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23/11/2017 | FRANCE | N°15/07582

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11e chambre a, 23 novembre 2017, 15/07582


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

11e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 23 NOVEMBRE 2017



N° 2017/ 537













Rôle N° 15/07582







SARL SNOWLAND SEA





C/



S.C.I. SOPHIMAR





















Grosse délivrée

le :

à :

Me Jean-Rémy DRUJON D'ASTROS



Me Sylvie MAYNARD











Décision déférée à la Cour :<

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Jugement du Tribunal de Grande Instance de Draguignan en date du 12 Janvier 2010 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 08/01096.



Sur saisine après renvoi d'un arrêt de la Cour de Cassation en date du 5 novembre 2014 ayant cassé et annulé les dispositions d'un arrêt rendu le 11 avril 2013 par la Cour d'appel ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

11e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 23 NOVEMBRE 2017

N° 2017/ 537

Rôle N° 15/07582

SARL SNOWLAND SEA

C/

S.C.I. SOPHIMAR

Grosse délivrée

le :

à :

Me Jean-Rémy DRUJON D'ASTROS

Me Sylvie MAYNARD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Draguignan en date du 12 Janvier 2010 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 08/01096.

Sur saisine après renvoi d'un arrêt de la Cour de Cassation en date du 5 novembre 2014 ayant cassé et annulé les dispositions d'un arrêt rendu le 11 avril 2013 par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence et renvoyant la cause et les parties devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composé.

APPELANTE

SARL SNOWLAND SEA prise en la personne de son mandataire ad hoc, Maître [Y] [T], Mandataire Judiciaire., demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean-Rémy DRUJON D'ASTROS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

S.C.I. SOPHIMAR, au capital de 2.000,00 Euros, inscrite au RCS de FREJUS sous le n° D 442 705 984, représentée par son Gérant en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis, demeurant Chez Madame [Adresse 2]

représentée par Me Sylvie MAYNARD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 20 Septembre 2017 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Yves BENHAMOU, Président de Chambre,

Madame Frédérique BRUEL, Conseillère

Madame Sylvie PEREZ, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Novembre 2017 puis les parties ont été avisées que le délibéré était prorogé au 23 novembre 2017.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Novembre 2017,

Signé par Monsieur Yves BENHAMOU, Président de Chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

- FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

La SCI SOPHIMAR a donné à bail à la SNOWLAND SEA pour une durée de 23 mois à compter du 1er janvier 2004 expirant le 30 novembre 2005 des locaux situés [Adresse 3].

Pareil bail portait sur le magasin hormis le premier étage et un hangar hormis la partie B. Il avait été précédé d'une période de trois mois d'occupation gratuite en échange de travaux de remise en état.

Un deuxième bail de 23 mois avait été conclu entre les parties le 1er janvier 2006 portant sur le magasin et son premier étage ainsi que la partie A et B du hangar, le loyer ayant été porté à 4000 euros.

Le 5 mai 2008 les locaux en cause ont été détruits par un incendie.

Par arrêt en date du 26 février 2009, la cour d'appel d'Aix en Provence a confirmé l'ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Draguignan du 19 mars 2018 qui avait constaté la résiliation du bail par acquisition de la cause résolutoire pour impayés de loyers notifiée selon commandement de payer délivré le 10 avril 2007.

Par ordonnance en date du 21 mai 2008, le juge des référés a sollicité la désignation d'un expert.

L'expert judiciaire a ensuite déposé son rapport.

Saisi par la SARL SNOWLAND SEA qui souhaitait voir dire qu'elle était titulaire d'un bail de 9 ans soumis au statut des baux commerciaux qui aurait commencé à courir à compter du 1er décembre 2005, le tribunal de grande instance de Draguignan, par jugement en date du 12 janvier 2010, a :

- déclaré irrecevable la demande de la SARL SNOWLAND SEA tendant à se voir reconnaître le bénéfice d'un bail commercial,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner une expertise,

- condamné la SARL SNOWLAND SEA à payer à la SARL SOPHIMAR des dommages et intérêts d'un montant de 48.000 euros arrêtés au 1er juin 2009 puis d'un montant mensuel de 4000 euros jusqu'à reconstruction des locaux incendiés,

- condamné la SARL SNOWLAND SEA à payer à la SARL SOPHIMAR une somme de 14.500 euros au titre de l'occupation illicite de voies de circulation non comprises dans les locaux loués,

- condamné la SARL SNOWLAND SEA à payer à la SARL SOPHIMAR une somme de 5.950,40 euros au titre des frais d'évacuation de ces voies,

- condamné la SARL SNOWLAND SEA à payer à la SARL SOPHIMAR une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 19 février 2010, la SARL SNOWLAND SEA a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Par arrêt en date du 11 avril 2013, la cour d'appel d'Aix en Provence, a :

- déclaré irrecevable la demande de la SCI SOPHIMAR tendant au sursis à statuer,

- dit que les conventions conclues entre les parties sont des baux dérogatoires et non des conventions d'occupation précaire,

- déclaré prescrite par application de la prescription biennale l'action de la SARL SNOWLAND SEA tendant à se voir reconnaître le bénéfice d'un bail commercial,

- dit sans objet la demande de la SARL SNOWLAND SEA tendant à voir constater la suspension des effets de la clause résolutoire,

- condamné la SARL SNOWLAND SEA à supporter les conséquences dommageables de l'incendie survenu le 5 mai 2008,

- confirmé en conséquence la décision déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

- rejeté les demandes de dommages et intérêts présentées par la SARL SNOWLAND SEA,

- condamné la SARL SNOWLAND SEA à payer à la SCI SOPHIMAR la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Il convient de préciser que par jugement du tribunal de commerce de Fréjus en date du 15 novembre 2013, la liquidation de la SARL SNOWLAND SEA a été prononcée.

La procédure collective a fait l'objet d'une clôture pour insuffisance d'actif le 20 octobre 2014.

La SARL SNOWLAND SEA représenté par Maître [M] [E] es qualité de liquidateur de cette société s'étant pourvu en cassation, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, par arrêt en date du 5 novembre 2014, a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 11 avril 2013 par la cour d'appel d'Aix en Provence et renvoyé l'affaire devant la même cour autrement composée.

La Cour suprême relève au soutien de cette décision que :

' pour accueillir la demande de condamnation formée par la société SOPHIMAR à l'encontre de la société SNOWLAND SEA, l'arrêt attaqué de la cour d'appel d'Aix en Provence retient de la société SNOWLAND SEA avait entreposé dans les lieux des véhicules contenant du carburant et que l'expert avait mis en évidence la vulnérabilité de l'installation de télésurveillance et l'absence de sécurisation des lieux,

' en statuant ainsi, après avoir constaté que l'incendie avait été causé par des malfaiteurs qui s'étaient introduits de nuit en arrachant un barreaudage et en neutralisant le système de télésurveillance des locaux et alors que la destination des lieux impliquait la présence de carburant, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé une faute imputable au preneur ayant facilité l'acte de malveillance, n'a pas donné de base légale à sa décision.

Par ordonnance du tribunal de commerce en date du 15 avril 2015, Maître [T] a été désigné en qualité de mandataire ad hoc.

Dans ses dernières conclusions en date du 30 août 2017, la SARL SNOWLAND SEA, représentée par son mandataire ad hoc Maître [Y] [T], mandataire judiciaire, demande à la cour notamment de rejeter la demande de jonction formulée par la société SOPHIMAR, de déclarer irrecevables les demandes de la société SOPHIMAR tendant à faire juger l'irrecevabilité de la saisine de la cour de renvoi par Maître [T] à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation en date du 5 novembre 2014 au regard de l'arrêt définitif rendu par la cour d'appel d'Aix en Provence le 30 juin 2016 et qui a autorité de la chose jugée à l'égard de SOPHIMAR, et recevant la société SNOWLAND SEA en son appel, de réformer le jugement entrepris et de débouter la SCI SOPHIMAR de toutes ses demandes.

Elle indique notamment que :

' s'agissant de l'article 1302 du code civil sur la base duquel la SOPHIMAR sollicite la condamnation de la SARL SNOWLAND SEA à l'indemniser de ses préjudices il s'applique uniquement dans le cadre de dommages post contractuels pour fonder la responsabilité d'un ancien sous locataire,

' les demandes de la SCI SOPHIMAR devront donc être rejetées de ce chef,

' s'agissant des demandes formées à titre subsidiaire par la SCI SOPHIMAR sur le fondement de l'article 1733 du code civil elles sont tout la fois irrecevables et mal fondées,

' l'origine criminelle indiscutable de l'incendie constitue un cas de force majeure dans la mesure où il ne peut être imputé au locataire aucun manquement en relation de causalité avec l'incendie,

' par suite, les faits criminels en cause constituant bien des circonstances imprévisibles et irrésistibles constitutifs d'un cas de force majeure; dès lors aucune condamnation ne pourra être prononcée à l'encontre de la société SNOWLAND SEA de quelques chefs que ce soit en réparation du préjudice occasionné par l'incendie.

Pour sa part la SCI SOPHIMAR dans ses dernières conclusions en date du 4 août 2016 demande à la cour de :

- déclarer irrecevable la saisine par Maître [T] de la cour de renvoi à la suite de l'arrêt par la Cour de cassation en date du 5 novembre 2014,

- ordonner la jonction de la présente procédure concernant l'appel du jugement du 12 janvier 2010 du tribunal de grande instance de Draguignan actuellement pendante devant la 11ème chambre A de la cour sous le numéro RG 15/07582 avec la procédure concernant l'appel du jugement du 31 janvier 2013 du même tribunal actuellement pendant également devant la 11ème chambre A de la cour sous le numéro RG 13/02964,

- dire et juger que la SARL SNOWLAND SEA est responsable de l'incendie ayant ravagé l'immeuble appartenant à la SCI SOPHIMAR dans la nuit du 4 au 5 mai 2008 sur le fondement de l'article 1302 du code civil,

Dans le cas ou par extraordinaire, la cour ne retiendrait pas l'application de l'article 1302 du même code,

Sur le fondement de l'article 1733 du code civil :

- dire que la société SNOWLAND SEA a commis une faute à l'origine du préjudice subi par la société SOPHIMAR,

- dire que la SARL SNOWLAND SEA est responsable de l'incendie,

- fixer au passif de la SARL SNOWLAND SEA la créance de la SCI SOPHIMAR qui s'établit comme suit :

' perte de loyers : 376.000 euros (somme arrêtée au mois d'août 2016) outre la somme de 4.000 euros par mois jusqu'au paiement de l'indemnité sollicitée pour la reconstruction,

Cette indemnité devant être majorée en fonction de l'indice du coût de la construction,

- inscrire au passif de la SARL SNOWLAND SEA la somme de 6.000 euros qui est due à la SCI SOPHIMAR en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SARL SNOWLAND SEA aux entiers dépens.

Elle indique que:

' l'incendie ne serait pas survenu si la société SNOWLAND SEA avait restitué à la SCI SOPHIMAR les lieux en cause conformément à ses obligations contractuelles et aux décisions de justice, puisque dans ce cas les produits inflammables ne se seraient pas trouvés sur les lieux,

' dès lors la SCI SOPHIMAR s'estime fondée à voir déclarer sur le fondement de l'article 1302 du code civil la société SNOWLAND SEA responsable de l'incendie,

' à titre subsidiaire si l'application de l'article 1302 n'était pas retenue la SARL SNOWLAND SEA devra répondre de sa responsabilité en qualité de locataire sur le fondement de l'article 1733 du code civil,

' la SCI SOPHIMAR démontre la faute et les carences de la SARL SNOWLAND SEA de telle sorte que les conditions d'imprévisibilité et d'irresistibilité ne sont pas réunies,

' la société intimée considère être bien fondée à solliciter la confirmation de l'arrêt déféré en ce qu'il a condamné la société SNOWLAND SEA à l'indemniser des conséquences de l'incendie au titre de la perte de loyers.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 septembre 2017.

- MOTIFS DE LA COUR :

- SUR LA DEMANDE DE JONCTION DES DEUX PROCÉDURES ENREGISTRÉES AU RÉPERTOIRE GÉNÉRAL DE CETTE COUR D'APPEL SOUS LES NUMÉROS 15/07582 ET 13/ 02964 :

Dans le cas présent la SCI SOPHIMAR demande la jonction des deux procédures enregistrées au répertoire général de cette cour d'appel sous les numéros 15/07582 et 13/ 02964.

Toutefois l'objectivité commande de constater que dans ces deux affaires les demandes formulées et les parties sont différentes étant précisé de surcroît que les affaires sont procéduralement distinctes. Ainsi une bonne justice ne commande nullement d'ordonner la jonction de ces deux procédures.

Il convient dès lors de rejeter la demande de jonction de la SCI SOPHIMAR.

- SUR LA RECEVABILITÉ DE L'ACTION DE MAÎTRE [T] EN SA QUALITÉ DE MANDATAIRE AD HOC DE LA SOCIÉTÉ SNOWLAND SEA :

LA SCI SOPHIMAR fait valoir que la société SNOWLAND SEA ayant fait l'objet d'un jugement de clôture pour insuffisance d'actif , n'a plus de personnalité morale, n'a pas d'intérêt à agir, et que Maître [T] n'a pas qualité pour représenter la société SNOWLAND SEA. La société SOPHIMAR soutient donc que l'action engagée par Maître [T] es qualité de mandataire ad hoc de la société SNOWLAND SEA serait irrecevable.

Un tel moyen a déjà été soulevé dans le cadre d'une précédente procédure. En effet par arrêt définitif en date du 30 juin 2016, la cour d'appel d'Aix en Provence a jugé que 'la publication de la clôture de la liquidation de la société SNOWLAND SEA n'a pas pour effet de mettre fin à la personnalité morale de la société qui subsiste aussi longtemps que ses droits et obligations à caractère social , notamment ceux liés à l'instance en cours , ne sont pas liquidés, sous réserve de la désignation d'un mandataire ad hoc pour la représenter'.

La cour d'appel d'Aix en Provence a ainsi jugé que COVEA RISKS (alors assureur de la SARL SNOWLAND) avait qualité et intérêt à obtenir la désignation d'un mandataire ad hoc pour la société SNOWLAND SEA et a, par suite, débouté la SCI SOPHIMAR de toutes ses demandes.

Aucun pourvoi n'ayant été formé à l'encontre de cette décision, ainsi que l'atteste de manière incontestable le certificat de non pourvoi produit par la société appelante devant la cour ( pièce n°13). Cet arrêt est désormais définitif, et s'impose à la cour.

Il convient en conséquence de débouter la SCI SOPHIMAR de sa demande tendant à voir déclarer irrecevable la saisine par Maître [T] es qualité de mandataire ad hoc de la SARL SNOWLAND SEA, de cette cour d'appel de renvoi à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation en date du 5 novembre 2014.

- SUR LES DEMANDES DE LA SCI SOPHIMAR FONDÉES SUR L'ANCIEN ARTICLE 1302 DU CODE CIVIL :

La SCI SOPHIMAR afin d'obtenir la condamnation de la SARL SNOWLAND SEA à l'indemniser de ses préjudices invoque désormais dans le cadre de la présente instance d'appel sur renvoi de cassation, les dispositions de l'ancien article 1302 du code civil [disposition abrogée par l'ordonnance du 10 février 2016 à compter du 1er octobre 2016].

Dans le cas présent l'objectivité commande de constater que la SCI SOPHIMAR et la société SNOWLAND SEA entretiennent des rapports de bailleur à locataire ou plus exactement de bailleur à ancien locataire.

Or, si l'ancien article 1302 du code civil a déjà pu s'appliquer dans le cadre de dommages post-contractuels c'est uniquement pour fonder la responsabilité d'un ancien sous locataire. Ainsi la Cour de cassation a admis que le bail principal ayant été résilié et le sous locataire s'étant maintenu dans les lieux, le bailleur pouvait agir contre le sous locataire en cas d'incendie sur le fondement de l'article 1302 du code civil ( Arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation du 14 décembre 2005, Bulletin, 2005, III, n°245, p 225).

Par suite, l'application de l'ancien article 1302 du code civil était ici possible mais uniquement dans l'hypothèse de l'existence d'un contrat qui n'était pas celui conclu entre un propriétaire et un locataire.

En revanche les rapports entre bailleur et locataire y compris l' ancien locataire qui se maintient dans les lieux après l'expiration du bail sont en cas d'incendie uniquement régis par l'article 1733 du code civil.

L'ancien article 1302 du code civil ne peut donc pas permettre d'engager la responsabilité du locataire -en ce compris l'ancien locataire- mais uniquement du sous locataire.

Il convient dès lors au regard des observations qui précédent de rejeter purement et simplement les demandes de la SCI SOPHIMAR sur le fondement de l'article 1302 du code civil.

