COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
4e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 19 OCTOBRE 2017
jlp
N°2017/ 737
Rôle N° 14/22380
[J], [M], [A] [H] épouse [W]
C/
[I] [C]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Pierre ARNOUX
SCP EGLIE-RICHTERS - MALAUSSENA
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 04 Novembre 2014 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 11/02354.
APPELANTE
Madame [J] [H] épouse [W] agissant tant en son nom personnel et qu'ès qualités de tutrice de Monsieur [E] [H] suivant jugement du Juge des Tutelles du Tribunal d'Instance d'Aubagne en date du 19 juin 2014.
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Pierre ARNOUX, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
INTIMEE
Madame [I] [C]
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Claude EGLIE-RICHTERS de la SCP EGLIE-RICHTERS - MALAUSSENA, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Amaury EGLIE-RICHTERS, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Juillet 2017 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et Madame Hélène GIAMI, Conseiller, chargés du rapport.
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre
Madame Hélène GIAMI, Conseiller
Madame Sophie LEONARDI, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Octobre 2017.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Octobre 2017.
Signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :
De son vivant, [G] [U] épouse [H] était propriétaire sur le territoire de la commune de [Localité 1] (Alpes-Maritimes), [Adresse 3], des parcelles cadastrées section B n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9] formant un terrain de 2719 m² pour lequel un permis de construire avait été délivré, le 24 décembre 1965, sous réserve que le chemin d'accès à la propriété ne fasse pas moins de 3 m de largeur.
Préalablement à l'obtention de ce permis de construire, un acte sous seing privé avait été établi le 15 mars 1961 entre [T] [P] et [F] [O], M. et Mme [P] [D] et [W] [U] et [A] [T] épousé [U], ainsi rédigé :
« Les époux [U] sont propriétaires d'une maison avec parcelle de terre située sur le territoire de la commune de [Localité 1], au [Adresse 3], portée au cadastre sous les n° [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 4] et 760 de la section B.
Cette maison est enclavée et n'a sur la voie publique aucune issue. Ceux-ci ont manifesté le désir d'obtenir une autorisation de passage dans le but de desservir et d'atteindre par ce moyen leur maison du quartier de [Localité 2].
Ils ont obtenu de leurs voisins, ci-dessus nommés, ladite autorisation avec les réserves et clauses qui vont suivre.
Il sera construit un chemin sur les parcelles suivantes appartenant aux susnommés.
Parcelle [Cadastre 10] section B appartenant à Mme [P] et Mme [O].
Parcelle [Cadastre 11] section B appartenant aux époux [D] [P].
Parcelles [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 4] et [Cadastre 3] section B appartenant aux époux [U].
Le chemin à construire prendra naissance à proximité de l'ancienne gare de chemin de fer [Établissement 1], il bordera la parcelle [Cadastre 10] section B appartenant à Mmes [P] et [O] sur la partie contigüe à la parcelle communale n° [Cadastre 12], longera le chemin communal, il se poursuivra jusqu'à la maison appartenant aux époux [U].
Il aura sur toute sa longueur une largeur de trois mètres (chemin communal compris).
Les époux [P], [O], [D] [P], chacun en ce qui les concerne, acceptent et autorisent la création d'un chemin de trois mètres de large sur tout le parcours de leurs portions respectives désignées ci-dessus et également le passage à pied, à cheval, ou par tous véhicules automobiles et autres (')
La servitude est établie pour l'utilité desdits particuliers.
Elle est irrévocable ».
Par acte notarié du 2 juillet 1982, [I] [C] a fait l'acquisition des parcelles B n° [Cadastre 13] et B n° [Cadastre 10], cette dernière ayant appartenu à Mmes [P] et [O], et a déposé, le 14 avril 1983, une demande de permis de construire une villa de 148,50 m² de surface habitable, demande mentionnant que le terrain était desservi par une voie privé de 3,50 m de large ; après réalisation des travaux de construction, dont le certificat de conformité avait été obtenu le 21 février 1991, Mme [C], dans le cadre de travaux visant à améliorer l'accès à sa propriété, a obstrué le chemin desservant la propriété de Mme [U] épouse [H].
