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21/12/2017 | FRANCE | N°16/16014

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 21 décembre 2017, 16/16014


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 21 DECEMBRE 2017



N° 2017/ 504













Rôle N° 16/16014







SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS





C/



[B] [O]

CPAM DES ALPES-MARITIMES





















Grosse délivrée

le :

à :



Me Philippe- laurent SIDER



SELARL VALENTINI



Me Benoît

VERIGNON













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 13 Juillet 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 14/04312.





APPELANTE



SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS,

dont le siège social est : [Adresse 1]

représentée par...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 21 DECEMBRE 2017

N° 2017/ 504

Rôle N° 16/16014

SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS

C/

[B] [O]

CPAM DES ALPES-MARITIMES

Grosse délivrée

le :

à :

Me Philippe- laurent SIDER

SELARL VALENTINI

Me Benoît VERIGNON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 13 Juillet 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 14/04312.

APPELANTE

SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS,

dont le siège social est : [Adresse 1]

représentée par Me Philippe- laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Rose-marie ROSTAGNO BERTHIER, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEES

Madame [B] [O]

née le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 1],

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Walter VALENTINI de la SELARL VALENTINI & PAOLETTI, avocat au barreau de GRASSE

CPAM DES ALPES-MARITIMES,

dont le siège social est : [Adresse 3]

représentée par Me Benoît VERIGNON, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Martine DESOMBRE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 08 Novembre 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Anne VELLA, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier GOURSAUD, Président

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

Madame Anne VELLA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvaine MENGUY.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Décembre 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Décembre 2017,

Signé par Monsieur Olivier GOURSAUD, Président et Madame Sylvaine MENGUY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [B] [O] expose que le 3 juillet 2013, munie d'un titre de transport elle circulait sur la ligne ferroviaire entre [Localité 2] et [Localité 3], dans un compartiment bondé, lorsqu'elle a été victime d'un écrasement du pouce gauche à la suite de la fermeture d'une porte automatique.

Par actes du 16 juillet 2014, Mme [O] a fait assigner la Sncf devant le tribunal de grande instance de Grasse, pour la voir déclarer entièrement responsable de l'accident, voir ordonner une mesure d'expertise médicale et obtenir une provision à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice global et ce, en présence de la Cpam des Alpes Maritimes.

Par jugement du 13 juillet 2016, cette juridiction a :

- dit que la Sncf est entièrement responsable de l'accident dont Mme [O] a été victime sur la ligne ferroviaire entre la station [Établissement 1] à [Localité 2] et [Localité 3] le 3 juillet 2013 ;

- donné acte à la Cpam des Alpes Maritimes qu'elle entend réserver ses droits au remboursement y compris tous les débours ultérieurs servis sur le compte de la victime, lors de l'indemnisation définitive du préjudice ;

- condamné la Sncf à payer à Mme [O] la somme de 3000€ à titre provisionnel et à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice ;

- ordonné une expertise pour évaluer les conséquences médico-légales de l'accident en désignant le docteur [G] [M] pour y procéder et avec mission habituelle en la matière ;

- débouté Mme [O] de sa demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral ;

- réservé les demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens ;

- renvoyé l'affaire à la mise en état.

Il a considéré que l'article 26 du règlement européen 1371/2007 du 23 octobre 2007 organise une responsabilité de plein droit du transporteur ferroviaire du dommage résultant des blessures et de toute atteinte à l'intégrité physique et psychique du voyageur. Il a rappelé qu'en vertu de l'article 26, 2. b) de ce même règlement, mais aussi de la jurisprudence de la cour de cassation, le transporteur ferroviaire, tenu envers les voyageurs d'une obligation de sécurité de résultat, ne peut s'exonérer de sa responsabilité en invoquant la faute d'imprudence de la victime que si cette faute, quelle qu'en soit la gravité, présente les caractères de la force majeure.

