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31/10/2017 | FRANCE | N°16/16008

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 6e chambre b, 31 octobre 2017, 16/16008


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

6e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 31 OCTOBRE 2017



N° 2017/446









Rôle N° 16/16008







[M] [T] [L] [S] épouse [L]





C/



[R] [V] [L]

































Grosse délivrée

le :

à :Me SARAGA BROSSAT

Me HOEL







Décision déférée à la Cour :



Juge

ment du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 23 Juin 2016 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 13/04769.





APPELANTE



Madame [M] [T] [L] [S] épouse [L]



née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1]



de nationalité Française,



demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Rachel SARAGA-BROSSAT de la...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

6e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 31 OCTOBRE 2017

N° 2017/446

Rôle N° 16/16008

[M] [T] [L] [S] épouse [L]

C/

[R] [V] [L]

Grosse délivrée

le :

à :Me SARAGA BROSSAT

Me HOEL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 23 Juin 2016 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 13/04769.

APPELANTE

Madame [M] [T] [L] [S] épouse [L]

née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Rachel SARAGA-BROSSAT de la SELARL SARAGA-BROSSAT RACHEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Michel BOURGEOIS, avocat au barreau de GRASSE

INTIME

Monsieur [R] [V] [L]

né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 2]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Eve-marie HOEL, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 28 Septembre 2017 en chambre du conseil. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Benoit PERSYN, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président

M. Benoît PERSYN, Conseiller

Madame Marie-France SEREE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Marie-Sol ROBINET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 31 Octobre 2017.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Octobre 2017.

Signé par Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président et Madame Marie-Sol ROBINET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement rendu le 23 juin 2016 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Draguignan sous le n° 13/04769,

Vu l'appel général interjeté le 1er septembre 2016 par Madame [M] [S],

Vu les conclusions récapitulatives de l'appelante notifiées le 29 novembre 2016,

Vu les conclusions récapitulatives de l'intimé notifiées le 27 janvier 2017,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 14 septembre 2017,

Vu les conclusions de procédure de l'intimé notifiées le 22 septembre 2017,

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [R] [L] et Madame [M] [S] se sont mariés sans contrat préalable le 2 mars 1985.

Deux enfants aujourd'hui majeurs sont issus de cette union :

- [Z] né le [Date naissance 3] 1986

- [U] née le [Date naissance 4] 1993.

Le 3 juin 2013 Monsieur [L] a déposé une requête en divorce.

Par ordonnance de non conciliation en date du 31 janvier 2014 le juge aux affaires familiales de [Localité 3] a essentiellement :

- attribué la jouissance du domicile conjugal à l'épouse à titre gratuit jusqu'au 30 avril 2015 puis à titre onéreux

- dit que la gestion des biens communs sera attribuée à Madame [S]

- dit que l'épouse sera tenue de poursuivre le règlement des charges mensuelles et impositions afférentes au bien immobilier à charge de récompense

- attribué à l'époux la jouissance du véhicule Mercedes

- attribué à l'épouse la jouissance du véhicule Audi A6

- débouté l'épouse de sa demande de provision ad litem

- dit que les revenus de la location saisonnière du domicile conjugal seront provisoirement attribués en totalité à l'épouse qui prélèvera sa rémunération pour son investissement dans la gestion du bien

- dit que Monsieur [L] devra verser à Madame [S] la somme de 800 euros, pour ses besoins personnels, et ce à compter du 30 avril 2015.

Par acte d'huissier en date du 13 octobre 2014 Monsieur [L] a assigné son épouse en divorce sur le fondement de l'article 242 du code civil.

Par jugement rendu le 23 juin 2016 le juge aux affaires familiales de [Localité 3] a notamment :

- prononcé le divorce aux torts exclusifs de l'épouse

- ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des parties

- débouté Madame [S] de sa demande de prestation compensatoire

- rejeté la demande de dommages et intérêts de Madame [S]

- condamné Madame [S] aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le premier juge a retenu à l'encontre de l'épouse une relation extra-conjugale pendant plusieurs années. La décision dont appel relève par ailleurs que Madame [S] n'a pas justifié de ses revenus et charges ni de son train de vie de sorte que la preuve d'une disparité dans les conditions de vie respectives des époux n'était pas rapportée.

Madame [S] a relevé appel total de cette décision par déclaration au greffe reçue le 1er septembre 2016.

Dans ses conclusions récapitulatives notifiées le 29 novembre 2016, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions, l'appelante sollicite la réformation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour de :

- débouter Monsieur [L] de ses demandes, fins et conclusions

- le condamner à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu'il lui a occasionné

- le condamner à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel

- Surabondamment, et pour le cas où par extraordinaire et impossible la juridiction prononçait le divorce, le prononcer aux torts exclusifs de l'époux, condamner ce dernier au paiement d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, au paiement de la somme de 300.000 euros à titre de prestation compensatoire sous forme de capital ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel et au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Madame [S] fait valoir que son mari la harcelle depuis plusieurs années pour qu'elle accepte de divorcer. Elle réfute les griefs invoqués par son époux. Elle estime qu'ils ne sont pas démontrés et que cette procédure de divorce à laquelle elle s'oppose lui cause préjudice. Sinon elle indique que Monsieur [L] a reconnu dans un courrier avoir toujours eu un comportement exécrable à l'égard de son épouse et qu'il entretenait des relations adultères. L'appelante expose être sans ressources alors que Monsieur [L] a des revenus conséquents en lien avec son activité de médecin. Elle ajoute qu'elle s'est occupée depuis 1989 de la gestion des locations saisonnières de la résidence de la famille, qu'elle a travaillé pour son mari en tant qu'assistante pendant plus de vingt ans, ce qui lui a permis de développer sa clientèle alors qu'elle même n'aura qu'une pension de retraite limitée de 419,15 euros par mois.

Dans ses conclusions récapitulatives notifiées le 27 janvier 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé exhaustif des moyens et prétentions, l'intimé sollicite la confirmation de la décision querellée en toutes ses dispositions et demande à la cour de condamner la partie adverse aux entiers dépens d'instance et d'appel et au paiement d'une somme de 4.500 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

Monsieur [L] relève que la partie adverse se contente de simples dénégations ou allégations alors que lui même verse aux débats de nombreux éléments de preuve, notamment un rapport d'enquête privée et de multiples attestations. Il rappelle qu'il a dû en raison de problèmes de santé, à savoir un triple pontage coronarien, ralentir son activité de médecin libéral, que son revenu mensuel moyen n'était plus que de 3.660 euros en 2012, qu'il a réglé de nombreuses dettes, notamment vis à vis de l'administration fiscale, de sorte que sa situation actuelle est extrêmement précaire alors que Madame [S] continue de bénéficier du domicile conjugal et des revenus des locations saisonnières de ce bien. Il fait remarquer que l'intéressée, qui n'a jamais travaillé pendant le mariage, a quand même réussi à se constituer une épargne. En outre, selon l'intimé, Madame [S] ne verse aucune pièce ni aucun justificatif permettant de caractériser l'existence d'une éventuelle disparité dans les conditions de vie respectives des parties.

Dans des conclusions de procédure déposées et notifiées le 22 septembre 2017 l'intimé demande à la cour d'écarter des débats la pièce n° 10 signifiée par l'appelante le 19 septembre 2017, soit postérieurement à l'ordonnance de clôture.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LA PROCÉDURE

Il ressort de l'article 783 du code de procédure civile qu'après l'ordonnance de clôture aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.

Il y a donc lieu d'écarter des débats comme étant irrecevable la pièce numéro 10 signifiée par l'appelante le 19 septembre 2017, postérieurement à la clôture intervenue le 14 septembre 2017.

SUR LE FOND

Il y a lieu de rappeler à titre liminaire, d'une part qu'en vertu de l'article 954, alinéa 2 du code de procédure civile, les prétentions des parties sont récapitulées sous forme de dispositif, et d'autre part que la cour ne statue que sur les demandes énoncées au dispositif des dernières conclusions.

En l'espèce les parties s'opposent sur le prononcé du divorce, les dommages et intérêts ainsi que l'attribution éventuelle d'une prestation compensatoire de sorte que la décision déférée sera confirmée dans l'ensemble de ses autres dispositions non soumises à la censure de la cour.

Sur le prononcé du divorce

L'article 242 du code civil dispose que le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune.

Selon l'article 245 du code civil les fautes de l'époux qui a pris l'initiative du divorce n'empêchent pas d'examiner sa demande; elles peuvent, cependant, enlever aux faits qu'il reproche à son conjoint le caractère de gravité qui en aurait fait une cause de divorce. Ces fautes peuvent aussi être invoquées par l'autre époux à l'appui d'une demande reconventionnelle en divorce. Si les deux demandes sont accueillies, le divorce est prononcé aux torts partagés. Même en l'absence de demande reconventionnelle, le divorce peut être prononcé aux torts partagés des deux époux si les débats font apparaître des torts à la charge de l'un et de l'autre.

1/ Sur la demande principale de l'époux

C'est à la suite d'une motivation détaillée et pertinente, et que la cour adopte, que le premier juge a retenu les griefs invoqués par Monsieur [L] à l'encontre de son épouse. Il est en effet amplement établi par les très nombreuses pièces versées aux débats par l'intimé que Madame [S] a entretenu, au vu au et su de tout le monde, une relation adultère avec Monsieur [C] [X].

Le caractère ostensible de cette relation extra-conjugale pendant plusieurs années ressort tout d'abord des multiples attestations qui sont produites par l'intimé. Il est ainsi constant que Madame [S] était très souvent absente du domicile conjugal (pièces 27, 28, 36 à 38, 64, 65, 68, 69, 81, 83 et 84 de l'intimé). D'autres personnes attestent l'avoir vue avec Monsieur [X] présenté comme étant son compagnon chez qui elle se rendait régulièrement (pièces 26 et 83 de l'intimé), qui venait la voir au domicile conjugal (pièce 70 de l'intimé) et avec qui elle est partie en vacances aux Antilles (pièce 84 de l'intimé). L'attestation établie par Monsieur [O] [B] (pièce 70 de l'intimé) est à cet égard particulièrement significative. Il est indiqué que Madame [S] faisait chambre à part, qu'elle avait besoin de plaire, qu'elle avait donc des amants qu'elle faisait séjourner au domicile conjugal au nombre desquels Monsieur [C] [X] avec qui elle s'affichait publiquement.

La réalité du voyage aux [Localité 4] de Madame [S] en compagnie de son amant est également démontrée par la production de photographies et des billets d'avion dont le coût a été avancé par Monsieur [X] (pièces 40 à 42, 62 et 85)

Il est en outre démontré que Madame [S] avait effectué les démarches pour recevoir son courrier ainsi que ses relevés bancaires au domicile de Monsieur [X] à [Localité 5] (pièces 44, 59 et 63 de l'intimé).

Enfin le rapport d'enquête privée établi par Monsieur [K] pour les journées du 24 et du 25 juillet 2012 (pièce 32 de l'intimé) démontre que Madame [S] est accompagnée de Monsieur [X], qu'elle passe la nuit au domicile de ce dernier et qu'elle est une habituée des lieux puisque son véhicule est garé dans le garage de la résidence et qu'elle connaît des personnes du voisinage avec qui elle discute.

Pour contester ces différents éléments Madame [S] se contente de procéder par voie de dénégations sans apporter aucune explication sérieuse et crédible ni verser aucun élément de preuve en sens contraire.

2/ Sur la demande reconventionnelle de l'épouse

Madame [S] fait état du comportement totalement irrespectueux et exécrable de son mari sans articuler aucun grief précis à l'exception de relations adultères dont il se serait toujours rendu coupable.

Il n'est pas indifférent de relever que le reproche de l'adultère n'a pas été invoqué en première instance. Il résulterait des pièces 1, 8 et 9 de l'appelante. Force est de constater qu'il s'agit pour les pièces 1 et 9 de clichés photographiques absolument pas probants puisque la cour est dans l'ignorance de l'identité des personnes figurant sur lesdites photographies, au demeurant peu explicites quant à la réalité d'un comportement amoureux et adultère, étant observé au surplus que ces clichés ne sont pas datés. La seule attestation de Madame [J] BOURGEOIS, d'ailleurs établie dans des conditions de forme ne respectant pas les prescriptions de l'article 203 du code de procédure civile, est générale et en tout cas insuffisante à elle seule pour démontrer la réalité de relation extra-conjugales susceptibles d'être imputées à Monsieur [L].

Quant à la lettre produite en pièce 4, qui représenterait un aveu du comportement inqualifiable de Monsieur [L], elle n'est pas datée. Il est dès lors impossible de savoir dans quelles conditions et pour quelles raisons cet écrit a été établi.

Il s'en suit que les griefs allégués par Madame [S] ne sont pas établis et que le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a prononcé le divorce aux torts exclusifs de l'épouse.

Sur les demandes de dommages et intérêts

Madame [S], qui est déboutée de sa demande à titre principal tendant à ce que le divorce ne soit pas prononcé, sera par voie de conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts formulée à raison du préjudice moral occasionné par ladite procédure de divorce.

A titre subsidiaire Madame [S] sollicite le prononcé du divorce aux torts exclusifs de son mari et sa condamnation à des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu'il lui a occasionné. Ce faisant elle ne précise pas le fondement juridique de sa demande.

En vertu de l'article 266 du code civil des dommages et intérêts peuvent être accordés à un des époux en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution du mariage soit lorsqu'il était défendeur à un divorce prononcé pour altération définitive du lien conjugal et qu'il n'avait lui même formé aucune demande en divorce, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint.

Les conditions d'application de ce texte ne sont donc pas réunies en l'espèce puisque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de Madame [S].

Des dommages et intérêts peuvent également être attribués sur le fondement de l'article 1240 du code civil (ancien article 1382 du code civil) dès lors qu'est rapportée la preuve d'un préjudice distinct de celui occasionné par la rupture du lien conjugal et qui soit la conséquence d'un comportement pouvant être reproché à l'un des conjoints.

Sur ce fondement Madame [S] sera également déboutée puisque le divorce est prononcé à ses torts exclusifs et qu'elle ne fait pas la démonstration d'une faute imputable à Monsieur [L].

Sur la prestation compensatoire

En vertu des dispositions de l'article 270 du code civil, le divorce met fin au devoir de secours entre les époux prévu par la loi, mais l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge.

En application de ce texte c'est donc au moment de la dissolution du mariage que doivent être appréciées les conditions d'attribution éventuelle d'une prestation compensatoire. En l'espèce c'est au jour où la cour statue qu'il convient de se placer pour apprécier l'existence d'une éventuelle disparité dans les conditions de vie respectives des parties puisque Madame [S] a formé un appel général à l'encontre du jugement déféré.

Selon le dernier alinéa de l'article 270 du code civil le juge peut refuser d'accorder une prestation compensatoire si l'équité le commande, soit en considération des critères prévus à l'article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture.

L'article 271 du code civil précise que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre conjoint en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. Doivent notamment être pris en considération :

- la durée du mariage,

- l'âge et l'état de santé des époux,

- leur qualification et leur situation professionnelles,

- les conséquences des choix professionnels fait par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants, le temps déjà consacré à celle-ci ou qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne,

- leurs droits existants et prévisibles,

- leurs situations respectives en matière de pensions de retraite,

- leur patrimoine estimé ou prévisible, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial.

De façon préalable il convient de rappeler que c'est Madame [S] qui est en demande d'une prestation compensatoire et que c'est donc à elle de ramener la preuve de l'existence d'une disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des parties. Pour ce faire il échet de constater que l'intéressée ne produit que des éléments à tout le moins très parcellaires sur sa situation financière puisque les seules pièces communiquées en cause d'appel se résument à :

* la pièce n° 5 : reconstitution de carrière de Madame [S] dont il ressort qu'elle percevra en juin 2022 une retraite nette mensuelle égale à 419,15 euros

* la pièce n° 6 : certificat médical du 24 mars 2016 selon lequel l'état de santé de Madame [S] nécessite un repos hors circonscription d'une durée de trois mois à compter du 24 mars 2016

* la pièce n° 7 par laquelle Madame [S] atteste sur l'honneur le 29 avril 2016 posséder la somme de 28.600 euros.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que l'appelante ne justifiait pas de ses revenus et charges ni de ses conditions de vie actuelles et qu'elle ne permettait pas à la juridiction d'apprécier l'existence d'une éventuelle disparité à son détriment.

Au surplus il convient de rappeler les éléments suivants :

- Le mariage a duré 32 ans, la vie commune 29 ans.

- Les époux sont mariés sous le régime de la communauté, le patrimoine commun étant constitué d'une villa à [Localité 6] occupée par l'épouse et dont la valeur oscille entre 1.750.000 et 2.500.000 euros (pièces 66 et 67 de l'intimé). Ce bien n'est grevé d'aucun crédit.

- Madame [S] n'allègue pas de problèmes de santé actuels. Monsieur [L] a été opéré d'un triple pontage coronarien en fin d'année 2013 (pièces 48 à 50 et 76 de l'intimé).

- Monsieur [L] exerce en qualité de médecin généraliste libéral sur la commune de [Localité 6]. En raison de ses problèmes de santé dont il est justifié il a dû réduire son activité professionnelle. Il a déclaré en 2015 (pièce 100 de l'intimé) les revenus suivants : 24.843 euros au titre des pensions, retraites et rentes, 59.493 euros au titre des revenus non commerciaux professionnels et 1 euro au titre des revenus de capitaux mobiliers, soit des revenus annuels à hauteur de 84.337 euros, ce qui représente une moyenne mensuelle de 7.028,08 euros. Dans sa déclaration sur l'honneur du 9 mai 2017 (pièce 109 de l'intimé) il expose avoir des revenus mensuels pour un montant total de 7.563,15 euros. Il évoque dans ce même document le paiement de la taxe foncière afférente au bien commun alors que toutes les charges et impositions y afférentes sont en principe à la charge de l'épouse par suite des dispositions de l'ordonnance de non conciliation. Toujours est-il que le montant de la taxe foncière est de 3.441 euros pour l'année 2016 (pièce 101 de l'intimé). Il acquitte en outre une somme de 17.664 euros au titre de l'impôt sur le revenu, soit une somme de 1.472 euros par mois (pièce 100 de l'intimé). Il justifie du remboursement de crédits à la consommation pour un montant total de 674 euros (pièces 103 à 105 de l'intimé).

- Madame [S] soutient avoir travaillé dans le cabinet médical en tant qu'assistante de son époux mais se contente de l'affirmer sans le démontrer en aucune façon. Elle indique s'occuper seule depuis 1989 de la gestion des locations saisonnières de la résidence familiale mais n'en justifie pas davantage. Elle ne produit aucune pièce permettant de connaître ses revenus actuels. Il doit être rappelé que par suite de l'ordonnance de non conciliation du 31 janvier 2014 c'est elle qui assure la gestion des biens communs et à qui sont attribués en totalité les revenus de la location saisonnière, l'intéressée étant autorisée à prélever 'sa rémunération pour son investissement dans la gestion du bien'. L'intimé démontre que la villa de [Localité 6] est toujours proposée à la location (pièces 96 et 107), le tarif à la nuit pour le logement entier étant de 1.350 euros. Pour autant Madame [S] ne dépose aucun compte de gestion ni aucune pièce permettant d'établir la réalité des recettes provenant des locations saisonnières du bien commun.

- Les droits à retraite des parties sont connus : une retraite nette mensuelle égale à 419,15 euros pour Madame [S] et une somme de 2.664,75 euros pour Monsieur [L] selon ses écritures.

- Monsieur [L] expose dans sa déclaration sur la composition du patrimoine du 9 mai 2017 (pièce 108 de l'intimé) n'avoir aucun patrimoine immobilier propre ni aucune épargne à l'exception de sommes peu importantes figurant sur ses comptes chèque et un livret de développement durable solidaire pour un montant total de 3.633,53 euros.

- Madame [S] produit une simple attestation selon laquelle elle 'possède la somme de 28.600 euros'. Cette allégation n'est étayée par aucune pièce et apparaît peu sérieuse au regard des revenus qu'elle a pu tirer de la location de la villa de [Localité 6]. L'intimé démontre d'ailleurs que Madame [S] a un compte ouvert au Crédit Lyonnais qui présentait un solde créditeur de 25.277,81 euros au 10 octobre 2013 (pièces 63 de l'intimé) ainsi qu'un compte bancaire en Italie (pièces 23, 24 et 61 de l'intimé). Ce dernier compte ouvert dans les livre de l'établissement Unicrédit présentait au 29 novembre 2011 un solde créditeur de 55.239,91 euros et de 66.721,92 euros au 30 septembre 2012, ce qui démontre une belle capacité d'épargne en dix mois, supérieure à 1.000 euros par mois.

Au bénéfice de ces observations il doit être conclu que non seulement Madame [S] ne fait nullement la preuve d'une disparité existant à son détriment dans les conditions de vie respectives des parties mais qu'au surplus, au regard du dossier soumis à la cour, il est démontré qu'une telle disparité n'existe pas. En effet, quand bien même la durée du mariage est conséquente, il n'est pas établi le moindre sacrifice de Madame [S]. Elle n'invoque pas de contraintes liées à l'éducation des enfants ou à la tenue du ménage. La modicité de la retraite prévisible de Madame [S] n'est pas suffisante à elle seule pour justifier l'allocation d'une prestation compensatoire alors que l'intéressée n'explique pas pourquoi elle n'a plus exercé son activité antérieure, étant rappelé qu'elle est titulaire d'un diplôme de préparatrice en pharmacie. Elle prétend que son mari n'a jamais rendu compte des revenus réels du cabinet médical, ce qui n'est pas avéré, alors qu'elle même ne donne aucune indication sur la gestion des locations saisonnières et sur l'utilisation des revenus qu'elle en a tirés pendant tout le temps de l'union conjugale. La liquidation du régime matrimonial sera par définition égalitaire puisque les époux sont mariés sous le régime de la communauté légale. Madame [S] dispose à tout le moins d'actifs bancaires supérieurs à ceux de son mari. Enfin ses revenus et son patrimoine actuels ne sont pas connus.

Il s'en suit que le jugement entrepris sera confirmé en qu'il a débouté Madame [S] de sa demande de prestation compensatoire.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

L'appelante qui succombe dans toutes ses prétentions sera condamnée aux entiers dépens d'appel et déboutée de sa demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

En outre, en considération de l'équité, il sera fait droit à la demande de l'intimé formulée au titre des frais irrépétibles, la décision de première instance étant confirmée de ce chef et une somme de 3.000 euros lui étant attribuée en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après débats en chambre du conseil,

Déclare irrecevable et écarte des débats la pièce n° 10 signifiée par l'appelante le 19 septembre 2017,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

Déboute Madame [M] [S] du surplus de ses demandes,

Condamne Madame [M] [S] à payer à Monsieur [R] [L] une somme de 3.000 euros (trois mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame [M] [S] aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 6e chambre b
Numéro d'arrêt : 16/16008
Date de la décision : 31/10/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6B, arrêt n°16/16008 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-10-31;16.16008 ?
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