- SUR L'ÉVENTUELLE RESPONSABILITÉ DE LA SOCIÉTÉ SNOWLAND SEA SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 1733 DU CODE CIVIL :

En application des dispositions de l'article 1733 du code civil, le preneur répond de l'incendie à moins qu'il ne prouve que l'incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure ou par vice de construction ou que le feu a été communiqué par une maison voisine.

Il résulte par ailleurs d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation qu'un incendie d'origine criminelle constitue indiscutablement un cas de force majeure dans la mesure ou il ne peut être imputé au locataire aucun manquement particulier en lien de causalité avec l'incendie.

Il est incontestable que dans le cas présent l'incendie ayant causé le sinistre a une origine criminelle.

Cet incendie s'est en effet produit dans la nuit du 4 au 5 mai 2008 après que des malfaiteurs aient disjoncté l'alimentation électrique du bâtiment qui est situé sur un poteau électrique en zone arrière du bâtiment, coupé le câble électrique qui circule sur le mure d'enceinte, dessoudé deux barreaudages protégeant la fenêtre donnant dans le bureau du secrétariat au rez-de-chaussée en façade sud puis pénétré à l'intérieur des locaux ( Rapport d'expertise GAB ROBBINS).

- S'agissant du maintien prétendument fautif de la SARL SNOWLAND SEA dans les lieux :

Afin de voir écarter le cas de force majeure et de voir retenir corrélativement la responsabilité de la société appelante sur le fondement de l'article 1733 du code civil, la SCI SOPHIMAR fait valoir notamment que la SARL SNOWLAND SEA se serait maintenue de façon fautive dans les lieux.

Toutefois l'objectivité commande d'admettre qu'il n'existe aucun lien de causalité entre la présence de la société SNOWLAND SEA dans les lieux et l'incendie.

Force est de constater que la société SNOWLAND SEA n'a fait qu'user des voies de droit qui lui étaient offertes pour contester des décisions qui lui étaient défavorables. A ce sujet il convient de souligner que la société SNOWLAND SEA a assigné au fond son bailleur devant le tribunal de grande instance de Draguignan aux fins de faire reconnaître la propriété commerciale et ce dès le 11 février 2008 soit trois mois avant la survenance de l'incendie et plus d'un mois avant le prononcé de l'ordonnance de référé du 19 mars 2008.

La SARL SNOWLAND SEA a donc utilisé les voies de droit qui lui étaient ouvertes en tentant de faire reconnaître l'application du statut des baux commerciaux.

Aucune faute ne peut donc être reprochée à la société SNOWLAND SEA qui avant même l'ordonnance de référé a tenté de faire valoir ses droits au fond.

De plus comme l'indique de manière pertinente la société appelante, sauf à considérer que le propriétaire des lieux avait intérêt à faire partir son locataire par des mesures d'intimidation telles que l'incendie, ce que l'on ne peut bien évidemment pas imaginer , on voit mal quel serait le lien de causalité entre le maintien dans les lieux de la société SNOWLAND SEA et l'incendie qui s'est produit.

Dès lors force est de constater que le maintien dans les lieux de la société SNOWLAND SEA est sans lien de causalité avec l'incendie criminel qui a eu lieu.

De surcroît la présence de carburant dans ce garage n'avait rien de fautif puisque c'est le propre d'un garage d'engins à moteur que de disposer du carburant nécessaire au fonctionnement de ces engins. La destination même des lieux impliquait donc la présence de carburant. Il ne s'agit donc là ni d'une faute intentionnelle ni d'une négligence de la société SNOWLAND SEA.

- S'agissant de l'argument tenant au fait que les locaux n'auraient pas été correctement sécurisés :

Il ressort des justificatifs produits que la société SNOWLAND SEA a pris toutes les précautions normales pour assurer la sécurité de son bâtiment.

Il est constant que le site était protégé par une installation d'alarme comportant six points de détection volumétrique et reliée à une centrale d'alarme avec télésurveillance. Il a ainsi pu être constaté que les radars dans le cas présent couvraient la quasi totalité des locaux. Aucun grief ne peut être formulé à l'égard de la société SNOWLAND SEA quant à la protection de ce système d'alarme, celui-ci ayant été installé par une société spécialisée.

L'ingéniosité des malfaiteurs leur a permis de neutraliser l'alarme. A la suite de quoi ils ont scié un barreau leur permettant d'entrer par la fenêtre du bureau du secrétariat du rez-de-chaussée. Puis ces malfaiteurs ont répandu de l'essence dans les locaux et y ont mis le feu en plusieurs endroits. Il ne ressort ainsi d'aucun élément objectif du dossier que cette neutralisation du système de télésurveillance soit imputable à une faute de la société SNOWLAND SEA.

Il résulte ainsi des observations qui précédent que les faits d'incendie ayant dévasté les locaux en cause, alors même qu'aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de la société SNOWLAND SEA en lien de causalité avec l'incendie, apparaissent constitutifs d'un événement de force majeure. Par suite la responsabilité de la société appelante ne peut être retenue sur le fondement de l'article 1733 du code civil.

Dès lors aucune condamnation ne peut être prononcée à l'égard de la SARL SNOWLAND SEA en réparation du préjudice causé par l'incendie.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement querellé du tribunal de grande instance de Draguignan du 12 janvier 2010 en ce qu'il a condamné la SARL SNOWLAND à payer à la SCI SOPHIMAR :

- 48.000 euros arrêtés au 1er juin 2009 puis 4000 euros par mois à titre de dommages et intérêts jusqu'à la reconstruction des locaux incendiés,

- 14.500 euros au titre de l'occupation illicite des voies de circulation,

- 5.950,40 euros au titre des frais d'évacuation de ces voies,

- 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il y a lieu, par suite, statuant à nouveau sur ces points, de débouter purement et simplement la SCI SOPHIMAR de ces chefs de demandes.

- SUR LE SURPLUS DES DEMANDES :

Au regard des observations qui précédent il y a lieu de débouter les parties du surplus de leurs demandes.

- SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE :

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SARL SNOWLAND SEA les frais irrépétibles exposés par elle et non compris dans les dépens.

Il convient dès lors de condamner la SCI SOPHIMAR à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la SCI SOPHIMAR les frais irrépétibles exposés par elle et non compris dans les dépens.

Il y a lieu par suite, de la débouter de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- SUR LES DÉPENS :

Il convient de condamner la SCI SOPHIMAR qui succombe aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, et par mise à disposition au greffe,

En la forme :

- REJETTE la demande de jonction des procédures enregistrées devant cette cour d'appel au répertoire général sous les numéros 15/07582 et 13/ 02964,

- DEBOUTE la SCI SOPHIMAR de sa demande tendant à voir déclarer irrecevable la saisine par Maître [T] es qualité de cette cour d'appel en qualité de cour de renvoi à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation en date du 5 novembre 2014,

Au fond :

- INFIRME le jugement querellé du tribunal de grande instance de Draguignan du 12 janvier 2010 en ce qu'il a condamné la SARL SNOWLAND SEA à payer à la SCI SOPHIMAR :

' 48.000,00 euros arrêtés au 1er juin 2009 puis 4000 euros par mois à titre de dommages et intérêts jusqu'à la reconstruction des locaux incendiés,

' 14.500,00 euros au titre de l'occupation illicite des voies de circulation,

' 5.950,40 euros au titre des frais d'évacuation de ces voies,

lesdites condamnations ayant été prononcées sur le fondement de l'article 1733 du code civil,

' 2000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur les points infirmés :

- DÉBOUTE la SCI SOPHIMAR purement et simplement de ses demandes d'indemnisation de ses préjudices formulées sur le fondement de l'article 1733 du code civil et dirigées contre la SARL SNOWLAND SEA,

- CONFIRME pour le surplus le jugement déféré,

Y ajoutant:

- REJETTE la demande de la SCI SOPHIMAR tendant à voir retenir la responsabilité de la SARL SNOWLAND SEA s'agissant de l'incendie ayant ravagé l'immeuble de la société intimée sur le fondement de l'ancien article 1302 du code civil,

- DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

- CONDAMNE condamner la SCI SOPHIMAR à payer à Maître [Y] [T] es qualité de mandataire ad hoc de la SARL SNOWLAND SEA la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- LA DÉBOUTE de sa demande au titre des frais irrépétibles,

- LA CONDAMNE aux entiers dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 11e chambre a
Numéro d'arrêt : 15/07582
Date de la décision : 23/11/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence A1, arrêt n°15/07582 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence A1


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-23;15.07582 ?
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