Des éléments factuels, il a retenu que le wagon était bondé, ce qui a pu réduire, sans l'abolir, la liberté de mouvement de Mme [O] et sa capacité à éviter les risques de blessures liées à la fermeture de la porte et, si le fait pour Mme [O] de laisser ses mains dans l'encadrement d'une porte ouverte sans faire attention à ne pas y coincer ses doigts, est constitutif d'une imprudence, il ne revêt pas pour le transporteur de caractère imprévisible et irrésistible, ce dernier étant tenu de s'assurer que la fermeture d'une porte intérieure d'un wagon ne présente aucun danger pour les passagers avant d'y procéder, et il a alors retenu que la Sncf devait être déclarée entièrement responsable de l'accident.

Par acte du 1er septembre 2016, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la Sncf a interjeté appel général de cette décision.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses conclusions du 27 mars 2017, la Sncf Mobilites demande à la cour de :

' réformer dans son intégralité le jugement ;

' juger que les fautes commises par Mme [O] en se maintenant agrippée à la porte de service, malgré les annonces sonores et les mises en garde concernant la fermeture de cette porte, sont à l'origine exclusive de l'accident et des dommages dont elle se plaint et engage sa seule responsabilité ;

' juger que les fautes commises par Mme [O] l'exonèrent entièrement de sa responsabilité ;

' la débouter de ses demandes fins et conclusions ;

' la condamner à lui payer la somme de 2000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel ;

à titre subsidiaire, si par impossible la cour retenait sa responsabilité, de :

' confirmer le jugement qui a retenu une faute d'imprudence commise par la victime;

' juger que cette faute d'imprudence a contribué pour l'essentiel à la réalisation du dommage ;

' juger que le droit à réparation de Mme [O] doit être limité à hauteur de 10 % ;

' réduire la provision allouée à la somme de 1000€ ;

' confirmer le jugement qui a débouté Mme [O] de sa demande en paiement de dommages-intérêts, qui a ordonné une expertise et qui a réservé les frais et dépens.

Elle fait valoir que le règlement européen 1371/2007 instaure une responsabilité de plein droit du transporteur, qui n'est pas une responsabilité contractuelle. La cour devra retenir l'application de ces dispositions avant de constater l'absence de toute responsabilité de nature à lui être imputée et elle conclura que Mme [O] a commis une faute qui a conduit à la réalisation de son dommage. Cette faute même simple, exonère le transporteur.

En l'espèce Mme [O] a fait preuve d'inattention et d'imprudence et ces fautes suffisent à l'exonérer totalement de sa responsabilité, ou à tout le moins réduisent le droit à réparation de la victime. Elle s'appuie sur les dispositions de l'article 26. 2. b) du règlement européen qui n'impose pas que la faute de la victime revête les caractéristiques de la force majeure. Le premier juge a ajouté au texte une condition qui n'existe pas. Par ailleurs des annonces sonores par le personnel avaient été diffusées pour mentionner que la porte de service séparant la voiture de la cabine de conduite allait être fermée et que les mises en garde ont également été effectuées par le personnel circulant dans la voiture. L'accident trouve sa seule source dans l'inattention et l'imprudence de Mme [O] qui n'aurait pas subi de dommages si elle avait suivi les consignes de sécurité données par les agents.

Ce n'est qu'à titre subsidiaire, si la cour devait confirmer le jugement qui a retenu que la faute de Mme [O] ne remplit pas les conditions de la force majeure dès lors qu'il appartenait au transporteur de s'assurer que la fermeture de la porte ne présentait aucun danger pour les passagers avant d'y procéder, qu'il conviendra de retenir que la faute de la victime a contribué à la réalisation du dommage et elle entraîne une limitation de son droit à indemnisation.

