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06/10/2017 | FRANCE | N°15/16979

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 06 octobre 2017, 15/16979


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 06 OCTOBRE 2017



N°2017/ 667



Rôle N° 15/16979







[L] [B]





C/



SAS INGENERING SERVICE MEDITERRANEE





















Grosse délivrée le :



à :



Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Laetitia LUNARDELLI, avocat au barreau de TOULON








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Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 09 Septembre 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/732.





APPELANTE



Madame [L] [B], dem...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 06 OCTOBRE 2017

N°2017/ 667

Rôle N° 15/16979

[L] [B]

C/

SAS INGENERING SERVICE MEDITERRANEE

Grosse délivrée le :

à :

Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Laetitia LUNARDELLI, avocat au barreau de TOULON

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 09 Septembre 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/732.

APPELANTE

Madame [L] [B], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Marc LECOMTE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉE

SAS INGENERING SERVICE MEDITERRANEE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Laetitia LUNARDELLI, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 07 Septembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Virginie PARENT, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre

Madame Hélène FILLIOL, Conseiller

Madame Virginie PARENT, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Octobre 2017

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Octobre 2017

Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat à durée indéterminée du 2 janvier 2012 [L] [B] a été engagée par la société ISM (INGENIERIE SERVICES MEDITERRANEE) en qualité de projeteur désigner.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la Convention Collective Nationale des bureaux d'études techniques.

Après mise à pied à titre conservatoire à compter du 21 octobre 2013 et entretien préalable le 12 novembre 2013, [L] [B] a été licenciée pour faute grave par la société ISM par lettre recommandée avec accusé réception du 15 novembre 2013 dans les termes suivants:

' Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs d'une faute grave. Ces agissements font suite à des comportements que nous avions déjà été amenés à déplorer.

En effet, vous avez, courant juin, demandé à bénéficier d'une mesure de télétravail à votre domicile à compter du 1er juillet 2013, souhaitant, pour des raisons personnelles, vous installer de manière permanente en Corse à compter de cette date. C'est dans ces conditions que vous avez quitté votre poste de travail à [Localité 1], dès le 1er juillet 2013, sans attendre notre accord, en mettant notre Société devant le fait accompli, et sans même nous laisser le temps nécessaire pour formaliser cette nouvelle organisation.

Depuis, force a été de constater un désintérêt total de votre part pour vos fonctions et les dossiers dont vous avez la charge. Nous avions le plus grand mal à vous joindre, que ce soit par téléphone ou par e-mail, ou même à connaître votre adresse en Corse. Nous vous avons demandé de vous ressaisir à plusieurs reprises par e-mail, puis par un courrier recommandé en date du 22 août 2013. Ce courrier est demeuré sans réponse et nous n'avons constaté aucune amélioration dans votre attitude.

Le 11 septembre, devant votre inertie, les difficultés que nous avions à vous joindre et le retard pris de votre travail, nous vous adressions un nouvel e-mail. relatant les graves difficultés que nous rencontrions avec vous et vous demandant de « rétablir la situation pour le lundi 16 septembre, à savoir nous faire parvenir pour les mois de juillet et août les heures passées par affaires et la production associée à ces heures, sans oublier le planning pour la semaine du 16 au 20 septembre».

Vous répondiez alors à cet e-mail en des termes tout à fait intolérables.

Vous nous avez en effet notifié à cette occasion votre refus de participer à une réunion fixée dès le lendemain, soit le 12 septembre, avec l'un de nos principaux clients, la SCI JADE, nous contraignant à tenir la réunion sans que notre dossier ne soit finalisé.

Vous avez, dans ce même e-mail, notifié votre refus exprès de nous justifier de vos temps de travail par la production de fiches d'heures, malgré nos nombreuses demandes en ce sens. Vous teniez également des propos irrespectueux envers le Directeur Général de notre Société.

Nous répondions de manière circonstanciée à ce courrier par un nouveau courrier recommandé avec accusé de réception en date du 13 septembre 2013.

Nous vous mettions alors en demeure une dernière fois de vous ressaisir, et de nous adresser dans les quarante huit heures les éléments modifiés du dossier BOX (que nous attendions depuis le mois d'août), les heures passées par affaire et la production associée à ces heures pour les mois de juillet et août, sans oublier le planning pour la semaine du 16 au 20 septembre et un retour sur le dossier de Saint-Mandrier. Nous vous priâmes en conséquence de bien vouloir, à réception de la présente, réintégrer votre poste dans nos locaux.

C'est dans ces conditions que nous recevions un avis d'arrêt de travail daté du 12 septembre 2013, nous mentionnant une adresse en Corse, arrêt régulièrement renouvelé depuis.

En tout état de cause, il apparaît clairement de la période précédant votre arrêt maladie que vous vous désintéressez totalement des tâches qui vous incombent et que vous refusez d'appliquer les directives et instructions de votre hiérarchie.

