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05/10/2017 | FRANCE | N°15/16155

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre b, 05 octobre 2017, 15/16155


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 05 OCTOBRE 2017



N° 2017/294













Rôle N° 15/16155







[P] [W]





C/



SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE COTE D'AZUR





















Grosse délivrée

le :

à :

Me LEVAIQUE

Me ROUILLOT













Décision déférée à la Cour :r>


Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 17 Août 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/04509.





APPELANT



Monsieur [P] [W]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Laurence LEVAIQUE de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 05 OCTOBRE 2017

N° 2017/294

Rôle N° 15/16155

[P] [W]

C/

SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE COTE D'AZUR

Grosse délivrée

le :

à :

Me LEVAIQUE

Me ROUILLOT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 17 Août 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/04509.

APPELANT

Monsieur [P] [W]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Laurence LEVAIQUE de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Sirio PIAZZESI de la SELARL CABINET PIAZZESI AVOCATS, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE COTE D'AZUR agissant poursuites et diligences de son représentant légal,

dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Maxime ROUILLOT de la SCP ROUILLOT - GAMBINI, avocat au barreau de NICE

assistée de Me Sophie BERLIOZ, avocat au barreau de NICE, substituant Me ROUILLOT

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 06 Juin 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Mme DUBOIS, conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Valérie GERARD, Président de chambre

Mme Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller

Madame Anne DUBOIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Octobre 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Octobre 2017,

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DES FAITS :

Selon offre de prêt du 23 août 2008 acceptée le 5 septembre 2008, la Caisse d'Epargne a consenti à [P] [W] un prêt de 867.000 € remboursable en 360 mensualités de 5.173,88 € au taux de 5,30% l'an pour l'acquisition d'une maison avec piscine sur un terrain de 5 197 m² à [Localité 2].

Le 4 novembre 2008, elle lui a consenti un deuxième prêt personnel de 19.000 € remboursable en 60 mensualités de 396,64 €, destiné à financer des travaux.

Rencontrant des difficultés financières, l'emprunteur a décidé en août 2010 de créer une SCI dénommée la Pinsonnière, de détacher une partie de son terrain et de la vendre à la SCI pour qu'elle y édifie une maison d'habitation, le but de l'opération étant d'obtenir un nouveau prêt pour la construction de cette seconde maison, et parallèlement de vendre l'habitation existante.

Le 13 juillet 2011, la Caisse d'Epargne lui a ainsi consenti un prêt relais de 849.583,49 € garanti par la caution de la SA Compagnie européenne de garanties et de cautions, destiné au remboursement de la totalité de l'emprunt initial, pour lui permettre de revendre le bien dans un délai de 24 mois.

Elle a concomitamment accordé à la SCI la Pinsonnière un prêt de 319.475 € pour l'achat de la partie du terrain détachée. Le deuxième prêt prévu est devenu caduc car la construction n'a pas eu lieu.

La maison initialement acquise n'ayant pu être revendue dans le délai de 24 mois, le prêt relais est devenu exigible.

La Caisse d'Epargne a actionné la caution, laquelle après avoir réglé ce prêt, a assigné M. [W] devant le tribunal de grande instance de Grasse par acte du 11 décembre 2013.

L'emprunteur a parallèlement assigné la Caisse d'Epargne en responsabilité pour manquements à ses devoirs de mise en garde et de conseil devant le tribunal de grande instance de Nice par acte du 30 juillet 2013.

Par jugement du 17 août 2015, la juridiction niçoise a débouté M. [W] de l'ensemble de ses prétentions et l'a condamné à payer à la Caisse d'Epargne la somme de 1.000 € du chef de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Par acte du 7 septembre 2015, M. [W] a interjeté appel.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 10 mai 2017 et tenues pour intégralement reprises, il demande à la cour de :

- rabattre l'ordonnance de clôture du 9 mai 2017,

- en la forme :

- le recevoir en son appel,

- débouter la société intimée de toutes ses demandes fins et conclusions,

- au fond : y faisant droit :

- réformer la décision entreprise,

- dire et juger que la banque intimée lui a consenti des crédits excessifs,

- dire et juger qu'elle a manqué à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde,

- en conséquence :

- la condamner à payer les sommes de 937.053.48 € outre intérêts au taux de 4,94% l'an à compter du 5 août 2013 et de 24 921.30 € outre intérêts au taux de 8.37% l'an à compter de l'assignation,

- subsidiairement :

-ordonner avant dire droit à la caisse d'épargne de verser aux débats le rapport de la SACCEF établi à l'occasion de la mise en place du prêt consenti par la banque en août 2008,

- condamner la banque intimée à payer au concluant la somme de 10.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civil,

- la condamner aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP Ermeneux.

Dans ses dernières écritures déposées et notifiées le 15 mai 2017 et tenues pour intégralement reprises, l'intimée prie la cour de :

- ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture du 9 mai 2017 et accueillir les présentes écritures,

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,

- dire et juger inopérants les moyens d'appel de M. [W],

- en conséquence :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- y ajoutant :

- condamner [P] [W] au paiement de la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens d'appel distraits au profit de la SCP Rouillot Gambini.

L'ordonnance de clôture du 9 mai 2017 a été révoquée et une nouvelle clôture est intervenue le 6 juin 2017.

***

*

SUR CE :

Le banquier dispensateur de crédit n'est tenu, au moment de la souscription du contrat litigieux, d'un devoir, non d'ailleurs de conseil, mais de mise en garde, qu'à la double condition que son cocontractant soit une personne non avertie et qu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt.

En l'espèce, quand bien même M. [W] est commandant de bord, il ne dispose d'aucune compétence spécifique démontrée en matière immobilière et financière et n'avait encore souscrit aucun emprunt immobilier.

Il ne peut donc être qualifié d'emprunteur averti et la première condition pour la mise en jeu du devoir de mise en garde de l'intimée est remplie.

Mais il incombe encore à l'appelant de rapporter la preuve que la Caisse d'Epargne lui a consenti un crédit excessif c'est-à-dire dépassant ses facultés de remboursement.

S'agissant du prêt de 2008 :

Contrairement à ce que M. [W] soutient, le ratio de 33% qu'il invoque ne constitue pas une norme constante devant s'appliquer quel que soit le montant des revenus de l'emprunteur et engageant automatiquement la responsabilité de la banque en cas de dépassement.

En l'espèce, si le prêt consenti en 2008 a généré un taux d'endettement de 56%, il n'en reste pas moins qu'il servait à acquérir le logement familial et que l'appelant percevait, selon son avis d'imposition 2009, un revenu mensuel de plus de 9.000 € en 2008, lui laissant ainsi un solde disponible d'environ 4.000 € par mois, sachant que son épouse percevait à l'époque un salaire mensuel de 900 €.

Par ailleurs, M. [W] n'établit pas qu'il avait informé la banque de difficultés financières nécessitant des aides régulières de ses parents à hauteur de 44.346 €, l'attestation de ces derniers du 21 août 2008 soulignant seulement qu'ils ont donné à leur fils une somme de 23.000 € en complément d'un chèque de banque de 39.500 € à l'étude notariale.

L'existence de soldes débiteurs de son compte courant, qui n'ont jamais dépassé une période de trois mois, est donc insuffisante à démontrer un crédit excessif d'autant que les lettres de relance de Cofidis, Cetelem et Franfinance de septembre 2010, octobre 2010 et janvier 2011 sont postérieures à l'octroi du prêt et que l'appelant se contente de fournir une liste qu'il a rédigée lui-même de crédits à la consommation qu'il aurait souscrits en 2008 sans y annexer les contrats correspondants.

Enfin, la demande de garantie de la SACCEF est laissée à la libre appréciation de l'organisme préteur et non de l'emprunteur. Le remplacement de cette garantie par une inscription de privilège de prêteur de deniers et une hypothèque conventionnelle, qui ne présentent ni l'une ni l'autre de caractère exceptionnel, n'a aucune signification particulière justifiant d'ordonner à la banque de produire le rapport de la SACCEF.

Par conséquent, en l'absence de risque de l'endettement né de l'octroi du crédit immobilier de 2008, de surcroît remboursé par le prêt relais de 2011, la Caisse d'Epargne n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde à l'égard de M. [W] quand bien même il avait contracté à 44 ans un prêt remboursable sur 30 ans.

S'agissant du prêt de 2011 :

L'appelant soutient que la banque a aussi manqué à son devoir de conseil et de mise en garde en 2011 en consentant sciemment, tout en sachant son client surendetté, au montage consistant en la création d'une SCI aux fins d'acquisition d'une parcelle détachée du terrain acquis en 2008, pour y construire le logement familial et revendre l'habitation existante sur la parcelle restante.

Il considère que l'intimée devait apprécier la situation juridique de l'opération, notamment quant à l'état d'enclave du terrain, et la faisabilité du projet par rapport aux règles de l'urbanisme et subséquemment, refuser de financer cette opération hasardeuse.

Mais, en vertu du principe de non immixtion, le banquier dispensateur de crédit n'a pas de devoir de conseil envers son client et ne peut donc voir sa responsabilité être engagée de ce chef que dans les cas où il a joué un rôle actif dans l'élaboration du projet et fourni un conseil inadapté à la situation de l'emprunteur.

En l'espèce, M. [W] ne rapporte aucunement la preuve que la Caisse d'Epargne serait intervenue de quelque manière de que soit dans le montage qu'il critique aujourd'hui étant observé que le détachement de la parcelle réalisé le 28 janvier 2010, la création de la SCI la Pinsonnière le 30 juillet 2010 et les mandats de vente de son bien immobilier des 7 mars 2011 et 14 mai 2011, sont bien antérieurs à l'offre du prêt relais formulée le 1er juillet 2011.

L'intimée n'avait donc pas l'obligation d'apprécier l'opportunité ou les risques de l'opération financée dont l'échec, qui résulterait d'une absence de servitude ce passage sur le terrain acquis en connaissance de cause par l'emprunteur en 2008, ne peut être imputé à l'établissement financier.

Par ailleurs, il s'avère que l'offre du crédit relais de juillet 2011 permettait à l'appelant, rencontrant des difficultés financières et souhaitant de ce fait vendre son bien immobilier depuis mars 2011, non seulement de voir son prêt précédent soldé mais aussi de bénéficier d'un délai de deux ans pendant lequel il ne remboursait plus que l'emprunt souscrit parallèlement par la SCI la Pinsonnière par mensualités de 1.890,77 €.

Le projet était donc parfaitement viable et adapté aux capacités financières de l'appelant quand bien même le couple [W] avait antérieurement contracté divers crédits travaux et de consommation qu'il s'était engagé à rembourser dès l'obtention du prêt par la SCI, par courrier du 17 juin 2011, étant observé que l'emprunteur ne démontre pas la réalité de son fichage au FICP dont il avait été menacé par Cofidis, Cetelem et Franfinance en cas de non régularisation des incidents de paiement.

C'est seulement l'absence de vente du bien immobilier dans les deux ans pour une question de règlement d'urbanisme, qui est à l'origine du non remboursement du crédit relais sans que la responsabilité de la banque puisse être retenue de ce chef, étant souligné que la mauvaise foi de celle-ci ne peut être alléguée au motif qu'elle a recouru à un cautionnement de la CEGIC.

C'est donc à bon droit que le premier juge a débouté M. [W] de l'ensemble de ses demandes et le jugement sera par conséquent confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

L'appelant qui succombe, sera condamné aux dépens et à payer à l'intimée la somme de 2.000 € du chef de l'article 700 du code de procédure civile.

***

**

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

CONDAMNE M. [W] à payer à la Caisse d'Epargne la somme de 2.000 € du chef de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE le surplus des demandes,

CONDAMNE M. [W] aux dépens d'appel distraits au profit de la SCP Rouillot-Gambini conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre b
Numéro d'arrêt : 15/16155
Date de la décision : 05/10/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8B, arrêt n°15/16155 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-10-05;15.16155 ?
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