Dans ses conclusions du 5 janvier 2017, Mme [O] demande à la cour de :

' débouter la Sncf de l'ensemble de ses conclusions au soutien de son appel ;

' constater que le règlement européen 1371/2007 pose un régime de nature à limiter la responsabilité des transporteurs ferroviaires et l'indemnisation des voyageurs ;

' constater que le droit français est donc plus favorable aux droits des voyageurs ;

' constater qu'elle n'a commis aucune faute et si la cour caractérisait une faute d'imprudence, celle-ci ne revêt pas les caractères de la force majeure ;

' constater que la Sncf est entièrement responsable de l'accident dont elle a été victime le 3 juillet 2013 ;

en conséquence

' confirmer le jugement qui a retenu l'entière responsabilité de la Sncf et qu'il l'a condamnée à réparer son entier préjudice ;

' le confirmer en ce qu'il a ordonné une expertise médicale ;

' le confirmer en ce qu'il a condamné la Sncf à lui payer une provision à valoir sur l'ensemble de ses préjudices ;

' infirmer le jugement sur le montant de la provision fixée à 3000€ et qui devra être majorée à la somme de 10'000€ ;

' en tout état de cause condamner la Sncf à lui payer la somme de 4000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle soutient que son rapport avec la Sncf est manifestement contractuel, de sorte que seules les dispositions du droit commun de la responsabilité contractuelle sont applicables. Elle fait état des dispositions du règlement européen et notamment de l'article 11 et de l'article 26. Elle estime que l'article 26 est de nature à limiter la responsabilité du transporteur et par conséquent l'indemnisation du voyageur par rapport au droit interne français. Le droit européen qui est moins restrictif en ce que les causes exonératoire de responsabilité sont subordonnées à une simple faute, apparaît incontestablement moins protecteur pour les voyageurs, et donc seul l'article 1147 du code civil a vocation à s'appliquer. Au visa d'un arrêt du 13 mars 2008 de la Cour de Cassation, elle soutient que la faute de la victime ne peut jamais, sur le fondement de l'obligation contractuelle de sécurité de résultat, emporter exonération partielle du transporteur ferroviaire mais seulement exonération totale lorsqu'elle présente les caractères de la force majeure. L'arrêt du 3 mars 2016 de la Cour de Cassation admettant une responsabilité partielle en cas de faute de la victime, citée par la Sncf porte pour la première fois sur le fondement délictuel qui n'est pas le fondement en l'espèce. Sur le fondement contractuel, la responsabilité de la Sncf ne peut nullement être limitée par une simple faute de la victime et seule une exonération totale est possible dès lors que le transporteur démontre que la faute de la victime présente les critères de la force majeure. À supposer qu'elle ait commis une faute d'imprudence, ce qui reste encore à démontrer, elle n'a aucune incidence sur la responsabilité de la Sncf. Il ne peut donc y avoir aucune limitation du droit à indemnisation de la victime.

Elle fait valoir que la Sncf n'a pris aucune mesure pour prévenir de façon efficace les voyageurs de la fermeture des portes, ni d'ailleurs pour éviter qu'ils soient compressés dans des wagons, à proximité des portes. Le dommage qui s'est produit était plus que prévisible. La Sncf a failli à son obligation de sécurité, ce qui constitue une faute et fonde sa responsabilité. Débitrice d'une obligation de sécurité de résultat, elle ne peut s'en défaire qu'en rapportant la preuve des caractères de la force majeure de la faute de la victime, ce qu'elle ne fait pas en l'espèce. Tout au plus peut-il s'agir d'une simple imprudence qui ne revêt pas les caractères d'imprévisibilité et d'irrésistibilité de la force majeure.

Selon conclusions du 16 janvier 2017, la Cpam des Alpes Maritimes, demande à la cour de :

' confirmer le jugement qui a réservé ses droits au remboursement jusqu'à la fixation du préjudice subi, y compris des débours ultérieurs servis pour le compte de la victime ;

' en conséquence lui donner acte de ce qu'elle entend réserver ses droits au remboursement jusqu'à la fixation du préjudice subi, y compris les débours ultérieurs servis pour le compte de la victime ;

' condamner la Sncf à lui payer la somme de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de son conseil.

