COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 15 DECEMBRE 2017
N°2017/1757
Rôle N° 17/02078
SARL AMBULANCES [W]
C/
URSSAF PROVENCE ALPES COTE D'AZUR
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE
Grosse délivrée
le :
à :
Me Alexandre ALQUIER, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
URSSAF PROVENCE ALPES COTE D'AZUR
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES DU RHONE en date du 16 Octobre 2013,enregistré au répertoire général sous le n° 21007181.
APPELANTE
SARL AMBULANCES [W], représentée par Monsieur [N] [W], co gérant, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Alexandre ALQUIER, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMEE
URSSAF PROVENCE ALPES COTE D'AZUR, demeurant [Adresse 2]
représenté par Mme [M] [I] (Autre) en vertu d'un pouvoir général
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 3]
non comparant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Novembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Florence DELORD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
M. Gérard FORET-DODELIN, Président
Madame Florence DELORD, Conseiller
Madame Marie-Pierre SAINTE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Nathalie ARNAUD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2017
Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Sarl AMBULANCES [W] a fait appel du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône du 16 octobre 2013 qui a rejeté sa demande tendant à faire annuler la procédure de contrôle de l'URSSAF réalisée courant décembre 2009, le redressement notifié dans la lettre d'observations du 4 janvier 2010 et la mise en demeure du 31 août 2010 portant sur une somme de 169794 euros à titre de cotisations, soit la somme totale, majorations incluses, de 200 371 euros, pour travail dissimulé par le recours à des ambulanciers n'ayant pas le statut de salariés, l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée à régler à l'URSSAF la somme de 200 371 euros, avec exécution provisoire.
Par ses dernières conclusions développées à l'audience de plaidoirie du 8 novembre 2017, elle a demandé à la Cour d'infirmer le jugement, d'annuler la procédure de contrôle de l'URSSAF réalisée courant décembre 2009, le redressement notifié dans la lettre d'observations du 4 janvier 2010 et la mise en demeure du 31 août 2010, et de condamner l'URSSAF à lui rembourser la somme réglée dans le cadre de l'exécution provisoire, ainsi que la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions développées à l'audience, l'URSSAF a demandé à la Cour de confirmer le jugement, de débouter l'appelante de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Le 19 septembre 2008 la Sarl Ambulances [W] a fait l'objet d'un contrôle de l'inspection du travail, qui aurait abouti à un procès-verbal de délit pour travail dissimulé.
Par une lettre d'observation datée du 4 janvier 2010 l'Urssaf portait à la connaissance de la Sarl Ambulances [W] les irrégularités constatées lors de ce contrôle pour les années 2007 et 2008 au regard de l'application de la législation en matière de cotisations de sécurité sociale et de travail dissimulé, procédait à l'annulation des réductions Fillon et de la réduction forfaitaire patronale, puis, après réponse de l'Urssaf aux contestations de la société contrôlée, le 1er juin 2010, lui adressait une mise en demeure, le 31 août 2010 pour un montant de 200 371 euros, se décomposant en 169 794 euros de cotisations et 30 577 euros de majorations de retard.
La société contrôlée a saisi la commission de recours amiable qui a rejeté ses contestations par décision du 9 octobre 2012, puis le tribunal des affaires de sécurité sociale qui a statué par le jugement dont appel.
L'Urssaf a fait valoir que la lettre d'observations du 4 janvier 2010 reprenait les termes du « procès-verbal » transmis par la direction départementale du travail de l'emploi et de la formation professionnelle, et que ce dernier y était annexé (annexe1).
L'appelante a contesté cette allégation et a soutenu qu'elle n'avait jamais eu connaissance de ce document.
*********
L'Urssaf a précisé dans sa lettre d'observations du 4 janvier 2010 que son contrôle avait été réalisé sur le fondement des articles L8221-1 et L8221-2 du code du travail (« recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé ») et sur la base expressément indiquée d'un « procès-verbal 08110 » du 19 septembre 2008 établi par un contrôleur du travail et joint en « annexe 1 ».
La Cour rappelle qu'à l'issue d'un contrôle, un contrôleur du travail peut rédiger un simple avertissement ou une lettre d'observations, ou une mise en demeure, ou encore établir un procès-verbal d'infractions ; ce dernier document qui rassemble toutes les données nécessaires pour envisager d'éventuelles poursuites pénales, est établi en deux exemplaires, l'un destiné au préfet et l'autre au procureur de la république.