Celle-ci, avec [E] [H], son époux, a alors fait dresser, par Me [Y], huissier de justice, un procès-verbal de constat le 28 janvier 2010, relatant les faits suivants : (') Il n'existe aucun autre accès (à la maison de M. et Mme [H]) que celui venant de la route de l'ancien chemin de fer. A l'embranchement avec l'accès à la propriété de Mme [C], un tractopelle est en train de travailler. Du fait de ce terrassement, une bute s'est formée à la jonction entre le chemin permettant d'accéder à la propriété de M. et Mme [H] et la propriété de Mme [C]. Cette bute ne permet pas à mes requérants, à l'heure actuelle, de pouvoir passer en véhicule. Le passage à pied leur est également impossible du fait de l'existence du tractopelle.
M. et Mme [H] ont saisi, en vain, d'une demande de rétablissement du chemin dans son état initial le juge des référés du tribunal de grande instance de Grasse qui, par ordonnance, du 23 juin 2010 a dit n'y avoir lieu à référé.
Ils ont ensuite fait assigner, par exploit du 24 mars 2011, Mme [C] devant le tribunal statuant au fond en vue d'obtenir la remise en état du chemin, conformément au titre du 15 mars 1961, et subsidiairement, l'établissement d'une servitude de passage pour cause d'enclave.
Mme [U] épouse [H] est décédée en cours d'instance et sa fille, [J] [H] épouse [W], est intervenue volontairement à l'instance ; celle-ci est également intervenue en sa qualité de tutrice de son père, désignée par un jugement du juge des tutelles d'Aubagne en date du 19 juin 2014.
Par jugement du 4 novembre 2014, le tribunal de grande instance de Grasse a statué en ces termes :
Reçoit Mme [U] épouse [W] en son intervention volontaire à titre personnel et ès qualités de tutrice de son père, M. [H],
Dit et juge que le fonds appartenant à M. [H] et Mme [U] épouse [W], sis à [Adresse 3], cadastré section B n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9] n'est ni bénéficiaire d'une servitude de passage, ni enclavé,
Rejette par conséquent toutes les demandes faites par Mme [U] épouse [W] à titre personnel et ès qualités de tutrice de son père, M. [H],
Condamne Mme [U] épouse [W] à titre personnel et ès qualités à payer à Mme [C] la somme de 1000 € au titre des frais irrépétibles.
Mme [U] épouse [W], toujours en son nom personnel et ès qualités de tutrice de son père, a régulièrement relevé appel de ce jugement, le 26 novembre 2014, en vue de sa réformation.
Par arrêt du 6 mai 2016 auquel il convient de se reporter, la cour a, avant dire-droit au fond, ordonné une expertise confiée à M. [R], géomètre-expert, avec notamment pour mission de dire si les parcelles B n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9] sont enclavées, de proposer, dans l'affirmative, la solution de désenclavement la plus appropriée par le trajet le plus court et le moins dommageable et de fournir tous éléments de fait sur l'indemnité, qui pourrait être due au propriétaire du fonds assujetti, ou sur la prescription de l'assiette et du mode de servitude de passage.
L'expert commis a établi, le 27 février 2017, un rapport de ses opérations, dont les conclusions sont les suivantes :
Les parcelles sont désenclavées par une servitude de désenclavement du 15 mars 1961 ; par contre, elles sont aujourd'hui physiquement enclavées par les travaux d'aménagement réalisés par Mme [C].
La solution la plus adaptée en restant dans l'emprise du chemin d'origine est de réaliser un remblai en prolongeant en droite ligne le début du chemin aménagé par Mme [C]. Cette solution a une longueur de 15 ml pour 3 m de large. Elle est représentée par des hachures rouges sur notre plan annexe 2.
