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06/12/2017 | FRANCE | N°16/15150

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14e chambre, 06 décembre 2017, 16/15150


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

14e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 06 DECEMBRE 2017



N°2017/1739













Rôle N° 16/15150







SAS PETROINEOS MANUFACTURING FRANCE





C/



CPCAM [Localité 1]



MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE



















Grosse délivrée

le :

à :

Me Isabelle RAFEL, avocat au barreau

de MARSEILLE



CPCAM [Localité 1]





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES-DU-RHONE en date du 12 Juillet 2016,enregistré au répertoire général sous le n° 215...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

14e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 06 DECEMBRE 2017

N°2017/1739

Rôle N° 16/15150

SAS PETROINEOS MANUFACTURING FRANCE

C/

CPCAM [Localité 1]

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE

Grosse délivrée

le :

à :

Me Isabelle RAFEL, avocat au barreau de MARSEILLE

CPCAM [Localité 1]

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES-DU-RHONE en date du 12 Juillet 2016,enregistré au répertoire général sous le n° 21503588.

APPELANTE

SAS PETROINEOS MANUFACTURING FRANCE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Isabelle RAFEL, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

CPCAM [Localité 1], demeurant [Adresse 2]

représenté par Mme [E] [R] (Inspectrice juridique) en vertu d'un pouvoir spécial

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 3]

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Octobre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Florence DELORD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

M. Gérard FORET-DODELIN, Président

Madame Florence DELORD, Conseiller

Madame Marie-Pierre SAINTE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Nathalie ARNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Décembre 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Décembre 2017

Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Madame Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La SAS PETROINEOS MANUFACTURING FRANCE a fait appel du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône du 12 juillet 2016 qui, après jonction de ses deux recours, l'a déboutée de son recours contre la décision de la caisse primaire d'assurance maladie le 24 mars 2015, puis de la commission de recours amiable du 20 janvier 2016, ayant reconnu le caractère professionnel de l'accident du travail du 30 décembre 2014 déclaré par M.[U], son salarié, et qui a déclaré que cette décision de la caisse lui était opposable.

Par ses dernières conclusions développées à l'audience de plaidoirie du 25 octobre 2017, elle a demandé à la Cour d'infirmer le jugement et de dire que la décision de prise en charge par la caisse lui était inopposable.

Par ses dernières conclusions développées à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie a demandé à la Cour de confirmer le jugement et de débouter l'appelante de ses demandes.

MOTIFS DE LA DECISION

Le 30 décembre 2014, vers 13 heures 30, M.[U], salarié de la société PETROINEOS exerçant les fonctions de directeur des services généraux (administratifs et commerciaux), a fait un malaise dans son bureau après une réunion professionnelle avec deux collègues, M.[T], directeur Service Support, et M.[I], et il a été transporté à l'hôpital [Localité 2].

L'employeur a eu connaissance de ce malaise le 5 janvier 2015 et l'a déclaré le jour-même, avec des réserves.

Le certificat médical établi par le service psychiatrie de l'hôpital [Localité 2] le 31 décembre 2014 mentionnait : « état de stress aigu sur le lieu de travail dans un contexte d'épuisement sur état dépression- réaction aiguë à ce facteur de stress par surcharge médicamenteuse le 30 décembre 2014 ; nécessité prise en charge spécialiste avec éviction du lieu de travail ».

Lors de son enquête,les 27 janvier et 2 février 2015, la caisse a procédé à l'audition de l'intéressé, qui a déclaré qu'il était mis au placard depuis sept ans, et que tout se décidait dans son dos ; le 30 décembre 2014, l'ambiance de la réunion avec son directeur et son collaborateur était « normale » mais que les deux hommes discutaient entre eux, comme s'il n'existait pas, et qu'il avait quitté la réunion lorsque son directeur lui avait demandé de faire une tâche de 4ème ordre. Il était retourné dans son bureau, avait avalé 30 comprimés de « Xanax » et s'était réveillé à l'hôpital.

Il a déclaré qu'il ne suivait aucun traitement médical.

L'employeur, en la personne de M.[J], a été entendu et a déclaré que la réunion s'était passée dans une ambiance normale mais que M.[U] avait fait preuve « de mutisme et d'un manque d'implication pendant la réunion ».

Il a indiqué que les relations de travail se dégradaient depuis 2006 et qu'il existait plusieurs contentieux avec l'intéressé au point qu'en décembre 2014, ils avaient engagé un processus de médiation juridique pour mettre fin à l'ensemble des contentieux.

La caisse primaire d'assurance maladie a avisé l'employeur de ce que la décision serait prise le 24 mars 2015 et qu'il pouvait venir consulter les pièces du dossier avant cette date.

Les avocats de l'employeur se sont rendus sur place le 18 mars et ont émargé la feuille de consultation du dossier.

La caisse a reconnu l'accident du travail le 24 mars 2015.

Les 28 juillet 2015 et 4 février 2016, la SAS PETROINEOS a contesté les décisions de la commission de recours amiable ayant rejeté sa demande tendant à lui faire déclarer inopposable la décision de la caisse de prendre en charge au titre de la législation professionnelle les faits du 30 décembre 2014.

Concernant l'absence de signature sur la lettre notifiant la prise en charge de l'accident du travail, datée du 24 mars 2015, le document est rédigé sur une feuille à l'en-tête de la caisse, ce qui permettait d'identifier l'autorité dont il émanait.

La demande tendant à faire déclarer cette décision inopposable à l'employeur est donc rejetée.

Concernant le moyen tiré du non respect du principe du contradictoire, l'appelante a fait valoir que le dossier laissé à la consultation de son avocate ne contenait pas les procès-verbaux de l'enquête alors que le personnel de la caisse en avait parlé sans toutefois vouloir les montrer.

