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17/11/2017 | FRANCE | N°16/19881

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre b, 17 novembre 2017, 16/19881


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 17 NOVEMBRE 2017



N° 2017/1224













Rôle N° 16/19881





[H] [Y]





C/



SNC CAP SUD EXPLOITATION

































Grosse délivrée

le :

à :

Me Juliette GOLDMANN

Me Antoine DONSIMONI











Décision

déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS - section - en date du 06 Octobre 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 16/00086.







APPELANT



Monsieur [H] [Y], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Juliette GOLDMANN de la SELARL GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE





I...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 17 NOVEMBRE 2017

N° 2017/1224

Rôle N° 16/19881

[H] [Y]

C/

SNC CAP SUD EXPLOITATION

Grosse délivrée

le :

à :

Me Juliette GOLDMANN

Me Antoine DONSIMONI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS - section - en date du 06 Octobre 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 16/00086.

APPELANT

Monsieur [H] [Y], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Juliette GOLDMANN de la SELARL GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SNC CAP SUD EXPLOITATION, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Antoine DONSIMONI, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 22 septembre 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Christophe RUIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Christophe RUIN, Président

Mme Marina ALBERTI, Conseiller

Monsieur Yann CATTIN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2017.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2017.

Signé par Monsieur Christophe RUIN, Président et Mme Agnès BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Par requête reçue au greffe le 14 mars 2016, Monsieur [H] [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Fréjus de demandes aux fins d'obtenir notamment que son licenciement pour motif économique soit jugé sans cause réelle et sérieuse et qu'il lui soit alloué diverses sommes à titre de dommages et intérêts, indemnités et rappel de prime.

Par jugement rendu contradictoirement en date du 6 octobre 2016, le conseil de prud'hommes de Fréjus a débouté Monsieur [H] [Y] de toutes ses demandes, débouté la société CAP SUD EXPLOITATION de sa demande reconventionnelle et condamné Monsieur [H] [Y] aux entiers dépens.

Le 4 novembre 2016, Monsieur [H] [Y] a interjeté appel de ce jugement.

Vu les conclusions notifiées le 3 février 2017 par Monsieur [H] [Y] ;

Vu les conclusions notifiées le 30 mars 2017 par la société CAP SUD EXPLOITATION ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 7 septembre 2017 ;

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, Monsieur [H] [Y] conclut à la réformation du jugement et demande que la cour :

- constate l'absence de motif économique du licenciement et, en conséquence, juge son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamne la société CAP SUD EXPLOITATION à lui payer les sommes suivantes :

* 18.750 euros, à titre de dommages et intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1.474 euros correspondant au rappel de la prime de fin d'année pour les années 2012 et 2013, augmenté des congés payés afférents,

* 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, la SNC CAP SUD EXPLOITATION conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et sollicite que Monsieur [H] [Y] soit débouté de ses demandes et condamné à lui verser une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux conclusions déposées.

MOTIFS

En application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières écritures des parties.

- Sur la relation contractuelle de travail -

Monsieur [H] [Y] a été embauché par la société SCHLEKER FRANCE (Schlecker SNC) le 13 mai 1996. Le contrat de travail a été transféré à la société UP SUD SNC (septembre 2012) devenue depuis la SNC CAP SUD EXPLOITATION.

Les bulletins de paie produits (période de novembre 2012 à 2014) mentionnent pour Monsieur [H] [Y] un emploi au service réception de marchandises (qualification employé), une ancienneté au 13 mai 1996, un cumul annuel brut salarial de 20.501 euros en 2013, de 10.214 euros de janvier 2014 à juin 2014 inclus, une sortie des effectifs de l'entreprise le18 juin 2014.

L'attestation ASSEDIC mentionne, s'agissant du contrat de travail liant le salarié à la société CAP SUD EXPLOITATION, une période de travail comprise entre le 13 mai 1996 et le 18 juin 2014, un revenu total brut de 12.778 euros pour les 6 derniers mois de travail.

- Sur le licenciement -

En janvier 2012, la société mère du groupe SCHLECKER est placée en liquidation judiciaire en Allemagne.

Quatre cadres de la filiale française, la société SCHLECKER FRANCE, vont s'associer au sein de la société 3MP pour créer, avec la société PORTEX et la coopérative LE MISTRAL, la société UP SUD SNC (ou U Proximité Sud SNC).

La société UP SUD PARTICIPATIONS a racheté la SNC SCHLECKER en août 2012 pour un montant global de 13 millions d'euros.

La société UP SUD EXPLOITATION, devenue depuis la SNC CAP SUD EXPLOITATION, qui a obtenu la cession des 139 magasins de droguerie SCHLECKER en date du 31 août 2012, envisageait alors la transformation de ces anciens magasins en supérettes UTILE, ce avec adjonction d'un rayon alimentation.

Fin novembre 2013, la société UP SUD EXPLOITATION comptait 637 employés. Au 15 avril 2014, sur les 139 magasins SCHLECKER repris par la société UP SUD EXPLOITATION, 57 étaient ouverts sous l'enseigne 'Utile', 9 étaient en cours de transformation pour devenir des supérettes 'Utile', 12 avaient été vendus ou fermés, 3 étaient en attente d'étude complémentaire, 58 étaient considérés par l'employeur comme difficilement ou non transformables.

Début 2014, la société UP SUD EXPLOITATION envisageait la fermeture de certains points de vente au plus tard fin décembre 2014, avec une réduction des effectifs en conséquence pour les employés des magasins, mais également une réduction des effectifs au dépôt et au siège du Muy.

En février 2014, l'employeur a convoqué le comité d'entreprise de la SNC UP SUD pour l'informer et le consulter sur un projet de licenciement pour motif économique collectif prévoyant la fermeture de 58 magasins et le licenciement de 220 salariés.

Le 21 février 2014, la première réunion du comité d'entreprise a marqué le début de la procédure de réunion et de consultation au sens de l'article L. 1233-30 du contrat de travail. La désignation d'un expert (SECAFI) a été décidée au cours de cette réunion.

Le rapport SECAFI a été établi en date du 17 mars 2014.

Un accord de méthode a été signé par l'ensemble des organisations syndicales représentatives le 24 avril 2014.

Le 2 mai 2014, la direction de la SNC UP SUD et trois organisations syndicales signent un accord collectif majoritaire, mettant notamment en place un plan de sauvegarde de l'emploi, dans le cadre des dispositions de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013.

L'accord collectif majoritaire du 2 mai 2014 mentionne notamment :

- la mise en place d'une cellule de reclassement et de suivi ;

- un programme général de formation de l'ensemble du personnel ;

- la suppression envisagée de 220 emplois mais avec l'engagement de l'employeur de proposer au moins une offre de reclassement à chaque salarié dont le licenciement est envisagé ;

- la liste des 165 postes supprimés dans les magasins (employé, agent de maîtrise et cadre) ;

- au titre du reclassement interne :

* 120 postes disponibles dans le cadre du reclassement interne (dont création de 32 postes d'itinérants dans certains magasins ; création de 7 postes d'employé commercial sur les gros points de vente de l'entreprise ; 6 postes à pourvoir dans les magasins Utile ; 22 postes créés dans les magasins Schlecker transformés en Utile au cours du premier semestre 2014),

* des mesures d'aides à la mobilité géographique,

* des mesures d'adaptation et de formation pour les postes de reclassement,

* un maintien temporaire du salaire antérieur (indemnités temporaires dégressives) en cas de déclassement ;

- au titre du reclassement externe : une aide au reclassement avec notamment l'intervention du cabinet RH PARTNERS, la possibilité d'une suspension du contrat de travail, des OVE (Offre Valable d'Emploi), un congé de reclassement ;

- les critères d'ordre des licenciements ;

- la possibilité de départs volontaires ;

- le calendrier prévisionnel des départs ;

- la priorité de réembauchage ;

- les indemnités de rupture ;

- la portabilité prévoyance.

Par décision du 15 mai 2014, la Direccte Provence-Alpes-Côte d'Azur a validé l'accord collectif majoritaire du 2 mai 2014 portant sur le projet de licenciement collectif pour motif économique.

Par courrier du 2 avril 2014, la société UP SUD informait Monsieur [H] [Y] que son poste au site du Muy risquait d'être supprimé à terme et que, dans le cadre des recherches de reclassement externe, un poste à la réception était proposé par la société ID LOGISTICS dans la zone de Bréguières située aux Arcs sur Argens.

Le 2 avril 2014, la société UP SUD et Monsieur [H] [Y] signaient un avenant au contrat de travail pour suspendre la relation contractuelle de façon à permettre au salarié d'effectuer une période d'essai au sein de la société ID LOGISTICS.

Le 7 avril 2014, Monsieur [H] [Y] signait un contrat de travail à durée indéterminée avec la société ID LOGISTICS FRANCE (embauche en qualité de contrôleur réceptionnaire, à temps plein, à compter du 7 avril 2014).

Par courrier du 22 mai 2014, la société UP SUD informait Monsieur [H] [Y] que son poste de travail était concerné par le plan de sauvegarde du fait des difficultés économiques de l'entreprise qui entraînent notamment la fermeture du service logistique et la réduction du personnel administratif. Il lui était proposé ( annexe 1) huit profils de postes en reclassement interne (préparateur de commande, cariste ou employé logistique dans les établissements d'[Localité 1], de [Localité 2] et de [Localité 3] de la société LE MISTRAL et de la société SYSTEME U CENTRALE REGIONALE SUD / certains postes mentionnés en contrat de travail à durée indéterminée d'autres en contrat de travail à durée déterminée de cinq mois / tous les postes avec une seule indication de rémunération SMIC), en lui notifiant un délai de 8 jours (à compter de la première présentation du courrier) pour accepter ce reclassement (silence valant refus) et un licenciement envisagé en cas de refus ou d'absence de réponse, dans le délai indiqué, concernant la proposition de reclassement. Il était également mentionné que le salarié pouvait postuler, dans le même délai de 8 jours, au regard d'une liste (jointe en annexe 2) de postes disponibles au sein du groupe à un niveau équivalent ou inférieur.

Par courrier du 17 juin 2014, la société UP SUD notifiait à Monsieur [H] [Y] son licenciement pour motif économique et à raison d'une impossibilité de reclassement.

Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et assurer le reclassement des salariés dont le licenciement est envisagé.

Ce plan intègre ainsi un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile.

En matière de licenciement collectif pour motif économique concernant au moins dix salariés dans une même période de trente jours et intervenant dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, le juge administratif contrôle, à travers la décision de la Direccte, la régularité et la suffisance du plan de sauvegarde de l'emploi, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise.

Le juge judiciaire conserve seulement le contrôle du motif économique, de l'exécution loyale de l'obligation personnalisée ou individuelle de reclassement et du respect par l'employeur des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi.

L'absence de motif économique, le non respect par l'employeur de l'obligation de reclassement, le non respect par l'employeur des mesures de reclassement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi ou des garanties de fond accordées en matière de reclassement, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Le non respect par l'employeur des autres dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi engage sa responsabilité contractuelle et le salarié peut prétendre à la réparation de son préjudice souverainement apprécié par le juge.

Pour un salarié ayant au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise ayant au moins onze salariés, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, si le salarié ne demande pas sa réintégration ou si celle-ci est devenue impossible, le juge lui octroie une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois (rémunération brute). Ces dommages et intérêts pour licenciement injustifié (sans cause réelle et sérieuse) sont cumulables avec l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement et avec les avantages fixés par le plan de sauvegarde de l'emploi, mais ne peuvent se cumuler avec l'indemnité pour le licenciement irrégulier (maximum d'un mois de salaire).

Pour un salarié ayant moins de deux ans d'ancienneté ou travaillant dans une entreprise de moins de onze salariés, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi. Il revient au juge d'en déterminer le montant (ni minimum ni maximum). Ces dommages et intérêts pour licenciement injustifié (sans cause réelle et sérieuse) sont cumulables avec l'indemnité pour le licenciement irrégulier.

Le juge judiciaire peut constater la nullité du licenciement lorsqu'il est intervenu avant la décision de validation de l'accord collectif majoritaire ou l'homologation du document unilatéral, ou en présence d'une décision de refus de validation ou d'homologation de la Direccte, de même quand la décision de validation ou d'homologation a été annulée par le juge administratif. En cas de licenciement nul, si le salarié ne demande pas sa réintégration ou si celle-ci est devenue impossible, le juge lui octroie une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaires pour un salarié ayant au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise ayant au moins onze salariés. Le juge lui octroie une indemnité correspondant au préjudice subi pour un salarié ayant moins de deux ans d'ancienneté ou travaillant dans une entreprise de moins de onze salariés.

En l'espèce, au regard des dernières écritures des parties, le débat est strictement limité au motif économique du licenciement. En effet, au-delà du motif économique correspondant à l'appréciation des difficultés économiques et de leurs conséquences, Monsieur [H] [Y], qui a signé un contrat de travail à durée indéterminée avec une autre entreprise avant la notification du licenciement mais bénéficiait alors d'une suspension du contrat de travail avec la société UP SUD, ne met en cause ni l'obligation de reclassement de l'employeur ni la cause économique du licenciement au sens large telle qu'elle inclurait nécessairement l'obligation de reclassement.

Aux termes de l'article L. 1233-3 applicable à la date du licenciement : ' Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.'.

Au titre du motif économique, la lettre de licenciement mentionne en l'espèce que :

- les objectifs de la société UP SUD en reprenant les anciens magasins de droguerie de la société SCHLECKER FRANCE étaient de sauver un maximum d'emplois et de transformer les anciens magasins de droguerie en magasins alimentaires exploités sous l'enseigne UTILE ;

- les études effectuées en 2013 et début 2014 ont révélé que certains magasins ne pouvaient pas être transformés en supérettes UTILE du fait qu'ils étaient en frontalité avec des magasins concurrents et/ou n'avaient aucune chance d'atteindre le seuil de rentabilité ;

- du fait de la fermeture envisagée de près de 70 magasins, le nombre de magasins gérés par la société passera de 139 à moins de 70 ;

- la société a enregistré de lourdes pertes en 2012 et 2013, liées presqu'exclusivement à l'exploitation des magasins à l'enseigne SCHLECKER et au coût représenté par l'exploitation du dépôt, qui n'est pas équipé pour livrer les magasins UTILE notamment en produits frais, et du siège du Muy ;

- les suppressions d'emplois sont la conséquence de la fermeture de certains magasins, de la réduction de l'activité administrative liée au transfert de gestion des magasins passés sous enseigne 'Utile' et des difficultés économiques de la société, difficultés aggravées par les refus de renouvellement des baux ou augmentations de loyer en rapport avec la modification de la destination des baux ainsi que par l'inadaptation du dépôt qui a été mis en vente en conséquence ;

- le poste du salarié est supprimé en raison de l'impact de la fermeture de magasins sur le siège social, le service administratif et le service logistique.

Monsieur [H] [Y] soutient que la SNC CAP SUD EXPLOITATION fait partie du groupe SYSTEME U CENTRALE REGIONALE SUD et que le motif économique doit en conséquence être apprécié au regard du secteur d'activité du groupe dont relève l'employeur. Il fait valoir, vu le rapport SECAFI, qu'en l'absence de difficultés économiques affectant ce groupe, son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

La SNC CAP SUD EXPLOITATION soutient que, vu les pertes de l'entreprise et l'absence de rentabilité de certains magasins, le licenciement pour motif économique est justifié en ce que la suppression de l'emploi était nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise et réfute toute appartenance à un groupe SYSTEME U pour apprécier le motif économique du licenciement.

Pour apprécier le caractère réel et sérieux d'un licenciement pour motif économique, le juge doit se placer au moment de la notification du licenciement au salarié.

Les conditions relatives à l'élément matériel (suppression d'emploi ou transformation d'emploi ou modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail) et à l'élément causal (difficultés économiques ou mutations technologiques ou réorganisation destinée à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou cessation d'activité de l'entreprise) doivent être cumulativement remplies pour justifier un licenciement pour motif économique.

Si la réalité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification du contrat de travail est examinée au niveau de l'entreprise, les difficultés économiques, les mutations technologiques ou l'existence d'une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité doivent être appréciées au niveau de l'entreprise si elle ne fait pas partie d'un groupe, ou au regard du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise concernée.

Ainsi, la cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient. Le périmètre du groupe à prendre en considération à cet effet est l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 2331-1 du code du travail, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national.

Il appartient à l'employeur de produire les éléments permettant de déterminer l'étendue du secteur d'activité du groupe dont relève l'entreprise.

La rapport SECAFI mentionne notamment que :

- la société UP SUD EXPLOITATION (employeur) est une filiale de la SAS SYSTEME U CENTRALE REGIONALE SUD qui est l'actionnaire majoritaire (90 %) de la société PORTEX qui est elle-même l'actionnaire majoritaire (50, 84 %) de la société UP SUD PARTICIPATIONS qui s'est endettée pour racheter les magasins SCHLECKER et qui est elle-même l'actionnaire majoritaire (99, 99 %) de la société UP SUD EXPLOITATION SNC ;

- la SAS 3MP (33, 33 %) et la SA COOPÉRATIVE D'ACHATS EN COMMUN LE MISTRAL (15, 83 %) sont les autres actionnaires de la société UP SUD PARTICIPATIONS ;

- l'opération de rachats des magasins SCHLECKER était destinée à renforcer la branche proximité de SYSTEME U CENTRALE REGIONALE SUD en transformant en supérettes UTILE les anciens magasins de droguerie SCHLECKER ;

- la société SYSTEME U CENTRALE REGIONALE SUD est également un fournisseur de marques distributeurs et de prestations logistiques pour la société UP SUD EXPLOITATION.

En l'espèce, au regard des éléments d'appréciation susvisés, s'agissant du secteur d'activité du commerce à prédominance alimentaire, la cause économique du licenciement doit être appréciée au niveau du groupe constitué des sociétés UP SUD EXPLOITATION, SYSTEME U CENTRALE REGIONALE SUD, COOPÉRATIVE D'ACHATS EN COMMUN LE MISTRAL, 3MP, PORTEX et UP SUD PARTICIPATIONS.

Par contre, il n'est pas justifié, au titre de l'appréciation de la cause économique du licenciement, de l'existence d'un groupe plus vaste comprenant des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 2331-1 du code du travail, notamment en ce qui concerne le groupe appelé SYSTEME U ou SYSTEME U SUD par l'appelante qui correspond à une coopérative nationale de commerçants indépendants dont le périmètre commercial était de 682 magasins sur le territoire national en 2013, sous diverses enseignes (U-expresse ; Marché U ; Utile ; Super U et Hyper U), ce notamment en l'absence de preuve de liens capitalistiques, de détention d'une majorité de droits de vote ou du pouvoir de nomination ou de révocation de la majorité des dirigeants.

Les sociétés 3MP, PORTEX et UP SUD PARTICIPATIONS sont ou étaient des sociétés holding ou de participation ne présentant pas d'intérêt en l'espèce quant à l'appréciation des difficultés économiques ou des recherches de reclassement.

À la lecture des seuls documents produits concernant la situation de la SNC UP SUD EXPLOITATION devenue la SNC CAP SUD EXPLOITATION, il apparaît :

- une perte de 5.748.109 euros en 2012 (exercice clos au 31 décembre) avec un résultat d'exploitation de - 5.404.645 euros ;

- une perte de 12.791.886 euros en 2013 (exercice clos au 31 décembre) avec un résultat d'exploitation de - 14.350.379 euros ;

- une perte de 20.292.188 euros en 2014 (exercice clos au 31 décembre) avec un résultat d'exploitation de - 15.768.633 euros.

À la lecture des seuls documents produits concernant la situation de la SA COOPÉRATIVE D'ACHATS EN COMMUN LE MISTRAL, il apparaît :

- un bénéfice de 4.225.562 euros en 2012 (exercice clos au 31 décembre) ;

- un bénéfice de 5.876.490 euros en 2013 (exercice clos au 31 décembre) ;

- un bénéfice de 6.126.747 euros en 2014 (exercice clos au 31 décembre).

À la lecture des seuls documents produits concernant la situation de la SAS SYSTEME U CENTRALE REGIONALE SUD, il apparaît :

- un bénéfice de 3.412.815 euros en 2012 ;

- un bénéfice de 1.851.591 euros en 2013 ;

- un bénéfice de 1.573.045 euros en 2014.

Au regard des pièces produites, non contredites mais confortées au contraire sur ces points par le rapport SECAFI, il apparaît que dans le cadre du rachat des anciens magasins de droguerie SCHLECKER, le projet (ou Business Plan) était d'opérer assez rapidement une transformation de la quasi totalité de ces magasins en supérettes 'Utile', ce qui devait entraîner une amélioration importante de la rentabilité des magasins mais également un maintien, voire un accroissement, des effectifs puisqu'un magasin Utile emploie en moyenne 1 à 2 collaborateurs de plus qu'un magasin Schlecker selon l'employeur.

Reste que sans qu'il soit caractérisé une faute ou une légèreté blâmable de l'employeur, les objectifs fixés n'ont pas été atteints et les pertes d'exploitation, hors situation d'endettement du fait du rachat d'août 2012, ainsi que les difficultés de trésorerie de la SNC UP SUD EXPLOITATION se sont accrues, au point de générer des déficits croissants et suffisamment importants pour mettre en péril la survie de l'entreprise et affecter la compétitivité du secteur d'activité du groupe.

Les difficultés économiques du secteur d'activité du groupe à la date du licenciement sont donc établies nonobstant les bénéfices réalisés par les sociétés SYSTEME U CENTRALE REGIONALE SUD et COOPÉRATIVE D'ACHATS EN COMMUN LE MISTRAL qui n'étaient pas de nature ou d'un niveau permettant de compenser les pertes de la société UP SUD ou de maintenir le statu quo dans l'attente d'une éventuelle amélioration de la situation financière de l'employeur.

Les difficultés économiques de la société UP SUD étant principalement liées au fait que certains des magasins SCHLECKER ne pouvaient pas finalement être transformés en supérettes UTILE ou n'avaient aucune chance d'atteindre un seuil de rentabilité suffisant, l'existence d'une réorganisation nécessaire de l'entreprise, passant par une fermeture de certains magasins, en vue de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel appartient la société UP SUD, est établie.

Dans ce cadre, la fermeture de nombreux magasins est fondée sur des difficultés économiques et a bien eu pour conséquence la suppression de l'emploi du salarié du fait de l'impact de ces fermetures sur l'activité du service logistique, alors que par ailleurs le dépôt du Muy s'est avéré inadapté en matière de produits frais et que l'entreprise a dû externaliser une partie des activités logistiques.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il débouté Monsieur [H] [Y] de sa demande visant à juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse pour défaut de motif économique.

- Sur la prime de fin d'année -

Monsieur [H] [Y] fait valoir qu'en cas de transfert du contrat de travail par application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, la convention collective dont relève le cessionnaire s'applique immédiatement au salarié, qu'en l'espèce, suite à la cession intervenue en août 2012 entre la société SCHLEKER et la société UP SUD, c'est la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, dont relève l'intimée, qui s'appliquait, nonobstant les mentions portées sur les bulletins de paie par l'employeur.

Monsieur [H] [Y] sollicite en conséquence l'application de l'article 3-7-3 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire et le bénéfice d'une prime de fin d'année égale à 100% du salaire forfaitaire mensuel de novembre.

La SNC CAP SUD EXPLOITATION relève que la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire n'était applicable dans l'entreprise qu'à compter du 1er janvier 2014 comme cela était précisé sur les bulletins de paie.

Si la société UP SUD devenue CAP SUD EXPLOITATION a mentionné sur les bulletins de paie des salariés la convention collective nationale du commerce de détail non alimentaire de septembre 2012 à décembre 2013 inclus, puis la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire à compter de janvier 2014, ces mentions ne font foi que jusqu'à preuve contraire en ce qui concerne la détermination de la convention collective applicable.

Il échet de rappeler que dès lors que l'employeur est lié par une convention collective, ce texte s'applique à tous ses salariés, y compris ceux appartenant à un syndicat non signataire ou n'appartenant à aucun syndicat. Les clauses d'une convention collective auxquelles est lié un employeur s'appliquent ainsi aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables pour les salariés. L'employeur est tenu de ne pas en compromettre l'exécution loyale et il ne peut restreindre les droits que les salariés tiennent de textes conventionnels par le biais d'une décision unilatérale, fut-ce dans le cadre des mentions qu'il fait apposer sur les bulletins de paie.

En cas de transfert du contrat de travail par application des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail, tel celui intervenu en l'espèce au 31 août 2012 entre la SNC SCHLECKER et la SNC UP SUD, la convention collective dont relève le cessionnaire s'applique immédiatement au salarié, les dispositions plus favorables de l'accord mis en cause continuant de lui bénéficier dans les conditions prévues par l'article L.2261-14 de ce même code.

Il n'est pas contesté que jusqu'au 31 août 2012, la société SCHLECKER avaient pour activité principale l'exploitation de magasins de droguerie et non le commerce à prédominance alimentaire. Reste qu'il convient en l'espèce de déterminer l'activité principale ou déterminante de la société UP SUD devenue CAP SUD EXPLOITATION à compter de septembre 2012.

La convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 a été étendue par arrêté du 26 juillet 2002 (publié au JORF le 6 août 2002). Cette convention règle les rapports de travail entre les employeurs et les salariés des entreprises exerçant une activité principale de commerce de détail ou de gros à prédominance alimentaire, notamment lorsque l'activité principale d'une entreprise est le commerce d'alimentation générale en petites structures de type supérettes.

L'extension de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire rend obligatoire son application par tous les employeurs entrant dans son champ d'application professionnel.

En l'espèce, il résulte de la lettre de licenciement que l'objectif principal, voire essentiel, de la société UP SUD SNC à la reprise de la société SCHLECKER était de transformer les anciens magasins de droguerie Schlecker en magasins alimentaires exploités sous l'enseigne 'Utile', notamment aux fins d'améliorer la rentabilité et la compétitivité de l'entreprise. Le plan de sauvegarde de l'emploi le précise également expressément. Il n'est pas contesté que les magasins exploités sous cette enseigne 'Utile', de type supérettes, avaient pour vocation de proposer essentiellement à la vente des produits alimentaires, quand bien même cette nouvelle activité nécessitait des aménagements.

À la lecture des documents produits, il apparaît que dès la fin de l'année 2012 la société UP SUD a oeuvré très activement pour transformer tous les anciens magasins de droguerie en supérettes à prédominance alimentaire. Dans certains cas, cette transformation fut assez rapide. Pour d'autres magasins, cette transformation fut plus difficile voire impossible au regard des études ou tentatives effectuées par l'employeur.

Si le rythme précis des transformations, notamment en nombre de magasins sur la durée, n'est pas déterminable avec précision au regard des seules pièces produites, il apparaît clairement que dès la fin de l'année 2012 la société UP SUD avait pour objectif principal le commerce à prédominance alimentaire et devait être considérée comme une entreprise entrant dans le champ d'application du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Pourtant, l'employeur n'a fait application de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire qu'à compter de janvier 2014, sans justifier toutefois du changement de l'application de la convention qu'à partir de cette année autrement qu'en affirmant, sans le démontrer, que c'est seulement à compter de cette date que ses magasins, notamment ceux sous enseigne 'Utile', sont devenus des magasins à vocation alimentaire.

La cession entre la société SCHLECKER et la société UP SUD constitue une cession au sens de l'article L.1224-1 du code du travail qui avait pour objet notamment la transformation de magasins de droguerie en magasins à vocation alimentaire de type U dès l'origine. En conséquence, la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire devait s'appliquer aux salariés dès cette cession, nonobstant la mention portée par l'employeur sur les bulletins de salaire en 2012 et 2013 et l'éventuel non aménagement de certains magasins en magasins alimentaires dont, par ailleurs, il n'est pas justifié ni pour ces années, ni pour l'année 2014, et alors même que l'employeur a fait pourtant application de la convention en 2014.

L'article 3.7.3. de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire dispose que le montant de la prime annuelle, pour les salariés qui n'ont pas fait l'objet d'absences autres que celles énumérées ci-dessous, est égal à 100 % du salaire forfaitaire mensuel de novembre (heures supplémentaires exceptionnelles exclues).

Cette disposition étant plus favorable, il convient donc de dire que la prime de fin d'année ou annuelle devait bien bénéficier au salarié, dès la cession intervenue en août 2012, dans les conditions fixées par l'article 3.7.3. de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

L'appelant n'ayant pas été rempli de ses droits en la matière, il y a lieu de déclarer fondée la demande de Monsieur [H] [Y] et de condamner en conséquence la SNC CAP SUD EXPLOITATION à lui payer la somme de 1.474 euros à titre de rappel de prime de fin d'année pour les années 2012 et 2013.

Les primes annuelles ou de fin d'année, en tout cas allouées globalement pour l'année, rémunérant à la fois les périodes de travail et de congé, ne sont pas prises en compte dans le calcul de l'indemnité de congés payés et l'appelant sera donc débouté de sa demande à ce titre.

- Sur les dépens et frais irrépétibles -

En l'espèce, il n'y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La société CAP SUD EXPLOITATION sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi, en matière prud'homale et par arrêt contradictoire,

- Infirme le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [H] [Y] de sa demande de rappel de prime annuelle et, statuant à nouveau de ce chef, condamne la société CAP SUD EXPLOITATION à lui payer la somme de 1.474 euros à titre de rappel de prime de fin d'année pour les années 2012 et 2013 ;

- Confirme le jugement en ses autres dispositions sur le fond ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- Condamne la société CAP SUD EXPLOITATION aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre b
Numéro d'arrêt : 16/19881
Date de la décision : 17/11/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-17;16.19881 ?
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