Nous pensons qu'il n'y a pas d'indemnité à prévoir car la servitude est existante.
M. [H] est décédé, le [Date décès 1] 2016, en cours de procédure, laissant pour lui succéder sa fille, Mme [H] épouse [W].
Celle-ci demande à la cour (conclusions déposées le 30 juin 2017 par le RPVA) de :
(')
Vu les dispositions des articles 682 et 685 du Code civil,
Vu le rapport d'expertise établi par M. [R],
(')
'dire et juger que la propriété cadastrée sous les n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9] est enclavée et que l'assiette de la servitude de passage a été prescrite,
'dire que l'assiette de cette servitude de passage partira de la route de l'ancien chemin de fer [Établissement 1], passera sur la parcelle [Cadastre 10] appartenant à Mme [C] et longeant la voie communale, telle qu'elle a été décrite dans l'acte sous seing privé en date du 15 mars 1961,
-condamner Mme [C], sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, à effectuer les travaux nécessaires, telles que prescrits par l'expert pour que la propriété soit désenclavée,
Subsidiairement, si la cour estimait que l'assiette de la servitude légale n'était pas prescrite,
'dire que sa propriété est enclavée et que le chemin le plus court et le moins dommageable pour la désenclaver est celui tel que décrit par l'expert, qui part de la route de l'ancien chemin de fer, passe sur la parcelle [Cadastre 10] appartenant à Mme [C] et longe la voie communale,
'condamner Mme [C], sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, à effectuer les travaux nécessaires, tels que décrits par l'expert, pour que sa propriété soit désenclavée,
'condamner, en tout état de cause, Mme [C] à lui payer la somme de 84 000 € à titre de dommages et intérêts,
'débouter Mme [C] de sa demande tendant à la voir condamner à lui payer une indemnité de désenclavement d'un montant de 78 382 €, ainsi que de sa demande tendant à la voir condamner à lui payer la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
'condamner Mme [C] à lui payer la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
'condamner Mme [C] à lui payer les frais d'huissier et d'expertise qu'elle a été contrainte d'engager.
Mme [C] sollicite de voir (conclusions déposées le 20 juin 2017 par le RPVA):
(')
Vu les articles 1165 et 691 du Code civil,
'dire et juger que la convention du 15 mars 1961 ne lui est pas opposable, faute d'avoir été établie par acte authentique et publiée à la conservation des hypothèques,
A titre principal,
Vu l'article 682 du Code civil,
'dire et juger que Mme [H] épouse [W] ne rapporte pas la preuve de l'état d'enclave de son fonds qui borde une voie publique,
'confirmer, en conséquence, le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
A titre subsidiaire, pour le cas où l'état d'enclave serait établi,
Vu les articles 682, 685 et 698 du code civil,
'dire et juger que l'appelante ne rapporte pas la preuve d'un usage du chemin de manière continue pendant 30 ans,
'dire et juger que le chemin d'accès litigieux n'est pas celui visé dans la convention sous-seing privée du 15 mars 1961,
'la débouter, en conséquence, de ses demandes,
'dire et juger que le chemin le plus court et le moins dommageable pour désenclaver la propriété de Mme [H] épouse [W] est celui empruntant le chemin communal, quitte à ce qu'il fasse un lacet tel que décrit précédemment,
'dire et juger, subsidiairement, que le chemin le plus court et le moins dommageable pour désenclaver la propriété de Mme [H] épouse [W] est celui consistant à élargir le chemin d'accès existant, tel que décrit précédemment,
'dire et juger, en tout état de cause, qu'il n'appartient pas au propriétaire du fonds servant de financer les travaux de désenclavement,
A titre encore plus subsidiaire, si par impossible la prescription acquisitive sur le fondement de l'enclave été démontrée,
Vu les articles 682, 685, 698 et 701 du code civil,
'dire et juger que le fait d'avoir créé une voie d'accès sur sa propriété ne peut constituer une faute susceptible de lui être reproché,
'dire et juger qu'il n'appartient pas au propriétaire du fonds servant de financer les travaux de désenclavement,
'dire et juger, en conséquence, qu'elle est fondée à demander le déplacement de l'assiette de la servitude par l'élargissement du chemin d'accès existant,
En tout état de cause,
'dire et juger que le préjudice qui en serait résulté, est désormais purement symbolique puisque les consorts [H] n'habitent plus la propriété de [Localité 1],
'dire et juger que le préjudice lié à la perte de revenus locatifs est totalement hypothétique puisque Mme [W] n'a jamais justifié vouloir louer sa propriété,
'débouter, en conséquence, l'appelante de l'ensemble de ses demandes,
'dire et juger que Mme [H] épouse [W] sera condamnée à lui payer une indemnité de désenclavement d'un montant total de 78 382 €,
'la condamner au paiement de la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 4 juillet 2017, préalablement à l'ouverture des débats.
