COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
4e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 03 NOVEMBRE 2017
jlp
N° 2017/ 787
Rôle N° 16/04203
SCI REF ECOVAL
C/
[Y] [G]
SA SAFER PACA
SCE [Localité 1]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Emilie COLLOMP
SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES
SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 09 Février 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 12/04428.
APPELANTE
SCI REF ECOVAL
dont le siège social est [Adresse 1]
représentée par Me Emilie COLLOMP, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Bernard MANDEVILLE, avocat au barreau de PARIS, plaidant
INTIMES
Monsieur [Y] [G]
demeurant [Localité 1]
représenté par la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Antoine PONCHARDIER, avocat au barreau de NICE, plaidant
SCE [Localité 1] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, [Localité 1]
représentée par la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE assistée de Me Antoine PONCHARDIER, avocat au barreau de NICE, plaidant
La SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL PROVENCE ALPES CÔTE D'AZUR, SA dite S.A.F.E.R
dont le siège social est [Adresse 2]
représentée par Me Julien DUMOLIE de la SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 12 Septembre 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre
Madame Hélène GIAMI, Conseiller
Madame Sophie LEONARDI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Novembre 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Novembre 2017,
Signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :
Divers créanciers de la société civile immobilière BL3G ont poursuivi la vente aux enchères publiques sur saisie immobilière de trois parcelles de terre, dont celle-ci était propriétaire, situées sur le territoire de la commune de [Localité 1] (Alpes-Maritimes), quartier « [Localité 2] », de part et d'autre du [Localité 3], et cadastrées section BA n° [Cadastre 1], lieu-dit « [Localité 4] » pour 34 a 80 ca, section BE n° [Cadastre 2], lieu-dit « [Localité 4] » pour 20 à 53 ca et section BA n° [Cadastre 3], lieu-dit « [Localité 5] » pour 10 ha 49 a 18 ca.
Par courrier recommandé du 19 octobre 2011, le greffier du tribunal de grande instance de Nice a avisé la Safer Provence Alpes Côte d'Azur, conformément aux dispositions de l'article L. 412'11 du code rural, de ce qu'il allait être procédé à l'adjudication de ces trois parcelles à l'audience du tribunal du 26 janvier 2012, en un seul lot et au prix de 38 500 €.
Par jugement du 26 janvier 2012, les parcelles ont été adjugées, moyennant le prix principal de 1 000 000 €, à la société civile immobilière Ref Ecoval, société ayant pour activité la location et l'achat de terrains et d'autres biens immobiliers.
Par acte de la SCP [I], [Y], [O], [D] et [A], huissiers de justice à Nice, en date du 23 février 2012, la Safer a notifié au greffier du tribunal de grande instance en charge du service des saisies immobilières et à Me Magnan, avocat de l'adjudicataire, sa décision d'exercer son droit de préemption prévu par les articles L. 143'1 à L. 143'15 du code rural sur les parcelles adjugées le 26 janvier 2012, en ces termes :
Ladite préemption est exercée en fonction des objectifs suivants :
' article L. 143'2 du code rural :
2° « l'agrandissement et l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes conformément à l'article L. 331'2 du code rural ».
Et pour les motifs particuliers suivants :
La propriété vendue est située en zone Nf du PLU de la commune de [Localité 1], classée pour partie en zone AOP [Localité 6].
L'intervention de la Safer permettrait la remise en culture de cette ancienne propriété agricole à travers le confortement d'une exploitation locale dans le respect du schéma directeur départemental des structures.
Sans préjudice des candidatures qui pourraient se révéler lors de la publicité légale, on peut ainsi d'ores et déjà citer l'exemple d'une exploitation agricole en viticulture et oléiculture, contiguë du bien à la vente, qui souhaite s'agrandir.
La Safer a organisé la procédure de rétrocession en affichant en mairie de [Localité 1] un appel à candidatures, également publié dans deux journaux d'annonces légales.
Devant le comité technique de la Safer, trois candidats pour la rétrocession du bien se sont présentés : la SCI Ref Evocal, [Y] [G] et la SCEA [B].
Lors de la séance du comité technique du 29 mars 2013, la candidature de M. [G] a reçu un avis favorable en vue de l'agrandissement d'une exploitation agricole ; par lettres recommandées des 4 mai et 9 mai 2012, les candidats non retenus ont été avisés du choix de la Safer, consistant à rétrocéder les trois parcelles à M. [G] pour un prix de 1 102 150 € HT au motif de l'agrandissement de l'exploitation agricole de la SCA [Localité 1] avec l'aide d'un apporteur de capitaux.
La vente par la Safer à M. [G] des parcelles BA n° [Cadastre 1], BE n° [Cadastre 2] et BA n° [Cadastre 3] a été régularisée aux termes d'un acte établi le 24 avril 2012 par Me [L], notaire associé à [Localité 1].
Par exploit du 12 août 2012, la SCI Ref Ecoval a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nice la Safer Provence Alpes Côte d'Azur pour voir déclarer nul et de nul effet la décision de préemption prise par celle-ci le 23 février 2012 et la décision de rétrocession subséquente et voir annuler la vente conclue avec M. [G].
La SCI Ref Ecoval a également, par exploit du 1er juillet 2013, fait assigner aux mêmes fins M. [G] devant le tribunal de grande instance de Nice ; la SCEA [Localité 1] est intervenue volontairement à l'instance.
La jonction des deux procédures a été prononcée par une ordonnance du juge de la mise en état en date du 14 novembre 2013.
Par jugement du 9 février 2016, le tribunal a notamment :
'dit que la demande de la SCI Ref Ecoval à l'encontre de [Y] [G] est irrecevable,
'débouté la SCI Ref Ecoval de ses demandes,
'débouté M. [G] et la SCEA [Localité 1] de leurs demandes de dommages et intérêts,
'condamné la SCI Ref Ecoval à payer respectivement à la SAFER, à M. [G] et à la SCEA [Localité 1] la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
'dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire.
La SCI Ref Ecoval a régulièrement relevé appel, le 8 mars 2016, de ce jugement.
Elle demande à la cour (conclusions déposées le 5 septembre 2017 par le RPVA) de :
Vu les articles L. 143'1 et suivants du code rural,
Vu les articles R. 143'2 et R. 143'6 du code rural,
(')
'la déclarer recevable et bien-fondée en toutes ses demandes et prétentions,
'déclarer nul et de nul effet la décision de préemption de la Safer Provence Alpes Côte d'Azur du 23 février 2012 portant sur une propriété composée de parcelles de terre, appartenant auparavant à la SCI BL3G, dont les références cadastrales sont les suivantes :
Commune de Nice :
' BA n° [Cadastre 1], lieu-dit « [Localité 4] », d'une superficie de 34 a 80 ca,
' BA n° [Cadastre 3], lieu-dit « Menda », d'une superficie de 10 ha 49 a 18 ca,
' BA n° [Cadastre 2], lieu-dit « [Localité 4] », d'une superficie de 20 a 53 ca,
'annuler la décision de rétrocession portant sur les parcelles visées ci-dessus,
'annuler la vente conclue entre la Safer Provence Alpes Côte d'Azur et [Y] [G] portant sur les parcelles visées ci-dessus,
'ordonner la transcription du dispositif du présent arrêt à la conservation des hypothèques,
'confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [G] et la SCEA [Localité 1] de leurs demandes de dommages et intérêts,
'condamner solidairement la Safer Provence Alpes Côte d'Azur, M. [G] et la SCEA [Localité 1] à lui payer la somme de 10 000 € titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Safer Provence Alpes Côte d'Azur sollicite de voir (conclusions déposées le 8 juin 2017 par le RPVA) :
'confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la SCI Ref Ecoval de ses prétentions,
(')
'constater que les parcelles BA [Cadastre 1], BA [Cadastre 2] et BA [Cadastre 3] constituaient bien une ancienne propriété agricole et, en conséquence, dire et juger que les dispositions de l'article L. 143'4'6°a) du code rural et de la pêche maritime s'applique bien à la Safer, laquelle pouvait préempter lesdites parcelles,
'constater que l'autorisation de défrichement n'est pas obligatoire en la matière et, en conséquence s'agissant d'anciens terrains de culture ou de pacage envahis par une végétation spontanée, dire que les parcelles préemptées n'ont jamais perdu leur vocation agricole,
'dire et juger que la Safer a parfaitement motivé l'exercice de son droit de préemption en visant un des objectifs légaux de l'article L. 143'2 du code rural et de la pêche maritime, en ayant mentionné une donnée concrète permettant aux candidats évincés de vérifier qu'elle a bien atteint l'objectif qu'elle s'était initialement fixé,
'constater que la motivation de la (décision de) rétrocession est conforme aux dispositions des articles R. 143'11 et R. 142'4 du code rural et de la pêche maritime,
'débouter, en conséquence, la SCI Ref Ecoval de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à 5000 € du chef de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [G] et la SCEA [Localité 1] demandent, pour leur part, à la cour (conclusions déposées le 4 septembre 2017 par le RPVA) de :
(')
'confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré, à l'égard de M. [G], irrecevables les demandes de la SCI Ref Ecoval par application de l'article L. 143'13 du code rural et de la pêche maritime,
'rejeter, sur le fond, les demandes de la SCI Ref Ecoval et, réformant partiellement le jugement entrepris, la condamner à payer à M. [G] la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil et à la SCEA [Localité 1] la somme de 295 260 € outre TVA, montant du manque-à-gagner du fait de la présente procédure, soit TTC la somme de 354 312 €, préjudice arrêté à la date de l'exercice 2015, outre intérêts de droit compter de l'arrêt à intervenir,
'la condamner également à payer à la SCEA [Localité 1] la somme de 177 156 € au titre du préjudice subi pour l'année 2016, outre intérêts de droit compter de l'arrêt à intervenir,
'donner acte à la SCEA [Localité 1] qu'elle se réserve d'engager toute action qu'elle estimera nécessaire pour obtenir réparation de son préjudice postérieur à celui actuellement chiffré,
'condamner la SCI Ref Ecoval au paiement de la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 12 septembre 2017.
MOTIFS de la DECISION :
L'article L. 143'13 du code rural et de la pêche maritime dispose qu'à moins que ne soit remis en cause le respect des objectifs définis à l'article L. 143'2, sont irrecevables les actions en justice contestant les décisions de préemption prises par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, intentées au-delà d'un délai de six mois à compter du jour où ces décisions motivées ont été rendues publiques ; l'article L. 143'14 énonce que sont également irrecevables les actions en justice contestant les décisions de rétrocession prises par les Safer ainsi que les décisions de préemption s'il s'agit de la mise en cause du respect des objectifs définis à l'article L. 143'2 intentées au-delà d'un délai de six mois à compter du jour où les décisions motivées de rétrocession ont été rendues publiques.
Il est de principe que le tiers évincé doit exercer son recours contre la Safer dans le délai de six mois suivant la date à laquelle, selon le cas, la décision de préemption ou la décision de rétrocession a été rendue publique, mais que ce délai n'est pas applicable à l'action engagée à l'encontre du rétrocessionnaire, dont les droits sont susceptibles d'être remis en cause ; au cas d'espèce, la SCI Ref Ecoval, qui conteste le caractère préemptable des parcelles litigieuses, a bien agi à l'encontre de la Safer Provence Alpes Côte d'Azur aux fins d'annulation de la décision de préemption prise le 23 février 2012, dans le délai de six suivant la date à laquelle cette décision a été rendue publique et il importe peu que l'action engagée, par exploit du 1er juillet 2013, à l'encontre de M. [G] auquel ont été attribuées les parcelles préemptées à l'issue de la procédure de rétrocession, l'a été après l'expiration dudit délai ; c'est donc à tort que le premier juge a déclaré l'action contre M. [G] irrecevable et rejeté les demandes de la SCI Ref Ecoval.
À cet égard, le premier juge a, implicitement mais nécessairement, considéré que la prescription de l'action engagée contre M. [G] aux fins d'annulation des décisions de préemption et de rétrocession, ainsi que de l'acte de vente subséquent, emportait, par voie de conséquence, le rejet des demandes dirigées à l'encontre de la Safer aux termes de l'assignation du 12 août 2012 ; abstraction faite de la pertinence d'une telle motivation, il ne peut donc être soutenu que le jugement, qui a rejeté les demandes de la SCI Ref Ecoval dirigées contre la Safer et la SCEA [Localité 1], contrevient à l'obligation de motivation imposée par l'article 455 du code de procédure civile.
Il résulte de l'article L. 143'4 du code rural, dans sa rédaction applicable à la date de l'exercice par la Safer Provence Alpes Côte d'Azur de son droit de préemption, que ne peuvent faire l'objet d'un droit de préemption :
(')
6° Les acquisitions de surfaces boisées, sauf :
a) Si ces dernières sont mises en vente avec d'autres parcelles non boisées dépendant de la même exploitation agricole, l'acquéreur ayant toutefois la faculté de conserver les parcelles boisées si le prix de celles-ci a fait l'objet d'une mention expresse dans la notification faite à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural ou dans le cahier des charges de l'adjudication ;
b) S'il s'agit soit de semis ou plantations sur les parcelles de faible étendue dont la commission communale d'aménagement foncier a décidé la destruction en application de l'article L. 123-7, soit de semis ou plantations effectués en violation des dispositions de l'article L. 126-1 ;
c) Si elles ont fait l'objet d'une autorisation de défrichement ou si elles sont dispensées d'une déclaration de défrichement en application de l'article L. 311-2, 3°, du code forestier ;
d) Si elles sont situées dans un périmètre d'aménagement foncier agricole et forestier en zone forestière prévu aux articles L. 123-18 à L. 123-22.
En vertu de ce texte, la Safer peut préempter des parcelles boisées et non boisées incluses dans un même fonds, quand bien même les surfaces non boisées ne sont pas prépondérantes et ne constituent en elles-mêmes une exploitation agricole.
Pour prétendre que les parcelles BA n° [Cadastre 1], BE n° [Cadastre 2] et BA n° [Cadastre 3] situées dans le quartier « [Localité 2] » à Nice étaient boisées lors de l'exercice par la Safer, le 23 février 2012, de son droit de préemption, la SCI Ref Ecoval invoque les documents d'urbanisme, dont il ressort que les trois parcelles litigieuses sont classées en zone N (naturelle) du plan local d'urbanisme de la commune de Nice, dans le secteur Nf correspondant aux flans des collines et aux forêts et qu'une partie de la parcelle BA n° [Cadastre 3] est située en espace boisé classé (EBC), les constatations faites par Me [S], huissier de justice, relatées dans deux procès-verbaux établis les 29 janvier et 4 mars 2013, faisant apparaître une forte densité d'arbres et d'arbustes de toutes espèces, notamment des pains garnissant la colline, et l'autorisation de défrichement obtenue le [Cadastre 1] octobre 2012 par M. [G] portant sur 7 ha 14 a 00 ca, subordonnée à la conservation d'une réserve boisée de 3 ha 90 a 51 ca.
Il résulte cependant des pièces produites, notamment les notes du bureau d'études GEC établies à partir des documents cartographiques anciens de l'institut géographique national (IGN), les diverses photographies aériennes dont une émanant du centre régional de l'information géographique (CRIGE) datant de 2009 et les attestations de MM. [B] et [P], que les parcelles litigieuses constituent un ancien domaine agricole, [Localité 5], dont environ 6,10 ha étaient occupés par des cultures agricoles (vergers, vignes et maraîchage), domaine abandonné dans les années 1960 et dont les parties cultivées ont été progressivement envahies par une végétation spontanée ; le procès-verbal de constat dressé le 24 octobre 2012 par Me [M], huissier de justice, à la demande de la Safer, soit antérieurement à l'abattage d'arbres auquel a fait procéder M. [G] dans le courant du mois de mars 2013, fait apparaître qu'une partie des parcelles est alors en état de friche, envahie par l'herbe folle et complantée d'arbres épars principalement des oliviers.
Il est également communiqué un procès-verbal de la SCP [F], [Z] et [W], huissiers de justice, établi le 29 mai 2013 à la demande de M. [G], relevant la présence de « restanques » confortées par des murs en pierres sèches anciens où sont implantées des souches d'oliviers, d'une ancienne bâtisse en partie en ruines avec d'anciennes cultures hors-sol de type serres, un bassin avec source, une ancienne fontaine et un petit bassin en béton à usage domestique, d'un bassin de grande superficie remplie d'eau sur la partie nord-ouest de cette maison et de deux autres bassins sur la partie haute du terrain avec d'autres vestiges d'anciens murs en pierres et d'une oliveraie ; en outre, un acte du 29 octobre 1965 (portant vente par la SCI [Adresse 3] à M. [E] de diverses parcelles anciennement cadastrées section B et section N correspondant notamment à l'actuelle parcelle B n° [Cadastre 3]) décrit les biens vendus comme suit : une maison de maître, genre villa (') bâtiment d'exploitation et d'habitation, grande grotte source d'eau, quatre grands bassins d'eau d'arrosage, tènement partiellement arrosé en nature de cultures maraîchères et primeur, plantations d'arbres fruitiers notamment de pêchers et de vignes, bois de pins et terres non cultivées.
Au vu des éléments d'appréciation, dont dispose la cour, il apparaît donc que les parcelles BA n° [Cadastre 1], BE n° [Cadastre 2] et BA n° [Cadastre 3], formant un tènement immobilier d'un seul tenant, d'une surface de 11 ha 04 a 51 ca, situé à flanc de colline, n'étaient que partiellement boisées lors de l'exercice par la Safer de son droit de préemption, seuls 3 ha 90 a 51 ca étant situés en zone EBC au PLU de la commune de [Localité 1], et qu'elles constituaient un ancien domaine agricole, dont environ 6,10 ha représentant 55 % de la surface totale, étaient exploités en maraîchage, vignes et vergers, domaine qui se trouvait à l'abandon depuis les années 1960 et dont les parties cultivées avaient été progressivement envahies par une végétation spontanée ; lesdites parcelles étaient, en outre, vendues en un lot unique moyennant un prix global et étaient classées au cadastre en nature de sols (BA [Cadastre 1]), bois-taillis, terres et sols (BE [Cadastre 3]) et eaux (BE [Cadastre 2]) ; il s'ensuit qu'appartenant à un même fonds, elles pouvaient être préemptées par la Safer, dès lors qu'une partie d'entre elles n'était pas boisée et que l'état d'inculture de celle-ci, notamment caractérisé par l'apparition de friches et de taillis, ne lui avait pas fait perdre sa vocation agricole, une surface d'environ 2,50 ha étant en particulier classée en zone AOC [Localité 6] ; les opérations de débroussaillage et d'abattage d'arbres effectuées par M. [G] en vertu de l'autorisation de défrichement obtenue le 22 octobre 2012 n'ont, en réalité, conduit qu'à remettre en valeur d'anciens terrains de culture ; la SCI Ref Ecoval n'est donc pas fondée à contester la nature péemptable des parcelles au regard des dispositions de l'article L 143'4 susvisé.
Par ailleurs, il ne peut être soutenu que la décision de préemption prise par la Safer souffre d'une insuffisance de motivation dès lors, d'une part, qu'elle vise expressément l'un des objectifs définis par l'article L. 143'2, à savoir l'agrandissement et l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes conformément à l'article L. 331-2, et, d'autre part, qu'elle indique concrètement que son intervention, en vue de l'acquisition d'une propriété située en zone Nf du PLU de la commune de [Localité 1] classée pour partie en zone AOC [Localité 6], permettrait la remise en culture de celle-ci et l'agrandissement d'une propriété agricole voisine, citant en particulier l'exemple d'une propriété agricole en viticulture et oléiculture, contiguë du bien à la vente, qui souhaite s'agrandir ; une telle motivation, qui est de nature à permettre aux candidats évincés de vérifier que la Safer a bien rempli l'objectif qu'elle s'était fixée dans sa décision de préemption, apparaît donc satisfaisante et il importe peu que le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures des Alpes-Maritimes, fixant l'unité de référence à 2 ha 85 a pour les vignes, ait été d'ores et déjà atteint par la SCEA [Localité 1], titulaire d'un bail rural portant sur environ 13 ha de vignes.
C'est également vainement que la SCI Ref Ecoval prétend que la décision de rétrocession, motivée par l'agrandissement de l'exploitation agricole de la SCEA [Localité 1] avec l'aide d'un apporteur de capitaux, serait critiquable, alors qu'il n'appartient pas au juge judiciaire d'apprécier l'opportunité de la décision de rétrocession prise par la Safer et qu'en l'occurrence, le rétrocessionnaire est clairement identifié comme étant la SCEA [Localité 1], exploitant un domaine viticole et oléicole situé à proximité, permettant ainsi aux candidats évincés de vérifier la conformité du choix de la Safer avec l'objectif que celle-ci s'était fixé.
Pour réclamer, à titre reconventionnel, l'indemnisation du manque à gagner, qu'elle prétend avoir subi du fait de la procédure introduite par la SCI Ref Ecoval, l'ayant empêchée de planter les pieds de vigne au cours du premier semestre 2013, la SCEA [Localité 1] communique un courrier de la société d'expertise comptable PWC, daté du 23 juin 2014, dont il ressort que 3,5 ha de vignes plantées en cépage Braquet auraient pu produire 140 hl de vin par an, soit environ 18 500 bouteilles, et que, compte tenu d'une marge nette par bouteille de 7,98 € HT, son manque à gagner annuel pouvait être estimé à 147 630 € HT ; elle réclame donc l'indemnisation du préjudice qu'elle prétend avoir subi pour les exercices 2014, 2015 et 2016 et demande qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle se réserve d'engager toute action, qu'elle estimera nécessaire, en vue d'obtenir l'indemnisation de son préjudice pour les exercices ultérieurs ; pour autant, la SCI Ref Ecoval n'a fait qu'exercer, sans abus de sa part, une action en justice en vue d'obtenir, pour des motifs qui n'étaient pas manifestement voués à l'échec lors de l'introduction de l'instance, le 12 août 2012, l'annulation des décisions de préemption et de rétrocession prises par la Safer et de la vente subséquente ; au surplus, la SCEA [Localité 1] a, de sa propre initiative, fait le choix d'interrompre les travaux de mise en valeur des parcelles acquises auprès de la Safer, notamment de plantation des 3,5 ha de vignes, ce qui relève de sa responsabilité propre d'exploitant ; elle ne saurait, dans ces conditions, obtenir la réparation du préjudice prétendument subi.
M. [G] n'apparaît pas, pour sa part, fondé à être indemnisé, à hauteur de 50 000 €, du préjudice commercial qu'il allègue ; outre le fait qu'aucune faute de nature à engager la responsabilité délictuelle de la SCI Ref Ecoval ne se trouve caractérisée, il n'est pas établi en quoi il subirait personnellement un préjudice commercial, bien que n'étant pas l'exploitant des parcelles données à bail à la SCEA [Localité 1] ; sa demande en paiement de dommages et intérêts ne peut dès lors qu'être rejetée.
Au regard de la solution apportée au règlement du litige, la SCI Ref Ecoval doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à la Safer Provence Alpes Côte d'Azur la somme de 3000 € et à M. [G] et la SCEA [Localité 1], ensemble, la même somme de 3000 € au titre des frais non taxables que ceux-ci ont dû engager, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau,
Déclare recevable l'action engagée par la SCI Ref Ecoval à l'encontre de la Safer Provence Alpes Côte d'Azur et de M. [G],
Au fond, déboute la SCI Ref Ecoval de ses demandes aux fins d'annulation de la décision de rétrocession de la Safer en date du 23 février 2012 relativement aux parcelles cadastrées à [Localité 1] sous les références BA n° [Cadastre 1], BE n° [Cadastre 2] et BA n° [Cadastre 3], de la décision de rétrocession prise par l'établissement au profit de M. [G] et de l'acte de vente subséquent régularisé par acte notarié du 24 avril 2012,
Déboute la SCEA [Localité 1] et M. [G] de leurs demandes reconventionnelles en paiement de dommages et intérêts,
Condamne la SCI Ref Ecoval aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à la Safer Provence Alpes Côte d'Azur la somme de 3000 € et à M. [G] et la SCEA [Localité 1], ensemble, la même somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code,
LE GREFFIERLE PRESIDENT