COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 07 DÉCEMBRE 2017
No 2017/ 428
Rôle No 16/07376
François, Joseph, Henri X...
Annick, Pierrette Y... divorcée Z...
C/
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
Grosse délivrée
le :
à :
- Me Jean-françois JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
- Me Laurence DE SANTI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 03 Mars 2016 enregistré(e) au répertoire général sous le no 14/03550.
APPELANTS
Monsieur François, Joseph, Henri X...
né le 27 Juillet 1962 à Casablanca (Maroc)
demeurant ...
représenté par Me Jean-françois JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Madame Annick, Pierrette Y... divorcée Z...
née le 15 Mai 1956 à RENNES
demeurant ...
représentée par Me Jean-françois JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉE
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
dont le siège social est 1 Boulevard Haussmann - 75009 PARIS
représentée par Me Laurence DE SANTI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785,786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Octobre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie GERARD, Président de chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Valérie GERARD, Président de chambre
Madame Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller
Madame Anne DUBOIS, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Lydie BERENGUIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Décembre 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Décembre 2017
Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Lydie BERENGUIER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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LA COUR
Par acte notarié du 15 décembre 1997, l'Union de crédit pour le bâtiment, aux droits duquel se trouve la société BNP Paribas Personal Finance, a consenti à M. François X... et à Mme Annick Y... un prêt de 1 058 000 F destiné à financer l'acquisition d'une maison d'habitation. Le crédit est garanti par le privilège de prêteur de deniers.
Des échéances étant demeurées impayées, la banque s'est prévalue de la déchéance du terme puis a introduit une procédure de saisie immobilière qu'elle n'a pas poursuivie en raison d'engagements de régularisation pris par les emprunteurs.
Un second commandement de payer aux fins de saisie immobilière a été délivré le 19 juillet 2010. Il n'a pu être publié, faute de radiation du premier commandement.
Par jugement du 24 mai 2012, confirmé par un arrêt de cette cour du 23 mai 2014, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice, saisi par la banque, a constaté la péremption du premier commandement de payer.
Le 11 juin 2014, M. X... et Mme Y... ont fait assigner la société BNP Paribas Personal Finance aux fins de constater l'extinction de la créance par l'effet de la prescription et d'ordonner la mainlevée de l'inscription de privilège de prêteur de deniers.
Par jugement contradictoire du 3 mars 2016, le tribunal de grande instance de Nice a :
- débouté M. X... et Mme Y... de leurs demandes ;
- dit que la créance n'est pas éteinte par la prescription ;
- dit que la mainlevée de l'inscription du privilège de prêteur de deniers ne peut être ordonnée ;
- condamné solidairement M. X... et Mme Y... aux dépens et au paiement de la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X... et Mme Y... sont appelants de ce jugement.
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Par conclusions remises le 8 août 2017, M. X... et Mme Y... demandent à la cour de :
- infirmer le jugement attaqué ;
- dire et juger éteinte par prescription la créance ;
- ordonner, en conséquence, la mainlevée de l'inscription du privilège de prêteur de deniers sur leur bien immobilier.
Ils font valoir :
- que si l'action est éteinte, l'hypothèque ne sert à rien ;
- qu'en décider autrement aurait pour conséquence absurde de maintenir un droit perpétuel à la sûreté ;
- que la banque, qui n'a plus d'action, n'a aucun intérêt juridiquement protégé à exiger le maintien de la sûreté.
Par conclusions remises le 29 août 2017, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de :
- confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;
- condamner M. X... et Mme Y... aux dépens et au paiement de la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir :
- que la prescription de l'action n'éteint pas l'obligation ;
- qu'en conséquence, la mainlevée de l'inscription du privilège de prêteur de deniers ne peut être ordonnée ;
- que la prescription de l'action en paiement ne prive pas la banque des prérogatives attachées à l'exécution forcée sur le fondement de l'article L 111-4 du code des procédures civiles d'exécution.
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L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 septembre 2017.
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Le 24 octobre 2017, la présidente a invité les parties à présenter des observations en délibéré sur le moyen de droit suivant :
"La demande est susceptible de trouver son fondement juridique dans les dispositions prévues à l'article 2180 4o alinéa 1, devenu l'article 2488 4o alinéa 1 du code civil".
Par note du 30 octobre 2017, M. X... et Mme Y... demandent à la cour de faire application des dispositions visées dans la demande d'observations.
Par note du 14 novembre 2017, la société BNP Paribas Personal Finance fait valoir, d'un côté, que le juge ne peut suppléer d'office le moyen tiré de la prescription, d'un autre côté, que l'extinction du privilège en conséquence de la prescription n'opère, par voie d'accessoire, que dans le cas où la créance est elle-même éteinte, enfin, que l'obligation des emprunteurs reste soumise à la prescription quinquennale.