MOTIFS de la DECISION :
Il résulte de l'article 682 du code civil que le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner ; l'article 683 du même code dispose que le passage doit régulièrement être pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique, mais qu'il doit être fixé dans l'endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé ; enfin, l'article 685 énonce que l'assiette et le mode de servitude de passage pour cause d'enclave sont déterminés par trente ans d'usage continu et que l'action en indemnité, dans le cas prévu par l'article 682, est prescriptible, et le passage peut être continué, quoique l'action en indemnité ne soit plus recevable.
Mme [W] ne prétend pas que les parcelles B n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9] bénéficient d'une servitude conventionnelle de passage, résultant de l'acte sous seing privé du 15 mars 1961, non publié, mais qu'elles sont enclavées au sens de l'article 682 du code civil et que l'assiette du passage par le chemin litigieux est prescrite par trente ans d'usage continu conformément à l'article 685 du même code.
Pour considérer que le fonds n'était pas enclavé, le premier juge a indiqué que le permis de construire obtenu par M. [U] le 24 décembre 1965 ne fait aucunement référence à un état d'enclave, qu'il est justifié par la production d'un plan cadastral que M. [H] et Mme [W] disposent d'un accès au chemin communal teinté en bleu sur le plan, débouchant sur la route de l'ancien chemin de fer, que les photographies produites par Mme [C] confirment la proximité de cette route de la parcelle B n°[Cadastre 10] et qu'il appartient aux demandeurs d'engager les frais nécessaires pour rendre cet accès praticable.
Il s'avère cependant que le permis de construire obtenu le 24 décembre 1965 par M. [U], qui l'a été sous la condition que le chemin d'accès à la propriété ne fasse pas moins de 3 m de largeur, est postérieur à l'autorisation de passage concédé par divers voisins, dont Mmes [P] et [O], auteurs de Mme [C], aux termes de l'acte sous seing privé du 15 mars 1961, dont il résulte que les époux [U] sont propriétaires d'une maison avec parcelle de terre située sur le territoire de la commune de [Localité 1], au [Adresse 3], portée au cadastre sous les n° [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 4] et [Cadastre 3] de la section B et que cette maison est enclavée et n'a sur la voie publique aucune issue.
Dans son procès-verbal du 28 janvier 2010, Me [Y], huissier de justice, après avoir constaté que le chemin de terre conduisant à la maison de M. et Mme [H] à partir de la route de l'ancien chemin de fer était rendu impraticable par une bute de terre aménagée à l'embranchement du chemin et de celui réalisé pour l'accès à la propriété de Mme [C], a relevé qu'il n'existait aucun autre accès à la maison des intéressés.
Le même huissier de justice, dans un procès-verbal de constat, plus précis, établi le 4 décembre 2014, a indiqué qu'un chemin carrossable de plus de 4 m de large, partant de la route de l'ancien chemin de fer, desservait la propriété de Mme [C] à travers une colline, côté gauche, et que sur le côté droit, sur le dernier mètre avant un à-pic descendant sur la route, se trouvent des branchages, un olivier récemment planté entouré d'un enrochement puis un petit chemin d'une largeur d'un mètre, qui continue sur le côté droit par rapport au chemin ; l'huissier a relevé également ce qui suit : ce chemin piétonnier contourne le mur sur la gauche qui est le mur de soutènement du chemin permettant d'accéder à la propriété [C], formant ainsi une hauteur d'environ 2 m rendant impossible tout accès par véhicule. Ensuite, existe un chemin d'une largeur de 3 à 4 m parfaitement plat et carrossable, continuant jusqu'au portail d'accès à la propriété [H] puis, sur l'arrière, jusqu'au portail voiture de la propriété ('). Nous continuons sur le côté nord de la propriété [H] où n'existe aucun accès possible, il s'agit de planches, de restanques et de colline avec une pente très importante. Côté est, il s'agit également du flanc de la colline où se trouvent plusieurs constructions et où il est impossible de trouver ou de voir un accès.
S'agissant du chemin, mentionné sur le plan cadastral, l'huissier a effectué les constatations suivantes : il existe une ébauche d'un chemin non matérialisé. Au sol, se trouvent des pierres qui se sont effondrées, laissant supposer l'existence d'un escalier. Le tout a une largeur maximum d'un mètre et est bordé de végétaux, d'arbres et de rochers (') Nous faisons le tour côté route de l'ancien chemin de fer pour essayer de trouver le débouché de ce semblant de chemin. Nous voyons qu'il s'agit d'un à-pic de plusieurs mètres de haut où il n'existe aucune trace de chemin, ni aucune possibilité de passer en véhicule sans la réalisation de travaux très importants en colline et comportant rochers et plantations importantes.
Ces constatations sont corroborées par celles de l'expert judiciaire, M. [R], lequel indique qu'il est fait état d'un chemin communal qui n'existe pas sur les lieux, que le cadastre mentionne l'existence d'un chemin communal là où, en réalité, il y a un ruisseau épisodique de montagne (appelé aussi [Localité 3]) qui servait de passage à pied lorsqu'il n'était pas un torrent, que sa pente est extrêmement forte et encombrée de blocs rocheux et qu'il ne pouvait donc pas servir à la circulation des charrettes ; Mme [C] n'est donc pas fondée à soutenir que le fonds de Mme [W] ne se trouve pas enclavé du fait de l'existence d'un chemin communal, dont l'entretien incombe à la commune de [Localité 1], laquelle aurait d'ailleurs entrepris et installé dans le tréfonds dudit chemin d'importantes canalisations d'écoulement des eaux pluviales, ainsi qu'une ligne électrique ; matériellement, il n'existe, en effet, aucune voie publique carrossable permettant de relier le fonds de Mme [W] à l'ancienne route du chemin de fer, ce dont il se déduit que les parcelles B n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9], qui ne disposent actuellement d'aucun accès permettant le passage d'une automobile et des véhicules de secours et de lutte contre l'incendie, se trouve effectivement enclavée au sens de l'article 682 susvisé.
Même si la convention de passage du 15 mars 1961 résulte d'un acte sous-seing privé non publié, l'existence de cette convention ne saurait être méconnue puisque sa finalité a bien été alors de permettre l'accès à la voie publique de la maison de M. et Mme [U], aux droits desquels vient aujourd'hui Mme [W], dont les travaux devaient faire l'objet du permis de construire obtenu le 24 décembre 1965 et qui n'avait, selon les termes mêmes de cette convention, aucune issue à la voie publique.
Il résulte des pièces produites que l'accès en voiture à la propriété de M. et Mme [H] s'effectuait exclusivement par le chemin litigieux, rendu impraticable en janvier 2010, sachant que les travaux de construction de la maison, objet du permis de construire du 24 décembre 1965, ont donné lieu, après leur achèvement, à la délivrance d'un certificat de conformité, le 7 mars 1969, et qu'une attestation délivrée le 6 décembre 1974 par l'ancien maire de la commune (M. [I]) énonce que [W] [U] (le père de Mme [H]) est domicilié à titre de résidence principale dans sa villa, [Adresse 3], à [Localité 1] depuis le 1er février 1968, date d'achèvement des travaux ; contrairement à ce qu'affirme Mme [C], l'assiette du chemin passant sur sa parcelle B n° [Cadastre 10] se trouve prescrite par 30 ans d'usage continu puisqu'elle constitue, depuis 1968, l'unique accès à la maison d'abord occupée par M. et Mme [U] puis par M. et Mme [H], les attestations produites aux débats (notamment celles de M. [B], Mme [A], Mme [G] et M. [Q]) établissant l'utilisation, au moyen de véhicules automobiles, du chemin de terre partant de l'ancienne gare de chemin de fer et aboutissant à la maison depuis les années 1970 ou depuis les années 1980 et ce, jusqu'au début des années 2010 où le chemin, obstruée, est devenu inutilisable ; l'absence de tout autre accès carrossable à la maison est encore corroborée par le fait qu'en septembre 2010, M. et Mme [H] ont dû être approvisionnés en fuel par des riverains et des employés municipaux au moyen d'une cuve installée sur une remorque, stationnée sur le chemin, servant à transvaser le fuel.
Certes, la convention de passage du 15 mars 1961 est relative à un chemin à construire, qui bordera la parcelle [Cadastre 10] section B appartenant à Mmes [P] et [O] sur la partie contigüe à la parcelle communale n° [Cadastre 12], alors que l'assiette du chemin, tel qu'il a été aménagé, traverse la parcelle B n° [Cadastre 10] et ne la borde donc pas en limite de la parcelle B n° [Cadastre 12], depuis incorporée dans la parcelle communale B n° [Cadastre 14] ; pour autant, l'expert précise, en page 11 de son rapport, que lors de l'établissement de la convention, les parties ne connaissaient pas la position exacte des limites parcellaires et que les termes employés signifient que l'assiette du chemin devait être positionnée dans la parcelle B n° [Cadastre 10] du côté de la parcelle B n° [Cadastre 12] ; M. [R] précise, en effet, que le bord de la parcelle B n° [Cadastre 10], côté parcelle B n° [Cadastre 12], est constituée d'un talus très importante dans lequel il était impossible de créer un chemin, ce talus ayant une hauteur de 3 m.
L'expert a proposé, comme solution de désenclavement la plus appropriée, de réaliser un remblai de 15 ml de long pour 3 m de large, qui prolongera en ligne droite le chemin aménagé par Mme [C], ce tracé se situant dans l'emprise du chemin d'origine et permettant à cette dernière de conserver la rampe d'accès à sa propriété, construite sur l'emprise du chemin ; il a écarté les autres solutions de désenclavement proposées par Mme [C], notamment en limite est de la parcelle B n° [Cadastre 10], comme étant techniquement irréalisables eu égard à la topographie des lieux.
Il convient, en conséquence, de dire que les parcelles B n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9] sont enclavées et qu'elles bénéficieront, à partir de la route de l'ancien chemin de fer, d'un passage sur la parcelle B n° [Cadastre 10] par la voie carrossable aménagée sur cette parcelle se prolongeant au nord par une bande de 15 ml sur 3 m de large sur laquelle un remblai sera créé et une rampe d'accès réalisée, représentée par des traits hachurés rouges sur le plan d'état des lieux constituant l'annexe n° 2 du rapport d'expertise ; la prescription de l'assiette passage par 30 ans d'usage continu, rend irrecevable la demande d'indemnisation présentée par Mme [C].
L'acte notarié du 2 juillet 1982 par lequel Mme [C] a fait l'acquisition des parcelles B n° [Cadastre 13] et B n° [Cadastre 10] ne mentionne aucune servitude grevant ces parcelles ; celle-ci ne pouvait cependant ignorer l'existence du chemin de terre, traversant son fonds et desservant, depuis de nombreuses années, le hameau du [Localité 4], lorsqu'elle a fait réaliser, en janvier 2010, une rampe d'accès à sa villa, contribuant à rendre impraticable le chemin de terre au-delà de la rampe ainsi créée ; malgré une sommation lui ayant été délivrée le 28 janvier 2010 par exploit du huissier de justice, à la demande de M. et Mme [H], la mettant en demeure de n'entreprendre aucun travail portant atteinte à l'usage actuel du chemin d'accès à leur propriété, les travaux ont été poursuivis, sans que ne soit aménagé un remblai permettant l'utilisation du chemin de terre, sur une assiette de 3 m de large, pour la desserte automobile de la propriété de M. et Mme [H] ; ainsi, la maison, dont Mme [W] est actuellement propriétaire, n'a pu, depuis janvier 2010, être desservie que par un passage piétonnier, situé à droite de la rampe d'accès, dans des conditions de nature à en affecter les conditions normales d'utilisation ; le préjudice de jouissance en résultant peut être indemnisé par l'allocation de la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts, sans toutefois que Mme [W] puisse invoquer, pour la détermination du préjudice, la valeur locative de la maison, habitée par ses parents jusqu'en 2013, qui, de toute évidence, n'a jamais été destiné à être louée ; il convient également, par dérogation à la règle selon laquelle les ouvrages et travaux nécessités par l'exercice de la servitude sont à la charge du propriétaire du fonds dominant, de condamner Mme [C], selon des modalités qui seront précisées ci-après, à réaliser à ses frais la rampe d'accès, préconisée par l'expert, puisque c'est sciemment, par suite d'une voie de fait, que celle-ci a empêché tout accès aux parcelles B n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9].
Au regard de la solution apportée au règlement du litige, Mme [C] doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, y compris les frais et honoraires de l'expert, ainsi qu'à payer à Mme [W] la somme de 4000 € au titre des frais non taxables que celle-ci a dû exposer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Vu l'arrêt en date du 6 mai 2016 et le rapport d'expertise de M. [R] établi le 27 février 2017,
Infirme dans toutes ses dispositions le jugement entrepris et statuant à nouveau,
Dit que les parcelles cadastrées [Adresse 3], section B n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9] sont enclavées au sens de l'article 682 du code civil et qu'elles bénéficieront, à partir de la route de l'ancien chemin de fer, d'un passage sur la parcelle cadastrée au même lieu-dit section B n° [Cadastre 10] par la voie carrossable aménagée sur cette parcelle se prolongeant au nord par une bande de 15 ml sur 3 m de large sur laquelle un remblai sera créé et une rampe d'accès réalisée, représentée par des traits hachurés rouges sur le plan d'état des lieux constituant l'annexe n° 2 du rapport d'expertise,
Condamne [I] [C] à réaliser la rampe d'accès, préconisée par l'expert, dans les 8 mois suivant la signification du présent arrêt sous peine d'une astreinte de 200 € par jour de retard pendant le délai de 6 mois passé lequel il sera à nouveau statué,
Autorise [J] [H] épouse [W], à défaut d'exécution des travaux dans ledit délai, à réaliser elle-même la rampe d'accès, aux frais de Mme [C],
Condamne Mme [C] à payer à Mme [W] la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne Mme [C] aux dépens de première instance et d'appel, y compris les frais et honoraires de l'expert, ainsi qu'à payer à Mme [W] la somme de 4000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code,
LE GREFFIERLE PRESIDENT