L'arrêt sera contradictoire conformément aux dispositions de l'article 467 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le régime juridique applicable

Le lien contractuel existant entre la Sncf et Mme [O], détentrice d'un titre de transport, n'est pas discuté. Mme [O] demande la réparation de dommages qu'elle a subi à l'occasion d'un voyage qu'elle effectuait dans un wagon bondé, lorsque la porte du compartiment s'est refermée sur sa main la blessant au pouce.

En vertu de l'article 1147 du code civil, devenu l'article 1231-1 du même code, le transporteur ferroviaire est tenu d'une obligation de sécurité de résultat l'obligeant à amener le voyageur sain et sauf à la destination prévue, sans pouvoir s'exonérer partiellement, l'exonération totale restant possible s'il prouve qu'il n'a fait que subir l'action d'une cause étrangère, le fait d'un tiers ou la faute de la victime, présentant les caractères de la force majeure.

Ce texte de droit interne français régit le présent litige qui échappe aux dispositions du règlement européen 1371/2007 du 23 octobre 2007 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires, entré en vigueur le 3 décembre 2009. Ce règlement prévoit, dans son préambule, qu'il importe de sauvegarder les droits du voyageur ferroviaire, qui est la partie la plus faible dans le contrat de transport et en son article 11, que sous réserve des dispositions du présent chapitre et sans préjudice du droit national octroyant aux voyageurs une plus grande indemnisation pour les dommages subis, la responsabilité des entreprises ferroviaires, relative aux voyageurs et à leur bagage est régie par le titre IV, chapitres I, III et IV ainsi que les titres VI et VII de l'annexe 1.

Cet article 11, qui est le premier article figurant au chapitre régissant la 'responsabilité des entreprises ferroviaires' pose un principe général de responsabilité, au-dessous duquel les Etats membres ne peuvent légiférer, ainsi qu'un principe de droit à indemnisation et non pas seulement, comme le soutient la Sncf, le seul principe du montant de l'indemnisation, qui aux termes de l'article 30 de l'annexe I confie au seul droit national la détermination du montant des dommages-intérêts à allouer.

L'article 26 du titre IV du chapitre I de l'annexe du règlement relatif au fondement de la responsabilité du transporteur en cas de mort et de blessures de voyageurs, prévoit que le transporteur est responsable du dommage résultant de la mort, des blessures ou de toute autre atteinte à l'intégrité physique ou psychique du voyageur causé par l'accident en relation avec l'exploitation ferroviaire survenu pendant que le voyageur séjourne dans les véhicules ferroviaires, ce qui est le cas en l'espèce.

Aux termes du paragraphe 2) de cet article 26, le transporteur est déchargé de sa responsabilité dans trois cas : a) si l'accident a été causé par des circonstances extérieures à l'exploitation ferroviaire, b) que le transporteur, en dépit de la diligence requise d'après les particularités de l'espèce, ne pouvait pas éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait obvier, ou dans la mesure où l'accident est dû à la faute du voyageur, c) si l'accident est dû au comportement d'un tiers,.

Cette disposition qui, notamment, n'envisage qu'une faute simple du voyageur, est donc de nature à limiter la responsabilité du transporteur et par conséquent à limiter l'indemnisation du voyageur par rapport au droit interne français, qui est plus exigeant sur les facultés d'exonération de ce transporteur. En conséquence, seul l'article 1231-1 du code civil trouve à s'appliquer.

Sur l'exonération

Il s'évince des éléments versés que Mme [O] n'a pas été blessée par la fermeture des portes du train, mais après le départ de la rame, par la fermeture d'une porte de la cabine de conduite.

La charge de la preuve de l'exonération incombe à la Sncf.

Pour ce faire, elle communique trois témoignages, dont le rapport d'arrêt du train, [Localité 2]-[Localité 3], de M. [D], agent de la Sncf qui rappelle que les deux rames étaient 'énormément bondées' en raison d'une étape du tour de France à [Localité 3]. Il écrit 'au moment où je regagnais la cabine de conduite afin d'effectuer l'annonce, j'informais les voyageurs présents près de la porte, à faire attention lors de la fermeture de cette dernière. Mais une femme avait laissé son pouce dans l'encadrement du dormant côté charnières'

Mme [Q], agent Sncf explique en substance que le 3 juillet 2013, elle se trouvait avec son équipe sur la plateforme en tête de train derrière la cabine de pilotage. Après avoir donné le départ du train le contrôleur a rejoint la cabine de conduite avant de fermer la porte et il a procédé à trois injonctions invitant expressément les clients à faire attention à leurs doigts car certains se tenaient au montant de la porte d'intersection.