La caisse a contesté cette critique en rappelant que c'est l'avocate qui avait coché elle-même les cases relatives aux documents consultés.

La Cour constate que la fiche de consultation des pièces du dossier de la caisse contient plusieurs cases que l'avocate de l'employeur ne conteste pas avoir cochées elle-même, soit : « certificat médical initial, certificats médicaux rédigés par le médecin, certificat médical final, informations parvenues à la caisse de chacune des parties (questionnaire), liaisons médico-administratives ».

Dans la mesure où aucun questionnaire n'avait été envoyé aux parties puisque la caisse avait fait procéder à l'enquête par l'un de ses agents, et sous la forme d'un questionnaire, il est évident que le dossier contenait bien les procès-verbaux d'audition de l'assuré social et de l'employeur des 27 janvier et 2 février 2015, sous la rubrique « informations parvenues à la caisse de chacune des parties (questionnaire) ».

La signature sans réserves ni commentaires de ce document par l'avocate de l'employeur ne permet pas de mettre en doute le contenu exact du dossier de la caisse, qui pouvait fort bien prendre sa décision sur la foi des certificats médicaux et des auditions des parties.

Le principe du contradictoire a donc été respecté.

Concernant le caractère professionnel des faits du 30 décembre 2014, l'appelante a fait valoir que la caisse avait pris sa décision en l'absence de preuve de la matérialité d'un fait accidentel et, subsidiairement, que la cause des lésions était totalement étrangère au travail.

La caisse a fait valoir qu'il existait une présomption d'imputabilité de l'accident au travail, que la tentative de suicide sur le lieu du travail était considérée comme accident du travail, sauf à prouver une cause totalement étrangère au travail, preuve que l'appelante n'apportait pas et que l'employeur avait acquiescé aux dires de son salarié.

La Cour constate d'une part qu'il n'y a pas eu d'acquiescement de l'employeur aux dires du salarié puisqu'au contraire, la déclaration d'accident du travail a été accompagnée d'une lettre de réserves concernant la réalité de l'origine professionnelle de l'accident et évoquant « un état psychologique dépressif sans lien avec le travail ».

D'autre part, il convient de constater que, dans son audition, le 27 janvier 2015, M.[U] a déclaré lui-même que l'ambiance était normale et qu'aucun événement brutal ne s'était produit au cours de la réunion avec ses collègues de travail, mais qu'il avait décidé de quitter le bureau de son directeur, M.[T], parce qu'il s'était senti mis à l'écart puis humilié au moment où celui-ci lui avait demandé d'effectuer une tâche « de 4ème ordre ».

Il avait alors regagné son bureau et avait avalé 30 comprimés de Xanax « pour se calmer ».

Il ne s'agissait donc nullement d'une tentative de suicide sur le lieu du travail, comme le prétend la caisse.

A 11 heures 06, il envoyait un mail à M.[W] (fonction non précisée mais qui serait membre du HSCT), ainsi libellé « l'humiliation a trop duré il faut que ça cesse ».

Ce message ne contient aucune intention de suicide et pourrait être interprété de plusieurs manières (démission, action prud'homale, etc...).

En tout état de cause, son destinataire qui n'était pas devant son ordinateur, ce mardi 30 décembre 2014, n'a eu connaissance du message qu'à 16 heures 15 et ne semble pas avoir été autrement inquiet puisqu'il transférait le message à M.[T] en proposant d'en reparler le lundi suivant (5 janvier 2015).

L'appelante a justifié de ce que le surdosage éventuel de ce médicament ne provoquerait qu'une accentuation de son action pharmacologique, à savoir : ataxie, somnolence, confusion mentale, troubles de la coordination, (...) ou coma (pièce 16).

Le certificat médical initial, rédigé par le service psychiatrie de l'hôpital [Localité 2] le lendemain évoque une « surcharge médicamenteuse » dans un contexte de stress, d'épuisement et de dépression, mais ne cite aucun médicament, n'évoque pas de situation de coma et ne parle nullement de tentative de suicide (qui ne sera évoquée que plus tard, dans le certificat médical de son psychiatre, le docteur [L], le 15 janvier 2015).

Or, une personne qui prétend ne suivre aucun traitement médical (voir sa réponse au questions posées lors de l'enquête de la caisse) n'a aucune raison d'avoir sur elle trente comprimés d'un médicament qui n'est remis que sur prescription médicale et en cas de dépression (pièce 15 de l'appelante).

Il a été établi, par la suite, que l'intéressé consultait le docteur [L] depuis deux ou trois ans et la lettre que ce psychiatre adressait au médecin du travail le 27 mars 2012 (pièce 11 de l'appelante), montre bien que l'état psychologique de son patient était en relation directe avec un conflit professionnel dont l'employeur dit lui-même qu'il durait depuis 2006.

Les documents médicaux versés au dossier montrent que le malaise survenu le 30 décembre 2014 était en relation avec un conflit professionnel et que l'intéressé présentait des lésions psychologiques attestées par les certificats médicaux postérieurs au 30 décembre 2014, jusqu'à la stabilisation de son état avec poursuite du traitement par antidépresseurs et anxiolytiques (certificat médical final du 19 février 2015).

Le malaise survenu sur le lieu du travail le 30 décembre 2014 doit être considéré comme accident du travail dès lors que des lésions psychologiques ont été médicalement constatées.

En conséquence, la Cour rejette les demandes de l'appelante et confirme le jugement dont appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône du 12 juillet 2016,

Déboute la SAS PETROINEOS MANUFACTURING FRANCE de ses demandes,

La dispense de payer le droit prévu par l'article R144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 16/15150
Date de la décision : 06/12/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°16/15150 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-06;16.15150 ?
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