En cas de travail dissimulé, l'article L8271-8-1 du code du travail dans sa version en vigueur en 2010, prévoyait également qu'un exemplaire était adressé à l'organisme de recouvrement.
Aucun exemplaire n'était donc remis à l'employeur, sauf lorsqu'il existait des infractions à la législation sur le temps de travail, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Dans ses conclusions, l'Urssaf indique que « la requérante ne peut arguer d'un prétendu défaut d'information dans la mesure où la lettre d'observations du 4 janvier 2010 reprend les termes du procès-verbal et que ce dernier y est annexé (annexe 1). En tout état de cause le procès-verbal a été communiqué dans le cadre de la procédure de première instance. ».
Par un raisonnement « a contrario », cet argument signifie donc que l'appelante serait fondée à se prévaloir du défaut d'information si le procès-verbal de l'inspection du travail n'était pas communiqué.
Or, dès sa réponse à l'Urssaf, et par une lettre recommandée du 3 février 2010, l'avocat de la société Ambulances [W] avait fait valoir que ce document n'avait pas été communiqué à sa cliente (page 2).
Dans sa réponse du 1er juin 2010, l'inspectrice de l'Urssaf qui pouvait encore communiquer ce document, se contente de dire qu'il figurait en annexe à la lettre d'observations, et elle renvoie l'intéressé à « exploiter les voies de recours à votre disposition concernant ce procès-verbal », sans expliquer comment il est possible d'exercer des voies de recours contre un document qui n'est pas communiqué.
L'Urssaf a produit trois pièces devant la Cour, dont la lettre d'observations du 4 janvier 2010 afférente aux infractions de travail dissimulé.
La Cour ne peut que constater que l'annexe 1 de cette lettre d'observations, qui serait donc le procès-verbal de l'inspection du travail, n'a pas été communiquée devant le tribunal qui, dans son jugement, a considéré que « les observations adressées le 4 janvier 2010 reprenaient de façon exhaustive le contenu du procès-verbal de l'inspection du travail » et que ces observations étaient suffisantes au regard des exigences de l'article R243-59 du code de la sécurité sociale.
Le tribunal admettait ainsi ne pas avoir eu le document entre les mains et ne pouvait donc pas procéder par affirmation sans en avoir d'abord pris connaissance.
La Cour constate que l'Urssaf n'a pas davantage fourni ledit procès-verbal dans les pièces qu'elle a communiquées en appel, et dont elle persiste à prétendre qu'il aurait été communiqué devant le tribunal, tout en admettant, par la citation qu'elle fait du jugement, que le tribunal ne l'avait pas entre les mains.
La Cour ne peut que constater que le moyen soutenu par l'appelante est sérieux et qu'il est fondé.
Cette pièce n'a donc jamais été communiquée à l'appelante, comme elle le fait valoir, ni par le contrôleur du travail ni par l'inspecteur de l'Urssaf ni au cours de la procédure judiciaire.
L'article R243-59 précité, auquel se réfère expressément l'Urssaf devant la Cour, imposait à son inspecteur « de mentionner ' les documents consultés, ' les observations faites au cours du contrôle, etc... ».
Or, s'agissant d'un contrôle sur place comme en témoigne la première page de la lettre d'observations qui énumère les « documents consultés », la Cour constate que le défaut d'information relatif aux irrégularités relevées par l'inspection du travail constitue un manquement au principe du contradictoire et a privé la société contrôlée de présenter ses observations pendant le contrôle, ainsi que cela ressort de la lettre d'observations qui, à aucun moment, ne fait état des commentaires du responsable de la société.
L'appelante est donc fondée à se prévaloir du défaut d'information et de la violation du principe du contradictoire.
La Cour annule la procédure de contrôle, le redressement et la mise en demeure, et ordonne la restitution des sommes déjà payées par la société contrôlée dans le cadre de l'exécution provisoire ordonnée par le tribunal, dont le jugement est infirmé.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône du 16 octobre 2013,
Et statuant à nouveau :
Annule la procédure de contrôle de l'URSSAF réalisée courant décembre 2009, le redressement notifié dans la lettre d'observations du 4 janvier 2010 et la mise en demeure du 31 août 2010, avec toutes conséquence de droit quant à la restitution des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement,
Déboute l'URSSAF de ses demandes,
La dispense de payer le droit prévu par l'article R144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale,
Condamne l'URSSAF à payer à la Sarl AMBULANCES [W] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT