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07/12/2017 | FRANCE | N°16/07972

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 4e chambre a, 07 décembre 2017, 16/07972


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

4e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 07 DECEMBRE 2017

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N° 2017/ 907













Rôle N° 16/07972







[L] [C]





C/



SCI ECHIROLLES

















Grosse délivrée

le :

à :



Me Gilles MATHIEU



SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON













Décision déférée à la Cour :

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Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 06 Février 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 10/02877.





APPELANTE



Madame [L] [C]

demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Gilles MATHIEU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Guillaume ISOUARD, avocat au barreau d'AIX-EN-P...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

4e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 07 DECEMBRE 2017

jlp

N° 2017/ 907

Rôle N° 16/07972

[L] [C]

C/

SCI ECHIROLLES

Grosse délivrée

le :

à :

Me Gilles MATHIEU

SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 06 Février 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 10/02877.

APPELANTE

Madame [L] [C]

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Gilles MATHIEU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Guillaume ISOUARD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

INTIMEE

SCI ECHIROLLES pris en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié, [Adresse 2]

représentée par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Alain VIDAL-NAQUET, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Octobre 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Madame Bernadette MALGRAS, Conseiller

Madame Sophie LEONARDI, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Décembre 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Décembre 2017,

Signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre et Madame Priscilla BOSIO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

La société civile immobilière Echirolles a été constituée, aux termes de statuts établis le 6 janvier 1992, entre divers membres des familles [C] et [Y] avec pour objet l'acquisition soit directement, soit sous forme de crédit-bail ou tout autre forme d'accession à la propriété d'un local entrepôt de type hangar, avec le terrain sur lequel il est édifié et celui qui en dépend, situé à [Adresse 3] ; le capital social a été fixé à la somme de 10 000 Fr. divisé en 1000 parts d'intérêt de 10 Fr. chacune, réparti comme suit :

'[F] [Y], 249 parts n° 1 à 249

'[N] [Y], 249 parts n° 250 à 498

'[K] [Y], 2 parts n° 499 à 500

'[L] [C], 166 parts n° 501 à 666

'[A] [C], 166 parts n° 667 à 832

'[G] [C], 166 parts n° 833 à 998

'[T] [C], 2 parts n° 999 à 1000

Lors d'une assemblée générale extraordinaire réunie le 6 février 2007, les associés ont décidé, à la majorité de 834 voix contre 166 (celles de [L] [C] épouse [N]), de créer quatre catégories de parts sociales, « A » (correspondant aux 498 parts sociales numérotées de 1 à 498), « B » (correspondant aux 2 parts sociales numérotées de 499 à 500), « C » (correspondant aux 498 parts sociales numérotées de 501 à 998) et « D » (correspondant aux 2 parts sociales numérotées de 999 à 1000) ouvrant droit, respectivement, à 10 %, 40 %, 10 % et 40 % du bénéfice distribuable ; les associés ont également voté une extension de l'objet social de la SCI a la gestion et l'acquisition de tous biens immobiliers, ainsi qu'une modification du lieu des réunions des assemblées générales.

Au motif que la modification des articles 15 et 30 des statuts sur les conditions de répartition des bénéfices et des réserves sociales distribuées en fonction des catégories de parts sociales ainsi créées l'avait été en fraude de ses droits, par l'effet d'un abus de majorité, et présentait un caractère léonin, [L] [C] épouse [N] a, par exploit du 4 février 2014, fait assigner la SCI Échirolles devant le tribunal de grande instance de Marseille en vue d'obtenir l'annulation des diverses résolutions adoptées le 6 février 2007.

En cours d'instance, elle a également demandé l'annulation des résolutions 1 et 2 de l'assemblée générale du 29 février 2008 relatives à une augmentation de capital voté, non à l'unanimité, mais à la majorité des voix des associés.

Par jugement du 6 février 2014, le tribunal a notamment :

'déclaré recevable l'action introduite par Mme [C],

'débouté celle-ci de ses demandes d'annulation des délibérations votées lors de l'assemblée générale du 6 février 2007,

'annulé les première et seconde résolutions votées lors de l'assemblée générale du 29 février 2008,

'condamné Mme [C] aux dépens et au paiement d'une indemnité de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [C] a régulièrement relevé appel, le 18 mars 2014, de ce jugement.

L'affaire a fait l'objet d'un retrait du rôle, à la demande des parties, par arrêt du 16 juillet 2015 et a été rétablie le 28 avril 2016 à l'initiative de l'appelante.

Mme [C] épouse [N] demande à la cour (conclusions déposées le 26 avril 2016 par le RPVA) de :

Vu les articles 1382, 1836 et 1844'1 du code civil,

(')

'confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré son action recevable et annulé les première et deuxième résolutions votées lors de l'assemblée générale du 29 février 2008 de la SCI Échirolles,

'le réformer pour le surplus et statuant à nouveau,

'annuler les première et deuxième résolutions de l'assemblée générale extraordinaire du 6 février 2007, comme résultant d'un abus de majorité,

'à défaut d'annulation, dire qu'elles revêtent un caractère léonin et, par voie de conséquence, les dire non écrites,

'ordonner, en conséquence, la rectification des statuts mis à jour ensuite des résolutions adoptées et annulées, moyennant la remise en vigueur des statuts antérieurs à ces modifications,

'condamner la SCI Échirolles à lui verser la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :

'les résolutions votées lors de l'assemblée générale extraordinaire du 6 février 2007 lui sont clairement préjudiciables, puisque suivant l'ancienne clé de répartition, elle percevait 16,60 % des bénéfices contre 3,33 % aujourd'hui, et qu'il n'est pas établi en quoi cette nouvelle répartition des bénéfices et des réserves sociales distribuées serait justifiée par l'intérêt social,

'les nouvelles dispositions des statuts présentent un caractère léonin et doivent être réputées non écrites en vertu de l'article 1844'1 du code civil, d'autant qu'elles conduisent à diminuer son droit aux bénéfices sans modifier sa contribution aux pertes,

'le caractère rétroactif de la nouvelle répartition des réserves distribuables et des bénéfices perçus au titre de l'exercice 2006 porte également atteinte à ses droits, alors surtout qu'elle se trouve fiscalement imposée sur une part de bénéfices calculée au prorata de ses droits sociaux à la date de clôture de l'exercice, dont elle n'a pas disposé du fait des modifications statutaires.

La SCI Échirolles sollicite de voir (conclusions déposées le 10 août 2017 par le RPVA) :

'confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

'dire et juger que les résolutions adoptées lors de l'assemblée générale extraordinaire du 6 février 2007 ne procèdent pas d'un abus de majorité :

' en ce qu'elles ne sont pas contraires l'objet social,

' en ce qu'elles n'ont pas pour but de faire valoriser la majorité au détriment de la minorité,

' en ce qu'il n'est pas établi qu'elles auraient pour but de nuire à Mme [N],

' en ce qu'elle ne réduise pas les droits de celle-ci dans le boni de répartition à la date de la liquidation ou de la dissolution de la SCI,

' en ce qu'elles n'ont pas d'effet rétroactif,

' en ce que la clause de répartition des bénéfices n'est pas léonine et ne tombe pas sous le coup des dispositions de l'article 1844'1, alinéa 2, du code civil,

'condamner Mme [N] née [C] à lui verser la somme de 7000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 3 octobre 2017.

MOTIFS de la DECISION :

Il n'est justifié d'aucune cause grave au sens de l'article 784 du code de procédure civile, applicable par renvoi de l'article 907, de nature à justifier la révocation de l'ordonnance de clôture ; il y a donc lieu de déclarer irrecevables les conclusions nouvelles de Mme [N], déposées le 3 octobre 2017, après clôture de l'instruction.

* *

*

L'abus dans l'exercice du droit de vote est caractérisé lorsqu'au sein d'une société, la décision prise est contraire à l'intérêt social et a pour unique but de favoriser les associés majoritaires au détriment des minoritaires.

En l'occurrence, les associés de la SCI Echirolles ont décidé, lors de l'assemblée générale extraordinaire du 6 février 2007, de créer des catégories de parts sociales donnant droit à un bénéfice distribuable variable selon les catégories créées, afin de permettre aux deux fondateurs de la SCI, que sont [K] [Y] et [T] [C], titulaires, chacun, de seulement deux parts sociales, de prétendre l'un et l'autre à 40% du bénéfice (catégories de parts « B » et « D »); corrélativement, les 498 parts de [F] [Y] et [N] [Y] (les enfants de [K]) ne donnaient plus droit qu'à 10% du bénéfice distribuable (catégorie de parts « A »), comme les 498 parts (catégorie de parts « C ») détenues par [L] [C] épouse [N], [A] [C] et [G] [C] (les enfants de [T]).

Aux termes de la résolution adoptée : « A l'intérieur de chaque catégorie de parts, « A », « B », « C » et « D », la quote-part de bénéfice déterminée ci-dessus, sera répartie entre chaque associé proportionnellement au nombre de parts qu'il détiendra dans son groupe, par rapport au nombre de parts composant ledit groupe. La contribution aux pertes se fera selon les mêmes proportions. Les distributions éventuelles de réserves sociales seront réparties entre les associés selon les mêmes proportions. Les modalités de répartition ci-dessus définies s'appliqueront au résultat de l'exercice clos le 31 décembre 2006 et aux exercices ultérieurs ».

Même si comme l'indique Mme [N], la modification adoptée sert le souhait des enfants [Y] et de [G] et [A] [C], qui était de permettre à leurs pères respectifs d'appréhender la majorité des revenus de l'opération pour les remercier de leur engagement, il ne peut pour autant être considéré que la décision a été prise dans l'unique but d'avantager les associés majoritaires au détriment des minoritaires, alors que ce sont précisément les associés minoritaires ([K] [Y] et [T] [C] détenant à eux deux 4% du capital social), qui ont été avantagés, et que les associés majoritaires ayant voté en faveur de la résolution ([F] [Y], [N] [Y], [A] [C] et [G] [C], titulaires ensemble de 83% du capital), ont vu, au contraire, leur quote-part dans les bénéfices et les réserves sociales distribuées, diminuer par l'effet de leur vote.

Une décision de répartition inégalitaire des bénéfices et des réserves sociales entre les associés n'est pas en soi contraire à l'intérêt social, distinct des intérêts personnels des associés, dès lors que le patrimoine de la société et la poursuite de son objet social ne sont pas compromis par une telle décision ; il importe donc peu que Mme [N] ne perçoive plus aujourd'hui que 3,33% des bénéfices, alors qu'elle en percevait 16,60% sur la base de l'ancienne clé de répartition, et il ne peut être présumé, par avance, qu'une distribution de réserves, intervenant selon les nouvelles modalités fixées par l'assemblée du 6 février 2007, ne serait pas justifiée par l'intérêt social, sachant que l'article 30 des statuts modifié prévoit que l'assemblée peut également décider d'affecter tout ou partie du bénéfice d'un exercice à tous fonds de réserve généraux ou spéciaux.

Il résulte, par ailleurs, de l'article 1844-1, alinéa 2, du code civil que la stipulation attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la société ou l'exonérant de la totalité des pertes, celle excluant un associé totalement du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes sont réputées non écrites ; ce texte ne fait cependant pas obstacle à ce que les bénéfices soient réparties selon des modalités différentes que celles résultant des droits des associés dans le capital social ; aussi, au cas d'espèce, la décision de répartition inégalitaire des bénéfices entre les catégories de parts « B » et « D » et les catégories de parts « A » et « C », conduisant à attribuer 40% des bénéfices aux parts sociales des deux premières catégories, comprenant deux parts chacune, tandis que les deux autres catégories, regroupant chacune 498 parts, ne perçoivent que 10% des bénéfices, ne peut être regardée comme présentant un caractère léonin, alors que la contribution aux pertes se fera désormais, selon l'article 30 des statuts modifié, dans les mêmes proportions que la répartition des bénéfices, soit 10%, 40%, 10% et 40% en fonction des catégories de parts « A », « B », « C » et « D », avec affectation des pertes, dans chaque catégorie de parts, proportionnellement au nombre de parts détenues par chaque associé ; le fait que Mme [N] ait vu sa part des bénéfices réduite de 16,60% à 3,33%, sa contribution aux pertes étant réduite dans les mêmes proportions, n'est donc pas de nature à justifier l'annulation des première et deuxième résolutions de l'assemblée générale extraordinaire du 6 février 2007.

Mme [N] prétend également que les décisions adoptées portent atteinte à ses droits dans la mesure où elles ont un caractère rétroactif ; elle souligne ainsi qu'au 31 décembre 2006, la SCI Echirolles disposait de réserves à hauteur de 262 036,91 €, que la modification des statuts va permettre à [K] [Y] et [T] [C] d'appréhender à proportion de 40% chacun, et qu'elle avait également, au 31 décembre 2006, dégagé un bénéfice de 52 123,66 €, dont elle n'a perçu que 3,33%, alors qu'elle a été fiscalement imposé sur une part de bénéfice calculée au prorata de ses droits sociaux ; il s'avère toutefois, en l'état des pièces produites et notamment de la note de travail établi le 10 juillet 2014 par Mme [G], expert-comptable de la SCI Echirolles, que la somme de 262 036,91 € figurant en réserve au bilan clos le 31 décembre 2006, qui n'est pas une réserve disponible, ne représente que la contrepartie de l'écriture de l'actif immobilisé suite à la disparition de l'immeuble entièrement détruit dans un incendie, soit la différence entre l'indemnité d'assurance perçue (463 750 €) et la valeur comptable de l'immeuble (201 713,09 €) ; en outre, Mme [N], qui, logiquement, n'a pu être imposée qu'au titre des bénéfices, qui lui ont été affectées en fonction de la nouvelle répartition et après approbation des comptes, n'établit pas qu'elle aurait été imposée, non en fonction des bénéfices perçus au titre de l'exercice 2006, mais au prorata de ses droits sociaux.

Le jugement entrepris, qui n'est pas critiqué pour le surplus, notamment en ce qu'il a annulé les première et seconde résolutions votées lors de l'assemblée générale du 29 février 2008, doit en conséquence être confirmé dans toutes ses dispositions.

* *

*

Succombant sur son appel, Mme [N] doit être condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la SCI Echirolles la somme de 3000 € au titre des frais non taxables que celle-ci a dû exposer dans cette procédure, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Déclare irrecevables les conclusions de Mme [N], déposées le 3 octobre 2017,

Au fond, confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Marseille en date du 6 février 2014,

Condamne Mme [N] aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la SCI Echirolles la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code,

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 4e chambre a
Numéro d'arrêt : 16/07972
Date de la décision : 07/12/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 4A, arrêt n°16/07972 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-07;16.07972 ?
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