Ce comportement constitue une insubordination et une indiscipline caractérisées qui, eu égard à vos responsabilités, apparaissent incompatibles avec votre maintien dans notre entreprise. De plus, ces manifestations d'insubordination sont exprimées dans des termes toujours désinvoltes, insolents, portant gravement atteinte à l'autorité de votre employeur. Fin septembre, vous avez commis une faute d'une gravité supplémentaire en tenant des propos insultants et diffamants vis-à-vis de notre entreprise et des personnes qui la dirigent.

Ainsi, dans un e-mail en date du 23 septembre dernier, vous vous permettiez en effet de soutenir les propos suivants, sans aucun fondement et de manière tout à fait inadmissible: 'vous utilisez le chantage comme moyen de pression, ce qui est guère à votre honneur mais dans la continuité de votre entreprise malhonnête. Entreprise que vous avez préméditée depuis le début en me bernant pour mieux m'escroquer sous couvert d'une promesse association.'

Ainsi, notre entreprise serait « malhonnête », nous vous aurions « bernée» ou « escroquée », et nous vous ferions du « chantage ». Vous comprendrez que par ces propos dénigrants et malveillants, vous jetez le discrédit sur notre Société et portez atteinte à l'intégrité de notre entreprise et à l'honneur de votre employeur, supprimant ainsi toute possibilité de poursuivre nos relations de travail.

Nous vous rappelons que vous êtes tenue par une obligation de loyauté. Votre attitude n'est pas admissible.

Nous avons fait preuve d'une grande tolérance et d'une grande patience à votre égard, espérant que votre attitude se redresse. Malheureusement, la situation n'a fait que s'aggraver et nous ne pouvons tolérer davantage vos agissements, d'une gravité telle qu'ils rendent impossible votre maintien dans l'entreprise.

Nous vous avons convoquée à un entretien préalable au licenciement, vous notifiant une mise à pied conservatoire, le 21 octobre dernier. L'entretien était prévu le 12 novembre 2013 à 9 heures. Vous ne vous y êtes pas présentée et n'avez pas même répondu à cette convocation, ne nous permettant pas ainsi de modifier notre appréciation.

Nous vous informons que nous avons décidé en conséquence de vous licencier pour faute grave. Nous vous confirmons pour les mêmes raisons la mise à pied conservatoire dont vous faîtes l'objet depuis le 21 octobre 2013. Le licenciement prend donc effet immédiatement dès réception de cette lettre et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnité de préavis, ni licenciement....'

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, [L] [B] a saisi le 12 mars 2014 le conseil de prud'hommes de Marseille qui par jugement du 9 septembre 2015 a:

- dit ne pas reconnaître une relation salariale entre la société ISM et Mme [L] [B] pour la période du 10 octobre 2011 au 2 janvier 2012

- dit que le licenciement pour faute grave de Mme [L] [B] est justifié

- condamné la société ISM à verser la somme de 2481,53 € à Mme [B] à titre de rappel de frais de déplacements

- débouté Mme [B] de ses autres demandes

- débouté la société de sa demande reconventionnelle

- dit que les dépens seront partagés entre les parties.

Le 22 septembre 2015 [L] [B] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, [L] [B] demande de :

- dire Madame [B] bien fondée en son appel.

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

- dire que l'ancienneté de la salariée doit être décomptée depuis le 10 octobre 2011.

- dire y avoir lieu à rappel de salaire contractuel net et de frais de déplacement.

- enjoindre à la Société INGENIERIE SERVICES MEDITERRANEE, sous astreinte de 50,00 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, d'avoir à restituer les logiciels AUTOCAD et REVIT.

- dire le licenciement litigieux dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- dire que la Société INGENIERIE SERVICES MEDITERRANEE a eu recours au travail dissimulé.

- la condamner en conséquence au paiement des sommes suivantes:

* 12 835,04 € à titre de rappel de salaire contractuel net,

* 1283,50€ à titre d'incidence congés payés sur rappel précité,

* 3 549,26 € de rappel de frais de déplacement,

* 15 790,60 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis conventionnel,

* 1 579,06 € à titre d'incidence congés payés sur indemnité précitée.

* 4 093,91 €à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- dire qu'à titre d'indemnisation complémentaires, les sommes susvisées produiront intérêts de droit à compter de la demande en Justice, avec capitalisation, en application des Articles 1231-7 et 1343-2 du Code Civil.

- enjoindre à l'intimée, sous astreinte de 50,00 € par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, d'avoir à établir et à délivrer à Madame [B] les documents suivants:

* Certificat de travail mentionnant une ancienneté à compter du 10 octobre 2011,

* Bulletins de salaire rectifiés de même et comportant les rappels de rémunération judiciairement fixés,

* Attestation destinée à POLE EMPLOI rectifiée de même,

- lui enjoindre, sous astreinte identique, d'avoir à régulariser la situation de la concluante auprès des organismes sociaux.

- condamner en outre la Société INGENIERIE SERVICES MEDITERRANEE au paiement des sommes suivantes:

* 5 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat,

* 60 000,00 € à titre de dommages-intérêts au titre de l'apport de clientèle,

* 40 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en application des dispositions de l'Article L.1235-5 du Code du Travail,

* 31581,60 € à titre de dommages intérêts pour travail dissimulé, en application des dispositions de l'Article L.8223-1 du Code du Travail.

* 1 500,00 € à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'Article 700 du Code de Procédure Civile.

- ordonner, des chefs qui précèdent, l'exécution provisoire, en application des dispositions de l'Article 515 du Code de Procédure Civile.

- condamner la Société intimée aux dépens.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, la société ISM demande de :

- confirmer le jugement entrepris.

Par conséquent,

- dire et juger que :

- du mois d'octobre au mois de décembre 2011, aucune relation salariale n'existait entre la Société ISM et [L] [B],

- il n'existe aucun fait de travail dissimulé,

- le licenciement pour faute grave de [L] [B] est justifié,

- le salaire mensuel brut contractuel de [L] [B] était de 4 083 euros,

- aucun rappel de salaire n'est dû à [L] [B],

- l'organisation tardive de la visite médicale d'embauche de [L] [B] n'a pas été de nature à lui causer un quelconque préjudice,

- [L] [B] est remplie dans ses droits en matière de rémunération,

- les logiciels AUTOCAD et REVIT sont la propriété de la société ISM,

- aucune somme n'est due au titre d'un prétendu apport de clientèle.

En conséquence

- débouter [L] [B] de "ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- condamner [L] [B] à verser à la Société ISM la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du CPC.

- condamner [L] [B] aux entiers dépens de l'instance.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le début des relations contractuelles

[L] [B] soutient être entrée au service de la société ISM comme salariée à compter du 10 octobre 2011; elle expose les éléments suivants:

- elle s'est associée le 1er avril 2010 avec Monsieur [H] , architecte maître d''uvre, pour créer une société AG ARCADIA

- cette association a pris fin le 1er juillet 2011, Monsieur [H] étant décédé peu après

- Madame [B] a proposé à la société ISM de lui transférer son portefeuille client en échange d'une association et d'une entrée dans le capital de celle-ci

- elle a apporté ce portefeuille de clients et des licences

- la société ISM s'est engagée à mettre en 'uvre l'association à compter d'avril 2012 , Madame [B] devant dans l'attente travailler en qualité de salariée de la société

- elle a pris ainsi ses fonctions le 10 octobre 2011

- l'employeur l'a informée qu'il ne pourrait pas la rémunérer avant trois mois et que sa situation serait régularisée sous forme de prime.

- de telles primes lui ont été effectivement payées début 2012, comme en attestent ses bulletins de salaire

- dans un courrier du 13 septembre 2013, le directeur général de la société ISM a écrit qu'elle n'avait pas travaillé gratuitement pendant trois mois, dans la mesure où elle a été rémunérée au titre de primes figurant sur ses bulletins de salaire.

La société ISM pour sa part conteste toute relation salariée avant le contrat à durée indéterminée du 2 janvier 2012, exposant que Madame [B] a travaillé d'octobre 2011 à décembre 2011 avec la société ISM et non pour elle; elle décrit la situation de la manière suivante:

- Madame [B] a été embauchée par Monsieur [H] maître d''uvre de la société ARCADIA. Leurs relations se dégradant , Madame [B] a brutalement décidé de ne plus travailler avec ce dernier, lequel est décédé au cours de l'été 2011

- le fils de Monsieur [H] a contacté M. [D] de la société PAP ALU, lequel a récupèré les dossiers de Monsieur [H], et s'est tourné vers Madame [B] qui connaissait ceux-ci. Faute de moyens techniques et humains, Madame [B] a cherché un partenariat pour l'assister dans ces chantiers et a contacté dans ce contexte la société ISM en octobre 2011

- il a été convenu à la demande de Madame [B] que la société ISM l'embauche à compter de janvier 2012 afin qu'elle continue à bénéficier de ses droits au chômage jusqu'à cette date

- pendant ce laps de temps, Madame [B] n'était absolument pas salariée

- cette dernière n'apporte aucune preuve d'un lien de subordination

- elle a perçu pour les chantiers apportés, commencés avant le décès de M. [H] une somme de 10000 €.

Le conseil des prud'hommes rappelle à juste titre que celui ou celle qui affirme travailler sous contrat de travail doit en rapporter la preuve, et que la reconnaissance d'un contrat de travail repose sur trois critères indissociables : la rémunération ,la prestation de travail et le lien de subordination.

La déclaration unique d'embauche versée aux débats par Mme [B] du 15 décembre 2011 mentionne une date d'embauche à compter du 2 janvier 2012; à l'évidence ce document ne permet nullement d'établir l'existence d'une relation salariée à compter d'octobre 2011, comme le souligne fort justement la société ISM.

La cour constate que les pièces produites par Mme [B] (le seul témoignage de M. [G] mentionnant une association entre M. [H] et Mme [B] , et un extrait KBIS de la société ARCADIA du 14 juin 2010 indiquant que Mme [B] était gérante)ne permettent pas de déterminer les circonstances exactes de sa collaboration avec M. [H]; par ailleurs les pièces versées aux débats par la société ISM ( devis du 13 décembre 2011 relatif au renouvellement du contrat de souscription pour Auto CAD Revit Architecture Suite, contrat à échéance au 6 octobre 2011 enregistré au nom de [N] [H] et à des honoraires de transfert de licence Auto CAD Revit Architecture Suite ainsi qu'une facture du 12 janvier 2012 au nom de la société ISM pour le renouvellement de souscription Revit Architecture Suite) qui établissent que les licences litigieuses étaient la propriété non de Madame [B] mais celle de Monsieur [H] et ont été transférées à la société ISM, n'apportent aucun élément déterminant de nature à corroborer les allégations de l'appelante selon lesquelles dans l'attente d'une association avec la société ISM, il a été convenu qu'elle serait salariée à compter du 10 octobre 2011, alors que de son côté la société ISM dans un courrier du 13 septembre 2013 indique que Madame [B] lui a permis de rencontrer des clients qui étaient en contact avec son précédent employeur malheureusement décédé, termes qui n'apparaissent pas avoir été démentis par Madame [B].

L'existence d'un travail de collaboration entre la société ISM et Madame [B] à compter d'octobre 2011 n'est donc pas contestée, de sorte que les différentes attestations produites par la salariée émanant de clients attestant avoir eu comme intermédiaire Madame [B] mandatée par la société ISM n'apportent aucun élément probant quant à l'existence d'une relation de travail salarié entre les parties; bien au contraire la cour relève que dans une attestation M. [Z] déclare avoir à partir de début novembre 2011 rencontré Madame [B] et Monsieur [O]( président de la société ISM) se présentant comme associés.

Le versement de la somme de 10'000 € versée sous forme de 'primes' figurant sur les bulletins de l'intéressée de début 2012 , ne permet pas à lui seul de caractériser l'existence d'un contrat de travail antérieur à cette date, alors même que l'employeur soutient avoir voulu indemniser par cette somme l'apport de clientèle de Mme [B] à son employeur, ce qui n'est pas étranger au travail de collaboration engagé depuis octobre 2011 entre les parties, pour traiter des clients apportés par Mme [B]. Il ne saurait donc être déduit des propos de l'employeur dans le courrier précité du 13 septembre 2013, l'existence d'une reconnaissance par lui d'une relation de travail salariée d'octobre à décembre 2011.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a pouvoir de donner des ordres et directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Les pièces versées aux débats par l'appelante ( notamment les courriels et courriers antérieurs au 4 janvier 2012) ne permettent pas, ainsi que le relève fort justement l'intimée, de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de subordination entre Mme [B] et la société ISM d'octobre à décembre 2011. Aucune de ces pièces soumises à la cour ne contient de quelconques directives de la part de la société ISM adressée à Madame [B], tant en ce qui concerne l'exécution des prestations effectuées par elle pour le compte de divers clients, qu'en ce qui concerne les conditions de travail de celle-ci ( lieu de travail, horaires de travail...).

En conséquence la cour confirme le jugement qui n'a pas reconnu l'existence d'une relation salariale entre la société ISM et Madame [L] [B] pour la période antérieure au 2 janvier 2012.

Par voie de conséquence, la cour confirme le rejet des prétentions de Mme [B] au titre d'une indemnité de travail dissimulé, au motif que la société ISM l'aurait employée durant cette date sans la déclarer aux organismes sociaux.

Sur la demande de rappel de salaire

Mme [B] revendique un rappel de salaire sur la base d'une rémunération mensuelle nette de 4053 € , comme indiqué dans son contrat de travail, observant que ses bulletins de salaire font ressortir une rémunération inférieure versée pendant toute la relation contractuelle . Elle estime qu'il lui est dû de juillet 2012 à août 2013 une somme de 12 835,04 €.

La société ISM s'oppose à cette demande, indiquant que c'est une erreur de plume qui figure dans le contrat de travail , qu'il s'agit de 4083 € brut et non 4053 € net , et ajoute que le gérant n'a pas signé ce contrat de travail signé par la seule secrétaire qui ne disposait d'aucune délégation de pouvoir, de sorte que Mme [B] ne peut se prévaloir de cette mention erronée.

Le fait que le contrat de travail de [L] [B] a été rédigé et signé par la secrétaire [J] [B], demi-soeur de la salariée , et non par M. [Q] gérant, ne fait pas l'objet de discussion.

Le paiement d'un salaire à compter de janvier 2012 de 4083 € brut, soit 30 € de plus que la somme mentionnée dans le contrat de travail conforte l'existence de l'erreur de plume invoquée par l'employeur, laquelle apparaît donc effectivement porter tant sur la somme que sur la précision de son caractère ou brut.

La cour, comme le conseil de prud'hommes , considère que Mme [B] ne démontre pas le bien fondé de sa demande en rappel de salaire et confirme le rejet de ses prétentions.

Sur les frais de déplacement

Le conseil de prud'hommes a retenu que restait dû à la salariée la somme de 2481,53 € au titre des frais de déplacements non remboursés par l'employeur, somme que ce dernier admettait devoir. La salariée pour sa part estime due une somme de 3549,26 € pour les frais engagés de janvier à juillet 2013.

La cour observe que l'employeur dans un courrier du 11 février 2014 procède à une analyse détaillée et minutieuse des frais de déplacements dont Mme [B] a sollicité le remboursement pour cette période. Il explicite ainsi clairement pour chacun des poste de frais écarté, les raisons très circonstanciées qui s'opposent à leur prise en compte, sans que Mme [B] n'apporte des contradictions utiles et pertinentes à ses observations. En conséquence, à défaut de justifier le bien fondé de sa demande en paiement à hauteur de la somme de 3549,26 €, la cour confirme la condamnation prononcée de ce chef par les premiers juges.

Sur le licenciement

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; il appartient à l'employeur d'en rapporter la preuve;

En l'espèce, les faits reprochés à la salariée sont les suivants:

- un départ précipité en Corse et une absence de renseignements quant à sa nouvelle situation

- une indisponibilité de la salariée et un manque d'implication professionnelle

- une grave insubordination de la salariée

- les propos insultants et diffamatoires tenus par la salariée à l'égard de la société ISM.

Mme [B] entend soulever la règle non bis in idem, soutenant que les griefs contenus dans la lettre de licenciement avaient déjà fait l'objet d'une mise en garde le 13 septembre 2013.

Ce courrier du 13 septembre 2013 de l'employeur indique notamment :

....Vous avez courant juin demandé à bénéficier d'une mesure de télétravail à votre domicile à compter du 1er juillet 2013 souhaitant, pour des raisons personnelles, vous installer de manière permanente en Corse à compter de cette date. C'est dans ces conditions que vous avez quitté votre poste de travail à [Localité 1] ,le 1er juillet 2013, en mettant notre société devant le fait accompli sans même nous laisser le temps nécessaire pour formaliser cette nouvelle organisation .

Depuis, force est de constater que vous êtes très difficilement joignable, que ce soit par téléphone ou par e-mail ; nous n'avons même pas à ce jour malgré nos demandes reçues de votre part une adresse fixe en Corse qui nous permettrait d'envisager la faisabilité de la mise en place de ce nouveau mode de travail;

Nous nous interrogeons d'ailleurs sur votre véritable installation la bàs.

Nous vous avons également été contraints, le 22 août dernier, de vous adresser un courrier recommandé en vous demandant de vous ressaisir; Ce courrier , qui vous est adressé à votre dernière adresse connue à la Ciotat ,nous est revenu non réclamé.

Nous ne savons même pas si vous êtes actuellement en Corse ou sur le continent , et ne pouvons que constater que vous ne vous présentez plus depuis le 1er juillet à votre poste à [Localité 1], et que vous ne faites pas diligences dans les dossiers dont vous avez charge .

Vous avez effectué quelques brèves 'apparitions' au bureau d'[Localité 1] en août dernier, et notamment le 29 août dernier puis avez nouveau 'disparu' alors que vous deviez être présente le 30 août .

Cette situation nuit gravement au bon fonctionnement de notre entreprise et au bon suivi des dossiers en cours.

Eu égard à ces graves difficultés, il apparaît que la mise en place d'une mesure de télétravail, que vous étions peut-être disposé à envisager, lorsque vous nous en avez parlé en juin dernier, ne peut être poursuivie.

Nous vous prions en conséquence de bien vouloir à réception de la présente réintégrer votre poste dans nos locaux .

A défaut , nous serions contraints de considérer votre absence comme une absence injustifiée. ...

S'agissant des termes de votre e-mail du 11 septembre dernier, il convient d'apporter les réponses et corrections nécessaires à ce que vous soutenez.

Vous prétendez avoir apporté « toutes les affaires », Or, vous nous avez permis de rencontrer deux clients, qui étaient en contact avec votre précédent employeur, malheureusement décédé, et qui nous ont confié des dossiers que vous ne pouviez, en tout état de cause, traiter par vous-même.

En ce qui concerne les outils de production, vous avez effectivement apporté lors de votre embauche, et sans que nous n'ayons rien demandé, quelques éléments de mobilier, dont une table, un bureau et un traceur, que nous tenons dès à présent à votre disposition si vous souhaitez les récupérer, ce qui nous permettra de gagner de l'espace dans nos locaux.

Il convient par ailleurs de souligner que nous vous avons toujours fourni les moyens matériels que vous avez réclamés (ordinateur portable, logiciels spécifiques ... ).

Il est totalement mensonger de prétendre que vous avez travaillé gratuitement pendant trois mois, dans la mesure où ce travail vous a été rémunéré au titre de primes, qui figurent sur vos bulletins de salaire.

Vous prétendez ensuite que vos frais ne sont pas payés depuis 9 mois. Cette allégation est encore mensongère. Nous ne vous avons effectivement pas réglé vos éventuels frais des six derniers mois (et non des neufs derniers), pour la simple raison que vous ne nous fournissez aucune note de frais formalisant ce que nous vous devons.

S'agissant du travail de Monsieur [C] [Q], Directeur Général d'ISM, nous ne voyons pas ce qui vous autorise à juger la qualité du travail de l'un des associés et dirigeant de notre Société.

Vous prétendez aujourd'hui à une association au sein de notre entreprise. Si, eu égard à l'implication que nous attendions de vous et au possible développement commercial que vous nous aviez annoncé, nous avions effectivement exprimé la possibilité de vous associer à terme, il semble que cette prétention soit aujourd'hui tout à fait prématurée.

Nous souhaiterions pour l'heure que vous exécutiez les obligations qui vous incombent au titre du contrat de travail qui nous lie, ce qui est malheureusement loin d'être le cas.

Aussi, nous vous prions de bien vouloir nous remettre, dans les quarante-huit heures de la réception de la présente, les éléments modifiés dans le dossier GREEN GT, qui auraient dû être prêts depuis la fin du mois d'août, ou à défaut, nous indiquer sans délai les difficultés éventuelles qui peuvent justifier de ce retard.

Nous attendons également votre retour sur vos échanges avec la responsable de l'urbanisme dans le dossier Saint Mandrier.

Enfin, nous réitérons notre demande de nous fournir le détail des heures passées par affaires et la production associée à ces heures, pour les mois de juillet et août, ainsi que le planning pour la semaine du 16 au 20 septembre.

Nous regrettons la tournure que prennent les évènements et comptons sur vos prompts efforts pour que les choses rentrent dans l'ordre rapidement.'

N'ont pas vocation à sanctionner ou avertir la salariée, les simples instructions et directives de l'employeur relevant de son pouvoir de direction ; tel est le cas des demandes formulées par la société ISM dans cette correspondance, s'agissant des éléments relatifs à un dossier GREEN GT, des fiches d'heures, d'un planning. Tel est le cas également de la demande de réintégration de la salariée dans les locaux, Mme [B] ne pouvant valablement soutenir que cette décision unilatérale de l'employeur consistant en la suppression de la mesure de télétravail est une sanction disciplinaire. En effet , la cour relève l'absence de tout avenant régularisé au contrat de travail mentionnant un télétravail, conformément aux dispositions de l'article L1222-9 du code du travail et que dès lors cette demande de l'employeur ressort de son pouvoir de direction. Le fait pour l'employeur de dire à la salariée qu'il compte sur ses prompts efforts pour que les choses rentrent dans l'ordre, ne n'analyse pas non plus en une sanction ou un avertissement, de sorte qu'il est à bon droit soutenu par la société ISM que ce courrier du 13 septembre 2013 ne constitue pas une mesure disciplinaire. Ce moyen doit être rejeté.

Sur le grief relatif à un départ précipité en Corse et une absence de renseignements quant à sa nouvelle situation

Il est acquis que la salariée avait quitté le continent au plus tard le 1er juillet 2013. C'est donc à bon droit que Mme [B] entend faire observer que son déménagement son départ en Corse ne peut lui être reproché dans le cadre du licenciement en application de l'article L 1332-4 du code du travail qui prévoit une prescription des faits fautifs de deux mois, alors que la convocation à entretien préalable date du 21 octobre 2013.

Si la salariée écrit dans un e-mail du 11 septembre 2013 que lors d'une réunion de travail le 29 août il a été évoqué la possibilité de créer une succursale en Corse , ce qui n'est pas contesté par l'employeur, de tels échanges sont indifférents quant au grief précis selon lequel la salariée n' a pas communiqué ses coordonnées nouvelles en Corse à son employeur.

La société ISM établit la matérialité de ce grief , au vu des courriers versés aux débats ( e-mail de M. [O] Président de la société , à la salariée du 13 août 2013 : Il semble que tu sois maintenant installée , courrier précité du 13 septembre 2013 : Nous ne savons même pas si vous êtes actuellement en Corse ou sur le continent) Madame [B] ne peut valablement soutenir le contraire et indiquer notamment avoir informé son employeur dès le 27 mai 2013 de sa nouvelle adresse en Corse, au moyen d'un courrier adressé par elle à cette date contenant ces précisions , ledit courrier étant un courrier sollicitant une inscription de son enfant au collège et n'étant de toute évidence pas à l'attention de l'employeur; bien au contraire l'attestation de Monsieur [V] concubin de la salariée , produite par Mme [B], permet de démontrer que cette dernière n'a pas indiqué à cette époque à son employeur qu'elle habitait [Adresse 3] alors que Monsieur [V] explique lui-même, que jusqu'à fin août Madame [B] et lui-même ainsi que ses enfants habitaient en transit dans la résidence du SPERONE ( location de vacances) situé à [Adresse 3] en attendant la construction de sa maison et que dans ce contexte [L] [B] n'a pas eu d'adresse postale ni une ligne de téléphone fixe avant fin août 2013, en sachant que le téléphone portable passe très mal en Corse.

Il est justement observé par l'employeur que Madame [B] s'est abstenue de toute réponse au courrier du 13 septembre 2013 dans lequel il était déploré de nouveau l'ignorance de la société ISM quant à son domicile, de sorte que cette information n'apparaît effectivement avoir été portée à la connaissance de l'employeur que par la réception le 17 septembre 2013 de l'arrêt travail en date du 12 septembre 2013 de l'intéressée.

La société ISM rapporte donc la preuve que Madame [B] s'est abstenue d'informer la société ISM de son nouveau domicile malgré les sollicitations de son employeur. Quand bien même les modalités d'un télétravail à compter de juillet 2013 auraient fait l'objet d'un accord tacite de l'employeur, force est de relever qu'elles impliquaient, afin de garantir la bonne organisation de l'entreprise, la nécessité de pouvoir communiquer utilement et donc pour la salariée de porter à la connaissance de son employeur ses coordonnées précises. S'y étant abstenue, Mme [B] est donc fautive et le grief formulé par la société ISM de ce chef est cractérisé.

Sur le grief relatif à une indisponibilité de la salariée et un manque d'implication professionnelle

La société ISM justifie avoir interrogé à plusieurs reprises , en vain Mme [B] sur son silence:

- courrier de M. [O] à la salariée à son adresse à la Ciotat en date du 22 août 2013 en ces termes:

Te joindre relève de la mission impossible, téléphones portables sur messagerie, SMS sans réponse, mail professionnel sans réponse, mail personnel sans réponse, téléphone fixe sur messagerie également. A cela nous déplorons également qu'aucune communication de ta part sur aucun des supports de la société ou de ses collaborateurs ne soit faite. Comment peut-on envisager de travailler sereinement dans ces conditions '

D'accord sur une souplesse du poste de travail mais nous avons largement dépassé ce stade depuis plusieurs semaines. Ton silence, que tu nous imposes, nous autorise à imaginer de multiples scénarios tant au niveau des causes que des remèdes;

ainsi concernant GREEN GT tu as juste laissé un message (en dehors des jours ouvrables) un vague message pour nous dire « OK » pour la réunion du jeudi 29 août avec le maître d'ouvrage, c'est un peu sommaire non '... Il est indispensable que nous échangions...

Nous sommes également dans l'attente de communication de ta part concernant les autres dossiers dont tu as la charge....

Tu as demandé un nouveau logiciel de CAO .. Nous avons réalisé cet investissement et t'avons transmis le code d'activation. Nous ne savons pas si tu à réaliser cette opération et si tu as commencé à utiliser le logiciel en question.

Beaucoup d'interrogations donc auxquelles nous mettrons les réponses qui nous conviennent à défaut d'avoir des réponses circonstanciées.

- mail de M. [O] à la salariée le 27 août 2013 en ces termes: il est 12h30 et toujours impossible de te joindre et je n'ai rien reçu concernant le dossier de GREEN GT. Que se passe-t-il ' Merci de m'appeler

- mail de M. [O] à Madame [B] du 11 septembre 2013 en ces termes: les nouvelles sont rares. Je ne sais pas sur quoi tu travailles et je ne vois pas de production concrète de ta part...

Les affirmations de l'employeur selon lesquelles en dehors d'une apparition le 29 août 2013, la salariée ne s'est que très peu manifestée , et s'est abstenue par ailleurs de répondre aux demandes réitérées de son employeur sont corroborées par les pièces produites aux débats et loin d'être contredites par de quelconques éléments contraires, ressortent des propres déclarations du témoin M. [V] qui précise que jusqu'à fin août, sa compagne ne disposait d'aucun véritable moyen de communication.

Ces griefs sont donc établis.

Sur le grief relatif à une grave insubordination de la salariée

Par courriel du 11 septembre 2013 l'employeur a rappelé à sa salariée qu'il avait demandé un compte rendu de la dernière réunion.. Un planning.. Une fiche d'heure..

Madame [B] par un mail en réponse le même jour écrit en ces termes: si vous voulez me mettre à la porte ne vous gênez pas, je ne me battrai pas. Par contre, évite de m'envoyer des mails de ce ton, digne d'une multinationale. Tu peux prendre ton téléphone pour me le dire de vive voix.

... Vu ton mail, je ne viendrai pas demain je ne vais dépenser 300 € pour rien et je ne remplirai pas de fiche d'heure.

L'insubordination de la salariée, qui plus est exprimée en des termes irrespectueux, est ici établie par l'employeur.

Sur le grief relatif aux propos insultants et diffamatoires tenus par la salariée à l'égard de la société ISM

Mme [B] a adressé le 23 septembre 2013 à l'employeur un courriel en ces termes :

Monsieur Le Directeur Général,

Je vous envoie ce mail suite à notre conversation téléphonique de ce matin où vous m'avez sommée de venir récupérer mon matériel au bureau. A défaut, vous m'avez menacée de vous en débarrasser. Je vous rappelle que vous faites usage de ce matériel depuis 2 ans.

Vous utilisez le chantage comme moyen de pression, ce qui est guère à votre honneur mais dans la continuité de votre entreprise malhonnête. Entreprise que vous avez préméditée depuis le début en me bernant pour mieux m'escroquer sous couvert d'une promesse d'association.

Je vous rappelle que je suis en arrêt maladie et je ne suis donc pas en mesure de récupérer le matériel. Vous attendrez le jour de mon retour au bureau. Dans le cas où vous mettriez vos menaces à exécution, je vous tiendrai personnellement responsable de la disparition du matériel.

Au vu de vos agissements plus que peu louables, je ne vous salue pas.

[L] [B] soutient à tort que ses propos n'excèdent nullement la liberté d'expression dont jouissent les salariés dans le cadre de l'exécution du contrat de travail .

Aux termes de l'article L. 2281-1 du Code du travail, les salariés bénéficient comme rappelé par le conseil de prud'hommes « d'un droit à l'expression directe et collective sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail ». Ce droit ne saurait toutefois permettre aux salariés de tenir des propos injurieux, excessifs ou insultants à l'endroit de l' employeur. Les premiers juges ont justement observé que tel est le cas en l'espèce, les propos de Mme [B] dépassant les limites de la liberté d'expression, étant orientés pour porter atteinte à l'honneur ou la considération du dirigeant de l'entreprise, quand bien même Mme [B] invoque une colère légitime au regard d'un projet d'association avorté, ce qui ne saurait en tout état de cause justifier un tel comportement de la salariée. La société ISM rapporte donc la preuve de la matérialité de ce grief.

La cour constate en conséquence que la carence de la salariée qui s'est abstenue de communiquer à son employeur ses coordonnées nouvelles alors qu'elle envisageait un télétravail, de répondre à ses demandes réitérées , l'insubordination de celle-ci, qui a refusé de surcroît en des termes irrespectueux d'exécuter les directives de l'employeur, et la tenue de propos injurieux à l'égard de ce dernier constituent un comportement fautif grave, rendant impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise. La cour confirme le jugement du conseil de prud'hommes ayant dit justifié le licenciement pour faute grave de

[L] [B] et l'ayant déboutée de l'ensemble de ses demandes en paiement afférentes au licenciement.

Sur la délivrance des documents rectifiés

Cette demande n'apparaît pas justifiée.

Sur la demande de restitution des logiciels Auto CAD et Revit

Mme [B] ne peut valablement soutenir être fondée à obtenir la restitution des licences dont s'agit, à défaut de démontrer en être propriétaire. Le conseil de prud'hommes a donc à juste titre débouté la salariée de cette demande.

Sur la demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité

[L] [B] a fait l'objet d'un examen médical par la médecine du travail le 10 septembre 2012. L'organisation tardive de cet examen, au regard des dispositions des articles R4624-10 et R 4624-11 du code du travail n'est pas discutée. Pour autant, la société ISM objecte de manière pertinente que la salariée ne justifie nullement l'existence d'un préjudice né de ce manquement de l'employeur.

La cour confirme le rejet de cette demande.

Sur la demande de dommages et intérêts pour apport de clientèle.

Le contrat de travail ne comporte aucune mention relative à une indemnisation de la salariée quant à l'apport par elle de clientèle à son employeur. La société ISM admet toutefois avoir indemnisé Madame [B] à hauteur de 10'000 € , somme versée en plusieurs fois à compter de janvier 2012. Ces paiements ne sont pas contestés.

Mme [B] ne justifie par aucune pièce probante et notamment pas au moyen d' un courriel de l'expert comptable de la société ISM faisant référence à une entrée d'un nouvel associé qui sera rémunéré par l'octroi de 100 actions de la société , la valeur de la clientèle qu'elle prétend avoir apportée, selon elle 60 000 €. Dès lors à défaut de démontrer un quelconque appauvrissement, la demande en paiement fondée sur l'enrichissement sans cause de la société ISM n'apparaît pas fondée. La cour confirme le rejet de ses demandes de ce chef.

Sur les autres demandes

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour confirme la décision des premiers juges procédant à un partage des dépens et dit qu'il sera fait de même en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement rendu par le conseil des prud'hommes le 9 septembre 2015 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d'appel seront partagés entre les parties.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 15/16979
Date de la décision : 06/10/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°15/16979 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-10-06;15.16979 ?
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