En réponse à la note de la banque, M. X... et Mme Y... soulignent, notamment, par note du 20 novembre 2017, qu'ils ont invoqué, en première instance comme en appel, la prescription extinctive du droit de la banque.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La prescription de la créance de prêt, par application de l'article L 137-2, devenu L 218-2 du code de la consommation, n'étant pas contestée, le seul point en litige porte sur les conséquences qui en découlent sur le privilège de prêteur de deniers grevant l'immeuble acquis au moyen du prêt.
Il sera seulement rappelé, en réponse à la référence faite à la prescription quinquennale de droit commun, dans la note remise par la banque le 14 novembre 2017, que la durée de la prescription est fonction de la nature de la créance et que les dispositions de l'article L 218-2 du code de la consommation, dont l'application peut être relevée d'office par le juge, institue un régime dérogatoire au droit commun, applicable à toutes les actions engagées par un professionnel tendant au paiement des sommes dues pour les biens et les services qu'il a fournis à un consommateur. La banque ne peut mieux invoquer les dispositions de l'article L 111-4 du code des procédures civiles d'exécution qui ne sont pas applicables à un acte notarié.
La prescription n'éteint pas le droit du créancier ; elle lui interdit seulement d'exiger l'exécution de l'obligation.
La banque en tire la conséquence que le privilège attaché à la créance subsiste, en sorte qu'elle peut agir en exécution forcée, sur le fondement de l'acte authentique, bien qu'elle soit privée du droit d'agir en exécution de l'obligation.
M. X... et Mme Y... font valoir que la prescription étant acquise, le maintien de la sûreté ne se justifie plus.
Les parties n'ayant pas précisé le fondement juridique de la demande en mainlevée du privilège formée à raison de la prescription de la créance, la présidente les a invitées à présenter des observations sur l'application des dispositions de l'article 2180 4o alinéa 1, devenu l'article 2488 4o alinéa 1 du code civil.
En vertu de ce texte, les privilèges et hypothèques s'éteignent par l'extinction de l'obligation principale, sous réserve pour l'hypothèque qu'elle n'ait pas été affectée à la garantie d'une créance autre que la créance originaire, par l'effet de la renonciation à l'hypothèque, sous la même réserve, par l'accomplissement des formalités de purge des biens acquis, enfin, par la prescription. Quant aux biens qui sont dans les mains du débiteur, la prescription est acquise par le temps fixé pour la prescription des actions qui donnent l'hypothèque ou le privilège.
Ces dispositions distinguent l'extinction de l'hypothèque ou du privilège par l'effet de l'extinction de l'obligation principale, de l'extinction de l'hypothèque ou du privilège par l'effet de la prescription. Dans ce dernier cas, l'effet extinctif sur la sûreté joue même si la créance garantie n'est pas elle-même éteinte. Subordonner l'extinction de la sûreté à raison de la prescription à l'extinction corrélative du droit de créance, ainsi que le soutient la banque, aurait pour effet d'ajouter une condition que la loi ne prévoit pas. Au surplus, cela priverait de toute portée le cas d'extinction de la sûreté découlant de la prescription puisque l'acquisition de la prescription n'éteint pas la créance.
Il en résulte, au cas d'espèce, que la prescription de la créance, née d'un prêt affecté à l'acquisition d'un immeuble pour le compte de l'emprunteur, entraîne, par voie d'accessoire, la prescription du privilège de prêteur de deniers régulièrement constitué sur cet immeuble, et, par application de l'article 2488 du code civil, l'extinction du privilège.
Le jugement attaqué est infirmé en ce qu'il a rejeté la demande en mainlevée de l'inscription de privilège de prêteur de deniers.
La banque, qui succombe, est condamnée aux dépens et déboutée de la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a dit que la créance n'est pas éteinte par la prescription,
L'infirme en ses autres dispositions,
Statuant à nouveau
Dit que le privilège de prêteur de deniers constitué en garantie du prêt de 1 058 000 F consenti à M. François X... et à Mme Annick Y... par l'Union de crédit pour le bâtiment est éteint,
Ordonne la mainlevée de l'inscription de ce privilège à la Conservation des hypothèques de Nice, effectuée sous le No1419, le 13 février 1998, volume 1998, BV No 368, l'immeuble grevé consistant en une propriété sise ..., cadastrée section NA No 129 et section NA No 8,
Rejette la demande formée par la société BNP Paribas Personal Finance au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT