COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 19 OCTOBRE 2017
N° 2017/622
Rôle N° 17/01597
[G] [U]
C/
[R] [V]
Grosse délivrée
le :
à : Me Philippe BRUZZO
Me Romain CHERFILS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 29 Septembre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 14/05372.
APPELANT
Monsieur [G] [U]
né le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 1], de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Philippe BRUZZO, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE, plaidant
INTIME
Monsieur [R] [V]
né le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 2], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté par Me Alain LUCIANI, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 20 Septembre 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Pascale POCHIC, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Marie-Madeleine BOUSSAROQUE, Présidente
Monsieur Dominique TATOUEIX, Conseiller
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Octobre 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Octobre 2017,
Signé par Madame Marie-Madeleine BOUSSAROQUE, Présidente et Madame Ingrid LAVIGNAC, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Par arrêt du 23 mai 2008, la cour de ce siège a notamment condamné Monsieur [R] [V] , sur intérêts civils, à verser à Monsieur [G] [U] la somme de 23 .960,82 euros avec intérêts légaux à compter de l'arrêt et celle de 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
Au mois d'avril 2010 Monsieur [U] a reçu du Fonds de Garantie le montant de son indemnité soit la somme de 23 960,82 euros .
En vertu de l'arrêt du 23 mai 2008 et par actes de la SCP NICOLAS-DETEL , huissiers de justice associés à Cannes, en date du 25 juin 2014, Monsieur [U] a fait pratiquer la saisie-vente des droits d'associés ou des valeurs mobilières détenus par Monsieur [V] dans le capital social de la SCI LE MAS, de la SCI MADELEINE, de la S.AR.L. PRESTIGE RENOV, de la SCI VILLA LE MAS et de la SAS SOCOTRA pour paiement de la somme de 37 048,94 euros.
Ces mesures ont été dénoncées à Monsieur [V] le 26 juin 2014 par dépôt en l'étude de l'huissier instrumentaire.
Par exploit du 7 octobre 2014 Monsieur [V] a fait assigner Monsieur [U] et la SCP NICOLAS-DETEL devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse pour obtenir la main levée de ces saisies.
Par jugement du 29 septembre 2015, la juridiction saisie a :
' déclaré nuls les actes de dénonce des saisies vente pratiquées le 25 juin 2014,
' déclaré recevable l'action en contestation de Monsieur [V],
' ordonné la mainlevée des saisies vente contestées, les frais de mainlevée restant à la charge de Monsieur [U],
' débouté Monsieur [V] de sa demande d'astreinte,
' condamné Monsieur [U] à verser à Monsieur [V] la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts,
' débouté Monsieur [V] de ses demandes à l'encontre de la SCP NICOLASDELTEL,
huissiers de justice,
'débouté la SCP NICOLAS-DELTEL de ses demandes à l'encontre de Monsieur [V],
' condamné Monsieur [U] à lui verser la somme de 1200 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Le premier juge retient essentiellement:
- l'absence de diligentes suffisantes de l'huissier pour dénoncer les actes de saisie au domicile connu de Monsieur [V], qui ont causé un grief à l'intéressé dans la mesure ou il n'a pu contester les saisies dans le délai imposé par l'article R232-6 du code des procédures civiles d'exécution,
- Monsieur [U] a fait pratiquer les mesures d'exécution forcées en règlement d'une créance dont il avait reçu le paiement au mois d'avril 2010 et ne peut se prévaloir valablement de la clause figurant au constat d'accord signé avec le fonds de garantie le 26 février 2010 aux termes duquel il s'engageait a reverser à cet organisme toute somme reçue au titre du même préjudice et notamment directement de la part de l'auteur des faits, cette clause ne l'autorisant nullement a procéder à des mesures d'exécution forcées à l'encontre de Monsieur [V] postérieurement à l'accord conclu,
- bien que le conseil de Monsieur [V] ait justifié par lettre du 12 août 2014 de l'indemnisation versée par le fonds de garantie , Monsieur [U] n'a pas jugé utile de procéder à la mainlevée des saisies, caractérisant ainsi sa résistance abusive.
Par déclaration enregistrée le 13 octobre 2015 Monsieur [U] a relevé appel général de cette décision.
L'affaire a fait l'objet d'un retrait du rôle prononcé le 20 janvier 2017.
La procédure a été réenrolée à la demande de l'appelant le 24 janvier 2017.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 21 juillet 2017 Monsieur [U] demande à la cour au visa des articles R211-11 et R232-6 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, et de l'article 114 du code de procédure civile, de :
- le déclarer recevable et bien fondé en son appel,
- réformer le jugement entrepris,
- statuant à nouveau,
- in limine litis
- déclarer irrecevable l'action diligentée par Monsieur [V] quant à la mainlevée de cinq procès-verbaux de saisie de ses droits d'associé et de valeurs mobilières en date du 25 juin 2014,
- constater que les actes de dénonce des saisies ont été signifiés conformément aux dispositions des articles 655,656, 657 et 658 du Code de procédure civile,
- constater que Monsieur [V] s'est affranchi des dispositions de l'article R211-11 du code des procédures civiles d'exécution,
- constater que Monsieur [V] conteste la sincérité et l'exactitude des mentions portées par l'huissier instrumentaire dans les actes de dénonce,
- dire et juger que les mentions portées dans les actes de dénonce des diligences accomplies par l'huissier instrumentaire valent jusqu'à l'inscription de faux,
- constater que Monsieur [V] n'a diligenté aucune procédure d'inscription de faux dirigée contre les cinq actes de dénonce des saisies signifiées le 26 juin 2014,
- dire et juger réguliers les actes de dénonce des saisies effectuées le 26 juin 2014,
- condamner Monsieur [V] à lui restituer la somme de 4.200 euros au titre de l'exécution du jugement en date du 29 septembre 2015, outre intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2015,
- ordonner la capitalisation des intérêts échus concernant la somme de 4.200 euros, dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
- en tout état de cause
- condamner Monsieur [V] au paiement de la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire, outre intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt à intervenir,
- le condamner à la somme de 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter le droit proportionnel dégressif dû à l'huissier poursuivant, sur le recouvrement et l'encaissement des condamnations à venir, outre les entiers dépens distraction faite au profit de Maître Philippe BRUZZO, sur son affirmation de droit.
Au soutien de ses demandes Monsieur [U] fait valoir :
- que la contestation est irrecevable, Monsieur [V] ayant contesté les actes de saisie par exploit délivré le 7 octobre 2014 alors que la dénonciation des saisies avait été effectuée le 26 juin 2014, et que l'huissier avait effectué toutes diligences pour s'assurer que l'intéressé résidait bien à l'adresse de [Adresse 3],
- Monsieur [V] ne justifie pas d'un grief,
- il ne justifie pas avoir informé l'huissier de sa contestation,
- au fond : même si le principal a été avancé par le Fonds de Garantie, les accessoires de la dette n'ont jamais été payés ni par le Fonds de Garantie, ni par Monsieur [V],
- le fait que le Fonds de Garantie ait réglé une somme d'avance à Monsieur [U], qui ne couvre pas les sommes qui lui sont dues, ne libère en rien Monsieur [V] de ses obligations. Dans le cadre du constat d'accord entre le fonds de garantie et Monsieur [U], qui n'est pas opposable à Monsieur [V], le Fonds de Garantie n'a pas été subrogé dans les droits de Monsieur [U]. Bien au contraire, Monsieur [U] « s'engage à reverser à cet organisme toute somme reçue au titre du même préjudice et notamment directement de la part de l'auteur des faits ».
Par conclusions notifiées le 31 août 2017, Monsieur [V] formant appel incident, demande à la cour , au visa des articles R22-54 et R221-5 du code des procédures civiles d'exécution, des articles 654 et suivants du code de procédure civile et de l'article 706-11 du code de procédure pénale, de :
' confirmé le jugement querellé en ce qu'il a :
- jugé que les diligences pour signifier l'acte au domicile connu du débiteur sont ainsi manifestement insuffisantes,
- jugé nuls les actes de dénonce des procès-verbaux de saisie-vente des droits d'associés au motif qu'aucun élément précis et circonstancié caractérisant l'impossibilité de procéder à une signification a personne d'autant que Monsieur [U] a fait procéder à une enquête sur Monsieur [V] et disposait donc des éléments nécessaires pour signifier les actes à personne,
- jugé nuls les actes de dénonce des procès-verbaux de saisie-vente,
- déclaré recevable son action en contestation, le délai d'un mois pour agir en contestation ne lui étant pas opposable,
- jugé que les actes de saisie devant être portés à la connaissance du débiteur dans un délai de 8 jours à peine de caducité l'article R 232-6 du code des procédures civiles d'exécution et la présente décision ayant prononcé la nullité des actes de dénonce, déclarer caduques les saisies vente des droits d'associé ou de valeurs mobilières détenus par Monsieur [V] dans la SCI LE MAS, la SCI MADELEINE, la SARL PRESTIGE RENOV, la SCI VILLA LE MAS et la SAS SOCOTRA, dressée par la SCP NICOLAS-DELTEL, huissiers de justice, à la demande de Monsieur [U] et en ordonner la mainlevée, les frais de mainlevée restant à la charge de Monsieur [U],
' à titre subsidiaire :
- prendre acte de ce que Monsieur [U] a initié une procédure d'exécution sur les parts sociales de Monsieur [V] en 2014 alors qu'il avait été indemnisé par le Fonds de Garantie dès le mois d'avril 2010 ;
- constater la fraude manifeste à agir de Monsieur [U]
- dire et juger que Monsieur [U] ne pourrait en aucun cas se prévaloir de l'absence de réaction de Monsieur [V] dans le mois de la dénonce de 1'acte de saisie, alors que cet acte de saisie a été obtenu au moyen d'une fraude caractérisée,
- dire et juger que les saisies sont entachées d'irrégularité, nulles et de nul effet :
- dire et juger que le délai de contestation desdites saisies n'a pu valablement courir et est dès lors inopposable à Monsieur [V].
' à titre infiniment subsidiaire, sur le défaut d'intérêt et de qualité à agir de Monsieur [U]:
- dire et juger qu'en l'état de la subrogation du Fonds de Garantie dans ses droits et de l'indemnisation de son entier préjudice par le Fonds, Monsieur [U] n'avait plus intérêt ni qualité pour agir contre Monsieur [V],
- déclarer recevable l'action en contestation de Monsieur [V],
- déclarer caduques les saisies vente pratiquées par l'appelant,
- en ordonner la mainlevée pure et simple,
' réformer le jugement querellé pour le surplus et statuant de nouveau :
- condamner Monsieur [U] à lui régler la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi qu'au regard de la mauvaise foi caractérisée de Monsieur [U] et de l'intention manifeste de nuire à Monsieur [V].
- condamner Monsieur [U] au paiement de la la somme de 6.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens d'appe1,distraits au profit de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE représentée par Maître Romain CHERFILS, avocat postulant, sur justification d'en avoir fait l'avance.
MOTIFS DE LA DECISION
L'intimé démontre avoir dénoncé sa contestation à l'huissier par lettre recommandée avec avis de réception du 7 octobre 2014 conformément aux dispositions de l'article R211-11 du code des procédures civiles d'exécution, étant relevé que par exploit du même jour l'huissier a été assigné devant le premier juge à la requête de Monsieur [V].
La signification à Monsieur [V] des actes de dénonce des saisies vente a été effectuée le 26 juin 2014 par remise à l'étude de l'huissier instrumentaire après que celui ci se soit déplacé à l'adresse de la [Adresse 3] (06) où il a constaté l'absence du destinataire dont le domicile à cette adresse lui a été confirmé par un voisin et la vérification de la boites aux lettres.
Toutefois cette adresse ne correspond pas à celle figurant à l'arrêt fondant les poursuites aux termes duquel Monsieur [V] résidait au [Adresse 2], domicile auquel Monsieur [U] avait fait signifier un commandement de payer le 1er août 2008.
L'appelant se prévaut, pour justifier de l'adresse de [Localité 3] fournie à l'huissier significateur, des vérifications opérées par un rapport d'enquête privée.
La synthèse de ce rapport mentionne que Monsieur [V] est domicilié administrativement aux adresses suivantes :
- [Adresse 2]
- [Adresse 4]
- [Adresse 5]
et qu'il « serait domicilié physiquement à l'adresse suivante : [Adresse 3].
Monsieur [U] s'est borné à communiquer la synthèse de ce rapport d'enquête (pièce 9) qui n'est ni signée, ni datée, et ne comporte pas l'identité de son auteur.
Ainsi il doit être admis que la signification des dénonciation des saisies vente opérée le 26 juin 2014 par remise à l'étude de l'huissier instrumentaire, sont nulles dès lors que le créancier, qui connaissait le domicile réel de Monsieur [V], a fait délivrer l'acte de dénonce à une autre adresse à laquelle l'intimé n'a jamais résidé, ainsi qu'il résulte des attestations de Mesdames [P] et [X] et Messieurs [D] et [B], laissant l'huissier instrumentaire dans l'ignorance du domicile réel du destinataire. Et ce dernier justifie d'un grief résultant de cette irrégularité dans la mesure ou il n'a pu agir en contestation des saisies vente dans le délai prévu par l'article R232-6 du code des procédures civiles d'exécution .
Il ne saurait être tiré argument de ce que le conseil de l'intimé ait dès le 4 juillet pris contact avec l'huissier significateur, dès lors ce n'est pas à la suite des actes de dénonce, mais en sa qualité de gérant des sociétés tiers saisi que Monsieur [V] a été informé des procédures de saisie vente, à réception des lettres recommandées avec avis de réception adressées par cet huissier au [Adresse 2] , après signification le 25 juin 2014 des procès verbaux de saisie vente selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile.
De même si l'adresse de la [Adresse 3], figure dans la constitution d'intimé de Monsieur [V] celui-ci indique que le correspondant de son conseil s'est contenté de reprendre les mentions qui figurait dans la déclaration d'appel établie par le conseil de l'appelant qui ne saurait donc légitimement se prévaloir de cet argument pour affirmer que Monsieur [V] réside au Canet.
La nullité de la signification des dénonces équivaut à une absence de signification. Il en résulte ainsi qu'exactement retenu par le premier juge, que les saisies vente contestées n'ont pas été régulièrement dénoncées à Monsieur [V] dans le délai de huit jours et qu'elle sont donc caduques.
La décision dont appel doit en conséquence être confirmée en ce qu'elle a ordonné la mainlevée des saisies vente pratiquées le 25 juin 2014 à la requête de Monsieur [U] et condamné ce dernier au paiement de la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour l'abus des saisies entreprises alors qu'il avait été réglé quatre ans plus tôt de sa créance par le Fonds de Garantie subrogé dans ses droits en application de l'article 706-11 du code de procédure pénale, étant observé que Monsieur [U] a maintenu ces cinq mesures de saisie vente sans proportion avec le montant de la créance lui restant due au titre des intérêts ayant couru jusqu'au règlement de son indemnité par le Fonds de Garantie, de l'ordre de 360 euros, et au titre de frais irrépétibles d'un montant de 500 euros, le recouvrement forcé des dépens pour un montant de 1151,34 euros n'étant pas justifié par production d'un certificat de vérification ou d'une ordonnance de taxe exécutoires.
Il sera alloué à Monsieur [V] une somme complémentaire de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [U] succombant dans son recours sera débouté de sa demande à ce titre et supportera la charge des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [G] [U] à payer à Monsieur [R] [V] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute Monsieur [G] [U] de sa demande à ce titre,
Condamne Monsieur [G] [U] aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,