;

- Condamne in solidum le docteur [B] et son assureur la Swiss Life Assurances, le docteur [N] et son assureur La Médicale aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 16/13807
Date de la décision : 11/01/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°16/13807 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-11;16.13807 ?
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