La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/12/2017 | FRANCE | N°16/11076

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre b, 21 décembre 2017, 16/11076


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 21 DÉCEMBRE 2017



N° 2017/ 459













Rôle N° 16/11076







SCI VIVIE





C/



SA BNP PARIBAS







































Grosse délivrée

le :

à :



- Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat

au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



- Me Hubert ROUSSEL de l'ASSOCIATION CABINET ROUSSEL-CABAYE, avocat au barreau de MARSEILLE



















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 23 Mai 2016 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 15/05678.





APPELANTE



SCI V...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 21 DÉCEMBRE 2017

N° 2017/ 459

Rôle N° 16/11076

SCI VIVIE

C/

SA BNP PARIBAS

Grosse délivrée

le :

à :

- Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Hubert ROUSSEL de l'ASSOCIATION CABINET ROUSSEL-CABAYE, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 23 Mai 2016 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 15/05678.

APPELANTE

SCI VIVIE

dont le siège social est [Adresse 1]

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉE

SA BNP PARIBAS

dont le siège social est [Adresse 2]

représentée par Me Hubert ROUSSEL de l'ASSOCIATION CABINET ROUSSEL-CABAYE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 24 Octobre 2017 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Valérie GERARD, Président de chambre magistrat rapporteur

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Anne DUBOIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Lydie BERENGUIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Décembre 2017.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Décembre 2017,

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Lydie BERENGUIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon offre acceptée le 22 mai 2006, la SCI Vivie a souscrit auprès de la SA BNP Paribas un prêt d'un montant de 144.000 euros au taux de 3,57% l'an, au taux effectif global de 5,42%, amortissable en 240 mensualités.

Par acte du 8 avril 2015, la SCI Vivie a assigné la BNP Paribas devant le tribunal de grande instance de Marseille aux fins d'obtenir :

- la nullité de la stipulation d'intérêts contractuels,

- le remboursement de l'excédent d'intérêts échus,

- l'application du taux légal en vigueur au jour du jugement à intervenir,

- l'établissement d'un nouveau calcul de la créance,

- la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire en date du 23 mai 2016 le tribunal de grande instance de Marseille a :

- rejeté les conclusions notifiées par la SCI Vivie le vendredi 19 février 2016 à 16h11,

- déclaré irrecevable l'action en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels introduite par la SCI Vivie à l'encontre de la société BNP Paribas,

- débouté la SCI Vivie de toutes ses autres demandes, fins et conclusions,

- rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société BNP Paribas,

- condamné la SCI Vivie à verser à la société BNP Paribas la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande,

- condamné la SCI Vivie aux dépens.

La société VIVIE a interjeté appel par déclaration du 14 juin 2016.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 6 avril 2017, la société VIVIE demande à la cour de :

- réformer la décision entreprise,

- dire que les dispositions de l'article 169 du traité européen interdit de mettre à la charge de l'emprunteur une quelconque obligation de recherche de l'erreur d'un professionnel,

- dire qu'en vertu des dispositions de l'article L111-1 du code de la consommation, le prêteur professionnel est tenu d'une obligation générale d'information de l'emprunteur,

- dire qu'il ne saurait être imposé à l'emprunteur de justifier de sa bonne foi quant à la méconnaissance d'une erreur affectant le TEG, sans le priver d'un recours que la loi organise,

- juger en conséquence qu'en vertu du principe selon lequel, il n'y a pas de sanction sans texte, l'emprunteur ne peut être frappé d'irrecevabilité, pour n'avoir procédé à des recherches d'une éventuelle erreur dans le TEG, que la loi ne lui impose pas,

- au visa de l'article 2221 du code civil, dire que la prescription est régie par le droit qu'elle affecte,

- donner acte à la partie concluante de ce que le droit affecté est l'un de ceux dont le code de la consommation organise la protection,

- dire que l'article 2224 du code civil n'a pas vocation à s'appliquer en matière contractuelle,

- dire que le prêteur ne peut sans contradiction de moyens, soutenir prétendre qu'aucune erreur n'affecte le TEG et néanmoins plaider que l'emprunteur devait découvrir une erreur dans les 5 années qui ont suivi l'acte d'emprunt,

- dire que les seules énonciations de l'acte d'emprunt n'imposaient pas par elles-mêmes, sans recourir à des calculs, la découverte de l'erreur affectant le TEG,

- dire que le prêteur ne rapporte pas la preuve que par ses moyens propres ou ses connaissances personnelles, l'emprunteur pouvait établir un lien entre les erreurs prétendument révélées et l'illégalité qu'elles contiennent,

- dire que l'action en nullité de la stipulation d'intérêts est une action en nullité contractuelle, qui relève du droit des obligations,

- dire que l'erreur affectant le TEG constitue de la part du prêteur un manquement à l'obligation générale de loyauté qui pèse sur lui,

- dire que l'erreur affectant le TEG erroné dans l'offre préalable de crédit est constitutif de man'uvres frauduleuses caractéristiques du dol,

- dire que la désinformation qui en découle s'analyse comme un dol par rétention d'information, régi par les dispositions de l'article 1116 du code civil,

- dire qu'en matière contractuelle, les dispositions spéciales de l'article 1304 alinéa 2 du code civil sont exclusives de celles de l'article 2224 du code civil,

- donner acte à la partie concluante de ce qu'en matière de dol, l'article 1304 alinéa 2 du code civil, fixe le point de départ du délai quinquennal de prescription, à la date de découverte des man'uvres frauduleuses,

- dire au visa du même article et du même alinéa qu'il appartient au prêteur, qui invoque l'irrecevabilité de l'action de rapporter la preuve que l'emprunteur aurait eu connaissance de l'erreur affectant le TEG, plus de 5 années, avant le 1er acte interruptif de prescription,

- dire que dans sa version applicable au 3 avril 1997, le code de la consommation imposait la communication du taux de période à l'emprunteur,

- dire que des prêts aidés destinés à l'habitation, ne peuvent sur le plan comptable, être qualifiés de professionnels,

- dire que le principe de liberté contractuelle autorise les parties à choisir le régime légal applicable à leur convention,

- dire que la compétence du juge du fond est liée par le choix des parties à la convention de crédit quant à la qualification de leur contrat,

- dire qu'au visa de l'article 12 alinéa 3 du code de procédure civile, le juge ne peut donner au contrat de prêt une autre qualification que celle choisie par les parties dans leur convention,

- dire qu'en vertu de l'article 2221 du code civil, la prescription est régie par le droit qu'elle affecte,

- dire qu'il appartient au prêteur de rapporter la preuve que l'emprunteur disposait des moyens pour déceler les erreurs affectant le TEG,

- constater que le prêteur ne prouve pas que l'emprunteur pouvait par ses propres moyens et une simple lecture l'erreur affectant le TEG,

- constater que le prêteur ne prouve pas que l'omission du taux de période constituait une irrégularité,

- constater que se prévaut de sa propre turpitude le prêteur qui reconnait avoir omis de mentionner un taux de période exact dans l'offre préalable de crédit et prétend dans le même temps que l'emprunteur était tenu de découvrir l'erreur en question, par une simple lecture de l'acte d'emprunt,

- dire que la mention du taux de période est imposée depuis le 3 avril 1997,

- constater que la multiplication du taux de période de 0,297 mentionné dans l'offre de crédit par le nombre de périodes donne un TEG de 3,564 % l'an distinct du TEG mentionné dans l'offre de crédit,

- prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts,

- condamner la partie requise au remboursement des intérêts perçus à tort,

- la condamner au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 6 février 2017, la BNP PARIBAS demande à la cour de :

confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 23/05/2016 en ce qu'il a jugée prescrite la demande de la SCI Vivie,

dire et juger que l'action en nullité de la stipulation conventionnelle des intérêts est soumise à la prescription quinquennale et se trouve prescrite,

dire et juger que le point de départ de ce délai de cinq ans court toujours pour un professionnel à compter de la signature de l'acte,

dire et juger que l'emprunteur étant une SCI qui emprunte conformément à son objet social, pour acquérir un ensemble immobilier n'est pas un consommateur,

dire et juger que même si la cour considérait la SCI comme un non professionnel le point de départ du délai courrait de l'acte puisque la seule lecture de celui-ci permettait de déceler le reproche fait au TEG,

En tout état,

dire et juger que le premier alinéa de l'article R. 313-1 du code de la consommation ne s'applique pas au prêt consenti en l'espèce s'agissant d'un prêt soumis aux dispositions de l'article L 312-2 du code de la consommation. Rejeter en conséquence les demandes sur ce fondement,

débouter la SCI Vivie de toutes ses demandes, fins et conclusions.

réformer le jugement sur les dommages et intérêts et condamner la SCI Vivie à payer à BNP Paribas à payer à BNP Paribas la somme de 2000 € de dommages et intérêts pour procédure manifestement abusive,

condamner en outre la SCI Vivie à payer à BNP Paribas la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel et les entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le point de départ de la prescription quinquennale de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel formée en raison d'une erreur affectant le TEG, court à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le taux, soit à la date de la convention si l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur soit, lorsque tel n'est pas le cas, à la date de révélation de celle-ci à l'emprunteur.

La SCI Vivie, qui rappelle que le TEG annuel doit être obtenu en multipliant le taux de période par le nombre de périodes contenues dans une année, soutient qu'en multipliant le taux de période contenu dans l'acte de prêt par 12, on obtient un taux effectif global égal à 3,564% l'an, inférieur à celui énoncé dans l'acte.

L'article R313-1 du code de la consommation, dans sa version issue du décret 2002-927 du 10 juin 2002, applicable en l'espèce, dispose que : « sauf pour les opérations de crédit mentionnées au 3° de l'article L. 311-3 et à l'article L. 312-2 du présent code pour lesquelles le taux effectif global est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires, le taux effectif global d'un prêt est un taux annuel, à terme échu, exprimé pour cent unités monétaires et calculé selon la méthode d'équivalence définie par la formule figurant en annexe au présent code. Le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l'emprunteur ».

Ce texte contient deux phrases distinctes, la première relative au calcul du TEG, pour laquelle une distinction doit être faite entre, d'une part, les opérations de crédit mentionnées au 3° de l'article L. 311-3 et à l'article L. 312-2 du même code, d'autre part, toutes les autres opérations de crédit, et la seconde qui impose, quelle que soit l'opération, la communication expresse du taux et de la durée de période à l'emprunteur (Civ 1ère 15-15813).

En l'espèce, l'acte de prêt mentionne un taux mensuel de 0,297% dont la simple multiplication par 12, opération ne nécessitant aucune compétence particulière, montre que le résultat n'est pas égal au taux effectif global du prêt. Même en considérant que ce taux mensuel ne constitue pas le taux de période exigé par le texte susvisé, l'absence du taux de période était clairement décelable à la simple lecture de l'offre.

C'est donc par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le premier juge a fixé le point de départ de la prescription au 22 mai 2006 et déclaré l'action exercée par la SCI Vivie prescrite.

La SCI Vivie invoque également la nullité du contrat pour dol en faisant valoir que cette action n'est pas prescrite, son point de départ devant se situer au jour de la découverte des man'uvres frauduleuses. Or, les man'uvres invoquées consistant en l'erreur alléguée affectant le TEG, le point de départ de l'action doit être fixé également au 22 mai 2006, les erreurs alléguées quant au calcul du TEG au regard du taux de période étant parfaitement connues dès la conclusion du contrat.

C'est par des motifs tout aussi pertinents qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la SA BNP Paribas pour procédure abusive, celle-ci ne démontrant aucune faute ou mauvaise foi dans l'exercice de l'action de la SCI Vivie ou de la voie de recours qui lui était ouverte.

Le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 23 mai 2016,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI Vivie à payer à la SA BNP Paribas la somme de cinq mille euros,

Condamne la SCI Vivie aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre b
Numéro d'arrêt : 16/11076
Date de la décision : 21/12/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8B, arrêt n°16/11076 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-21;16.11076 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award