Mme [E] relate qu'après le départ du train le contrôleur s'est rendu en cabine de conduite en demandant 'à plusieurs reprises et à plusieurs personnes de le laisser passer et de faire attention lors de la fermeture de la porte de la cabine de ne pas se coincer les doigts.'

Pour justifier du comportement de ses agents, qui auraient pris toutes les mesures de prévention, la Sncf se prévaut d'un rapport d'un agent venant justifier un arrêt en gare supérieur à 5mn et deux autres attestations établies également par ses propres employés. Tous trois soutiennent que le contrôleur a procédé à des injonctions à destination des voyageurs en leur demandant de faire expressément attention à leurs doigts, en raison notamment de la présence de certains d'entre eux à proximité du montant de la porte de la cabine. Rien dans les attestations ne permet d'affirmer que ces annonces auraient été diffusées sur haut-parleur, ou encore que l'ensemble des voyageurs les aurait clairement entendues. De son côté Mme [O] soutient qu'aucune mesure de prévention n'a été prise, que la porte s'est refermée derrière elle et sur ses mains qui étaient dans son dos et qu'elle a été surprise par cette fermeture, intervenue sans aucune annonce préalable. Aucune autre attestation plus objective que celles des employés de la Sncf ou de la personne blessée n'est versée aux débats. Aucun témoin neutre ne vient attester de la réalité des annonces préventives audibles par tous.

En tout état de cause, la Sncf qui ne conteste pas 'l'énorme affluence' du jour, n'a pas anticipé les risques liés aux conditions du transport et elle ne peut se prévaloir du comportement de Mme [O] qui même en l'absence d'annonce aurait dû veiller à sa propre sécurité, cette faute ne revêtant pas les critères d'imprévisibilité et d'irrésistibilité de la force majeure dès lors qu'il est acquis que ce 3 juillet 2013, lorsque le train a démarré en gare [Établissement 1] les rames étaient bondées et les voyageurs entassés et collés les uns aux autres, et donc limités dans leur liberté de mouvement, ce qui n'a pas permis un transport totalement sécurisé et engendré le dommage occasionné à Mme [O].

En conséquence, la responsabilité contractuelle de la Sncf est engagée et le droit à indemnisation de Mme [O] est entier.

Sur l'expertise et la provision

La lecture des documents médicaux initiaux et complémentaires démontre que Mme [O] a subi un écrasement du pouce gauche sans lésions osseuses, qu'il n'y a pas de rupture du tendon fléchisseur mais qu'elle présente néanmoins un écart plus marqué du côté pathologique de la structure osseuse, 3,4mm contre 2,3mm de l'autre côté évoquant une pathologie des poulies.

Ces constatations suffisent à confirmer l'expertise ordonnée par le premier juge ainsi que le montant de la provision fixée à 3.000€, en tenant compte des dix séances de rééducation prescrites, des arrêts de travail du 3 juillet 2013 au 12 août 2013 et du certificat d'aptitude à la reprise de l'emploi antérieur avec restriction pour le port de charges lourdes avec la main gauche.

Sur les demandes annexes

La Sncf qui succombe dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des entiers dépens d'appel.

L'équité justifie d'allouer à Mme [O] une indemnité de 1800€ et à la Cpam des Alpes Maritimes celle de 700€ au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Confirme le jugement,

et y ajoutant,

- Condamne la Sncf à payer à Mme [O] la somme de 1800€ et à la Cpam la somme de 700€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;

- Condamne la Sncf aux entiers dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 16/16014
Date de la décision : 21/12/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°16/16014 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-21;16.16014 ?
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